jeudi, juin 29, 2006

vendredi 30 juin

Heureux effet des hasards de l’ordre alphabétique ! Alors que je range le disque de Jean-Marc Fabiano, « Vague à lames », je m’aperçois qu’il jouxte un disque intitulé « Sofia Gubaidulina, De Profundis », placé là car l’interprète en est David Farmer. J’ai le souvenir d’une musique sombre. En y regardant de plus près, j’observe que le nom de Zolotariew figure sur les deux disques. C’est une opportunité inattendue d’écouter des œuvres de ce compositeur interprétées par l’un et l’autre de ces deux accordéonistes classiques.

Jean-Marc Fabiano, « Vague à lames », 2003 Zig Zag Territoires

- Partita (1968) de Wladislaw Zolotarjew (1942-1975)

- Allegro 3 :37
- Grave 4 :15
- Andantino 4 :09
- Presto 5 :36


David Farmer, « Sofia Gubaidulina, De Profundis ; Jokinen / Zolotaryov », 2002 Black Box Music

- Chamber Suite (1965) de Vladislav Zolotaryov (1942-1975)

- Evening Prelude 3 :37
- Moonlight Spurting Outdoors 6 :12
- Snowfall At Night 3 :05
- Mysterious Visions 1 :58
- I’m Recalling Instances Of Gloomy Sorrow 1 :51
- An Old Fairtale 4:34

Au terme de cette écoute comparative, au cours de laquelle j’ai éprouvé beaucoup de plaisir, et en tout cas plus que lors d’écoutes précédentes, j’ai conscience d’avoir su saisir des particularités et des différences entre ces deux interprètes, même s’ils appartiennent à la même famille de l’accordéon classique, mais je ressens cruellement aussi mon manque de culture musicale, car les mots me manquent pour nommer ces perceptions et leurs nuances. J’en reste à un niveau d’impressions immédiates, mais je ne suis pas capable de les fixer, ni de les classer, ni de les organiser, car les notions me manquent. Et je sens bien en l’occurrence que seules des connaissances culturelles et techniques m'auraient permis de donner de la profondeur et de la densité aux plaisirs fugaces que j’ai éprouvés. A partir de là, je vois bien quelle pourrait être une des fonctions l’école en éducation musicale : apprendre à identifier et à nommer ses sensations pour donner forme aux plaisirs suscitées par l’écoute des œuvres musicales, de toutes sortes, de tous lieux et de tous temps. Ce serait un acquis culturel pour toute la vie...

mercredi, juin 28, 2006

jeudi 29 juin

Hier, je notais l’absence de Jean-Marc Fabiano dans le « blog Bayan » et du coup j’ai eu envie d’écouter à nouveau son disque : « Vague à lames ». Je sais que j’avais déjà eu l’occasion d’écrire quelques mots sur mes impressions relatives à ce disque. Je ne m’en souviens plus très bien, mais il me semble que j’avais été partagé entre des morceaux qui m’avaient paru difficiles d’accès et d’autres dont j’avais admiré immédiatement l’ampleur, pour ne pas dire la majesté. Je me souviens de l’accordéon de Fabiano comme d‘un instrument apparenté à l’orgue.

Curieusement, aujourd’hui, je suis entré dans l’univers de Fabiano sans aucune difficulté. J’ai même eu l’impression d’y percevoir des nuances qui m’avaient échappé jusqu’alors.

Le programme de ce disque, qui dure plus de 72 minutes, vaut la peine d’être rappelé. Il donne en effet une idée juste de l’univers qu’il propose :

- Boîte à rythmes (1999), Franck Angelis ; 4 :35
- Partita (1968), Wladislaw Zolotarjew ; 17 :37
- Mots croisés (2003), Georges Bœuf ; 8 :27
- Ave Maria (2003), d’après Tanti anni prima d’Astor Piazzolla, arrangé par J.P. Moreau ; 5 :35
- Sequenza XIII (1995), Luciano Berio ; 15 :4à
- La liberté commence là où s’arrête…, J.P. Moreau ; 3 :32
- Le vilain petit canard (1981), Daniel Goyone ; 4 :01
- Ciaccona extrait de la Partita n°2 pour violon de J.S. Bach, transcrite par F. Busoni ; 17 :00

On voit bien qu’il s’agit d’un disque que je qualifierais de disque d’ouverture : de Zolotarjew à Bach, de Berio à Piazzolla, de G. Bœuf à D. Goyone. On note aussi la présence de J.P. Moreau comme compositeur et comme arrangeur. Le livret, fort bien fait, révèle d’ailleurs l'entente existant entre lui et J.M. Fabiano. Ce livret a en effet la forme d’une interview de Fabiano par Moreau, qui est très éclairante pour la compréhension du disque. Entre autres choses, on y apprend le parcours dans l’univers des concours de J.M. Fabiano et la souffrance associée finalement à celui-ci (accordéon, ton univers impitoyable !) ; on y apprend ses doutes et sa passion pour la mer (d’où le titre avec ses doubles sens : vague, lames, l’âme) ; on y apprend son parcours de formation et les influences qui ont participé à sa formation professionnelle et personnelle ; on y apprend son travail de recherche sur son instrument en collaboration avec la famille de facteurs d’accordéons, Ballone Burini ; on y apprend aussi l’importance qu’il accorde à sa posture (« je ne prends qu’un seul appui, un seul axe décentré sur la jambe gauche et le soufflet se déploie en éventail autour de cet axe ») et celle qu’il donne au soufflet (l’accordéon comme instrument à claviers et instrument à vent : si l’on se contente d’utiliser le soufflet pour produire mécaniquement le son, dit-il, la musique manque de respiration, de couleur). On y apprend bien d’autres choses encore qui contribuent à l’écoute compréhensive de ce disque. Par exemple, la rencontre avec Mauricio Kagel et le fait que depuis lors J.M. Fabiano ne veut plus différencier une musique d’hier et une musique d’aujourd’hui, d’où la Chaconne de Bach et Mots croisés de Georges Bœuf, ni un accordéon « populaire » et un accordéon « noble ». J’ai beaucoup de sympathie pour l’idée qu’il exprime à la fin, que l’accordéon est en perpétuelle évolution, que ce soit au plan du répertoire, de l’interprétation, de l’instrument ou de son enseignement et qu’il essaie modestement d’apporter sa contribution personnelle à celle-ci. Cette dialectique entre le répertoire des oeuvres, l’interprétation qui donne vie aux compositions, la qualité technique de l’instrument et l’enseignement qui met tout cela en relation, cette dialectique donc me parait bien rendre compte de la complexité du type de travail sous-jacent au travail et aux créations artistiques. J’aime bien en particulier le lien étroit, que fait Fabiano, entre son rôle d’interprète et celui d’enseignant. Comme un Janus artiste et pédagogue, les deux faces d’un médiateur.

- « Vague à lames », Jean-Marc Fabiano, enregistrement réalisé du 17 au 21 février 2003 à l’Eglise de Bon Secours, Paris Xe, Partenariat Zig-Zag Territoires et Mécénat musical Société Générale, Harmonia Mundi distribution. Peintures originales d’Anne Peultier.

Notons, mais on s’en serait douté, que la maison Ballone Burini est sise Via Camerano à Castelfidardo…

mardi, juin 27, 2006

mercredi 28 juin

Extrait d'un dessin de Crumb publié en couverture de la revue Jazzman, n° 112, avril 2005, qui consacre un dossier à l'accordéon et au jazz sous le titre "Accordéon Jazz, Je t'aime, moi non plus ?".

Ce dessin me parait prémonitoire : l'accordéon devant et tous les autres derrière. L'accordéon sera l'instrument emblématique du jazz au XXIe siècle ou ne sera pas ! Il n'est plus question de savoir si l'accordéon a sa place dans la musique de jazz, mais de savoir s'il n'est pas trop loin... en avant. C'est de lui que viendront les audaces, les innovations et les sons inouïs... dont les autres s'inspireront !

D'autre part, j'ai parcouru encore longuement et avec grand plaisir le blog que j’appelle « le blog Bayan » :

- http://bayan.skyblog.com/

C’est une mine d’informations extraordinaire. A côté de l’aspect jardin à la française avec des allées bien tracées, il y a plein de choses inattendues et savoureuses : d’abord, le fait que les accordéonistes ne soient pas présentés suivant l’ordre alphabétique, cela ne facilite pas la recherche ciblée, mais en revanche ménage des surprises et des rencontres inattendues. Ensuite, le fait qu’à un moment, au détour des fiches personnelles, s’ouvre une histoire de l’accordéon avec des photos d’instruments. Cela rompt avec la succession de musiciens. Enfin, tout à coup, parmi tous ces noms plus ou moins prestigieux, quelques fiches présentent les copines de la créatrice du blog. Cette proximité suffit à justifier leur présence et c’est tout à fait sympathique. Au Panthéon de l’accordéon, il y a une place pour les amitiés personnelles.

En parcourant ce blog, et sauf défaut d’attention de ma part, il m’a semblé que manquaient à l’appel quatre noms :

- Jean-Marc Fabiano, qui joue sur Ballone Burini, et dont j’apprécie plusieurs pièces de son disque « Vague à lames », distribué par Harmonia Mundi, même si certaines me sont encore difficilement accessibles ;
- Janusz Wojtarowicz, qui joue sur Pigini à touches piano,
- Pawel Baranek, qui joue sur Pigini,
- Marcin Galazyn, idem ; tous les trois composant Motion Trio, dont j’ai parlé récemment à l’occasion de leur venue à Tarbes.

Dernière remarque : ce qui serait vraiment bien, ce serait que la créatrice de ce blog ajoute à chaque fiche une discographie, en distinguant les disques édités et ceux qui sont encore disponibles. J’ai noté en effet que de nombreux disques sont épuisés dans le commerce, du moins dans les circuits de distribution classique ou dans la grande distribution. Mais peut-être est-ce beaucoup demander ?

lundi, juin 26, 2006

mardi 27 juin

A propos d’accordéon jazz, je trouve qu’il y a une forte analogie entre le jazz et les tapas. A partir d’une trame bien définie, on improvise en fonction de l’humeur, on se permet des variations, qui parfois débouchent sur des accords inattendus. Tout n’est pas de qualité égale, mais finalement peu importe, c’est l’équilibre d’ensemble qui est primordial et qui laissera les traces les plus profondes. Les ingrédients dont on dispose, l’air du temps, la météo, la situation telle qu’elle se développe au gré des échanges, tout cela contribue à créer quelque chose d’unique, impossible à reproduire, car toute répétition ne pourrait être que fade et sans saveur. Avec un plateau de tapas, on sait que l’on goûtera à tout, plus ou moins, et suivant un ordre imprévisible. Avec le jazz, on peut plus ou moins s’attendre à telle ou telle improvisation, mais dans quelle mesure, à quel moment, avec quelle surprise… impossible de le savoir à l’avance, sauf précisément si le jazz a perdu son âme.

Donc, un grand plateau :

- chipirons à l’encre
- omelette aux oignons frais en fines lamelles
- canapés de foie gras
- saucisson de canard
- chiffonnade de laitue et de jambon de porc noir des Aldudes
- chiffonnade de magret
- fines tranches de bœuf séché et fumé
- parillada de poissons
- brochettes de magret aux agrumes
- baguettes croustillantes de pain passion de chez Thibaud
- Madiran rouge, château Peyros 2000 ou rosé du Béarn, Domaine de Guilhemas 2000
- plateau de fromage : gabietou, bethmale, ardi gasna, brebis de la vallée d’Ossau
- fruits de saison : cerises et abricots

Tout doit disparaître !

Pour s’accorder avec ce plateau de propositions à grignoter, une sélection de morceaux d’accordéon, que j’ai nommé « accordéon jazz – 2 ». Evidemment, chaque titre modifie le parcours entre les tapas : un coup, on y revient, un coup, on change de goût…

- Muerte de Juan Tango. Mosalini / Agri Quintet
- Miss Who ? Azzolla / Caratini / Fosset. Trois temps pour bien faire
- Listening to Pat Martino. Bolo Varis Tiboum . Ivry Port
- Mister Richard. Sopa. Sandunga
- Bohemia after Dark. Galliano. New York Trio, Ruby, my Dear
- J.F. Galliano. French Touch
- J.F. Galliano / Giuliani. More than ever
- Tango Ballade. Troversi / Coscia. Round about Weill
- Los ceibos de mi pueblo. Saluzzi / Christensen. Senderos
- La luna. Biondini / Girotto. Terra Madre
- Les errances d’une valse. Mille. Entre chien et loup
- El Astor. Berthoumieux. Jazz
- Otro Adios. Berthoumieux. No Jazz

C’est sûr ! Comme disait à peu près le poète, les sons et les saveurs se répondent suivant des correspondances mystérieuses mais bien réelles, comme l’attestent les sensations de plaisirs, qui elles sont irréfutables au moment même où on les éprouve, où on les expérimente, si j’ose dire.

lundi 26 juin

Tout en écoutant une sélection d’accordéon jazz que j’avais faite sur un cd en laissant une large place à l’humeur du moment et au hasard du classement plus ou moins alphabétique de mes disques, j’explore trois blogs dédiés à l’accordéon :

- http://sylviejamet.over-blog.com/
- http://bayan.skyblog.com/
- http://cyrildemian.spaces.msn.com/Space.aspx

Disons que j’ai décidé de me donner le temps de les parcourir.

Je suis frappé d’abord par la passion qui, de toute évidence, anime les auteurs de ces trois blogs. Liée à cette passion, leur richesse informative saute aux yeux. J’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises de dire toute mon admiration pour le blog de Sylvie Jamet, grâce à qui d’ailleurs j’ai eu accès aux deux autres. En ouvrant ce blog, on entre dans un jardin anglais : l’ordre n’est pas d’abord évident, mais on a le plaisir de devoir à chaque ligne choisir entre plusieurs pistes. Les nouvelles y sont de natures et de niveaux fort différents, et c’est un des secrets du charme de ce blog. Les commentaires et les échanges sont pleins de convivialité. L’information circule entre des personnes. En le parcourant, on a l’impression de savoir tout et le reste sur l'accordéon. L’ordre de ce blog est celui de la vie, qui s’auto-organise en se développant.

Le second blog fait plus penser à un jardin à la française : le cadre est posé clairement. Il s’agit de recenser systématiquement des accordéonistes que l’on pourrait dire classiques. Le titre même indique que c’est du sérieux ! Dans ce cadre, je note que les artistes apparaissent dans un ordre qui n’est pas alphabétique et dont le principe m’échappe. C’est justement l’un des charmes de ce blog : pour chercher un nom précis, il faut parcourir les pages une à une… et ainsi faire des découvertes que l’on n’aurait pas faites avec un classement de A à Z. Ce blog est une mine d’informations biographiques. A ce jour, il me semble avoir relevé plus de vingt-cinq pages. C’est dire… Il y a toute sorte de commentaires et c’est bien.

Le dernier blog est délicieux : on peut choisir plusieurs diaporamas. Diaporama d’accordéons, de bandonéons, de musiciens, de timbres… Il y a quelque chose des fascinant dans ce défilement. Celui des timbres est plein de charme. Celui des musiciens est plein de surprises…

Un des plaisirs que j’ai à parcourir ces blogs tient au sentiment de gentillesse que j’associe à leurs auteurs. Il y a une générosité certaine dans leur démarche, dans leur façon de donner ainsi l’information qu’ils possèdent. Bien au-delà de celle-ci, il me semble discerner les linéaments d’un monde utopique, où les échanges ne sont pas seulement marchands et ù les relations entre les gens ne sont pas rêglés par des rapports de force. L’accordéon sera généreux ou ne sera pas. Bien entendu, ils font partie de mes favoris.


Quant à mon cd d’accordéon jazz, voici ma sélection :

- Gus & Gus. Gus Viseur à Bruxelles
- Le trou normand. Quartier Libre, Vertige
- Mister Sandman. Beier, Come into my Swing
- Spicy Voyage. Beier, New Montmartre
- Just one of Those Things. Schlick, New Accordéon
- Dina. Loeffler, Sessions
- Pensées Jazz, Sopa, Sandunga
- Ruby, my Dear. Galliano, New York Trio
- I remember Clifford. Galliano, Face to Face
- Bianco e Nero. Galliano, More than ever
- Danse 7. Mille, Entre chien et loup
- Whisper not. BoloVarisTiboum, Ivry Port

dimanche, juin 25, 2006

dimanche 25 juin

Pour clore provisoirement le dossier Motion Trio, j’ai voulu me livrer au jeu un peu vain qui consiste à essayer de choisir mon tiercé préféré parmi les titres de « Pictures from the Street ». En fait, non seulement je me confirme que ce jeu est vain, mais en plus il me parait impossible. Il me reste cependant une impression forte, que je n’avais pas saisie avec autant d’acuité dans mes écoutes précédentes, à savoir une très grande unité de son du trio et un très grand éclectisme. On ne peut s’y tromper, ils savent mettre leur caractère sur tout ce qu’ils touchent, mais en même temps ils savent s’approprier des styles différents poue en faire leur composition. Je pense par exemple à Train to Heaven (à écouter immédiatement après Tren expreso de R. Barboza), à Café Paris (avec ses sonorités d’orgue de Barbarie), à Balkan Dance, à Tango, à Scotsman ou encore à Asfalt Tango. La liste des titres suffit à donner une idée de ce que j’appelais leur éclectisme.

Le disque est augmenté d’une vidéo, qui montre le trio dans son environnement polonais, et c’est un moment d’atmosphère tout à fait intéressant.

J’ai été étonné d’autre part que le disque « Live in Vienna » ne comporte que des titres originaux, avec des styles très différents comme Sounds of War et Psalm. C’est ce qui me donne à penser que les trois compères développent leur musique entre une certaine tradition classique de musique nordique et les sons artificiels de la science-fiction. A mon sens, et plus je les écoute, plus je suis convaincu qu’ils n’en sont qu’au début de leur exploration et de leur voyage.

jeudi, juin 22, 2006

samedi 24 juin

Marcin Galazyn & Pigini

Pawel Baranek & Pigini

Janusz Wojtarowicz & Pigini















Ibos, le Parvis, minuit... Il est question de sons venus du monde des jeux sur computer. Pawel a transformé son Pigini en Play Station ! L'accordéon, c'est la guerre des étoiles !

vendredi 23 juin






Six attitudes caractéristiques de Motion Trio : Janusz W.,
Marcin G., Pawel B.











A Ibos, au Parvis, entre 23h et minuit...

Entre autres... Balkan Dance, Tango, Little Story, Asfalt Tango, Yellow Trabant, First Day of Spring ! On pense à de la musique classique finlandaise, à Satie, aux Pink Floyd, à Kielo de Kimmo Pohjonen, à des harmonies très subtiles et entêtantes. Quleque chose d'hypnotique !

mercredi, juin 21, 2006

jeudi 22 juin


Janusz Wojtarowicz (1971)














Marcin Galazyn (1975)














Pawel Baranek (1978)













Janusz W. est à gauche, appuyé sur un tabouret haut. Parfois il se crispe et tend sa jambe gauche, un peu comme Amestoy. C'est le leader. Son regard va sans cesse de l'un à l'autre de ses partenaires. Marcin G. , à droite, assis sur sa chaise, ressemble à un bébé rose et joufflu, avec une chevelure blond nordique et une queue de cheval. Il a en permanence des lunettes noires. Quant à Pawel B., assis sur sa chaise, il semble presque en retrait, comme la pointe du triangle en arrière. Mais quand il se déchaîne, quand il utilise son micro comme un instrument de percussion ou quand il sort des sons venus d'ailleurs de son accordéon, on voit bien que le trio est un vrai trio. Les rôles sont différents, mais ce sont tous les trois des premiers rôles.

Nous sommes à Ibos, au Parvis, il est environ 23h30.

mercredi 21 juin

Il y a parfois dans la vie des journées d’autant plus agréables qu’elles sont inattendues. C’est ainsi qu’hier, alors que je m’apprêtais à choisir un duo de Michel Portal et Richard Galliano pour continuer le parcours entrepris depuis quelques jours, le téléphone sonne. C’est Anne-Marie Bonneilh, de Trentels, qui m’informe que le groupe Motion Trio se produit à Tarbes, au Parvis, le soir même. Bonne surprise ! Je crois comprendre que, ne pouvant se déplacer pour assister à leur prestation et se demandant s’il ne serait pas opportun d’inviter le trio à Trentels, elle souhaiterait avoir un avis sur la question. Faute de pouvoir lui fournir un avis autorisé, je veux bien jouer le rôle du naïf et lui communiquer mes impressions spontanées. Il se trouve cependant que je connais déjà ce groupe par son disque « Pictures from the Street » et que je l’apprécie beaucoup. J’ai eu l’occasion de dire dans ce blog même tout le bien que j’en pensais. J’avais noté à ce propos l’insistance de Motion Trio à mentionner « acoustic accordions » pour bien faire comprendre que tous leurs effets sont, si j’ose dire, musicalement naturels et non produits par quelques bidouillages électroniques. J’ai donc envie de voir et d’entendre de quoi il s’agit en direct…

Mais, dans quel cadre se produisent-ils ? En fait, il s’agit, à 20h30, au Parvis, de la présentation de la programmation de l’année à destination des adhérents et des abonnés. On me dit à l’accueil qu’ils interviendront à la suite de cette présentation, vers 22h. En réalité, celle-ci dure jusqu’à 22h30. En quelques mots et sans autres précisions, le responsable de la programmation termine son propos de la manière suivante : « Après une pause bien méritée pour bouger un peu et prendre quelques rafraichissements, vous pourrez entendre trois accordéonistes polonais… Ils sont arrivés cet après-midi directement de Cracovie ». C’est tout. C’est peu pour un public amateur de théâtre, de danse ou de musique classique, mais il est vrai curieux et ouvert aux nouveautés.

Bref, les trois accordéonistes polonais entrent en scène à 23h. Ils retrouvent leurs accordéons et les chaises qui les ont attendus sans bouger depuis 20h. Il s’agit de trois Pigini, dont un, celui du leader, Janusz Wojtarowicz, est à touches piano. Il joue d’ailleurs appuyé contre un tabouret haut alors que ses deux complices sont assis. Leur son est immédiatement reconnaissable : puissant et homogène. Le fait que les trois accordéons soient de marque identique doit contribuer à cette homogénéité. Je suis frappé aussi de voir comment ils se tiennent fort éloignés les uns des autres et comment ils occupent ainsi tout l’espace de la scène. Leurs morceaux sont d’une durée qui me convient très bien et j’apprécie beaucoup l’unité du propos. On sent bien qu’ils essaient de tirer de leurs instruments des sons inouïs et surprenants, mais jamais de manière gratuite. Autre caractéristique, déjà sensible dans le disque que je connaissais : un humour indéniable, un humour venu du froid. Je pense par exemple à Yellow Trabant… Un régal. Idem pour un morceau, dont le titre fait allusion aux jeux sur computer.

A l’issue de leur session, qui a duré environ une heure, ils sont très applaudis et rappelés une fois… ce qui est remarquable si l’on considère que le public n’était pas venu pour écouter de l’accordéon. Un indice positif : plusieurs personnes ont acheté leurs disques en sortant… Moi-même j’ai eu plaisir à acheter « Motion Trio – accoustic accordions – Live in Vienna ». Avec en prime un autographe de Pawel Baranek. On a écouté ça en rentrant en voiture, sur l’autoroute, dans la nuit noire… et très fort ! Cela dit, je me demande encore comment et à quel titre ils sont venus à Tarbes (à Ibos précisément), un soir de juin. Ils ne sont en effet pas programmés pour l’an prochain.

A propos de programmation, je les verrais bien à Trentels en 2007, par exemple dans la position occupée par Nano en 2006. J’ai eu le plaisir de faire part de ce désir à Anne-Marie Bonneilh dès aujourd’hui. J’espère que ce désir se réalisera… Demain, j’essaierai de citer quelques titres que, Françoise et moi, nous apprécions particulièrement et je publierai quelques photos, que j’ai prises avec mon cher Nokia, avec les noms des trois compères.

Post – scriptum 1 : certains semblent redouter l’invasion de plombiers polonais sur notre territoire ; pour ma part, j’apprécierais sans réserve la présence de tels accordéonistes polonais sur notre sol.
Post – scriptum 2 : un grand merci à Anne-Marie Bonneilh sans qui j’aurais ignoré la présence de Motion Trio et sans qui j’aurais manqué une occasion de plaisir…

mardi, juin 20, 2006

mardi 20 juin

Un violent orage, hier soir, vers 20h30, a saccagé le jardin de curé. On comprend ce que veut dire l’expression « haché menu ». Les terrasses et la pelouse sont jonchées de feuilles du prunier. Il va falloir réparer les dégâts. Le sécateur va devoir couper toutes les tiges brisées. Seules les roses trémières, miraculeusement, ont résisté aux trombes d’eau. Avec les premiers rayons de soleil de la matinée, l’olivier se redresse et rassure ses acolytes à son pied. Le chèvrefeuille diffuse à nouveau son odeur sucrée par les fenêtres ouvertes de la maison et les lauriers, roses et rouges, reconstituent leur masse après avoir fait le gros dos et, au sens propre, avoir laissé passer l’orage.

On écoute une composition de Michel Portal dont la facture et l’interprétation sonnent à nos oreilles comme une musique que l’on pourrait qualifier de classique : Ivan Ivanovitch Kossiakof

- « Duo » : Viaggio – Ivan… 2 :55 – Leo, estante num instante 5 :44
- « Concerts » : Chorinho Pra EleIvan… 3 :49 – Viaggio

On est frappé par la différence de durée entre les deux versions. Un tiers de plus dans la version « Concerts » que dans la version « Duo ». D’autre part, dans les deux cas, Viaggio fait partie du contexte avec deux compositions d’Hermeto Pascoal. Un moment de méditation entre les pulsations du voyage et les réminiscences du Nordeste !

A la fin d’Ivan… sur la version « Concerts », alors que les applaudissements crépitent, j’aime bien la façon dont Michel Portal dit : « Merci pour Richard Galliano ! » et en écho Richard Galliano qui dit : « Merci pour Michel Portal !». Le timbre de leurs voix est alors très proche et l’on y discerne une vraie complicité.

lundi, juin 19, 2006

lundi 19 juin

Avant de revenir sur l’écoute de Libertango et de Taraf, et pour varier un peu les plaisirs, explorons un autre morceau, à nos oreilles le plus beau, du moins parmi les titres des trois albums : Oblivion !

- "Blow Up" : Little TangoOblivion 5 :02 – Chorinho Pra Ele
- "Duo" : Libertango – Oblivion 6:07 – J.F.
- "Concerts" : Little Tango – Oblivion 5:15 – Chorinho Pra Ele

A noter que le contexte d’Oblivion est identique sur « Blow Up » et « Concerts ». La mélodie de Piazzolla, devenue un classique, est précédée d’un hommage au tango classique (Richard Galliano évoque un possible hommage à Anibal Troilo) et suivie d’un hommage à Hermeto Pascoal (Michel Portal évoque le plaisir de l’exercice de style et de la virtuosité avec la clarinette si bémol, instrument qu’il n’utilise que rarement en dehors du répertoire classique).
Quant à « Duo », c’est encore de Piazzolla qu’il s’agit avec Libertango, occasion de dialogue entre le bandonéon et l’accordéon, cependant que J.F. renvoie à un autre univers, comme le faisait Chorinho Pra Ele dans les deux autres albums.

dimanche 18 juin

A partir des analyses des trois albums de duos de Richard Galliano et Michel Portal, nous avons maintenant deux possibilités de parcours d’écoute :

- le parcours simple : écoute d’un titre sur les trois albums successivement, dans l’ordre chronologique ;
- le parcours complexe ou contextualisé : écoute d’un titre avec son contexte sur les trois albums successivement et dans l’ordre chronologique.

Soit par exemple :

- parcours simple de Libertango : BU 6 :53 / D 7 :48 / C 8 :12
- parcours complexe de Libertango : BU : Mozambique – Libertango – Taraf / D : Giselle – Libertango – Oblivion / C : Viaggio – Libertango – Indifférence

Autre exemple :

- parcours simple de Taraf : BU 4 :02 / D 6 :09 / C 5 :57
- parcours complexe : BU : Libertango – Taraf – Little Tango / D : Taraf (1) – Tango pour Claude / C : Tango pour Claude – Taraf – Giselle.

Deux premières observations à la suite immédiate de ces écoutes :

- l’organisation systématique du dispositif d’écoute ne gâte en rien le plaisir ; tout au contraire, il suscite l’attente et provoque les comparaisons ;
- curieusement, nous sommes tellement submergés d’impressions que je ne trouve pas les mots pour dire les différences alors même que c’est la perception de ces différences qui est la source de notre plaisir. Il faudra essayer, à tête reposée, de reprendre cette écoute et de trouver les mots et les phrases pour nommer au plus juste nos perceptions et exprimer au plus près notre plaisir. Plaisir intellectuel d’une approche analytique, plaisir esthétique de la perception de variations et de différences. C’est la même chose et ce n’est pas la même chose.

samedi 17 juin

Le relevé des titres de « Blow Up », « Duo in Concerts inédits » et « Concerts » montre que cinq d’entre eux figurent dans les trois albums. Il s’agit de :

- Libertango
- Taraf
- Little Tango
- Oblivion
- Viaggio

Neuf figurent dans deux albums :

- Mozambique [BU & C]
- Chorinho Pra Ele [BU & C]
- Leo, Estante Num Instante [BU & D]
- Blow Up [BU & D]
- Tango pour Claude [D & C]
- Giselle [D & C]
- J.F. [D & C]
- Ivan Ivanovitch Kossiakof [D & C]
- Indifférence [D & C]

Trois titres enfin ne figurent qu’une fois :

- Ten Years Ago [BU]
- Face to Face [C]
- Beija Flor [C]

Cette classification est encore très grossière, car elle ne considère ni la place dans l’ordre des titres, ni les durées. C’est ainsi par exemple que Libertango se situe en position 2 [BU], 5 [D] et 9 [C]. Cela suffit pour suggérer que son rôle est différent dans l’économie de chaque concert. De même, Oblivion est en 5 [BU], 6 [D] et 5 [C]. Donc en position centrale quel que soit l’album. En 5 [BU], il est précédé de Little Tango et Chorinho Pra Ele ; en 6 [D], précédé de Libertango et suivi de J.F. ; en 5 [C], précédé de Little Tango et suivi de Chorinho Pra Ele. On voit donc qu’il a la même place et qu’il fait partie d’un même sous-ensemble sur « Blow Up » et sur « Concerts ».

Quant aux durées… reprenons Libertango. On trouve respectivement 6 :53 en BU, 7 :48 en D et 8 :12 en C. Regardons Oblivion. On trouve 5 :02 en BU, 6 :07 en D et 5 :15 en C.

L’ordre des titres sur chaque album suggère cette idée propre à ces organisations que l’on appelle des systèmes : l’ensemble est plus que la somme des parties, que la simple juxtaposition des éléments. Chaque élément dépend du réseau dans lequel il a sa place. On peut même penser que, comme dans tout système, le tout est en chaque partie. En chaque titre se condense et se cristallise la totalité de l’album ; on pourrait dire qu’il y a en chaque titre toute la couleur de l’album. Mais en même temps, cette organisation, dont on sent bien qu’elle est un équilibre murement réfléchi et fragile, laisse place à l’improvisation, comme l’indiquent les variations de durées.

Sous le disque de « Concerts », on peut lire ces quelques lignes manuscrites :

- La liberté de l’improvisation Jazz c’est de jouer chaque soir d’une manière différente, d’inventer, de créer spontanément une musique qui véhicule des émotions, des sentiments, des couleurs… et, sans préméditation, vous raconter une belle histoire. Richard Galliano, Paris le 21.3.2004
- Le sentiment de liberté que m’apporte la scène et le contexte particulier de chque concert : le public, le lieu, l’acoustique de la salle m’inspirent à partir d’un thème un voyage ou une histoire différente d’un concert à l’autre. Michel Portal, Paris, 25.03.2004

Demain, on écoute tout ça… avec méthode et en laissant faire un peu le hasard…

samedi, juin 17, 2006

vendredi 16 juin

Françoise a eu une assez jolie idée, dont nous avons décidé de faire un projet, à savoir écouter systématiquement les trois disques de duo de Galliano et Portal :

- « Blow Up », Dreyfus Jazz, 1997
- « Duo in Concerts inédits », Disques Dreyfus, 1999
- « Concerts », Dreyfus Jazz, 2004

Déjà, il faut noter que les dates d’édition pourraient être trompeuses, laissant croire à une fausse linéarité. Précisons les choses :

- « Blow Up » a été enregistré en public au studio Davout à Paris les 18 & 19 mai 1996
- « Duo » a été enregistré en public à Hambourg dans les studios de la radio NDR le 29 octobre 1998
- Quant aux « Concerts », trois titres ont été enregistrés en public le 5 mai 2003 à Milan, huit autres en public le 19 août 2001 à Anvers et les trois derniers enfin à Hambourg le 29 octobre 1998.

En comparant les dates, on pourrait penser que ces trois derniers titres figurent dans l’enregistrement de « Duo », puisqu’il s’agit de la même session. En fait, ce n’est pas exactement cela. Précisons les choses :

- Les trois titres en questions sont en effet : Face to Face, J.F. et Beija Flor. Or, dans « Duo », on ne retrouve que J.F. ; les deux autres n’avaient donc pas été édités.

Avant d’entrer dans le détail, une observation purement factuelle :

- « Blow Up » comporte dix titres
- « Duo » en comporte douze
- et « Concerts », quatorze.

Dans les trois disques, Richard Galliano joue de l’accordéon et du piano, Michel Portal joue de la clarinette, de la clarinette basse, du bandonéon, de la clarinette si bémol, du saxophone soprano, du jazzophone…

Bien entendu, il n’est pas question d’écouter ces trois disques successivement, mais de suivre à la trace les différentes interprétations du duo. Ce sont les variations et les différences qui sont en l’occurrence intéressantes. C’est ainsi que l’on a trois versions de Taraf, trois de Libertango, trois de Little Tango, etc… Prenons Taraf : 4 :02 (« Blow Up »), 6 :09 (« Duo »), 5 :57 (« Concerts ») ; prenons Libertango : 6 :53, 7 :48 et 8 :12 ou encore Little Tango : 5 :44, 4 :50 et 8 :12.

Demain, on commence notre parcours en explorant systématiquement les titres sur les trois albums, puis ceux qui sont sur deux albums et ceux qui ne figurent que sur un seul album, si le cas existe, ce qui reste à vérifier.

jeudi, juin 15, 2006

jeudi 15 juin

Parmi les trois disques de l’anthologie de Raul Barboza édités par La Lichère en 1999, un surtout me parait parfait, en particulier au plan émotionnel, tant la communion avec le public est intense, comme le prouvent les huit minutes de « La Foule ». J’imagine que ce jour-là un grand nombre des participants, peut-être tous, ont dû faire l’expérience de ce que l’on appelle « la chair de poule ». Ce disque, c’est le troisième, « Live at Montagny, Carrefour Mondial de l’Accordéon, 5 septembre 1998 ».

Citons le trio : Raul Barboza, accordéon ; Norberto Pedreira, guitare ; Minino Garay, percussions.

Mais pendant que j’écoute « La tierra sin mal », je relis le livret de présentation et au fil de cette lecture j’ai plaisir à noter ce qui suit :

- Raul Barboza joue sur un accordéon diatonique Saltarelle offert par la boîte d’accordéon… Cette information m’intéresse et m’amuse. Pourquoi est-elle donnée ainsi ? Simple affaire de publicité pour le magasin ou indice d’une connivence, voire d’une amitié, avec les gens de cette boîte ? J’imagine de la complicité…
- L’accordéon de Raul Barboza […] sent la terre ; son phrasé a la fluidité touffue, luxuriante du végétal… Les mélodies de Raul Barboza parlent sur une tonalité tellurique… Au même titre que la tomate, le maïs, le piment, le tabac et le chocolat, la musique de Raul Barboza est un des meilleurs fruits que le Nouveau Monde puisse tendre à la rencontre de l’Ancien (Pierre Monette). J’avoue que ces images me parlent immédiatement : il y a quelque chose de profondément terrien chez Barboza, un enracinement si profond et si authentique qu’il a une dimension immédiatement universelle. Partout où il passe, on sent bien que c’est un citoyen du monde parce qu’il est d’abord de quelque part.
- Pierre Monette, citant largement Patrick Tandin, écrit aussi que Raul Barboza est en prise directe avec le quotidien, que pour lui l’art doit s’intégrer au quotidien, qu’il ne doit pas être un fait exceptionnel. Il ajoute que Barboza c’est ça : son travail, il l’accomplit humblement, comme une tâche quotidienne. Comme un boulanger qui doit se lever tous les jours à des heures impossibles afin de préparer la pâte pour que, quand les gens se réveillent, ils aient du pain frais. Raul fait « simplement » son boulot de musicien, comme s’il faisait partie d’une communauté, c’est son côté Indien peut-être… Comme s’il faisait partie d’une communauté où chacun a son rôle à jouer pour le bien-être de tous…

Il y a, dans cette dernière phrase, quelque écho de la philosophie stoïcienne et en particulier de cette idée que l’harmonie du monde tient à ce que chacun accomplisse au mieux son rôle : ni plus, ni moins, faire ce que l’on doit faire, au moment où l’on doit le faire. En quoi la morale et l’esthétique se retrouvent. C’est peut-être parce que l’on sent immédiatement cette profondeur éthique dans l’engagement musical de Barboza que son accordéon nous touche si fort au plan esthétique. C’est peut-être cela l’enracinement que j’évoquais ci-dessus.

mardi, juin 13, 2006

mercredi 14 juin

A propos du jardin de curé de Françoise, ce matin, surprise, plusieurs dahlias se sont épanouis. Encore d’autres formes et d’autres couleurs.

La chaleur est encore aujourd’hui quasi caniculaire, mais ce n’est pas la canicule car les nuits sont agréables et revigorantes. Cela dit, il faut veiller à rester en bonne forme et penser à faire quelques exercices de remise en place des muscles du dos. Trois matches de football par jour, ce n’est pas une sinécure, même si je m’en tiens aux seuls temps de jeu, à l’exclusion de tout avant et après match. La diététique a aussi son importance : plateaux-repas, assiettes anglaises, salades composées et bières fraiches. A chaque match ses blinis et sa sauce… Et puis des fruits, beaucoup de fruits… Et puis pisser, beaucoup pisser au moment des publicités. La publicité, ça sert à ça !

Par le plus grand des hasards et pour mon plus grand plaisir, j’écoute en alternance trois disques que j’ai choisis, non sans quelque artifice, à partir d’un ou deux de leurs points communs :

- « Accordina Jazz, trio Jauvin Ithursarry Bras », 2004, La Lichère
- « Nikita, Jean-François Baëz Trio », 2005, Charlie Art Production, Harmonia Mundi
- « Ivry Port, BoloVarisTiboum », Iris Music 1998, Harmonia Mundi

Point commun entre “Accordina Jazz” et “Nikita” : la présence sur les deux disques d’un titre quasi identique, à savoir « Nickita » sur le premier et « Nikita » sur l’autre. Ils ne sont d’ailleurs pas sans rapports.
Point commun entre « Accordina Jazz » et « Ivry Port » : un trio comprenant un accordéon et un autre accordéon ou un accordina, et une batterie ou des percussions.
Point commun entre « Accordina Jazz » et « Nikita » : la présence d’un saxophone à côté de l’accordéon.
Point commun entre "Nikita" et "Ivry Port" : le monde des banlieues ouvrières, de la grande industrie et du travail prolétaire.

J’avais toujours apprécié, et cela dès la première écoute, le disque de Bolognèsi, Varis et Guigon « Tiboum », d’une part, et celui de Baëz, Berne et Richard, d’autre part. J’étais resté quelque peu sur le seuil d’entrée du Trio Jauvin, Ithursarry et Bras. Sans savoir pourquoi, et surtout sans chercher à me l’expliquer, aujourd’hui, j’ai été immédiatement sensible à l’atmosphère installée par l’accordéon, l’accordina et la batterie. Accords, dissonances… je pense à certaines compositions du « Didier Labbé Quartet »… Il faudra vérifier sur pièces en écoutant « Tous au souk »… En tout cas, je sens avec évidence que c’est bien du jazz et que de titre en titre une inspiration initiale de déploie. Variations autour d’une impression. « Accordina Jazz », ce pourrait être « Rêveries d’un promeneur des villes et des bois ». Par moments, l’accordéon d’Ithursarry me fait penser à Galliano, le jeu de Bras me fait penser à « Tiboum ». Un réseau de références se construit. Je ne suis plus en terres inconnues. L’accordina fait sonner sa spécificité.

mardi 13 juin

Quelques nouvelles du jardin de curé de Françoise. Avec l’arrivée brutale de la chaleur (plusieurs jours autour de 32 / 34° dans l’après-midi), il a besoin de beaucoup d’eau. On ne compte plus les arrosoirs qu’il engloutit la nuit venue, mais il nous les rend au centuple sous forme de couleurs et d’odeurs.

Trois lys blancs, le cœur safran et le dessous rose tendre ; des hortensias violets et bleus à l’aube de leur floraison ; des pétunias violets et bleus ; des œillets roses et blancs ; quelques pensées oranges, ce qui est assez inhabituel ; des impatiens blancs, roses ou rouges : tout cela dans un savant fouillis, dont le maître d’œuvre a bien compris que la ligne droite n’est pas le plus court chemin pour aller d’une couleur à une autre. Au-dessus de ce frémissement fragile, deux roses trémières de couleur vieux rose. Très aristocratiques dans leur allure. Bien sûr, il y a les rosiers qui vont fleurir à nouveau et, au milieu de la pelouse, l’olivier avec son petit jardin méditerranéen, couleur pastel. Plus loin, des gardénias blancs et des bégonias tubéreux. Une masse énorme de lauriers roses et rouges, qui tendent leurs fleurs vers le soleil. Un grenadier aux délicates fleurs rouges ; des pétunias violets et blancs… et toujours le chèvrefeuille qui envahit la haie du voisin. Le jasmin jaunit, mais il embaume de plus en plus. Deux framboisiers aux fruits pâles et comme décolorés, mais cependant sucrés et savoureux.

Minuit est passé. Tous les volets sont ouverts pour laisser passer un peu d’air. Il reste juste assez de temps pour écouter deux versions douces comme un foulard de soie de « Daphné ».

« Gipsy Project, Biréli Lagrène », Dreyfus Jazz, 2001.

Dans ce disque, largement inspiré de Django Reinhardt, Biréli Lagrène s’est entouré de Holzman Lagrène et Hono Winterstein aux guitares rythmiques, de Florin Niculescu au violon et de Diego Imbert à la contrebasse. C’est évidemment un pur plaisir. Mais il y a plus : deux versions de « Daphné » pour lesquelles Richard Galliano et son accordéon ont été invités. L’une longue (2 :58), l’autre courte (2 :25). On se rappelle que Gus Viseur l’interprétait dans les années 40. C’est ce que j’appelle volontiers « de la musique sans avoir l’air d’y toucher ». Aucun effet gratuit, aucun effet forcé ; personne ne tire la couverture à soi. Simplement un vrai dialogue, comme ça, en passant. La nuit sera douce...

lundi, juin 12, 2006

lundi 12 juin

En écoutant encore et encore « Cabeça elétrica, Coraçao acustico », je parcours l’avant-dernière page du livret, qui est consacrée aux remerciements. On y trouve des noms brésiliens, des noms de personnes, des noms de groupes, des noms de lieux, comme Pernambuco, le lieu des origines et des racines. Certains de ces noms sont célèbres, d’autres mentionnent des amis inconnus hors de la sphère intime ; certains sont connus mondialement, d’autres n’ont qu’une notoriété locale. Parmi les groupes, je reconnais des toulousains : Fabulous Trobadors e Bombes 2 Bal, Escambiar, On voit aussi des noms de villes : Marseille ou, plus exactement, Massilia, Nice, Saint-Emilion, Espanha, Toulouse, Dijon, Paris… Mais aussi Orléans, La Goutte d’Or, Venelles, Langon et ses nuits atypiques, Thouars, saint Pée sur Nivelle, Wazemmes, Zurich, Stockholm, Séville, Utrecht, Rennes, Douarnenez, Le Mans, etc…

J’ai plaisir à recopier ces mots, car ce sont des incitations à rêver. Il ne faut pas chercher à les classer, ni encore moins à y introduire un ordre quelconque. Il doit y avoir de l’aléatoire là-dedans. On passe de l’un à l’autre par associations d’idées ou par le hasard des voyages et des rencontres. Un monde se met ainsi en place, qui n’est pas réductible au seul monde des marchandises. C’est en ce sens que tous ces noms font rêver, car ils prouvent qu’un autre monde que le monde technocratique est possible. La preuve, il existe.

Tout en écoutant les échos de ce monde, je pense aux fêtes du Sud-Ouest animées par des bandas, souvent formées de musiciens quasi professionnels, contrairement à ce que pourrait laisser croire une certaine image folklorique. Je pense à ce que l’on appelle « le passe-rue », cette déambulation souple mais très organisée, où les bandas et les gens se croisent et s’entrecroisent au gré de leurs parcours respectifs de bistrot et bistrot. Il n’y manque qu’une chose : l’accordéon intégré à ces groupes. Pour que tout cela change et évolue, il suffirait qu’une année un comité des fêtes invite un groupe de forro. Pourquoi pas Silvério Pessoa ou Heleno dos 8 baixos ?… Et la liste des noms s’allongerait : Dax, Mont-de-Marsan, Bayonne… On y a une tradition festive telle qu’ils y seraient bien accueillis, forcément bien accueillis. En tout cas, on peut rêver de la rencontre détonante, une nuit tiède de juillet ou d'août, du forro et de la fiesta !

dimanche, juin 11, 2006

dimanche 11 juin

… écouté aujourd’hui un disque, qui est, je crois, le dernier de Silvério Pessoa. Je le trouve intéressant par le fait que les rythmes les plus classiques du forro brésilien se combinent avec des orchestrations diverses : grand orchestre de cuivres, violons, électronique… La tradition s’en trouve renouvelée. Deux accordéonistes interviennent : Genaro, dans la formation de base, sur cinq titres, et Dominguinhos comme invité sur deux titres. Au total, quatorze titres.

L’orchestre est à géométrie variable, ce qui ne nuit absolument pas à l’unité du disque. Il s’agit bien de la musique du Nord-Est du Brésil, on ne peut s’y tromper, mais avec ici ou là quelque chose venu d’ailleurs et intégré naturellement. Le titre lui-même est une réussite : « tête électrique, cœur acoustique ». Je n’avais jamais pris clairement conscience de cette dichotomie, mais je trouve très juste en effet d’associer le cœur à l’acoustique et la tête à l’électrique ou à l’électronique : affectivité chaude, rythmes naturels, instruments matériels et concrets, si j’ose dire, d’une part ; affectivité froide, rythmes artificiels ou fabriqués par des machines, instruments abstraits ou immatériels, d’autre part. Tout le problème à résoudre étant évidemment de ne pas juxtaposer ces deux mondes, mais de les combiner de manière dialectique pour créer une musique nouvelle. Comme il y a eu le tango nuevo ou le new musette, on pourra parler bientôt de forro nouveau…

Le texte introductif, signé de Silvério Pessoa et intitulé « Sur les traces des Nomades », a été écrit le 19.06.2005 à Montagne Saint-Emilion, ce qui ne saurait me laisser indifférent. C’est même un gage certain d’enracinement culturel profond, d’attachement au sol et de recherche incessante. Musiciens et vignerons, même combat !...

- « Cabeça elétrica, coraçao acoustico, Silvério Pessoa », Outro Brasil, L’Autre distribution, 2005.

Dernier point, qui n'est pas non plus indifférent : l'engagement politique et la recherche de métissages musicaux traversent l'ensemble des titres comme un fil rouge.

samedi, juin 10, 2006

samedi 10 juin

Vendredi, à partir de 20h30, nous avions donc prévu « un repas de rue ». A 20h, alors que l’après-midi est devenu de plus en plus lourd et sombre, un violent orage éclate poussé par un vent d’est inhabituel dans la région. Les feuilles des arbres sont hachées et jonchent les rues. L’eau coule en abondance le long des trottoirs et ici ou là des flaques se forment. Notre projet semble compromis, nos tables pliées le long d’un mur et les colonnes de chaises, dont les sièges sont remplis d’eau de pluie, paraissent bien dérisoires. On envisage déjà de partager les charcuteries et autres gâteaux d’apéritif ; on commence à prévoir les récipients pour répartir la paëlla entre les différentes familles. C’est alors qu’une voisine propose d’ouvrir son garage pour y recevoir notre assemblée. Il est en effet assez vaste pour accueillir une quarantaine de personnes, bien tassées, ce qui correspond à peu près au nombre des participants. Ce que l’on perd en espace vital, on le gagnera en convivialité. Commence alors la noria des chaises et des tables. Tout s’ajuste et en un tour de main chacun trouve sa place. Un fond de liqueur de mûres et une bonne rasade de jurançon sec : voilà pour le kir. Pour les autres, Berger blanc ou Ricard, selon l’humeur.

A minuit et demi, nous commençons à ranger le matériel. Nous nous connaissons mieux les uns et les autres, et nous en sommes contents… heureux comme des enfants que le temps se soit montré clément et que nous ayons pu échanger des propos sans importance pour le simple plaisir de se parler.

Bien entendu, vu l’espace disponible, il n’était pas question de sortir « Le Tournis ». En rentrant à la maison, nous n’avons guère envie d’aller nous coucher. Nous ouvrons portes et fenêtres « pour faire entrer un peu d’air » ; nous écoutons « La Nonchalante » et, dans cette nuit noire et douce, c’est un vrai bonheur d’écouter Pariselle chanter et jouer de ses accordéons.

vendredi, juin 09, 2006

vendredi 9 juin

Ce soir, à l’initiative de quelques voisins, nous avons organisé un « repas de rue ». La mairie met à notre disposition des tables et des chaises. Depuis hier, des panneaux d’interdiction provisoire de stationner ont été installés. « Interdiction de stationner des deux côtés de la rue, le vendredi 9 juin, de 20h à 24h ». Il y a une trentaine de familles. Notre rue est en boucle, si bien qu’en fermant l’entrée, nous sommes assurés qu’il n’y aura aucune circulation.

Le repas aura lieu autour d’une paëlla précédée d’un kir et suivie d’un dessert (des tartelettes aux fruits). Il y aura du vin rouge et rosé, des jus de fruits, des sodas et des aux minérales. La participation est de 10 euros environ par participant. Chacun apportera des amuses-gueules pour l’apéritif, son couvert, son assiette et tout autre complément qu’il jugerait souhaitable…

La population de la rue est plutôt âgée ; les gens se côtoient depuis de nombreuses années pour la plupart, mais c’est la première année qu’un tel repas a lieu. Jusqu’ici ce sont les enterrements qui nous rassemblaient.

Parmi les compléments, nous apporterons un disque d’Armand Lassagne. Convivialité, gentillesse, simplicité, sens mélodique… ce sont sans doute des valeurs « moyennes », sans esbroufe, ce sont des valeurs de nature à rendre le quotidien plus heureux. Ce n’est pas rien !

- « Le tournis, Armand Lassagne », Le Chant du Monde, Harmonia Mundi, 2003.

jeudi 8 juin

Comme souvent, quand j’ai eu ma dose de concept, je me tourne vers ce cher Daniel Colin :

- « Passion Gitane », swing musette & jazz manouche

En quelque minutes, qui passent trop vite (comme le disait Bergson, il y a la mesure du temps telle que peut la faire le chronomètre et il y a la durée qui est fonction de notre désir, de nos attentes… ou de notre plaisir), c’est du pur bonheur qui se répand dans mes oreilles, dans ma tête, dans mon corps. Autant ce que j’appelle la musique conceptuelle me fait éprouver les minutes comme du plomb, autant la musique de Daniel Colin a le don de transformer les minutes en instants.

Coup sur coup, Les yeux noirs, Mon Amant de Saint Jean, Passion Gitane, Bourrasque, Germaine… entre autres. On a peine à croire à une telle créativité, à une telle inventivité maîtrisée et réglée. C’est comme un retour aux sources… de jouvence !

mercredi 7 juin

- « Pauline Oliveros, The Roots Of The Moment », 2006 (2e édition) Hat Hut Records

… essayé d’écouter ce disque, d’une durée de 58:19. Je fais effort, mais décidément, je perçois cette musique comme le pur résultat d’un art conceptuel, c’est-à-dire d’un part pris artistique où les idées, les concepts, prennent le pas sur une expression vivante. Il me semble que l’aléatoire a remplacé à la fois la véritable improvisation, pleine de surprises et d’incertitudes, et l’écriture formelle qui ne laisse aucune marge de liberté à l’interprète. Dois-je le dire, mais je m’ennuie… je trouve ça long… interminable… sans saveur et sans vie. Mais je m’accroche… même si pour l’instant je reste sur le seuil de ce monde.

Malgré tout, il y a un intérêt à cette musique désincarnée, c’est sa froideur, bien appréciable en ces jours où le thermomètre affiche entre 32 et 34 sur la terrasse et où les soirées sont moites et orageuses.

lundi, juin 05, 2006

mardi 6 juin

Petit trajet jusqu’à Tarbes pour affaires. Vers 17 heures, avant de rentrer sur Pau, petit détour par la boutique « Harmonia Mundi ». Comme d’habitude, je retrouve le responsable de la boutique avec beaucoup de plaisir. Je lui parle du festival de Trentels et je lui montre les photographies que j’ai faites et publiées sur mon blog. Il m’apprend l’existence du festival d’Anères, un festival de cinéma muet dans les Hautes-Pyrénées. « Cinéma muet & piano parlant ». Il a mis de côté pour moi deux disques : l’un d’accordéon, l’autre de tango avec du bandonéon intéressant sur quelques titres. Bien entendu, je lui fais confiance. J’achète les oreilles fermées, si j’ose dire.

De retour à Pau, détour utilitaire par l’hypermarché. Quelques achats… passage par l’Espace culturel pour acheter deux livres, pour Camille et pour Charlotte. Paquets cadeaux ! Coup d’œil sur les têtes de gondoles : là, sous mes yeux, un exemplaire de « Duo », le disque de Jean-François Rossi et Jérôme Richard. Comment résister à l’envie de l’écouter ?

Je récapitule :

- « Pauline Oliveros, The Roots Of The Moment », 2006 (2e édition) Hat Hut Records.

“Pauline Oliveros, accordion in just intonation in an interactive electronic environment created by Peter Ward”. Tout est dit ! Musique des espaces infinis et des mondes au-delà de notre univers… On hésite entre une musique de machines et une musique humaine. Parfois, mais en plus minimaliste, je pense à Anzellotti jouant John Cage.


- « Yo ! Silvana Deluigi », Enja, 2004.

Je retiens, outre la voix de Silvana Deluigi, la grande unité du disque, avec deux morceaux où j’apprécie particulièrement le bandonéon. Il s’agit de deux milongas : (9) Milonga for Threee et (15) Milonga en el Viento. Mais bien entendu, il ne s’agit pas de réduire l’ensemble du disque à ces deux seuls titres.


- « Duo, Jean-François Rossi & Jérôme Richard », Cinq Planètes, 2005.

L’accordéon est peut-être un peu trop « brillant » à mon goût, tant dans les sonorités que dans la virtuosité, mais l’ensemble me plaît bien, avec une préférence pour « Pondichéry Tango », pour « Valse à Joë » et pour « Vuelvo al Sur », ce qui n’est déjà pas si mal. En tout cas, l’accord des deux musiciens vaut la peine d’être écouté.


Mais l'écoute des trois disques en "sautant" de l'un à l'autre s'apparente un peu à la pratique du grand écart... Et pourquoi pas ?

lundi 5 juin

Je continue à tourner autour de la définition du jazz…

Pour ce faire, je note trois idées de Galliano, Mille et Suarez, qui me semblent se compléter et me permettre d’avancer dans ma recherche.

- à la question de savoir quels sont les accordéonistes de jazz qui l’ont séduit, Galliano répond ceci : « Pour commencer, il y a Gus Viseur – j’écoute toujours ses vieux enregistrements, il était en avance sur son temps – et Joss Baselli. Ils sont pour moi deux purs jazzmen, spontanés et fragiles. Il n’y a rien de prémédité dans leur manière de jouer. Ils sont vraiment en haut de la pyramide. Je les écoute tout le temps. Tony Muréna, qui avait un train d’avance sur tout le monde, avec un jeu d’une grande finesse, qui a travaillé avec de grands accordéonistes et musicien de jazz… Et puis à l’âge de 12 ans, je découvre Art Van Damme, ça a été le choc de ma vie… »
- « … ce qui m’a touché, dit Daniel Mille, c’est le son du jazz [chez Count Basie, Duke Ellington, les grands orchestres de l’époque]. Plus tard, en découvrant d’autres musiciens, j’ai entendu d’autres couleurs. Et j’ai retrouvé ce qui me touche dans la musique : la rage, l’urgence, le besoin de raconter une histoire, la sincérité, l’originalité, ce ne sont pas des qualificatifs réservés à cette musique. Mais plus que les autres, le jazz les impose puisqu’il s’en nourrit. »
- « … ce qui m’intéresse en musique, dit Suarez, c’est l’improvisation, ce qui n’est pas l’apanage du jazz… On peut peut-être simplement souligner que c’est probablement le jazz qui a haussé l’improvisation au niveau du grand art. »


De ces trois fragments d’entretiens se dégage, me semble-t-il, un noyau de notions inhérentes à la musique de jazz : spontanéité, fragilité, absence de préméditation, improvisation… Mais, comme le dit Suarez, ces qualités ne sont pas propres au seul jazz. Sa spécificité serait donc dans une sorte de passage à la limite. En ce sens, la différence entre le jazz et d’autres musiques serait une différence de degré et non de nature. C’est pourquoi l’on peut passer du musette au new musette ou jazz musette. Mais en même temps, comme l’a dit Hegel, il y a une sorte de dialectique du qualitatif et du quantitatif qui fait que les différences de degrés sont telles que finalement on se retrouve ailleurs, dans un monde autre, sans que l’on puisse cependant dire précisément où se fait le passage, où a lieu la mutation.

Il est temps de réécouter deux incontournables, si j’ose dire, de ce passage :

- « New Musette, Richard Galliano Quartet »
- “Viaggio”

… et de relire ce que dit Galliano : “ Lorsque j’ai décidé de jouer des valses musettes avec des jazzmen, comme pour ce premier album « Viaggio » avec Biréli Lagrène, Pierre Michelot, Charles Belonzi, cela apportait forcément un nouvel éclairage pour un même morceau. Au niveau de l’improvisation et du développement, cela m’emmenait ailleurs. Si j’avais fait « Viaggio » avec des musiciens habitués – sans vouloir être péjoratif – à jouer surtout des morceaux de danse, cela n’aurait pas eu la même teneur… ». On avance : le jazz, c’est l’improvisation et surtout le dialogue d’improvisateurs, les improvisations partagées. C’est ainsi que je comprends Galliano lorsqu’il dit qu’il a compris qu’il pouvait reprendre des choses faisant partie du domaine traditionnel pour les frotter au jazz. « En créant le new musette, je pouvais peut-être apporter d’autres textures à cette musique ». Textures, texte, tissage, fils qui se croisent et s’entrecroisent. Dialogue à base d’improvisations.

dimanche, juin 04, 2006

dimanche 4 juin

En continuant à explorer le dernier numéro de la revue « Accordéon & accordéonistes », je relève quelques propositions, toutes en nuances, dont l’explicitation permettrait sans doute de préciser la définition de ce qu’est le jazz. C’est une manière de tourner autour pour construire cette définition par touches successives, sans exclure parfois les contradictions. Je note :

- Frédéric Schlick dit ceci : « Pour moi, la musique de Art Van Damme est 100% d’un jazzman ». Plus loin, « [plus tard il y eu] Marcel Azzolla que j’apprécie beaucoup, mais ce n’est pas à proprement parler un jazzman ». Si je pouvais en savoir un peu plus sur ce 100% et sur l’expression « pas à proprement parler », j’imagine que j’en saurais un peu plus sur cette définition… Qu’est-ce qu’en effet « un jazzman, à proprement parler » ?
- Lionel Suarez dit : « Je ne me considère pas comme un jazzman, j’aime tout autant la musique brésilienne, cubaine, classique, le rock». Est-ce à dire que le fait d’être un jazzman est exclusif d’autres styles ?
- Agnès Binet, à la question « Quel jazz jouez-vous dans votre quartet ? », répond ceci : « Nous sommes assez loin des standards, dans la conception des morceaux. C’est pourquoi je préfère toujours décrire ce que l’on fait comme du jazz contemporain. Nous sommes peut-être à mi-chemin entre le jazz et la musique contemporaine ». Est-ce à dire que le jazz « à proprement parler », ce sont les standards ?
- Justement, à propos de Daniel Colin, on lit ceci : « Colin a une vraie connaissance du jazz et des standards américains, c’est pour quoi il se lance toujours dans des chorus bien frappés ». Plus loin, « Daniel Colin est un musicien qui aime prendre des risques. Il joue, il démarre, il ne cadre rien, et après il peut partir dans n’importe quelle direction, déclare son ami Patrick Saussois. Il y a chez lui une prise de risque maximale, il joue à l’instinct, mais aussi comme un vrai jazzman. Entre une deuxième et une troisième prise lors d’un enregistrement, il y a un véritable écart, car Daniel s’échappe de toute contrainte ». Quel sens attribuer à ce « mais aussi comme un vrai jazzman » ? Le jazz serait-il incompatible avec le jeu à l’instinct et la prise de risque ? A rapprocher de ce que répond Daniel Mille à la question « Comment définiriez-vous ce genre musical [le jazz] » ?
- « Je parlerais volontiers d’espace liberté. La possibilité de s’approprier une mélodie, l’interaction entre chaque musicien, la capacité pour certains à inventer chaque soir, la prise de risques et la mise à nu que cela implique, tout cela participe à faire de cette musique une aventure profondément humaine où les faux-semblants ne sont pas conviés, et où il est question de partage ».
- En tout cas, dans ce même entretien, je retrouve cette idée que finalement ce qui définit le jazz, c’est qu’il est joué par des jazzmen. Je cite : « Ce disque ["Après la pluie"] est peut-être plus proche de l’idée qu’on peut avoir du jazz par son instrumentation et par le choix des musiciens qui sont des jazzmen ».
- Derniers mots. A la question : « Comment marier le jazz et l’accordéon ?», Daniel Mille répond : « En voilà une drôle de question, presque d’un autre âge… pourquoi l’accordéon aurait-il un statut particulier ? … Je ne sais pas si l’accordéon peut apporter quelque chose de nouveau, mais les accordéonistes le peuvent ».

samedi, juin 03, 2006

samedi 3 juin

… lu très attentivement les entretiens du dernier numéro de la revue « Accordéon & accordéonistes », qui est un spécial jazz. Il y a beaucoup de choses intéressantes à en tirer, mais pour l’instant je retiens les trois points suivants :

- de l’ensemble des entretiens, une idée, me semble-t-il, se dégage, à savoir que le jazz est la musique jouée par des musiciens considérés comme des jazzmen, parce que la musique qu’ils jouent est considérée comme du jazz. C’est dire qu’il n’y a de jazz qu’en acte…
- dans son entretien, Daniel Mille explique qu’il a le plus grand respect pour tous ceux qui sont à ses yeux des jazzmen, car « ça demande tant de travail, c’est un véritable sacerdoce, un mode de vie, une manière d’être. Alors ce ne sont pas trois chorus dans un disque qui font de vous un jazzman, c’est bien autre chose ».
- quelques pages plus loin, Lionel Suarez dit qu’il a beaucoup écouté de guitaristes et de pianistes. « Je joue aussi du piano à côté, cela m’a peut-être permis de chercher ailleurs des exemples, ce qui est justement difficile avec l’accordéon puisqu’il manque de références. En revanche, ce manque offre aussi plus de possibilités musicales puisque la route est libre… pour l’accordéon, le champ rythmique est ouvert, il ne s’agit que de le développer ».

C’est tout pour aujourd’hui. Il faudra revenir sur les accordéonistes qui font références communes, qui sont en quelque sorte les repères et la tradition de l’accordéon en jazz.

jeudi, juin 01, 2006

vendredi 2 juin

Deux choses bien agréables :

- vers 16h, petit détour par le point presse de l’hypermarché. « Accordéon & accordéonistes » est arrivé en trois exemplaires. Numéro 54, juin 2006. En couverture : « Spécial Jazz, Richard Galliano / Michel Portal. L’abécédaire des accordéonistes jazz de France ». A priori, un bon numéro : l’histoire du Balajo, des têtes d’affiche incontournables : Galliano et Portal, des entretiens variés et intéressants avec des gens qui ont des choses à dire : Lubat, Mille, Colin, Rossi, Binet, Suarez, Schlick, des pistes à explorer, beaucoup de noms que je ne connaissais pas parmi les cinquante-six accordéonistes de l’abécédaire. Un numéro d’ouverture, qui me plait bien. Photographie de couverture : portrait de Galliano avec son Victoria et de Portal avec son bandonéon. Deux visages, deux personnalités, deux regards différents, mais qui fixent l’objectif avec la même attention intense. On sent bien que leur qualité artistique est indissociable de leur qualité morale. Ce sont des hommes à projet. Merci au photographe, Raphaël Rinaldi d’avoir su saisir et restituer cette humanité. J’avais eu l’occasion de dire mon admiration pour ce photographe à l’occasion du numéro 51 et des photographies consacrées à Marc Perrone. On peut vraiment parler de style : classique, sobre, le noir et blanc va à l’essentiel : l’esthétique du cadrage carré et la subtilité des nuances de gris en disent plus sur la psychologie et le caractère des artistes photographiés que bien des mots ou de longs discours. Pas de bavardage. Une très bonne complémentarité avec les textes des entretiens, qui eux aussi vont à l’essentiel. Bref, une bonne cuvée… comme d’habitude.
- Pour allonger ce détour, petit détour par l’Espace culturel. En parcourant les rayons, un peu pauvres actuellement en disques d’accordéon, j’avise un cd dont un nom au moins attire mon attention : Erik Marchand. Je le connais en effet par l’un de ses disques que j’apprécie beaucoup : « Erik Marchand et les Balkaniks ». A priori le disque que j’ai sous les yeux m’intéresse, car s’il est dans la continuité des Balkaniks, il est joué par une formation réduite à quatre musiciens seulement. L’idée, le concept comme on dit aujourd’hui, me plait… Arrivé à la maison, j’écoute tout de suite ce nouveau disque et j’y trouve un très grand plaisir. Je retrouve la voix de Marchand ; je suis très sensible au son du taragot ; j’apprécie le jeu en soutien de l’accordéon, qui esquisse une sorte de décor dans plusieurs morceaux, décor à partir duquel les autres instruments et la voix peuvent s’exprimer pleinement. Je retrouve dans l’un des morceaux au moins des accents de Ionica Minune et de Roberto de Brasov. J’écoute avec émotion à plusieurs reprises les deux versions de « Jaurès » de Jacques Brel.


- « Erik Marchand, Costica Olan, Jacky Molard, Viorel Tajkuna / Unu Daou Tri Chtar”, Innacor Records, 2005.

Erik Marchand, chant ; Olan, taragot ; Molard, violon, alto, contrebasse ; Tajkuna, accordéon

jeudi 1er juin

Je me fais un petit concert freeBidou

- "freeBidou", production freeBidou, FB001-1, durée totale 24 :18.

Ce disque a toutes les caractéristiques d’une auto-production. Couverture minimaliste, avec la photo d’un enfant boudeur ou circonspect. Heureusement, il a un chapeau sur la tête : il ne risque pas d’attraper un coup de soleil. A l’intérieur, l’image d’un accordéon chinois ou japonais ou coréen, avec sa légende en anglais et en une langue idéogrammatique. Fournier, accordéon, Harrison, contrebasse, « Bulon » Buisson, banjo.

J’apprécie tout particulièrement Tatata, Steven song, Le Chinois et Vesoul. Presque tout donc !

- " freeBidou, Baby foot Party", Le Chant du Monde, 2003

Fournier, accordéon, Harrison, contrebasse, « Bulon » Buisson, banjo, guitare, percussions, bruitages. On constate que Buisson a mis plusieurs cordes à son banjo, qui est devenu aussi un instrument de percussion. La couverture est délicieusement années 50…A l’intérieur, toujours l’accordéon extrême-oriental. Inconscient es-tu là ? La conception graphique est encore de Soazig Petit. Il y a toujours le dessin d’un poisson aux yeux de merlan frit… et Benoit Destriau apparaît non plus seulement comme « enregistrement et mixage », mais comme « accompagnement psychologique et sonore »… on comprend ce que ça veut dire. A noter aussi des invités pour certains morceaux.

J’apprécie tout particulièrement Batman en Roumanie, La vengeance du clown qui pue, Rumbala, Baby foot Party, Cuite au Gin’s club. Je note que E.P.O. est passé de 1 :41 à 3 :55, come quoi ça marche… mieux, ça roule !
J’allais oublier Sur ma Mob

De même que Galliano instituait le New Musette, ne pourrait-on parler ici à juste titre de New Guinguette ? En tout cas, la question mérite, me semble-t-il, d’être posée.

mercredi 31 mai

Richard Galliano, 19h30
Richard Galliano, 22h40

Richard Galliano, 23h45

J'écrivais il y a quelques jours que certaines attitudes de Richard Galliano me faisaient penser à Rodin. Certes, ces trois photos, captées avec mon Nokia, sont techniquement très imparfaites. Peu importe. Elles correspondent assez bien pour moi à des attitudes caractéristiques de Richard Galliano et m'aident à les évoquer. Ce sont comme des traces d'une statuaire personnelle... Où l'on retrouve Rodin...