mardi, mai 30, 2006

mardi 30 mai

Vendredi 26 mai 2006, Trentels, 22h30, l'accordéon de Nano,
"créateur de musique", se prépare à sa performance

Samedi 27 mai 2006, Trentels, 20h15, l'accordéon de Patrick Fournier et la guitare d'Alain "Bulon" Buisson préparent une bonne blague destinée à la contrebasse de Stephen Harrisson


lundi, mai 29, 2006

lundi 29 mai - nokia 27 mai

freeBidou


Richard Galliano

lundi 29 mai - nokia 26 mai

Antonio Rivas

Nano

lundi 29 mai

Deux jours en mai : images subjectives de Trentels…

- une table réservée « 1 » le vendredi, réservée « 0bis » le samedi. Dès la seconde soirée, on se reconnaît et l’on se salue ; Michel Macias est en famille à la table réservée « 0 ».
- aux menus, bœuf bourguignon, tapas, gâteau basque, eau minérale, bière ou vin, café. Tout ça sur le pouce en attendant le début du concert.
- un grand espace vert planté d’arbres, des soirées lumineuses ; la température tombe entre le premier et le second concert, avec la disparition du jour et l’apparition des premières étoiles. En mai, fais ce qu’il te plaid
- Antonio Rivas et ses acolytes nous expliquent la cumbia, le valletano, el son, el paseo, el merengue, la puya… et surtout nous les font entendre ; la guacharaca, maniée avc dextérité par El Chino est une sorte de râpe à fromage cylindrique, qui maintient les rythmes sans faiblir. Au fur et à mesure des morceaux, la chemise rouge d’Antonio Rivas vire au grenat ; quand il vient à notre table pour signer quelques autographes, je vois qu’elle est à tordre. Au troisième rappel, il avoue sa fatigue. « Une heure et quart, dit-il, ça me suffit… je suis un sprinteur ! ». Au moment où il s’éloigne dans la nuit, je lui souhaite une bonne douche ; il me répond hilare : « ça ne sera pas du luxe ! ».
- Par contraste avec le sprinteur, Nano serait plutôt du genre marathonien. Une sorte de Pierrot lunaire aux pieds nus. Narcisse se mirant dans son accordéon. Je ne saisis pas la ligne de son propos ; on ouvre des pistes, on les referme, on y revient… je me perds à essayer de le suivre, mais justement, je remercie les programmateurs de l’avoir invité. Parfois j’ai cru reconnaître des accents de Pink Floyd… Dommage qu’ils n’aient pas connu l’accordéon chromatique dopé à l’électricité…
- autour de Trentels, des bastides magnifiques et des sites magnifiques perchés sur des promontoires : Penne d’Agenais, Montflanquin, Villeréal… plus loin, Fleurance, sa halle et son église. Des charpentes dignes de la Royale ! Nous déjeunons très agréablement sur la terrasse ombragée d’un restaurant : « Au bon Chabrol ». Un couple de retraité à la recherche d’une maison à acheter discute avec un retraité à la recherche d’acquéreurs pour sa maison… Avec Françoise, nous nous demandons si les gens d’ici parlent d’autre chose que de ventes ou d’achats immobiliers, avec leur corollaire : la restauration… ce qui est sûr, c’est que quelques uns, à Trentels, parlent d’accordéons…
- les freeBidou sont un groupe fort sympathique. Le contrebassiste britannique est habillé en costume noir, petit gilet et cravate sur chemise blanche. Il en fait voir de toutes les couleurs à son instrument. Tous les trois nous en font entendre des vertes et des pas mûres. Humour, inventivité… Le banjo de Buisson, c’est un instrument à cordes ou un instrument de percussion ? A la fin de leur concert, Stephen Harrisson accepte d’écrire quelques mots destinés à Charlotte et à Camille sur la couverture de leur disque que je viens d’acheter.
- de Galliano, que dire ? Un seul mot me vient à l’esprit : présence. Quand il est en scène et qu’il joue, sa présence occupe tout l’espace et le temps. On en sort comme sidéré ; on est sous le charme, au sens le plus fort du terme. J’aime la manière dont il s’empare des standards ; c’est à cette occasion surtout que je comprends le mieux, me semble-t-il, ce qui fait son génie.
- après les concerts, autour de minuit, douze kilomètres de route pour rejoindre notre hôtel à Fumel. Douze kilomètres : le temps de chercher et de trouver les mots pour nous dire nos impressions, le temps de fixer quelques images pour ce blog !
- un dernier mot pour remercier les organisateurs de ce festival et pour souhaiter longue vie à leur entreprise !

dimanche 28 mai

Nous avons passé une grande partie de la journée à visiter des bastides alentour. Outre l’architecture et l’urbanisme, nous avons noté à plusieurs reprises que des Land-Rover immatriculées 47 (Lot-et-Garonne) avaient la conduite à droite… Ont-elles été importées du Royaume-Uni ? En tout cas la présence de britanniques… et de hollandais se voit et s’entend à tous les coins de rue et devant les innombrables agences immobilières.

- quand nous arrivons, vers 19h30, Richard Galliano fait ses réglages. Très professionnel. Insatisfait en ce qui concerne l’accordina, il décide de ne pas l’utiliser pour son concert.
- le concert de 20h30 du samedi 27 est assuré par freeBidou. Patrick Fournier, accordéon, Alain « Bulon » Buisson, guitare et banjo… et contrebasse, Stephen Harrisson, contrebasse et guitare. Un truc bien rôdé, plein d’humour. A l’entracte, j’achète le premier disque des freeBidou… 10 euros ! moins de 25 minutes ! ça aussi, c’est un bon indice d’humour ! Une très belle version de Vesoul de Jacques Brel.
- le concert de 22h30 : solo de Galliano. Laurita, Fou Rire, Habanerando, Valse à Margaux, Tango pour Claude, New York Tango, etc… et Chat-pitre, à ma connaissance une composition inédite (pour un prochain disque ?). Chemise noire, pantalon noir, souliers noirs. Pieds joints, Richard Galliano dialogue avec son Victoria dans une sorte de corps à corps tel que son jeu ressemble à une succession de sculptures. Je ne sais pourquoi, mais je pense à Rodin.
- le second concert, vendredi et samedi, était un solo. Nano, Galliano. Il y a de la virtuosité technique chez les deux, mais curieusement je ne perçois aucun discours construit chez Nano, sinon un monologue interminable construit à partir d’associations d’idées, alors que Galliano me fait partager la construction de son discours. J’écoute Nano mais les sons qu’il produit ne provoquent chez moi aucune émotion ; j’écoute Galliano et c’est chaque fois une émotion nouvelle.
- vers minuit, retour à l’hôtel.

dimanche, mai 28, 2006

samedi 27 mai


Nous reviendrons en détail sur le festival « Accordéons-nous » à Trentels. Pour l’instant, je m’en tiens à quelques données factuelles :

- sur la route de Fumel, où nous avons retenu une chambre d’hôtel, nous nous arrêtons à Trentels, vers 16h30, pour repérer les lieux. Les gens rencontrés sont affairés, sans excès, et très sympathiques.
- à 19h30, nous rejoignons la table qui nous a été réservée : "réservé 1" ! Il faut dire que nous avions réservé depuis des mois...
- le concert de 20h30 du 26 est assuré par Antonio Rivas Trio. Antonio Rivas à l’accordéon diatonique, Kent Biswell à la guitare et Robin Vitry, El Chino, au guacharaca. Souci didactique, humour, bonne humeur… Antonio Rivas transpire tellement que, selon ses propres paroles, il a peur de perdre sa couleur et que la serviette blanche, qu’on lui a fournie, déteigne sur son visage. Après le concert, des enfants lui demandent des autographes. Pour écrire plus commodément il vient s’installer à notre table et semble vraiment enchanté qu’on lui dise à quel point on a apprécié sa prestation. Il signe un programme pour Charlotte et Camille.
- le concert de 22h30 est assuré par Nano. Suivant ses dires, il compose et interprète de la musique pour nous… pendant un peu plus d’une heure sans interruption. J’ai conscience de ne pas savoir pleinement apprécier son style, pas plus en direct que par l’intermédiaire du disque. J’apprécie que les organisateurs aient programmé un tel artiste, précisément pour me déranger un peu. En tout cas, comme accordéoniste introverti aux pieds nus, il est difficile de faire mieux. J’y reviendrai…
- vers minuit et quart, nous reprenons la route vers l’hôtel.

jeudi, mai 25, 2006

vendredi 26 mai

- « Clasico y Moderno, Mosalini y Quatuor Benaïm interpretan Beytelmann », 2005 Manana, Naïve distribution.

Compositions, arrangements et direction : Gustavo Beytelmann ; Juan José Mosalini : bandonéon ; Yaïr Benaïm : 1er violon ; Alexandra Greffin 2nd violon ; Myriam Guillaume : alto ; Cédric Conchon : violoncelle.

Après plusieurs écoutes attentives, je continue à trouver la musique de ce disque difficile d’accès pour moi. Il est accompagné d’un livret de présentation, succinct mais très pertinent, écrit par Andrea Cohen (Paris, 2005).

J’en retiens cette idée que la rencontre du bandonéon et du quatuor de cordes conduit en quelque sorte à une double métamorphose : du bandonéon en présence de l’ensemble instrumental classique et du quatuor en présence du bandonéon, et d’autre part qu’il en résulte l’évidence des sources classiques et européennes du tango.

« La musique de Beytelmann est celle d’un compositeur qui trimballe le tango dans sa valise d’exilé comme une deuxième langue maternelle, et qui a mûri, comme lui, loin du pays, ouverte à de multiples influences. Dans cette série, certaines pièces sont plus proches du tango, d’autres sont aux frontières d’autres musiques du XXe siècle. Alors, tango oui ? non ? peut-être ? tango, si, tout de même. Nous sommes dans le tango contemporain, héritier de Pugliese, Salgan, Piazzolla, parmi tant d’autres musiciens argentins qui ont su intégrer dans le tango les tendances musicales de leur époque ».

……

Demain, en début d’après-midi, nous partons pour Trentels (Lot-et-Garonne), à 12 kms à l’ouest de Fumel. Nous avons retenu depuis fort longtemps nos places pour les repas et les concerts des 26 et 27 de ce mois. Festival « Accordéons-nous ». Au programme :

- vendredi 26 mai, concert à 20h30 avec Antonio Rivas Trio et à 22h30 avec Arnaud Méthivier dit Nano ;
- samedi 27 mai, concert avec freeBidou à 20h30 et avec Galliano en solo à 22h30.
- Les deux soirées… 30 euros !
- A cela s’ajoute un concert-bal à 15 h le dimanche avec Gascohna Plus et divers stages du samedi au dimanche, où je retiens les noms de Rivas, Pariselle et Macias. Il est même question d’une Foire gourmande. J’espère qu’en ce doux pays, il y aura aussi des bistrots et des rencontres de bistrot.

On fait une petite prière païenne aux dieux météorologiques mais, rationalisme oblige, on emporte aussi des pulls à col roulé et une couverture de laine… Les soirées sont fraiches en mai. Dès notre retour, bien entendu, nous mettrons noir sur blanc nos impressions, sensations, images et autres plaisirs.

mercredi, mai 24, 2006

jeudi 25 mai

Au cours de la journée, le ciel s’est progressivement éclairci jusqu’à la disparition du plus petit nuage. Le soleil commence à taper fort. Les draps, nappes et serviettes ont séché sur l’herbe. Ce sont des odeurs de foin que l’on va enfermer dans l’armoire à linge et dans les placards. Les « petits » sont arrivés de Toulouse pour déjeuner. Charlotte et Camille adorent le foie gras. Les grands aussi. On essaie de l’accompagner avec un Gewurtztraminer. Peut-être un peu froid, mais agréable si on le garde en bouche. Françoise a fait ensuite un rôti de bœuf comme elle en a le secret. Certains ont la main verte ; elle a la main cuisinière. C’est un don. Pour accompagner le rôti, des cèpes de chez Laguilhon avec des pommes de terre primeur de l’ile de Ré. Délicieusement sucrées. Une scarole de Meillon. J’ai ouvert un Saint-Emilion : Clos des Jacobins, Saint-Emilion Grand Cru classé, 1994. Chambré à point ! Comme dessert : guarriguettes et sorbets nougat. Eau d’Ogeu. Pour finir, un arabica du Costa-Rica. Commerce équitable. Après l’étape « vaisselle », Sébastien se sacrifie pour faire une sieste avec Camille, mais comme elle n’en veut pas, il décide d’y aller seul. Nadja avance quelques tâches professionnelles à l’ombre des bouleaux. Françoise sera le loup avant d’aider Charlotte et Camille à préparer en secret « le cadeau » de la fête des mères. Quelques obligations m’obligent à quitter cette agitation…

La soirée s’allonge, comme si le jour ne voulait pas disparaître. Françoise arrose son jardin de curé avec un arrosoir. On a ouvert toutes les fenêtres, si bien qu’en faisant le tour de la maison on entend "Nocturno" de La Tipica de tous côtés. Etant donné la puissance du volume, je pense que nos plus proches voisins doivent aussi en profiter ; ça ne peut être mauvais pour leur culture musicale. Avec cet orchestre, la tradition est un pays familier. Impossible de faire des différences entre les différents titres. Je retiens pourtant le titre 1 : « Candombé du gosse qui hier encore riait » et le titre 11 : « Che Bandoneon », mais je pourrais aussi bien élire le titre 8 : « Temas de la ciudad » ou le 12 : « Igual atacaria ». En tout cas, il est difficile de résister au charme de la voix si familière de Juan Cedron, puissante et comme voilée, ou à la puissance de l’Orquesta de Tango, un vrai tapis volant…

A chaque titre son arrosoir, à chaque arrosoir un titre… c’est ainsi qu’au son de tangos, milongas, valses et autres candombés, les fleurs s’épanouissent. Il y a des bleuets, plantés depuis plusieurs années, qui ont décidé ce printemps de jaillir comme de nulle part ; il y a des iris, mais ça sent la fin, surtout après avoir subi quelques grains ; il y a les pivoines délicatement vieux rose ; il y a des rosiers chargés de roses roses, jaunes, rouges, blanches… et même un rosier de roses noires ; il y a les longues tiges de roses trémières qui préparent leur floraison ; il y a des pensées… partout, même sous les cyprès dorés qui les abritent ; il y a un petit palmier, fragile et résistant, qui pourrait jouer son rôle dans une fable du type « le vieux chêne et le jeune palmier » ; il y un rosier églantier dont la masse rose mauve submerge les lauriers roses avides de lumière ; il y a la masse des chèvrefeuilles mêlés au jasmin…

L’arrosage est terminé, « Nocturno » aussi… que l’on remplace par le dernier Gotan Project : « Lunatico ». C’est autre chose, mais le plaisir n’est pas moindre… La nuit a remplacé le jour. L’écran vert du lecteur de cd clignote pour indiquer le numéro du titre en cours et sa durée…

mardi, mai 23, 2006

mercredi 24 mai

Il y a quelques jours, alors que, le soir venu, j’étais allé voir à la Fnac s’il n’y aurait pas un disque d’accordéon (ou de bandonéon) susceptible de me donner envie de l’acheter et que je m’étais finalement résolu à choisir un disque remarquable par sa sobriété même et son sérieux immédiatement repérable à l’écoute d’extraits – « Belgrano*54, seccion vermu, cuarteto tipico » -, mon attention avait été attirée par un autre disque :

- « Nocturno, La Tipica Orquesta de Tango, Direction Juan Cedron », 2002, Gotan / Mélodie.

J’en étais resté là, intrigué cependant par le nom de Juan Cedron que j’associais évidement au célèbre Cuarteto. Renseignements pris dans l’Anthologie « Cuarteto Cedron, 1964-2004, De cada dia », j’apprends ceci, page 14 :

« 1998 : naissance de la Tipica Orquesta de Tango, Direction, Juan Cedron. Le Cuarteto rassemble une nouvelle formation à l’image des orchestres typiques qui menaient le bal dans le Buenos Aires des années 40-50. Composée de 12 à 14 musiciens d’horizons variés – classique, tango, manouche, contemporain – français, uruguayens et argentins, la Tipica se produit parallèlement au Cuarteto Cedron en bal, en concert ou en spectacle avec danseurs. Au programme, les versions originales des grands compositeurs de l’âge d’or (Pugliese, Martinez, Troilo…) côtoient des compositions de Juan Cedron ».

Du coup, évidemment, j’ai envie de savoir ce qu’il en est de cette « nouvelle » forme (mutante)du Cuarteto Cedron. Qu’à cela ne tienne, un petit saut jusqu’à la Fnac devrait suffire à me donner satisfaction… en espérant qu’aucun amateur de tango n’aura emporté l’objet. En effet, le disque est bien là, parmi tout un lot, récemment importé d’Argentine, rassemblé sous l’étiquette « Tango Nuevo » :

- "Nocturno – La Tipica", 2002. Chant et direction, Juan Cedron ; six violons ; un alto ; un violoncelle ; une contrebasse ; quatre bandonéons ; un piano. Trois invités : piano, piano, percussions.


Mais au moment de me diriger vers la caisse, une couverture au graphisme agressif retient mon regard : des taches rouges, jaunes et blanches, striées par des traits noirs… le tout évoquant les mouvements de couples dansant le tango. Quelque chose entre Rauschenberg et Bastiat. Une étiquette verte indique qu’il s’agit d’un « petit prix » et d’une opération de promotion. Trois mots me font signe : Mosalini, Quatuor Benaïm, Beytelmann… Venu pour chercher un cd, je repars donc avec deux.

- « Clasico y Moderno, Mosalini y Quatuor Benaïm interpretan Beytelmann », 2005 Manana, Naïve distribution.


Dès notre retour à la maison, toutes autres affaires cessantes, Françoise et moi nous écoutons d’abord le Mosalini, puis le Cedron.

Premières impressions : « Clasico y moderno » nous apparaît comme une œuvre d’un abord difficile. Rigueur de l’écriture des compositions. L’œuvre est un système où chaque pièce, chaque élément concourt à la perfection de l’ensemble. Je pense à quelque chose qui procéderait du croisement entre l’inspiration argentine et la rigueur suisse. Je pense aussi à un disque de Mosalini et Gieco en concert. Ce n’est pas de la musique dont on fait le tour en quelques écoutes. C’est la promesse d’explorations multiples…

Quant à « Nocturno », il y a d’une part la voix de Juan Cedron soutenue par toute la puissance de l’orchestre et d’autre part des instrumentaux, où l’on retrouve, dans un autre registre, cette rigueur du cd précédent. On retrouve des tangos, des milongas, des valses et des candombés… Même s’il ne s’agit pas du Cuarteto, mais des œuvres d’un descendant très légitime de celui-ci, on est en terrain de connaissance. Il reste à savourer les différences avec le Cuarteto Cedron. Bien du plaisir à prendre en perspective…

lundi, mai 22, 2006

mardi 23 mai

« Libertango », Astor Piazzolla.

- Libertango, titre 8 de l’album « Trio » (l’un des trois albums des « Concerts inédits » de Richard Galliano). Durée : 7 :38. R. Galliano, D. Humair, J.-F. Jenny-Clark. Festival de Montreux, 1996.
- Libertango, titre 5 de l’album « Duo » (autre album des concerts). Durée : 7 :48. R. Galliano, M. Portal. Enregistrement public dans les studios de la radio NDR à Hambourg, 1998.
- Libertango, improvisation sur le thème de Libertango, titre 7 de l’album « Piazzolla Forever, Richard Galliano septet». Il s’agit d’une interprétation en solo. Durée : 6 :24. Enregistrement public au Jazz Festival CH-Willisau, le 29 août 2002.


Dans l’interprétation en trio, j’ai le sentiment que Richard Galliano est accompagné avec une infinie attention par D. Humair et J.-F. Jenny-Clark. Ils sont là, soucieux de le soutenir dans toutes ses intentions. Je dirais qu’ils mettent tout leur talent à son service pour lui permettre d’aller au bout de son expression. Dans le duo, c’est autre chose. Il ne s’agit pas d’accompagnement, mais de dialogue. Chacun des deux protagonistes et partenaires pousse l’autre vers ses retranchements, l’obligeant à inventer sans cesse de nouvelles expressions. Autant le trio relève du soutien amical au service de l’accordéon, autant le duo relève de la joute amicale. Dans les deux cas, il s’agit d’aller au bout et même un peu plus loin… Quant au solo, c’est encore une façon d’aller au bout de ses intentions. Peut-être la plus exigeante, car il s’agit d’un dialogue de soi à soi, sans concessions. Dans ce dernier morceau, deux choses m’ont frappé : une longue introduction de 1 :45, pendant laquelle on perçoit l’attente du public et, sur la dernière note, ce même public qui se libère de plusieurs minutes en apnée. Après un long temps d’attention intense, il n’en revient pas d’avoir tenu le coup. Mais il se dit justement que ça valait le coup.

lundi 22 mai

… écouté successivement deux versions de “Spleen”.

- la version de 9 :46, en titre 3 de l’album « Trio », qui fait partie des trois albums constituant les « Concerts inédits » de Richard Galliano. Il joue avec Daniel Humair et Jean-François Jenny-Clark. Enregistrement public au Festival de Jazz de Montreux le 10 juillet 1996. Francis Dreyfus, 1999.
- La version de 8 :33, en titre 8 de l’album « Ruby, My Dear". Richard Galliano joue avec Larry Grenadier et Clarence Penn. Enregistré en public le 1er janvier 2004. Dreyfus Jazz 2005.


… puis, les deux versions de « Waltz for Nicky » :

- en titre 5 de « Trio » ; durée : 5 :41
- et en titre 9 de « Ruby, My Dear » ; durée 7 :54

Il serait vain, me semble-t-il, de se demander si telle version est supérieure à une autre et pourquoi… il suffit de profiter du plaisir qu’on éprouve. Chaque fois, c’est la même chose : un sentiment d’évidence. Bien entendu, comme toute autre œuvre artistique, ces compositions auraient pu ne pas exister, mais une fois qu’elles ont été créées et interprétées, on sent bien qu’elles ne pouvaient pas être autrement. Il y a une nécessité de l’aléatoire quand il se manifeste dans des œuvres parfaites.

Déambulations baudelairiennes de musiciens introvertis, d’une part, explosions de bonne humeur de gamins extravertis, d’autre part. Deux moments de la nuit : le jour vient de disparaître et une sorte de nostalgie s’installe, qui peu à peu se dissipe au fur et à mesure que la lumière des enseignes, des bistrots, des phares des voitures et des lampadaires l’emporte sur les zones noires. Deux faces d’une maitrise sans failles. La forme du trio ne laisse aucune place à l’à peu près, mais quand ça tourne, c’est vraiment carré...

dimanche, mai 21, 2006

dimanche 21 mai

A une certaine époque, j’avais le goût de faire des sélections à partir d’un titre pour avoir le plaisir de les écouter à Hossegor. Pas de plus grand plaisir alors, la nuit venue, que d’écouter sur la terrasse éclairée par la lune une succession d’interprétations dont j’avais choisi moi-même la mise en ordre. Je les écoutais jusqu’à saturation pour retrouver tel instant superbe ou a contrario pour découvrir tout à coup tel autre instant qui m’avait échappé jusque là. C’est comme si chaque interprétation renvoyait à toutes les autres, comme si elle se diffractait et se condensait à la fois. Jeu de miroirs et cristallisation. Et puis, la télévision a peu à peu pris la place de cette pratique.

En essayant de mettre un peu d’ordre dans mes affaires, je retrouve deux de ces sélections et c’est un vrai bonheur de les écouter à nouveau, plaisir augmenté par le fait que je les avais quasiment oubliées.


"Passion"

- Murena, La valse des pionniers
- Murena et Ferré, Swing accordion
- Rivière, From valse to swing
- Colin, Paris musette 1
- Azzola, Valses caprices
- Beier, Entre amis


"Indifférence"

- Murena, Swing accordion 2
- Murena, La valse des pionniers
- O’Connor, Paris Musette 3
- O’Connor, Son du musette
- Sylvestre, Valses caprices
- Portal / Galliano, Concerts
- Bolovaris, Paris musette 2
- Rivière, From valse to swing

Il y a quelque chose de proustien dans cette écoute : les mimosas, les pins, les genêts, les bruyères, la plage landaise à marée basse, l'odeur de l'écume, les Pyrénées et la côte espagnole, les huitres du lac et les cris des oiseaux...


samedi 20 mai

Il y a des jours comme ça, où l’on passe tout son temps à régler des petits problèmes. Le soir venu, on a l’impression de n’avoir rien fait, du moins rien d’intéressant et l’on se sent quelque peu frustré. Aujourd’hui est bien une journée de ce type, pleine d’impedimenta… Le ciel est d’humeur maussade ; l’atmosphère est moite et l’on ne sait pas quels vêtements choisir pour se sentir à l’aise. Cependant tout n’est pas perdu : il nous reste une demi-heure avant la fermeture de la Fnac. La circulation est fluide, le parking facile d’accès. Ce sont de bons signes.

Parmi les rayons de disques, peu de choses avec de l’accordéon. Ou bien on a déjà, ou bien l’écoute d’extraits ne nous convainc pas. Le temps passe… Va-t-on revenir bredouille ? Un disque attire notre attention par sa sobriété même : fond de couverture moiré brun, étiquette blanche barrée d’un nom et agrémentée du dessin de quatre instruments : contrebasse, deux guitares et un bandonéon. On écoute quelques extraits. On a envie d’aller plus loin.

- « Belgrano*54, seccion vermu, cuarteto tipico », 2002 seccion vermu, 2003 socsa.

Le disque est court : environ 35 minutes. Il est composé de treize morceaux : neuf tangos, deux valses, deux milongas. Son intérêt principal me semble être dans le mélange entre des reprises et des arrangements de compositeurs quasi mythiques, comme Troilo ou De Caro, et des compositions originales de l’un des membres du groupe, Diego Kvitko. L’ensemble est d’une très grande unité et très agréable à écouter.

J’ai beaucoup apprécié aussi la prise de son : chaque instrument est, si j’ose dire, parfaitement lisible. J’ai bien aimé le son, très pur, du bandonéon. Avec ce cuarteto, J’ai le sentiment d’avoir affaire à des musiciens qui, nourris de la tradition, la perpétuent parce qu’ils savent lui donner expression et forme nouvelle. La photographie du groupe montre qu'ils sont très jeunes.

- Ramiro Boero, bandonéon
- Anibal Corniglio, guitare
- Manuel Gomez, contrebasse
- Diego Kvitko, guitare

jeudi, mai 18, 2006

vendredi 19 mai

… écouté un disque de Forro :

- « Silvério Pessoa, Bate o manca, O Povo dos Canaviais », Outro Brasil, 2000, L’Autre Distribution.

Le vrai Forro, celui du Nordeste. On entre dans la danse, on se laisse porter par les rythmes. C’est sans surprise. Le tout, c’est de se laisser bouger. D’abord les épaules. C’est essentiel, les épaules. Le reste suit…

Pour soutenir la voix de Silvério Pessoa et le chœur des filles qui se balancent en cadence, suivant les morceaux, à l’accordéon il y a Silveirinha ou Camarao. Je ne les connais pas. Ils assurent : ils pourraient jouer encore des heures… On imagine des places de villages dont les danseurs soulèvent la poussière. Le soleil cogne fort. La bière et d’autres boissons alcoolisées coulent en abondance. Les musiciens jouent jusqu’à plus soif et ce n’est pas demain la veille. On est en plein pays du maïs et de la canne à sucre. Même si ça ressemble à ce qu’on imagine du Brésil rural, on aurait tort de n’y voir que du folklore. Ici ou là, l'électronique fait irruption ; ça ouvre de nouveaux horizons : Rofor Project ! Pourquoi pas ?

mercredi, mai 17, 2006

jeudi 18 mai

Le chèvrefeuille a envahi la haie des voisins et son odeur sucrée emplit la maison. Des coups de vent brefs annoncent l’arrivée imminente d’un orage. On avait prévu de diner sur la terrasse. Il faut y renoncer, mais ce contretemps ne nous coupe pas l’appétit.

- doucette de Meillon
- magret de canard au Madiran
- tartelettes aux griottes
- un verre de Madiran Clos Basté 1999
- café : un mélange de chez Clos

Nous écoutons un disque de Tesi & Banditaliana. La couverture évoque quelque intérieur méditerranéen au moment de la sieste : volet vert, murs rouges, chaise bleue, rideau blanc. Une serrure de vieille porte de chambre. On sent la chaleur du dehors qui s’infiltre, mais le carrelage reste frais sous les pieds nus.

- « Lune, Riccardo Tesi & Baditaliana », Felmay 2005.

Banditaliana est un quatuor composé de R. Tesi, melodeon, M. Geri, voice, guitar, saz, percussion, C. Carboni, saxes, E. Bonafé, vibes, percussion. Mais ce quatuor s’adjoint quelque chose comme une quinzaine d’invités. Parmi ceux-ci l’Archaea String Quartet ou le Nuovo Coro dei Maggianti di Scansano, mais aussi des instruments comme une contrebasse, des percussions, un violoncelle, un piano, et d’autres encore…

J’ai plaisir à écouter plusieurs morceaux, en particulier ceux où la voix et l’accordéon se répondent : Lune avec M. Geri et Ninna Nanna avec Ginevra di Marco. Mais j’apprécie également l’instrumental Brughiere ou Valzer della Povera Gente, où l’Archaea String Quartet sonne comme un orchestre égyptien. D’autres encore : Macedonia, Loulou. A noter in fine deux morceaux remixés par Ominostanco : Maggio et Tevakh. On termine ainsi par une piste nouvelle. A suivre…

mardi, mai 16, 2006

mercredi 17 mai

Continuons les fondamentaux…

- salade de croustillant de pied de cochon
- tartare de thon aux herbes avec son caviar d’aubergines
- banane écrasée, fromage blanc frais, sauce caramel
- un verre de château Dillon, cru bourgeois Haut-Médoc, 2001
- une carafe d'eau d'Ogeu

Le château Dillon, cru bourgeois d’appellation Haut-Médoc contrôlée est une production du Lycée agricole de Bordeaux-Blanquefort. Encore un peu jeune, il va bien vieillir.

… écouté un disque très attachant, dont Ricardo Tesi dit ceci : « Les morceaux choisis ont le but de raconter le monde sonore traditionnel, l’histoire et les vicissitudes du peuple de Pistoia, de la montagne à la plaine, avec des références aussi à d’autres endroits de la Toscane comme la région de Sienne et de Grossetto, mais aussi la Corse que nos compatriotes connurent à travers le voyage en tant que bergers, pendant la transhumance, et en tant que charbonniers pendant le travail saisonnier. »

J’aime beaucoup La Ballata del Carbonaro, Tonio Romito, Pan Pentito… Au-delà du folklore, de l’ethnologie, de la musicologie, voire de l’histoire, ce sont des airs qui nous touchent immédiatement. Sans tomber dans une littérature facile, on ne peut pas ne pas être sensible à l’expression d’une sorte de philosophie populaire faite d’obstination et de résignation, de dureté et de candeur… Il fallait sans doute beaucoup de religion pour supporter la succession des travaux et des jours, et les bornes de sa condition.

- « Acqua Foco e Vento », Riccardo Tesi, Maurizio Geri, Felmay 2002.

Ils sont dix musiciens. Il faut les citer. Ils ne nous restituent pas seulement un monde d’autrefois, ils nous en donnent une transposition esthétique pour notre plus grand bonheur.

- R. Tesi, melodeon
- M. Geri, guitar, voice
- C. Carboni, sax
- D. Puliti, cello
- D. Mencarelli, doublebass
- M. Palmas, mandole, benas, voice
- N. Citarella, frame drums, voice
- A. Granata, voice
- D. Longo, piano, harmonium, keyboards, voice
- V. Perla, percussion
- [guest] S. Melone, keyboards
- [guest] R. de Queiroz, frame drums, cymbals

En écoutant ces traces et ces échos d’un monde rural profondément enraciné dans la Toscane et d’autres pays voisins, je pense aux immigrants dont nous parle Perrone. Ce sont aussi des italiens. Mais ceux de Perrone ont connu le cinéma, la locomotive et la machine à coudre… et donc l'accordéon, car ils n'ont pas accepté les limites de leur condition.

lundi, mai 15, 2006

mardi 16 mai

Aujourd’hui, j’ai décidé de revenir aux fondamentaux : un repas équilibré et frugal pour les papilles, un accordéon chaleureux et faussement simple pour les oreilles.

- fricassée de pointes d’asperges vertes à la fleur de sel
- filet mignon de porc au porto
- brebis de la Mancha
- tourtière pommes-pruneaux
- un verre de Collioure, domaine du Roumani, 1990, n° 70662, mis en bouteille à la propriété.
- un arabica du Costa-Rica

Voilà pour les plaisirs gustatifs. Pour les plaisirs auditifs, je m’adresse à Jean Corti.

- « Jean Corti, Couka », 2001 Mon Slip.

La simplicité de ce qui est parfaitement maîtrisé. Rien de trop. Tout tombe juste, sans fioritures inutiles, sans sophistications excessives. Un moment d’air pur et de légèreté. On pense à un funambule qui a l’élégance suprême de cacher toute trace d’effort. Une ligne claire. Je suis particulièrement touché par quatre interprétations : Amazone, C’était bien, Le temps des cerises et Le chaland qui passe. Sans doute parce que connaissant parfaitement la mélodie, je peux goûter pleinement le jeu de Corti.

Le retour aux fondamentaux, c’est rassurant ! Les petits bonheurs sont à portée de main.

dimanche, mai 14, 2006

lundi 15 mai

C’est un disque étrange, difficile à classer :

- « Sur la route des tornades… », Quanta Music, 2004, L’envers du décor distribution.

Ils sont sept musiciens :

- A. Reynard, guitare
- C. Moravia, contrebasse
- I. El Malhelkh, accordéon
- I. Spitz, oud
- K. Arnold, bendir
- S. Hamadi, percussions
- Y. Lester, saxophones

Il est difficile d’identifier un leader. Ce ne sont que dialogues à deux ou à trois : accordéon, guitare ; accordéon, contrebasse ; accordéon, oud ; accordéon, bendir, percussions ; accordéon, saxophone, contrebasse. Il est difficile également de définir le style de ce disque, où l’on entend quelque chose qui pourrait ressembler aux frémissements du « Voyage de Sahar » sur les deux premiers titres avant de recevoir en plein visage des fulgurances dignes de « Navigators » ou des délires dignes de « Pictures from the Street » pour finir dans un climat proche du dernier D. Mille, « Après la pluie ».

Les sept titres ont une durée à peu près constante : 7 :15-7 :45. Cette régularité contribue beaucoup à installer l’atmosphère du disque. La scansion régulière et attendue permet en effet une grande liberté et une grande diversité de ton entre les différents titres. Une fois embarqué, on a envie d’aller au bout des étapes du voyage, même si parfois l’on est un peu balloté.

- A perte de vue…
- Quelle étrange atmosphère...
- « Quand le ciel bas et lourd... »
- L'horizon est incandescent
- Tornade
- En vrac
- Comme un puzzle

Parfois les sept instruments sonnent comme un grand orchestre, parfois l’accordéon dialogue avec un seul partenaire. A la fin, il est difficile de passer à autre chose tant les impressions restent obsédantes.

samedi, mai 13, 2006

dimanche 14 mai

… je reclasse les deux disques de « 100% collègues » un peu au hasard. Juste à côté d’un album des « Têtes raides » :

- « 10 ans de Têtes raides, Ginette », 2000 Warner Music France, Tôt ou Tard, You You Music.

Couverture dans les tons rouge éteint, orange pâle, bleu gris-vert. Sous une ampoule pendue au plafond d’un local improbable, un accordéoniste profère « Ginette » en écho au chant d’un moineau perché sur son instrument. Il ne crache pas sur les canons vite faits sur le bord du zinc. Son biniou est dans les tons du décor : jaune du soufflet, touches blanches sur fond bleu délavé.

L’accordéon est omniprésent dans la plupart des titres. Mais aujourd’hui ce qui m’intéresse, c’est de retrouver la présence de Jean Corti. J’aime bien pratiquer cette écoute sélective, qui consiste à attendre une présence précise.

Il intervient sur les titres tirés de l’album « Le bout du toit », 1995. Chaque fois, c’est un vrai plaisir : il assure et il a toujours la note d’humour, imperturbable en apparence, mais le sourire en coin et l’œil plissé.

J’aime particulièrement trois morceaux :

- Le théâtre des poissons
- Les bouquets
- Manuela

Mais les trois autres ne sont pas pour autant négligeables :

- Un ptit air
- L’amour tombe des nues
- St Vincent

Chemin faisant, je croise beaucoup d’autres accordéons. Il va falloir que je recadre mon écoute et que je me donne l’attention nécessaire pour apprécier le jeu de Christian Olivier. Il y a encore des gisements de plaisirs à prendre.

vendredi, mai 12, 2006

samedi 13 mai

Françoise et moi, nous apprécions beaucoup Jean-Luc Amestoy, son toucher bien sûr, mais aussi sa posture. Parfois plein de précautions pour son accordéon, qu’il entoure comme s’il le protégeait d’une invisible coquille, parfois rejeté en arrière, un pied décollé du sol, comme en suspens avant de recommencer à battre la mesure. Souvent les yeux clos, le visage extatique. Une présence discrète, chaleureuse et déterminée. Nous gardons un vif souvenir des concerts où nous avons eu la chance de pouvoir l’écouter et le voir.

Ce soir, nous avons eu envie de l’écouter dans le cadre de « 100% collègues ». Il donne en effet au groupe une couleur bien particulière. Impossible de s’y tromper. Par exemple « Dites-moi », « Mazel », « Kazak » ou « Cada Vez », « Chte Douye », « La Tribu », « Petite Histoire », « Sueno », « On est venu », « Fue Hayer », « Cheneroh » ou encore « Ma.Ma.Ma.Ma », « Las Alas », entre autres…

- « 100 % Collègues en concert », Les Collègues, 1996
- « 100% Collègues », La Tawa – Corida, 2000

Nous nous souvenons encore de ce concert à Toulouse où il évoquait son bonheur d’avoir pu travailler avec des « collègues ». C’était le 14 mars, à la salle Nougaro. Il jouait avec Dulieux et Suarez : « Création pour trois accordéons ».

Je le cite : « … nos routes se croisent, ce n’est pas si fréquent de croiser des collègues, il faut en profiter ». Amestoy, la fidélité. L’esprit collègues.

jeudi, mai 11, 2006

vendredi 12 mai

… écouté et, si j’ose dire, étudié attentivement un disque étonnant :

- « Reynoir Casimir dit Négoce & Signature », Kadri Gwadloup, The Quadrille of Guadeloupe, Musique du Monde, 2003.

Le livret, très bien fait, donne une information très complète sur le quadrille : sa définition, son histoire, son héritage européen et ses marques africaines, etc… Une étude développée sous plusieurs angles : musicologique, historique, sociologique, ethnologique, etc… Il y a quelque chose de didactique dans cette musique, en particulier dans la présence du Commandeur, qui règle strictement et impérativement les mouvements des danseurs. L’accordéon, lui-même, a un rôle très autoritaire : les figures du quadrille, ça ne rigole pas. Pas d’écarts possibles ! Le jeu des paroles et de l’accordéon donne son style à ce disque, que je considère comme une véritable curiosité. Le Commandeur parle/chante/joue suivant un schéma rythmique immuable : on hésite entre hypnose et monotonie. Les deux, mon Commandeur ! On pense à la rigueur des alexandrins du théâtre classique : ça chaloupe suivant un rythme de flux et de reflux qui ne se désunit à aucun moment. On pense aussi à des rythmes de tambours africains.

Notons ici que l’accordéon se dit Lakôdéon, ce qui lui donne un petit goût suave bien approprié à cette musique, en apparence tout sucre tout miel. Mais en réalité, c’est la rigueur géométrique qui règne ici sans partage.

« Voici Reynoir – Mi Rénwa
Commandeur : Denis Clovis dit Boniface
Première figure, Pantalon

Cavaliers, cavalières, cavaliers aux dames !
Première figure Pantalon
Dis dont ! présentez lanmen Mesdames !
Je vous demande à qui vous êtes prêt oui ou non ?
Alman à gauche tout le monde au rond
Etc… »

Il est bien évident qu’en l’occurrence il n’est de boisson que du rhum. A la rigueur un porto.

A plusieurs reprises, je trouve que ça sonne comme du Forro.

mercredi, mai 10, 2006

jeudi 11 mai

Après un détour par l’accordéon de A. Le Jossec et la guitare de N. Quémener, revenons au Cuarteto Cedron… à leur dernier disque, à ma connaissance : « Piove en San Telmo ».

Suivant son principe de géométrie variable, le quartet est composé de cinq membres :

- Juan Cedron, guitare et chant
- Facundo Torres, bandonéon
- Emilio Cedron, violon
- Miguel Praino, alto
- Roman Cedron, contrebasse

Invités :

- Philippe de Sousa, guitare portugaise
- Diego Trosman, guitare
- Jorge Trasante, percussion

En sous-titre, on peut lire : « Canciones Lunfardas ». Le « Lunfardo » est le parler populaire du Rio de la Plata. C’est un argot, né en milieu carcéral, et complété au fur et à mesure par des apports d’origines italienne, espagnole, portugaise, française, polonaise et autres… bref augmenté par les ajouts de tous les immigrants venus en Argentine à partir du 19ème siècle.

Je retiens ce paragraphe qui me parait d’une grande justesse : « De même [que les premiers paroliers du tango utilisant le lexique lunfardo] nous, le Cuarteto, empruntons spontanément la forme expressive la plus adéquate à notre besoin de dire une émotion, que ce soit par le biais d’une chanson ou d’un instrumental. Et il est certain que la familiarité avec le lunfardo, non seulement agit sur notre perception intime des choses mais transparait dans le son même du Cuarteto ».

La langue permet de dire le monde et en même temps organise la perception du monde. La vision du monde ne précède pas sa mise en mots ; ce sont les mots du lexique qui structurent la perception du monde et donc la sensibilité. Le monde dit en langage lunfardo, ce n’est pas le monde traduit dans une langue particulière, c’est immédiatement un monde spécifique, perçu sous un certain angle, d’un certain point de vue. Mais il y a plus : le son même est lunfardo. Il y a un son argotique, comme il y a du texte argotique.

Curieusement, Françoise et moi, nous apprécions particulièrement cinq titres :

- Candombe para el que hasta ayer reia
- Milongazo
- Milonga de la mufina
- Virgencita criolla
- Milonga para amar


En quelque sorte des rythmes antérieurs au tango à proprement parler. Et de fait, il y a dans ces morceaux quelque chose de rêche, de râpeux, de rugueux, quelque chose comme une forme originelle d’où sortiront les formes plus sophistiquées et mieux policées du tango. Et puis, le titre 13, A Lola Mora. On ne peut pas ne pas penser à Piazzolla.

- « Cuarteto Cedron, Piove en San Telmo, Canciones Lunfardas », 2004 Gotan, 2004 Le Chant du Monde.

mardi, mai 09, 2006

mercredi 10 mai

Françoise a jardiné tout l’après-midi. Elle a planté du thym et déplacé un petit sapin qui poussait ses racines sous une haie de fusains. Le jardin de curé a repris des couleurs avec le retour d’un temps frais, vif et sans nuages.

En début de soirée, l’envie nous prend d’aller faire un tour à l’espace culturel de l’hypermarché Leclerc. Tous les rayons de musiques, de livres, de jeux vidéo, d’informatique ont été agrandis et reconfigurés. On s’y perd un peu, mais le changement est agréable. On parcourt les présentoirs de cd sans idée préconçue. Nos pas se croisent et nos hésitations aussi. Finalement, rien ne retient vraiment notre attention.

Un disque cependant, dans les musiques régionales, nous fait signe par sa simplicité même. Ni esbroufe, ni chiqué, ni frime. On lit : Accordéon – Guitare, Audrey Le Jossec, Nicolas Quémener, « Coup de Cœur ». La couverture est partagée en deux de haut en bas : à droite, les indications écrites ci-dessus ; à gauche une photographie représentant les deux musiciens en gros plan. C’est tout !

Dès notre retour à la maison, nous écoutons… Ce n’est pas trop dire que nous sommes tout de suite et jusqu’au bout sous le charme. Sur plusieurs titres le duo est accompagné d’invités, mais toujours la guitare et l’accordéon s’imposent donnant ainsi une grande unité de style à l’ensemble du disque.

Beaucoup de morceaux traditionnels, comme Margaret’s Waltz, Fanny Power, Dame Lombarde ou The Lakes of Pontchartrain, mais aussi Oblivion de Piazzolla ou Coup de Cœur de Maria Kalaniemi, sans oublier Pour Elise de Quémeneur. Au total, neuf titres, un enchantement. Il y a dans l’accordéon d’Audrey Le Jossec une sorte de rondeur acide que l’on n’oublie pas. On reconnaît immédiatement le son de son instrument. Sa version d’Oblivion nous a touchés ; sa version de Coup de Cœur est superbe.

J’ai déjà envoyé quelques courriels à de bons copains pour leur signaler l’existence de cet album et pour leur en donner les références :

- « Coup de Cœur », A. Le Jossec, accordéon, N. Quémener, guitare. Production : L’asso 6 de Guéméné, distribution Keltia Musique, 2006.

Un seul bémol, si j'ose dire : la durée, environ 35 minutes, est un peu courte... On aurait bien écouté deux ou trois autres choses du même tonneau.

mardi 9 mai

Parmi les disques du Cuarteto Cedron, il en est un que j’aime particulièrement. Il s’agit de « Tango Primeur ». La photographie de la couverture montre six musiciens dans une cour de maison, dans un patio ou sur un pas de porte. Photographie bleue pâle, comme usée par le temps. Il s’agit de mémoire et d’origine.

Les tangos de cet album se distribuent en deux catégories : d’une part, les titres de la première époque, entre 1880 et 1920, qui, comme le dit la page introductive, correspondent au tango « en sa primeur » ; d’autre part, l’autre tango, celui qui se chante, dont l’origine se situe dans les années 20. Cette même introduction rappelle la double origine du tango : candombe, milonga des noirs du Rio de la Plata, danzon cubain et habanera, en ligne directe ; influences et ajouts apportés indirectement par les immigrants italiens, espagnols, allemands, français, juifs d’Europe centrale, polonais, russes, etc… Il est question du tango, frère des valses criollos et de la vieille polka.

Après les années 20, le tango devient littéraire et se complait dans l’expression de la solitude, de la désespérance, de l’abandon, de la perte des illusions, de la déréliction, sous des apparences suaves et parfumées. C’est la musique des états d’âme. C’est une musique urbaine, une musique de ports, d’attaches et de départs, une musique de sentiments excessifs.

Parmi les tangos « primeurs », je retiens El Portenito, La ultima Cita, Cordon de Oro ; parmi les autres, Los Mareados, Naranjo en Flor, El ultimo Organito, Flor de Lino

Les musiciens ? Juan Cedron, voix et guitare, Roman Cedron, contrebasse, Ricardo Moyano, guitare, Miguel Praino, violon alto, Luis Rigou, flûte, Gabriel Rivano, bandonéon. Comptez bien ! C’est un cuarteto de six musiciens. Pourquoi pas ?

- « Cuarteto Cedron, Tango Primeur », Cedron / Praino, 1990, Emen, Les uns par les autres, distribution Musidisc.


« D’abord, il faut savoir souffrir
ensuite aimer, ensuite partir,
enfin aller sans la moindre pensée… »

Un vrai parcours philosophique : de la passion à la sagesse. Ces trois vers me font penser à quelque art de vivre oriental ou stoïcien. Le bandonéon sera stoïcien ou ne sera pas.



lundi, mai 08, 2006

lundi 8 mai

Hier soir, un violent orage est passé au-dessus de Pau, venant de l’Atlantique, en route vers Toulouse. Les trombes d’eau et les bourrasques de vent ont mis à mal le jardin de curé de Françoise. On aurait dit que les fleurs et les feuilles étaient passées dans une lessiveuse.

Ce matin, le soleil alterne avec de gros nuages, blancs et lourds, heureusement poussés par un vent régulier. La plupart des fleurs redressent la tête et quelques tuteurs suffisent pour remettre en forme les plantes les plus secouées. Dans la salle de bain, bien abrités des intempéries sous le velux, deux avocats prospèrent : ils seront bientôt hauts d’un mètre. L’atmosphère humide et tiède leur convient au mieux. Peu leur chaut l’instabilité du temps extérieur.

Revenons au jardin de curé : des iris violets, des roses, dont une noire, des iris de Hollande bleus et jaunes, des azalées dont certaines ont des fleurs en étoiles, deux hibiscus et des géraniums rustiques. C’est une sorte de mosaïque qui palpite au rythme du vent.

… écouté ce matin le double disque d’anthologie du Cuarteto Cedron édité par Le Chant du Monde en 2004 :

- « Cuarteto Cedron, 1964–2004, de cada dia », 2004 Gotan, 2004 Le Chant du Monde, distribution Harmonia Mundi. Livret en français, espagnol et anglais (55 pages).

Pour reprendre les catégories empruntées à Roland Barthes, auxquelles je me réfère souvent, je dirais que le studium et le punctum y sont présents. La connaissance et l’émotion y trouvent de quoi se satisfaire.

Page 4, deux paragraphes me paraissent exprimer au mieux l’identité et le parcours du groupe :

« Dans la tradition du tango et parce que ce qui se passait dans notre pays nous bouleversait, tout un pan de l’œuvre du Cuarteto Cedron – tout spécialement jusqu’en 1984, date du rétablissement de la démocratie – reflète les désarrois, les souffrances et les interrogations de nos compatriotes ; c’est d’ailleurs un rôle de l’artiste dans la société. Tant que cela a été nécessaire, en tant qu’individus, nous nous sommes battus parmi nos frères durant les terribles années de dictature. En tant que musiciens, notre engagement est d’une autre nature. Certes, le Cuarteto est un groupe engagé : engagé auprès d’une certaine humanité, d’une certaine dignité. Mais il est avant tout un groupe de musiciens et comme tel, son engagement majeur réside dans son exigence musicale et dans la validité de sa démarche artistique.
Nous voulons croire que c’est la raison pour laquelle le Cuerteto Cedron a survécu à la disparition du malheur. Le temps a démontré qu’il doit la faveur de son public (jamais démentie) et de ses partenaires professionnels (changeants mais renouvelés), non pas à une actualité douloureuse mais à son savoir-faire de « montreur de merveilles ». C’est pourquoi il n’y a pas de fracture entre le Cuarteto Cedron des premiers albums et celui d’aujourd’hui : la force d’une émotion due à la découverte d’un poème, à la persistance d’un malaise ou tout simplement à l’évidence d’un désir reste le moteur de l’inspiration de Juan Cedron et de nos interprétations ».


Tout est dit. L’exigence musicale, l’authenticité de la démarche artistique, le désir de mettre à jour des émotions ont pour corollaire la nécessité de l’engagement politique. Si l’émotion a droit de cité, alors sont expression est nécessairement politique.

dimanche, mai 07, 2006

dimanche 7 mai

« Ballada del Hombre que se callo la Boca »

Le soleil se lève tous les jours,
les oiseaux chantent ou bien il pleut,
quelqu’un meurt, quelqu’un nait, quelqu’un souffre
et un homme se tait

Qu’attend-il pour parler ? peut-être
sa coupe n’est-elle pas pleine ?
les coupes fuient-elles avec le temps ?
Un homme se tait.

Qu’est-ce qu’il attend ? il a peur ?
il ne sait pas ? c’est un martyr ?
on lui a séché la langue ? il est aveugle ? sourd ? quoi ?
Un homme se tait.

Ne veut-il pas éclater ? ne veut-il
pas nourrir la rage ?
qu’attend-il ? qu’attendait-il ? il attend ?
Un homme se tait.


Je ne saurais dire pourquoi, mais il me semble de toute évidence que ces paroles ne peuvent être accompagnées que du son du bandonéon. Est-ce à dire que le bandonéon convient au tragique ? Je le pense.

samedi, mai 06, 2006

samedi 6 mai

… écouté ce matin avec bonheur un 33 tours du « Cuarteto Cedron ». Il s’agit de « De Argentina ». Ce disque a été enregistré en partie à Barcelone par Polydor Spain, en janvier 72. Mais ce disque devant sortir en France, l’enregistrement a été terminé à Paris car certains titres furent interdits par la censure de Franco. Quand le disque sortira en Espagne, en 1973, les titres enregistrés à Paris n’y figureront pas.

- « De Argentina, Cuarteto Cedron », Original recording by Polydor Spain (plus deux titres enregistrés à Paris), 1972, B 2480 143.

Les musiciens : Juan Cedron, canto y guitarra ; Miguel Praino, viola ; Jorge Sarraute, contrabajo ; Cesar Strocio, bandoneon.

Pour moi, ce disque est le plus accompli du Cuarteto. J’ai eu plaisir à le retrouver ce matin dans sa version vinyle. Quelques titres sont admirables tant en ce qui concerne la voix de Juan Cedron que l’équilibre entre les différents instrumentistes. Je pense à :

- Los Ladrones
- Eche Veinte Centavos en la Ranura
- Balada del Ex-Traficante de Diamantes

- Balada de los Amantes de mi Pueblo (titre censuré en Espagne)
- Balada del Hombre que se callo’ la Boca.(titre censuré en Espagne)

Je ne suis pas loin de penser qu’on pourrait à juste titre les qualifier de chefs-d’œuvre. Les paroles, qui figurent au dos de la pochette, jouent sur plusieurs registres, de l’humour avec « Mettez vingt sous dans la fente » au tragique avec « Ballade de l’homme qui se tait ». J’ose dire que ce dernier titre est déchirant… on comprend pourquoi il a été frappé par la censure franquiste.

vendredi 5 mai

… lu, dans le numéro 53 de la revue « Accordéon & accordéonistes », un intéressant entretien avec Saïda Jawad, une jeune femme d’origine maghrébine, qui raconte sa relation passionnelle avec son accordéon à propos d’un spectacle qu’elle donne sur la scène du Splendid. A côté de quelques informations sur l’origine de son spectacle et sur la relation entre elle, son père et son accordéon, je retiens le paragraphe suivant :

« Par rapport au corps, l’accordéon est un rempart, à la différence du jeu d’actrice où l’on met à nu ses émotions. Il y a beaucoup de pudeur dans la religion musulmane. Jouer l’actrice, c’est un peu, de manière symbolique, comme enlever le voile et montrer son visage. L’accordéon en revanche est digne, parce qu’il a un soufflet qui sert de rempart, c’est une sorte de paravent. Les émotions passent par l’instrument, par un outil, mais pas par le corps. Quand on est assis, on est vraiment caché derrière. D’une certaine manière, on n’existe plus, c’est lui la vedette ».

Je trouve intéressante cette idée que l’accordéon est comme un rempart, comme un paravent, une façon de se dévoiler tout en restant semi-masqué. Il permet de prendre des risques derrière sa protection. L’accordéon est un instrument protecteur. Mais c’est aussi un intermédiaire : il donne corps à l’émotion en permettant au corps de ne pas se dévoiler, se démasquer. On pourrait parler d’une danse ou d'une chorégraphie du soufflet. D’une certaine façon, ceux qui jouent de l’accordéon ne peuvent pas se mettre en avant. Et si certains font d’infinis efforts pour lui voler la vedette, ces efforts se sentent et c’est ainsi qu’en effet maints accordéonistes sont à la limite de la caricature par leurs contorsions. L’idée d’associer l’accordéon avec la dignité me plait assez. L'accordéon sera digne ou ne sera pas. Malgré son apparence un peu abstraite, c'est un bon critère pour distinguer entre les accordéonistes authentiques et les autres...

jeudi, mai 04, 2006

jeudi 4 mai

… deux disques qui me laissent perplexes. Il ne s’agit pas de savoir si j’aime ou si je n’aime pas. C’est au-delà ou en-deça d’un jugement esthétique, c’est ailleurs...

- « Nano, l’autre côté du vent », Label Bleu, 2004
- « Norbert Pignol, Féline », Mustradem, 2005

La seule chose un peu définie que j’en pense, c’est qu’il s’agit de recherches en train de se faire. Ce ne sont pas des disques qui proposent le résultat de recherches, mais des disques qui donnent à entendre le travail de recherche. Ce sont moins des œuvres ou des productions que des processus, des fragments de processus, des tâtonnements. C’est comme si l’on avait affaire à la vie en train de prendre formes. C’est sans doute cela, ce mouvement vital, qui me donne cette impression d’étrangeté et qui me laisse perplexe. Il faut accepter de se mettre en route sans savoir où va le pilote, voire en acceptant d’accompagner le pilote alors qu’il ne sait pas lui-même où il veut aller. En route…

mercredi, mai 03, 2006

mercredi 3 mai

Petit approfondissement technique :

- Efa Olo Bé : “Samy Olombelo”, 1, 3:21 / “Stories”, 10, 4:20. “Etre responsable » ; rythme “tosiky” de l’ethnie vezo, joué habituellement au marovany (cithare sur caisse).
- Eka Lahy : “Samy Olombelo”, 6, 3:25 / “Stories”, 2, 5:53. “Fausses promesses”
- Ho Anareo : “Samy Olombelo”, 7, 5:26 / “Stories”, 9, 6:32. “Pour vous” (qui êtes restés au pays).
- Aia Roze : “Samy Olombelo”, 8, 4:21 / “Stories”, 4, 6:31. “Où sont-ils ?”. Retour au pays après une longue absence. Les toits et les oiseaux sont toujours là, mais le village est désert, ses habitants sont partis.

“Samy Olombelo” : Gizavo, accordéon, chant, guitare ; Mirandon, batterie, percussions ; Soria, basse ; (Emmanuel Gallet, ingénieur du son).
« Stories » : Gizavo, accordéon, voix ; Mhlanga, guitare, voix ; Mirandon, batterie, percussions ; Manou Gallet, ingénieur du son, quatrième musicien.

Les versions de « Stories » (2006) sont systématiquement plus longues que celles de « Samy Olombelo » (2000). Je retrouve cette impression de glissements et de décalages. La seconde interprétation fait toute sa place à la guitare. C’est comme si le travail d’élaboration créait de nouvelles nuances, explorait d’autres pistes. L’architecture est la même, bien en place, mais l’ensemble a gagné en épaisseur, en plans sonores et en complexité. L’écoute enchaînée et alternée (« Samy Olombelo » / « Stories ») des quatre titres renforce mon impression première de disques hypnotiques. Je sais bien que le rapprochement est un peu osé, mais je pense en ce qui concerne l’effet produit aux charmeurs de serpents du sud marocain et aux confréries gnaouas de Marrakech.

A noter que « Samy Olombelo » dure 48 :55 pour 11 titres et que « Stories » dure 66 :15 pour 12 titres.

Au dos de « Stories », on peut lire ces quelques lignes :

« Une rencontre au sommet entre trois musiciens d’exception. Entre rythmes et couleurs de l’Afrique Australe et de l’Océan Indien, ce trio composé d’un accordéoniste malgache, d’un guitariste sud-africain et d’un batteur percussionniste français, distille une musique métissée, savante et sauvage, rugueuse et sophistiquée, épicée de jazz, de blues et de soul ».

D’accord, en particulier avec « savante et sauvage ». Des rythmes premiers, à ne pas confondre avec des rythmes primitifs ; une musique complexe, à ne pas confondre avec une musique conceptuelle.

post-scriptum : courses alimentaires à l'hypermarché Leclerc en fin d'après-midi. 19h30, galerie marchande, point Presse. Un coup d'oeil parmi la multitude de revues musicales. "Accordéon & accordéonistes", numéro 53, mai 2006, est là. C'est un vrai petit bonheur. En couverture, Serge Berry, un représentant, me semble-t-il, de l'accordéon de la France profonde. Accordéon Maugein, Tulle, Corrèze. Pour le mois prochain est annoncé un dossier Jazz. Je l'attends déjà avec impatience. A comparer avec l'approche de Jazzman, n° 112, avril 2005 : "Accordéon jazz, je t'aime, moi non plus ?". Qu'en sera-t-il pour "Accordéon & accordéonistes" du point d'interrogation ?

mardi, mai 02, 2006

mardi 2 mai

Malgré de multiples occupations et quelques contraintes, j’ai pris le temps de faire un détour par l’espace culturel de l’hypermarché Leclerc. Le dernier Gizavo est-il arrivé ?... Mais oui !

- « Stories », Régis Gizavo (accordéon, voix), Louis Mhlanga (guitare, voix), David Mirandon (batterie, percussions), Manou Gallet (ingénieur du son). Harmonia Mundi, 2006.

En première écoute, comme on dit en première approximation, je suis frappé par l’unité du disque. L’ensemble sonne comme une succession de variations sur un rythme et un thème donnés. Imperceptibles décalages et glissements. Je suis également frappé par la présence de l’Afrique australe. A plusieurs reprises, je pense à Johnny Clegg et Savuka : ça sonne zoulou. Par exemple, Eka Lahy (Fausses promesses).

En fermant les yeux, je vois une multitude de tissus africains, dessins géométriques et décorations vives. Tout ce foisonnement a quelque chose d’hypnotique.

En seconde écoute, je retrouve avec plaisir plusieurs titres du disque précédent, "Samy Olombelo" :

- Eka Lahy
- Aia Roze
- Ho Anareo
- Efa Olo Be

Continuité et nouveauté. On est bien dans un jeu de variations. Le même et l'autre : à la fois la même chose et autre chose.

lundi, mai 01, 2006

lundi 1er mai

Après avoir chargé la machine à laver la vaisselle et sacrifié à quelques autres tâches ménagères, on revient à « Swing accordion ».

D’où vient ce charme si particulier, qui fait que l’on enchaîne les morceaux les uns à la suite des autres, sans pouvoir s’en détacher. D’abord, une grande unité de grain, qui tient au repiquage de soixante-dix-huit tours. C’est comme si l’on entendait le son enroué de la voix voilée de mauvais garçons. On sent bien que ça frime un peu, cœur tendre sous l’apparence blasée. Ensuite, une grande unité de format : ça tourne autour de 2 :30 – 3 :30. L’attention se mobilise pour une durée prévisible : ça tombe bien carré, sans digressions ni tarabiscotages ni subtilités alambiquées. On sait d’emblée où l’on va et l’on y va sans détours. Enfin, un accord essentiel entre l’accordéon et la guitare, avec quelques acolytes occasionnels, piano, clarinette ou contrebasse. Ils étaient faits pour s’entendre de toute éternité. Passez la monnaie et ils font leur truc, vite fait bien fait.

Je retiens finalement cinq titres :

- Joseph-Joseph. Gus Viseur (accordéon), Barro et Matelo Ferré (guitares) ; 3 :04
- Brise Napolitaine. Vetese Guerino (accordéon), Django Reinhardt et Barro Ferré (guitares) ; 2 :44
- Swing Valse. Gus Viseur (accordéon), Barro et Chalin Ferré (guitare), Tony Rovira (contrebasse) ; 2 :30
- Douce Joie. Gus Viseur (accordéon), Matelo Ferré et Joseph Reinhardt (guitares), Maurice Speilleux (contrebasse)
- Indifférence. Tony Murena (accordéon), Barro et Sarane Ferré (guitares)

Ce matin, il y avait des vendeurs de muguet à tous les carrefours. Un étal sur quatre pieds, une chaise pliante et le tour est joué. Le muguet est abondant cette année. Le brin est à 1 euro. On a le choix entre des bouquets à 3, 5, 7, 9 et 12 euros. Il est cependant assez difficile de trouver du muguet seul, sans qu’il soit associé à une rose. Je trouve que l’on y perd en simplicité et en pureté. Dans notre jardin, il y avait cinq pieds à l’abri des lilas. L’hiver rude est passé par là ; il a fait disparaître quelques pieds, mais ceux qui ont passé les gelées sont magnifiques.

Le 1er mai, le muguet, la fête des travailleurs, l’union sociale, les forces vitales qui font exploser la végétation, le plaisir de vivre et d’être ensemble, tout ça c’est bien le monde de l’accordéon. Le 1er mai sera accordéon ou ne sera pas !