samedi, décembre 30, 2006

dimanche 31 décembre

Ecouter de l’accordéon, c’est toujours inscrire cette action dans un enchainement de gestes qui ne doivent rien au hasard. C’est d’abord un choix sociologique, avant même, selon moi, d’être un choix psychologique ou personnel.

Quand le cd commence « à tourner », j’ai déjà fait plusieurs gestes déterminés : choisir ce disque de préférence à d’autres, le disposer dans le tiroir du lecteur en choisissant un niveau sonore de départ, niveau ré-ajustable en fonction du plaisir maximum recherché, etc… Au moment de ces opérations, j’ai déjà des attentes plus ou moins fortes quant à ce que je vais entendre. Au moment où l’écoute stricto sensu commence, « je sais » déjà quelque chose de ce que je vais entendre et, d’emblée, la « machine à comparer » fonctionne. Dès les premières mesures, mes attentes sont validées et confortées ou invalidées, et, dans ce cas, cela induit moins de plaisir qu’attendu ou, paradoxalement, un plaisir supérieur, une heureuse surprise.

Mais, pour comprendre ce qu’écouter de l’accordéon veut dire, il faudrait encore prendre en compte ma posture, mon attitude d’esprit, mon environnement, plus ou moins présent, et bien d’autres choses encore, que l’on pourrait croire indifférentes comme le climat, le moment de la journée, etc…

Mais tout cela reste encore abstrait, car la spécificité de l’accordéon n’apparaît pas. Il faudra donc que je reprenne la question dans toute sa particularité.

En attendant, on voit déjà des différences avec l’écoute en concert. Avant de participer (je ne dis pas assister, bien trop passif) à un concert, toute une chaine de décisions et d’actes a eu lieu, qui construit des attentes. Le moment où l’on arrive devant la salle, l’entrée, la place, tout cela prépare l’écoute. Evidemment, l’allure du public est déterminante. On se sent à sa place ou déplacé. L’entrée en scène, le premier morceau, les premières réactions des gens, tout cela détermine une sorte de dialectique qui va construire le concert.

Je note ici cette différence radicale entre l’écoute d’un cd et l’écoute en concert : dans le premier cas, je peux choisir l’ordre des pistes, dans le cas du concert, cet ordre m’est imposé. Dans le cas du cd, il n’y a pas le suspense de la vie, dans le cas du concert, tout le monde est sur la corde raide.

Oui, mais… en quoi écouter de l’accordéon est une activité spécifique, distincte de l’écoute des autres instruments et d’autres styles de musique ? Mais, écouter de l’accordéon, est-ce une bonne question ? Ne s’agit-il pas, toujours et nécessairement, d’écouter un certain accordéon ?
Question qui renvoie à deux nouvelles questions : pourquoi avoir choisi d’écouter tel accordéon (tel compositeur, tel interprète) ? Comment l’écouter de manière adéquate? La première question est d’ordre sociologique et psychologique ? La seconde renvoie à l’analyse des comportements d’écoute (je n’écoute pas Lacaille comme Galliano, ni Galliano comme Pacalet, ni Pacalet comme Gus Viseur ou Murena, etc…).

samedi 30 décembre

Je commence souvent mon bloc-notes quotidien de la manière suivante : « … écouté tel morceau ou tel album d’accordéon (ou de bandonéon) », les points de suspension initiaux signifiant que cette action se situe dans une continuité qui n’a pas d’origine clairement identifiable. L’écoute que je décide de faire aujourd’hui est en effet inscrite dans un enchainement de gestes plus ou moins délibérés et de pensées plus ou moins conscientes, qui a commencé avec ma vie et qui s’achèvera avec elle. Depuis quelque temps, alors que j’écris ces premiers mots, « … écouté tel morceau ou… », une pensée me vient à l’esprit avec insistance. En fait, il s’agit d’une double question :

- qu’est-ce qu’écouter un cd d’accordéon (ou de bandonéon) veut dire ?
- qu’est-ce qu’écouter un concert d’accordéon (ou de bandonéon) veut dire ?

A ce sujet, je me suis rendu compte de l’existence d’un cours de l’Ecole Normale Supérieure consacré à la question de l’écoute musicale. Voici l’adresse :

http://www.entretemps.asso.fr/Nicolas/Ecoute/index.html

Le plan est en tant que tel assez excitant pour l’esprit, mais la question que je me pose est plus pointue. Il s’agit d’écouter de l’accordéon, non de la musique en général, or cette spécificité pose des questions sociologiques que n’aborde pas une approche de l’écoute musicale in abstracto. De même, malgré ma parenthèse, « (ou de bandonéon) », je sais bien que les deux activités ne doivent pas être confondues, mais que tout au contraire il faut bien en distinguer les particularités. Certains aspects sont certes communs à l’écoute de l’accordéon et du bandonéon, mais j’ai l’intuition que ce sont surtout les différences qui sont intéressantes.

Pour l’instant, je m’en tiendrai à quelques réflexions, notées au fur et à mesure qu’elles me sont venues à l’esprit. La synthèse, si synthèse il y a, sera pour plus tard.

Ecouter, ce n’est pas seulement entendre de l’accordéon, parce que les sons qu’il émet, transmis par quelque dispositif acoustique, croisent mon chemin. Ecouter ne se réduit pas à percevoir des sons.

Ecouter, ce n’est pas non plus comprendre ce qu’un compositeur et des interprètes ont voulu dire à un auditeur potentiel, sinon, si ce n’était que cela, l’écoute devrait se réduire au sens que pourrait traduire un texte. Ecouter, ce n’est pas seulement recevoir un sens construit dans la tête d’un compositeur et de ses interprètes. Si ce n’était que cela, l’analyse textuelle serait plus efficace que l’écoute pour atteindre ce but.

Ecouter, c’est toujours construire quelque chose qui a du sens pour moi à partir des traces sonores qui expriment l’intention d’un compositeur et de ses interprètes. Cette signification peut être en deçà ou à côté de celles qu’ils avaient imaginée et concrétisée dans une œuvre ; elle peut aussi être au-delà, plus riche, plus complexe, en ce sens qu’elle outrepasse ce qu’ils avaient pensé. Dans tous les cas, écouter, c’est construire en partie autre chose que ce qui avait été conçu par le compositeur et ses interprètes. Et cette construction est toujours originale, hic et nunc. La finalité de ce travail de construction, on pourrait dire de création, étant de produire du plaisir.

A suivre…

vendredi, décembre 29, 2006

vendredi 29 décembre

… écouté certes avec plaisir, mais surtout avec beaucoup d’intérêt le double cd, « Astor Piazzolla, L’amour du tango, L’album d’une vie ».

- Le cd1, après une introduction, « Adios Nonino », enregistrée au festival de Liège en 1978, couvre la période 1973 – 1989. On y trouve successivement le quintette, le quintette de tango contemporain et le sextette de Piazzolla.
- Le cd2 comprend trois volets : des œuvres pour le cinéma interprétées par le quintette de tango contemporain ou quinteto nuevo au cours de la période 1984-85, des interprétations du « noneto » enregistrées le 11 juin 1983, et enfin trois fragments d’entretiens où « Piazzolla parle sur France Inter ».

D’une certaine manière, on peut qualifier ce double cd d’album didactique, en ce sens qu’il propose une sorte de panorama de l’œuvre de Piazzolla. Le survol fait perdre de la profondeur ; on perd en effet dans cette présentation diachronique, qui n’est même pas strictement chronologique, tout ce que l’on peut percevoir dans un disque qui présente des pièces enregistrées en quelques journées. En d’autres termes, on ne perçoit pas l’unité synchronique habituelle propre à un album, en revanche on y trouve bien des éléments pour saisir le parcours de Piazzolla, même si, pour ce faire, on doit reconstituer la succession historique des enregistrements. Bref, un document, ni synchronique, ni à strictement parler diachronique, mais très riche d’information pour peu que l’on veuille l’écouter en l’organisant comme un parcours chronologique.

Autre intérêt du cd2, les propos de Piazzolla. J’en note quelques uns :

- alors que, jeune, il écoutait beaucoup de jazz et qu’il aimait cette musique, son père lui offrit un bandonéon en 1930, ce qui l’incita immédiatement à jouer de cet instrument, avec lequel, cinq ans plus tard, il eut l’occasion d’accompagner Carlos Gardel toute une nuit. Rencontre avec un mythe qui marqua sa vie définitivement. Il précise à l’occasion de ce souvenir que, pour lui, dire que Carlos Gardel est un mythe, c’est dire qu’il est indépassable. En quelque sorte, une référence absolue, hors du temps. Ce qui ne signifie pas que le tango s’est arrêté avec Gardel. Curieusement, on pourrait dire aujourd’hui la même chose de Piazzolla lui-même.
- très jeune, il aimait Bach et le bon tango, et il y avait alors, selon lui, à Buenos-Aires de très bons petits orchestres. Mais il y avait aussi des orchestres qui ne pensaient qu’à faire danser et pour cela qui jouaient toujours la même musique, simple et répétitive. Ce qui, dit-il, le fatiguait. C’est pourquoi il a monté son propre orchestre… qui est resté quatre années sans contrat, justement parce qu’il était impossible de danser sur sa musique. Mais il n’a pas cédé…
- dans le dernier extrait, il insiste sur le fait que son tango n’a rien à voir avec le jazz. Ce qui l’intéresse au plus haut point, c’est la composition et pour cela il se réfère à Bach et à la musique symphonique. Au fond, son projet est de composer de la musique symphonique pour bandonéon. En cela, il est tout à fait conscient d’avoir créé un style et d’être à l’origine d’un type musical spécifique. Mais en même temps, il prévient que ses continuateurs devront d’abord être des musiciens passés par le conservatoire, des musiciens de formation classique. Il me semble comprendre qu’en disant cela, il prend ses distances avec certains successeurs auto-proclamés, qui n’auraient pas fait ce parcours.

jeudi, décembre 28, 2006

jeudi 28 décembre

Françoise, Nadja, Charlotte et Camille sont allées chez le coiffeur. Je profite de l’aubaine pour aller faire un tour au « Parvis », l’espace culturel de l’hypermarché « Leclerc ». Je parcours les rayons de jazz, de world music et de musiques traditionnelles sans but préconçu, mais bien décidé à repérer un disque intéressant. Mais le choix est très pauvre. En cette période de fêtes, l’accordéon est bien peu présent. Je note qu’ici aussi « Solo » brille par son absence. Un vendeur interrogé sur la disponibilité du disque m’avoue ne pas avoir d’information à ce sujet.
A force de parcourir ainsi les rayons, un peu à l’aventure, je finis par tomber sur un disque que j’avais déjà rencontré plusieurs fois, sans l’examiner plus avant. En cette période de disette, je regarde d’un peu plus près ce dont il s’agit. Le titre ne m’attire pas tout de suite :

- « Astor Piazzolla, L’amour du tango, L’album d’une vie »

Mais une indication, au dos, retient mon attention :

- 2000 Editions Milan Music. Une coédition Radio France - Fondation Astor Piazzolla.

Elle me parait en effet être une garantie de sérieux. Je me rends compte alors qu’il s’agit en fait de deux cds (pour le prix de 16,44 euros) :

- cd 1 (intro. et chapitres I à III) : introduction, le quintette, le quintette de tango contemporain, le sextette
- cd 2 (chapitres IV à VI) : le cinéma, le noneto, et enfin Astor Piazzolla parle sur France Inter.

Le livret intérieur tient en deux pages. Pas de commentaires à proprement parler, mais les dates et lieux d’enregistrement sont bien référencés. La composition des différentes formations est précise. Un bon outil documentaire. Le sérieux se confirme.

Depuis maintenant un peu plus d’une heure, nous écoutons le premier cd, écoute en diagonale avec des retours en arrière pour affiner nos impressions premières. Nous sommes partis d’un intérêt plutôt intellectuel, de l’ordre du studium dirait Roland Barthes, mais de toute évidence le charme de Piazzolla opère et le punctum se manifeste déjà à plusieurs reprises. Je suis frappé encore une fois par l’extrême tension dans le jeu de Piazzolla. Je pense fortement à la gestuelle graphique d’un peintre lacérant sa toile tout en la couvrant de traits vifs, larges et lumineux sur un fond sombre et mat. Piazzolla, c’est dur et éclatant comme du diamant.

Ecoute à suivre…

mercredi, décembre 27, 2006

mercredi 27 décembre






… aller-retour Pau / Bayonne cet après-midi pour régler quelques affaires. Le temps est magnifique, les couleurs délavées de la montagne, grises, bleues ou vertes avec, ici et là, les taches massives et sombres des fermes béarnaises, puis celles, blanches et rouges, de grosses fermes basques. Après avoir fait ce que nous devions faire, nous sommes allés, Françoise, Nadja et moi, boire un chocolat chez « Patxi », face à l’océan. La température est de 14°, pas un nuage dans le ciel. Il y a une compétition de surf, mais les vagues sont plutôt alanguies. Je me dis que cette côte basque, ici la chambre d’amour, au pied du phare de Biarritz, donne une idée assez juste de la douceur de vivre…

Dans la soirée, retour à Pau. Circulation dense, mais fluide.

En consultant l’internet, je tombe sur une information intéressante relative à la sortie prochaine du dernier disque de Galliano. Je la note sans commentaires.

- sur Alapage, ce disque est mentionné sous le titre « Luz Negra », Milan Universal Music France, au prix de 22,12 euros. Sortie prévue le 29.01.2007.
- sur le site de la Fnac, mêmes indications, mais le prix est de 17,92 euros. La liste des quatorze titres apparaît : Tangaria, Luz Negra, Chat pitre, Fou rire, Gnossienne n°3, Escualo, Indifférence, Flambée montalbanaise, etc…
- Quant à Virgin, le disque n’apparaît nulle part.


Nadja nous a offert deux billets pour le concert du Richard Galliano Tangaria Quartet, au New Morning, le 23 janvier à 21h. Nous avons retenu l’hôtel et les places de train. J’espère bien que ce soir-là, nous verrons ce disque en avant-première… A suivre…

mardi, décembre 26, 2006

mardi 26 décembre

… écouté le module (si l’on peut dire) « Nains » de l’album de Jean Pacalet, « 7x7 ». « Nains » est le premier de ces modules et je ne saurais dire pourquoi mais j’ai une prédilection particulière pour celui-ci. En partie sans doute à cause de l’humour que j’y perçois.

Comme je rangeais le boitier contenant les deux cds à sa place alphabétique, une double question m’est venue à l’esprit :

- que signifie en l’occurrence « écouter » les sept pièces de « Nains » ?
- qu’est-ce que cette action, « écouter », implique en termes d’attitude et de posture ?

Pour ce qui concerne la première question, il me parait clair que l’écoute implique un travail intellectuel de mise en correspondance, d’attention à la structure, de recherche des caractéristiques du style de la composition et de l’interprétation, autrement dit un travail de mise en réseau. Ecouter, c’est plus ou moins systématiquement et consciemment tisser un réseau de signification dans lequel les sept pièces trouvent leur place.

Pour ce qui concerne la deuxième question, il me parait tout aussi clair que l’écoute n’implique pas seulement l’ouïe, mais toutes les autres catégories de perceptions : écouter, c’est d’abord être installé confortablement, dans un siège et une position confortables, c’est se trouver dans un environnement dont la luminosité et la température sont agréables, c’est encore pour moi tenir entre mes mains le boitier de l’album, non pour l’observer, mais pour en sentir le grain sous mes doigts, c’est encore être dans un local plein d’odeurs fraiches… certes des variantes sont possibles, mais là encore l’écoute ne peut être isolée du système perceptif dans lequel elle fonctionne.

Dans les deux cas, l’écoute renvoie aux notions de réseau ou de système. Ecouter, c’est construire un monde de perceptions ; on est loin d’une activité particulière et indépendante de son environnement.

A suivre…

lundi, décembre 25, 2006

lundi 25 décembre



… consacré cette journée de Noël, d’une part à explorer leurs jeux et jouets avec Camille et Charlotte : poupées, jeu de construction, machine à coudre, pour laquelle il faut trouver des piles adéquates (merci aux stations-service !), puzzles, mandalas, etc… d’autre part à faire une visite à mes parents (âgés de plus de quatre-vingt-cinq ans), qui ont choisi de vivre seuls dans leur villa, pour partager avec eux un pain-surprise, des gâteaux saturés de sucre et du champagne. Peu de temps donc pour l’accordéon… Ce sera pour plus tard, mais pour l’instant je prends deux notes avec mon Nokia pour garder trace de moments que je ne veux pas risquer d’oublier tout de suite :

- d’abord, les couvertures des deux (si l’on peut dire) disques de Richard Galliano : « Ballet Tango » et « Solo ». J’avoue avoir une préférence pour le dessin de Guy Peellaert qui illustre le premier. J’écrivais il y a peu que le titre du second aurait pu être « Solos » ; je persiste car ce pluriel aurait donné un titre en forme de palindrome, c’est-à-dire de suite de lettres lisibles identiquement de gauche à droite ou de droite à gauche. On voit sur cette photographie la différence d’organisation des deux albums.
- ensuite, la bouteille de Saint-Emilion, vide à présent, mais qui n’est que le premier « cadavre » des fêtes…

dimanche 24 décembre

… d’abord, nous avons diné en famille. Un petit apéritif : toasts de foie gras de chez Guillemot, petits canapés chauds à l’ananas, champagne brut Desmoulins, marque à laquelle nous sommes fidèles depuis 1989. Ce champagne a accompagné tous les moments « historiques » de la famille : mariage, naissances, concours, etc… C’est pourquoi nous en avons toujours deux caisses d’avance en cas de besoin.

On a gardé le champagne sur l’entrée de coquilles Saint-Jacques. Ensuite, poulettes farcies à l’ancienne, suivant une recette de Ducasse réalisée par Nadja, avec pommes sautées et cèpes. On n’en laisse pas une miette, si bien qu’après la salade, des sucrines, nous renonçons au fromage du pays. J’ai ouvert un Saint-Emilion, acheté dans une foire aux vins, que nous nous accordons à trouver tout à fait à notre goût. « Saint-Emilion Grand Cru, Château La Clotte, grand Cru classé, appellation saint-émilion grand cru contrôlée, 1989, mis en bouteille au château ». On finit le repas avec une bûche glacée, Désir Caraïbe, crème glacée vanille, sorbet fruits exotiques, coulis framboise, biscuit madeleine. Café arabica du Costa-Rica.

C’est ainsi que l’on arrive à 23 heures. Charlotte et Camille, après avoir regardé « Le soldat rose », sont inquiètes. Elles se demandent si le Père Noël va bien passer… En attendant minuit moins le quart, nous écoutons successivement Daniel Colin (« Les yeux noirs », « Mon Amant de Saint-Jean », « Germaine »), Armand Lassagne («Le Tournis », « Made in Valse », « Swing valse »), Jean-Luc Amestoy (« Espina », « La petite valse de derrière les fagots ») et Michel Macias (« La Rabouine », « La Godasse »). « Les filles » dansent comme des folles.

…à minuit moins le quart, ça devient sérieux… il ne faudrait pas que le Père Noël tombe nez à nez avec Charlotte et Camille au pied du sapin. Comme les autres années, elles s’enferment donc dans leur chambre avec Sébastien pour veiller sur elles dans le noir, et dans le plus grand silence. Quelques minutes plus tard, il est quasiment minuit, grand fracas à la porte d’entrée, des bruits de paquets jetés à terre et de papier-cadeau froissé, des pas lourds, puis silence… On entend cependant claquer le portail sur la rue. Charlotte et Camille se précipitent pour vérifier une fois encore que le Père Noël a disparu sans qu’on puisse l’apercevoir. Mais il a laissé des cadeaux…

… quand on a fini d’ouvrir tous les paquets, toutes les boites et que le sol est comme un champ de bataille de jouets, Camille s’extasie de constater que le Père Noël lui a porté tout ce qu’elle avait commandé… de même pour sa sœur. Il n’a rien oublié. C’est cela qui lui parait le plus étonnant, quasiment miraculeux.

Post-scriptum.- Les quatre disques d’où sont tirés les titres que nous avons écoutés sont :

- « Passion Gitane », Daniel Colin, swing musette & Jazz manouche, 2002, Djaz records
- « Le Tournis », Armand Lassagne, 2003, Le chant du monde, Harmonia Mundi
- « Le fil », Amestoy Trio, 2003, Daqui, Harmonia Mundi
- « CaïCaïCaï », Michel Macias, 2000, Daqui Harmonia Mundi

samedi, décembre 23, 2006

samedi 23 décembre

… les « petits » sont arrivés de Toulouse. Nadja est arrivée par le train avec Charlotte et Camille vers 12h30 ; Sébastien est arrivé par la route vers 16h00. Le coffre de la voiture tenait lieu en effet de hotte du Père Noël et il était préférable que Charlotte et Camille ne voyagent pas en compagnie d’un tel Père Noël. Dès leur entrée dans le jardin, elles ont admiré un (autre) Père Noël occupé à escalader le toit avec une échelle de corde et la guirlande qui monte à l’assaut du prunier. Entre l’installation de la troupe et quelques occupations nécessaires liées à la préparation du réveillon, j’ai eu peu de temps à consacrer à la musique… d’autant plus que Françoise a fait écouter aux petites un cd de chants de Noël très New-Orleans.

Malgré tout, j’ai pu écouter attentivement « Solo », qui aurait pu s’écrire « Solos » tant Richard Galliano combine entre eux ses solos d’accordéons et de bandonéons. Au départ, mon attention était orientée par le projet de comparer ce disque avec « Ballet Tango », mais très vite celui-ci a fait place au simple plaisir d’écouter des titres que je connais bien et que j’aime. A la vérité, je ne saisis guère de différence qualitative entre les deux disques, qu’il s’agisse de la qualité technique ou de l’organisation des titres, un peu différente dans l’une et l’autre version. Reste le plaisir pur d’écouter « Adios Nonino », « Oblivion » ou « Chiquilin de Bachin », tous les trois pour quatre accordéons et bandonéon solo, ou encore « Pedro y Pedro » pour accordéon solo. Sans compter que peu à peu j’apprécie de mieux en mieux les quatre parties de la suite « Ballet Tango » et les trois préludes pour piano que Piazzolla avait demandé à Galliano d’arranger pour accordéon.

Mon approche analytique initiale a laissé place, chemin faisant, au pur plaisir esthétique… et c’est bien. La preuve : j’ai commencé mon écoute, assis dans mon fauteuil de bureau, les pieds posés sur mon bureau, j’ai continué en marchant de long en large. Décidément, je ne sais écouter le tango ou le bandonéon qu’en marchant…

jeudi, décembre 21, 2006

vendredi 22 décembre

… hier, Régine P…est venue déjeuner à l’impromptu. Repas vite fait : avocats, épaule d’agneau, frites, fromage du pays, fruits (clémentines de Corse et raisin), macarons de chez Thibaud, café arabica du Costa-Rica, vin des côtes de Blaye. Agréable ! On a tout mangé en discutant de choses et d’autres.

… en milieu d’près-midi, visite à la Fnac pour faire quelques achats. Les parkings alentour sont « complets ». On est obligé d’aller se garer à… cinq minutes à pieds. A Pau, quand tout est encombré et que l’on a des difficultés à trouver des places de parking, on est toujours au plus à quelques minutes du centre. C’est le charme de la province provinciale… Le charme aussi de ce sud-ouest entre Espagne, Océan et Pyrénées.

Deux choses à faire à la Fnac, outre quelques cadeaux pour les uns et les autres : cds, dvds, chèques-cadeaux, livres et autres gadgets électroniques…

- d’abord, nous achetons deux places pour le concert de Daniel Brel et Nial Doya, le 5 mai au « Monte-Charge ». Après avoir payé, je demande où nous sommes placés, persuadé (c’est un peu naïf, j’en conviens) que nous devons être parmi les premiers à avoir retenu nos places. Je constate alors que nous sommes placés au sixième rang et j’apprends à l’occasion que la location par la Fnac commence avec ce sixième rang. Bizarre ! Du coup, nous nous rendons directement au « Monte-Charge » où j’explique mon problème et où j’échange sans difficulté mes deux sixième rang pour deux premiers rangs : A2 et A4. Merci à la direction du théâtre qui nous a arrangé l’affaire avec la meilleure bonne volonté et avec un mot enthousiaste pour nous recommander vivement le concert ;

- ensuite, je cherche en vain le dernier disque de Galliano, « Solo », dont la sortie, annoncée déjà pour le 20 novembre, a été repoussée au 18 décembre. Ce disque, signalé comme nouveauté sur les sites Fnac et Alapage, me parait bizarre… Depuis le début, j’ai noté qu’il s’agit en fait du disque de 1992, « Ballet Tango » et j’ai été surpris de le voir présenté comme nouveauté. Finalement, une vendeuse me montre le disque, placé dans un endroit peu visible et non en nouveauté, pas même au nom de Galliano. Comme je m’en étonne, elle me fait part des difficultés liées à la sortie de ce cd… au point de se demander s’il ne sera pas retiré de la vente. Au cours de notre conversation, elle m’apprend qu’il leur est recommandé de ne pas communiquer à propos de ce disque. Tout ça, ça sent un peu les conflits d’intérêts entre éditeurs. Affaire à suivre… Je continue cependant à m’étonner qu’on puisse ainsi sortir un même disque sous deux noms différents. Si l’on y regarde de près cependant, on peut noter que l’ordre des titres a été un peu modifié et, comme l’indique Galliano dans une courte présentation, la « remasterisation » a donné plus de chaleur, plus de lisibilité et, je dirais, plus de profondeur au son. En revanche, les indications techniques de « Solo » sont moins précises que celles de « Ballet Tango ».

Dans les deux cas, même si tout s’arrange au mieux : on obtient, après coup, les meilleures places possibles, alors que dans un premier temps l’information est floue (comment imaginer qu’un début de location commence au rang 6) ; on écoute un disque dont le son est finalement meilleur que l’original, mais comment se douter dans le premier temps que ce disque date de 1992 et qu’il sort à nouveau aujourd’hui sous le masque d’un nouveau nom. La société de communication n’est pas synonyme de société d’information. On le savait déjà grâce aux politiques…

mercredi, décembre 20, 2006

jeudi 21 décembre


















… avec la tombée du jour, le sapin, seul dans son coin, éclaire le salon inoccupé et obscur. Il s’entraîne pour les soirées à venir. Il veut « assurer » quand Camille et Charlotte s’émerveilleront devant les variantes de ses clignotements. Dehors, le prunier, maintenant dépouillé de ses feuilles, s’anime au rythme d’une guirlande lumineuse qu’il supporte avec précaution. Tout ça est un peu kitsch, mais on a plaisir à feindre de s’extasier devant les alternances des lumières.

J’ai essayé à plusieurs reprises de joindre Daniel Brel, mais en vain. Un peu après midi, il m’a appelé lui-même, ayant trouvé mes messages. Il habite bien Pau (nous sommes pour ainsi dire voisins), il est professeur à l’école de musique, il a encore deux disques de tango disponibles immédiatement, il a bien passé son enfance près de Pau et « Quatre chemins de mélancolie » a été composé dans les Pyrénées. Comme l’école de musique prépare un concert de fin d’année, son temps est plus que compté ; nous convenons donc de nous rencontrer vendredi. J’ai hâte de découvrir ses deux disques. Comme je fais allusion au concert qu’il doit donner en duo en mai au théâtre du « Monte-Charge », il me confirme qu’il jouera avec un jeune guitariste gitan, Nial Doya et ajoute : « Oui, ce concert, c’est une aventure humaine… ». J’en saurai plus vendredi.

mardi, décembre 19, 2006

mercredi 20 décembre



… hier, après avoir écouté « Quatre chemins de mélancolie », Françoise a exploré le site internet de Daniel Brel. C’est ainsi que nous avons appris qu’il avait passé son enfance près de Pau, qu’il appréciait les Pyrénées et qu’il avait fait un disque de new tango, "Bando solo". Mais la dernière mise à jour de ce site datait de 2005, alors nous en avons exploré d’autres. C’est ainsi que j’ai appris qu’actuellement il habitait Pau. Une recherche d’adresse m’a permis de le localiser à environ 200 mètres de notre habitation. Nous passons tous les jours devant sa maison pour aller chercher notre pain quotidien !

J’ai essayé en vain toute la journée de le joindre par désir d’acquérir si possible son disque de tango et éventuellement d’autres, s’il en existe. J’essaierai à nouveau demain ! Nous savons aussi qu’il se produit dans la région, souvent dans des églises, et qu’il jouera en duo à Pau, au Monte-Charge, les 3, 4 et 5 mai 2007. Nous retiendrons demain deux places pour le 5 mai. Le 3 en effet, un concert de Daniel Mille est prévu à La Rochelle. On ne saurait être partout en même temps.

Autre nouvelle : alors que nous étions en route vers Hossegor, où nous avions quelques affaires à régler, Nadja nous a téléphoné pour nous faire une surprise. Elle venait de découvrir que Richard Galliano fera un concert au New Morning le 23 janvier pour la sortie de son disque, « Tangaria » et, dans la foulée, elle nous avait retenu deux places. Il nous reste à retenir deux places de TGV et une chambre d’hôtel.

Hossegor avait sa tête des jours de tempête. Ciel bas et sombre, nuages lourds, sable gris et vagues noires. Au loin, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz et encore au-delà, l’Espagne, Saint-Sébastien et Bilbao. Hossegor sauvage, c’est austère et c’est encore très beau…

lundi, décembre 18, 2006

mardi 19 décembre







… j’apprécie beaucoup la peinture de Pierre Soulages et, en fin d’après-midi, après avoir sacrifié au rite des achats de Noël, j’ai pris grand plaisir à contempler une série de peintures sur papier des années 50. Mais, alors que je les parcourais, sans penser au temps qui passe, en me laissant aspirer par la formidable sérénité qui émane de ces œuvres, l’idée m’est venue, comme une évidence, qu’il y avait une correspondance, pour ne pas dire une consonance, entre cette peinture et un disque assez étrange, que j’écoute parfois, « Quatre chemins de mélancolie ».

Il s’agit d’un disque produit par « Les chants de la terre ». Daniel Brel joue du bandonéon (Alfred Arnold, 1931). Il joue avec « Le poème harmonique », ensemble constitué de cinq musiciens sous la direction de Vincent Dumestre. Le disque a été enregistré en 2003 en la chapelle de l’hôpital Notre-Dame de Bon Secours, à Paris. Les instruments de cet ensemble sont un dessus de viole Feyzeau de 1752, une basse de viole à sept cordes Judith Kraft & Bernard Prunier de 1978, une basse de viole à six cordes Judith Kraft de 2000, une basse de viole à sept cordes Bernard Prunier de 1993, un théorbe Uncilla Lourdes Moreno de 1994.

Les instrumentistes : K. Uemura, dessus de viole ; M. Bauer, basse de viole ; S. Abramowicz, basse de viole ; I. Saint Yves, basse de viole et V. Dumestre, théorbe et direction.

Au fur et à mesure de cette écoute et de la contemplation concomitante des peintures de Soulages, la nuit est tombée. J’ai pensé alors que Soulages avait fait les vitraux de l’abbatiale Sainte-Foy à Conques, en Aveyron : un pur chef-d’œuvre de lumière. Une œuvre d’art et une œuvre de haute technologie.

La contemplation de peintures de Soulages, l’évocation des vitraux de Conques, l’écoute du bandonéon de Daniel Brel et de la musique, venue des limbes, du « poème harmonique ». L’harmonie à l’état pur !

Il est temps d'aller préparer une soupe de légumes pour le repas de ce soir : quelques pommes de terre, des carottes, des poireaux et une aile ou une cuisse de canard confite pour donner du goût.

dimanche, décembre 17, 2006

lundi 18 décembre

… consacré la journée de dimanche aux préparatifs de Noël : décoration du sapin, installation d’un Père Noël en train de grimper sur le toit par une échelle de cordes et d’une guirlande lumineuse dans le prunier, aménagement d’une chambre pour Charlotte et Camille. Le temps est obstinément gris, un crachin presque impalpable étouffe les sons et les couleurs.

Il y a quelques jours, j’avais découvert, un peu par hasard, un disque de Daniel Mille, « Les heures tranquilles ». Nous l’avions écouté un peu, mais depuis lors il était resté en attente au bord de mon bureau. Cette journée, maussade à l’extérieur, mais pleine des couleurs des guirlandes, des boules et des étoiles à l’intérieur, est en fait propice à une écoute plus attentive de ce disque. Finalement, il a tourné toute la journée, chaque écoute nous donnant envie de revenir sur tel titre ou de vérifier telle impression… ou de faire des rapprochements avec des morceaux des œuvres ultérieures de Daniel Mille… ou avec son concert de Caveirac, près de Nimes. Au bout du compte, on est frappé par la continuité de son style.

Je ne saurais dire pourquoi, mais la musique de Daniel Mille et son jeu à l’accordéon ont pour moi, immédiatement, quelque chose de parisien. Cela tient à un je-ne-sais-quoi : une couleur, une tonalité, un climat. Quelque chose comme de l’aquarelle. De toute évidence, spontanément, j’associe son jeu au monde de l’accordéon des villes. Je suis très sensible aussi à la qualité poétique de ses titres, qui renvoient à un monde de transitions, de passages, de changements, de petites perceptions… Je pense à ses albums, « Les heures tranquilles », « Entre chien et loup », « Après la pluie », mais aussi à des morceaux comme « Sur un air de famille », « Le pont bleu », « Un instant seul » ou « Aube », « Novembre », « Embruns » ou encore « Juste avant », « Les soirs de pleine lune ».

« Les heures tranquilles » a été enregistré en septembre 1995 et mixé en novembre de la même année. J’aime bien les précisions quant aux instruments : accordéon Cavagnolo pour D. Mille, guitare Alhambra pour J.-Ch. Maillard, baguettes Pro Orca, cymbales Sabian et batterie Pearl pour T. Arpino, cellule Transducer pour V. Charbonnier, qui remercie F. Gougi, luthier à Malakoff. J’estime que tous les disques devraient comporter ces précisions. De même il est précisé que l’enregistrement et le mixage ont été faits au studio « Sous la ville » par Marc Berthoumieux assisté de David Rit. Et c’est bien ! Comment en effet séparer la composition, l’interprétation et la technique sous tous ses aspects, des instruments au traitement du son.

Les dix pièces de cet album sont interprétées en formations diverses, qui vont du trio au septet. Les instruments : accordéon, accordina et voix pour D. Mille. Très importante la voix, tant elle semble être comme un autre instrument associé à l’accordéon. Guitares, piano, percussions ; contrebasse ; batterie ; saxophone baryton et soprano ; piano ; orgue Hammond ; guitare électrique ; violoncelle.

Toutes ces précisions n’ont bien entendu d’intérêt que comme complément au plaisir immédiat que nous avons eu, la journée durant, à écouter « Les heures tranquilles » pour nous accompagner dans nos préparatifs de Noël. L’un des titres n’est-il pas « Sur un air de famille » ?

vendredi, décembre 15, 2006

dimanche 17 décembre

















Hier après-midi, Françoise est allée acheter un sapin de Noël chez « Jardiland ». Alors que nous étions en train de le fixer sur son support, un bruit régulier de craquements de feuilles et de branchettes attira notre attention. Un oiseau ? Non ! Un hérisson. Un peu interloqué par notre présence, il nous regarde avec méfiance, prêt à se mettre en boule au moindre danger. Mais il suffit de lui parler gentiment pour qu’il accepte de se laisser tirer le portrait.

Pendant des années, disons de l’adolescence à l’orée du troisième âge, mes arts de prédilection étaient la peinture et le dessin, dont j’apprécie tellement l’abstraction, et la photographie. Je suis entré dans ces arts par Picasso, pour la peinture, Guernica ! Léonard de Vinci et Dürer pour le dessin, Cartier-Bresson, Klein et Doisneau pour la photographie. Il n’y avait dans ma famille ni mélomanes, ni musiciens et ma scolarité ne m’a jamais permis de rencontrer le plaisir musical. Bref, il y a peu de temps, trois années environ, j’ai décidé de me passionner pour l’accordéon. Au point de départ, l’improbable rencontre au rayon jazz d’une grande surface avec le disque du « Richard Galliano Quartet », « New Musette ». Rencontre d’abord graphique et conceptuelle : le dessin de l’édition « Label Bleu » de 1991 m’intrigue et m’attire ; le concept de « New Musette » m’étonne et excite ma curiosité. L’écoute de ce disque fut une telle révélation que je décidai sur le champ de me passionner pour l’accordéon. J’avais d’emblée pressenti les plaisirs infinis que je devais y trouver.

Je suis frappé aujourd’hui par la différence radicale, quant à la posture, entre l’écoute musicale et la contemplation d’œuvres graphiques ou photographiques. Une peinture, un dessin, une photographie sont des objets qui instituent un espace pour un spectateur potentiel, mais celui-ci est libre d’organiser son plaisir esthétique en les parcourant à sa guise. L’espace est là. La durée du parcours est libre. En revanche, l’écoute musicale laisse une liberté relative quant à l’espace, la position et la posture de l’auditeur, mais sa durée est imposée par l’œuvre même. Pendant longtemps, j’ai eu des difficultés à accepter d’entrer ainsi dans le temps de l’œuvre, alors que mon expérience esthétique m’avait fait apprécier tout au contraire cette maitrise de la durée et du parcours de la contemplation des œuvres d’art graphiques.

J’ai du mal parfois à comparer des œuvres tellement je me sens pris par le temps propre à chacune d’entre elles et je me demande si la comparaison n’impliquerait pas un détour par l’espace de l’écrit, de la partition. Détour par l’espace dont, comme pour l’œuvre graphique, on peut alors maitriser la durée que l’on se donne pour le parcourir. Question à poser à des musiciens et à des amateurs de musique.

En tout cas, cette question des rapports entre d'une part l'espace et le temps, en particulier la durée, et d'autre part la posture de l'écoutant ou du spectateur me parait être fondamentale dans l'expérience esthétique et en partie fondatrice de celle-ci.

... continué à écouter David Krakauer, en particulier "Live in Krakow". A propos de posture, impossible de rester assis. A propos d'espace, impossible de s'en tenir à un petit périmètre. Je l'écoute comme une musique très codée, ce codage, qui structure sa durée, n'affectant en rien son énergie inextinguible. En même temps, j'essaie d'avoir une oreille sélective pour les interventions de Will Hoshouser. Mais pour l'écouter vraiment, le mieux est encore de reprendre son disque, enregistré en 2004 :

- "Singing To A Bee", Will Holshouser Trio.

jeudi, décembre 14, 2006

samedi 16 décembre

… écouté avec assiduité « A New Hot One », un disque « Label bleu » de David Krakauer. J’ai pu lire dans le texte de présentation, sous la plume de David Krakauer, une idée qui m’est chère, à savoir que « ce qui permet en partie à la tradition de rester vivante, c’est que l’on continue de composer de nouvelles chansons ». Il y a en effet une sorte de rétroaction de la musique nouvelle sur celle qui l’a précédée, rétroaction telle qu’elle permet en permanence de nouvelles lectures de la tradition, nouvelles lectures qui sont la condition sine qua non de sa pérennité.

Dans ses disques, David Krakauer se comporte en leader, que ce soit comme compositeur, comme arrangeur ou comme interprète. On pourrait dire qu’il tient presque toute la place. C’est dans ce « presque » que Ted Reichman, à l’accordéon, manifeste sa présence. J’ai bien aimé, par exemple, ce qu’il fait sur « Love Song for Lemberg/Lvov » ou sur « Nine, Nine, Ninety-Nine ». Mais, pour être franc, je l’aurais bien écouté un peu plus…

David Krakauer se rattache manifestement, par son jeu musical, et explicitement, par son commentaire textuel, à la tradition de musique kletzmer, qui est une musique juive d’Europe de l’Est, en particulier de la Pologne, où se trouvent ses racines. Je pense à son disque du concert de Cracovie et, par association d’idées, à Motion Trio, dont tous les membres, sauf erreur, ont été étudiants et sont aujourd’hui enseignants dans cette ville. Même si les formes sont différentes, la folie qui les anime, les uns et les autres, est bien l’essence commune de leur musique. En tout cas, la rencontre de cette musique venue de l’Est avec le monde de New-York, en ce qui concerne Krakauer, de même que sa rencontre avec l’univers des jeux vidéos, en ce qui concerne le trio polonais, cette rencontre, chaque fois, donne une musique explosive, un dérèglement savamment contrôlé. Tradition, virtuosité et dérapages contrôlés ! Sans oublier l'humour omniprésent !

vendredi 15 décembre


















… mercredi matin, retour à Pau. Circulation fluide, beaucoup de brouillard, mais peu dense. On sent que le soleil, qui est juste au-dessus de la route, n’arrive pas à percer l’humidité qui monte de l’autoroute. Il fait 3°. L’indication « risque de verglas » clignote.

Nous arrivons à hauteur de Tarbes vers midi moins le quart ; nous sortons au péage de Tarbes
-est. Lors de notre dernière visite à la boutique « Harmonia Mundi », j’avais hésité à acheter un disque, « Tangos, Piazzolla, Concerto pour bandonéon, Orquesta de Cambra Teatre Lliure, direction Josep Pons, Pablo Mainetti, bandonéon » ; aujourd’hui, passant si près de notre désir, nous ne pouvions pas encore une fois laisser passer l’occasion. Le temps de trouver une place de parking : il est midi. Fort heureusement, pendant le mois de décembre, la boutique reste ouverte entre midi et deux heures ; ça nous laisse tout le temps de discuter musique et accordéon ou bandonéon en particulier. Le disque de Piazzolla est une belle édition, très soignée. C’est une nouvelle édition dite « Deluxe Edition, Edition spéciale ». Première édition, 1996, deuxième édition, 2006.

Le disque est composé de trois parties :

- 1 à 3, Concerto pour bandonéon (21 :27)
- 4 à 6, Tres movimientos tanguisticos portenos (19 :14)
- 7 à 11, Tangos (26 :46)

A noter que, dans les « Tres movimientos », il n’y a pas de bandonéon ; à noter aussi – à marquer d’une pierre blanche – les cinq tangos, absolument admirables quant à l’interprétation : Decarissimo, Invierno Porteno, Adios Nonino, Milonga del Angel, La Muerte del Angel.

Vers une heure, nous sortons donc avec le disque de Piazzolla pour moi et deux disques pour Françoise, « New Orleans Christmas » et un livre + cd « La cuisine de Jusquin et Léonie »… En fait ces disques sont pour Camille et Charlotte. Les vacances de Noël permettront d’expérimenter quelques recettes et de découvrir d’autres chants de Noël.

Avant de rentrer à Pau, déjeuner au bistrot « Le Régent », dont nous apprécions la cuisine simple du plat du jour et le vin très agréable de Saint-Mont. Le café est bon. Service rapide et efficace !

Sur la route du retour (nous n’avons pas repris l’autoroute), nous écoutons quelques titres du disque de David Krakauer, « The Twelve Tribes », titre qui signifie assez à quel point il s’inscrit dans une tradition de musique juive, au cas où l’on ne l’aurait pas perçu auditivement, ce qui plus qu’impossible. Parmi ces titres, où l’on perçoit, discrète mais efficace, la présence de l’accordéon de Will Holshouser, nous en retenons un en particulier, « Bulgar » où celui-ci dialogue d’égal à égal avec Krakauer. Dés que la maison est ouverte, nous l’écoutons, fort, et c’est un très grand plaisir. En explorant « Live in Krakow » avec le même Holshouser et « A New Hot One » avec Ted Reichman à l’accordéon, nous espérons bien découvrir d’autres perles du même genre.

mardi, décembre 12, 2006

jeudi 14 décembre




Lundi après-midi, nous étions encore à Toulouse, j’ai décidé d’aller voir une exposition intitulée « Cultures du monde » au musée des Jacobins. Le thème porte sur les rapports de l’homme avec l’au-delà, la création, la mort, les ancêtres, le territoire, le sacré et les relations sociales ou économiques avec ses contemporains. Thème très large, mais en fait je suis intéressé par les nombreux masques, par les tissages et par les peintures qui constituent l’essentiel des pièces exposées. Je suis touché par des masques de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, par des masques du théâtre Nô, par des parures d’indiens du Mato Grosso, par des systèmes de monnaies de Nouvelle-Guinée et par des peintures d’aborigènes d’Australie, qui se présentent comme des sortes de cartes symboliques absolument envoutantes. Qui entre en celles-ci n’est pas près d’en sortir.

Mais, au fond, je suis encore plus fasciné par le cloitre lui-même des Jacobins. En plein centre ville, hyper-centre disent les agences immobilières, un havre de méditation, un lieu de sérénité et de calme. Je ne résiste jamais au désir de photographier de tels lieux : magie des cloitres, dont les quatre côtés sont à la fois si semblables et si différents. Où l’on comprend que l’architecture est d’abord une affaire de lumière et d’ombres.

Toulouse est, de ce point de vue, une ville exceptionnelle. A quelques centaines de mètres des Jacobins, on trouve en effet le musée et le cloitre des Augustins. Je crois qu’en l’occurrence il ne faut pas craindre l’inflation verbale : ces deux lieux donnent à sentir ce qu’est le sublime… quelque chose de plus et d’autre que ce qu’on qualifie de beau. Une maîtrise de l’espace qui se traduit ipso facto par une maîtrise du temps, de la durée, de la temporalité… même si, en sortant et en retrouvant les bruits et les odeurs de la ville, on comprend bien que le sublime ne peut être que fugace. Mais bon, il suffit d’un instant pour faire l’expérience de l’éternité.

Avant de retourner à la maison, petit détour par la boutique « Harmonia Mundi », qui se trouve sur le chemin du parking. Je parcours le rayon de l’accordéon puis du bandonéon… mais en vain. Il se trouve que je connais déjà tous les disques disponibles. Je suis un peu frustré, mais en même temps assez satisfait. Contradictions de l’âme humaine.

Toujours sur le chemin du parking, petite visite au magasin Virgin. Petite visite, c’est-à-dire moins de trois minutes, le temps de vérifier que l’accordéon est inconnu en ces lieux, que le nombre d’agents de sécurité est vraiment trop ! et surtout que ça sent… comment dire ? vraiment pas bon. Décidément l’atmosphère ne me convient pas.

Bon, mais quel rapport avec l’accordéon, sinon un constat d’absence ou de manque ? Eh bien tout simplement qu’aussi bien à l’aller qu’au retour de mon trajet au centre de Toulouse, j’ai expérimenté la conduite en accordéon… et c’est pas triste. Finalement, j’en tire cet enseignement que, malgré tous les impedimenta de la circulation, les Toulousains sont des gens pleins d’urbanité. Est-ce un effet de l'air du sud-ouest ?

mercredi 13 décembre - nokia




"Concert pour la marmaille". Les éclairages claquent ; la lumière écrase les formes et découpe au scalpel la silhouette de l'accordéoniste, blafarde comme un Pierrot lunaire. Curieusement, ces défauts contribuent à installer un univers poétique et donnent à l'accordéon le charme d'un instrument venu d'ailleurs...

dimanche, décembre 10, 2006

mercredi 13 décembre



… samedi en début d’après-midi, j’ai profité de notre séjour à Toulouse jusqu’à mercredi pour aller à la Médiathèque José Cabanis. Nadja m’avait prêté sa carte d’emprunt. A ma grande surprise, il n’y avait pas trace de disques de Daniel Mille dans le catalogue. En revanche, il y en avait plusieurs de Daniel Krakauer. Comme Françoise avait envie d’écouter sa musique, j’en ai emprunté trois :

- « A New Hot One »
- « Live in Krakow »
- « The Twelve Tribes »

Evidemment, la clarinette de Krakauer est omniprésente, mais nous sommes déjà certains que les écoutes suivantes nous permettront de mieux discerner la présence de l’accordéon. Surtout que nous connaissons déjà bien Holshouser.

… en fin d’après-midi, Françoise, Charlotte, Camille et moi, nous sommes allés par le métro place du Capitole où se tient le marché de Noël. Une foule sans aucun interstice. Pris par le flot, nous arrivons difficilement à nous arrêter devant la boutique de bretzels pour en commander quatre. Puis ce même flot nous emporte, mains serrées pour ne pas nous perdre de vue. Munis de nos précieux bretzels, nous rejoignons le « Café Albert » pour prendre des chocolats chauds et épais. C’est une vraie fête pour Charlotte et Camille. Mais surtout, le fin du fin, c’est le verre d’eau glacée que le serveur leur a apporté avec les chocolats et les sachets individuels de sucre en poudre. Au retour, en traversant à nouveau le marché au rythme du flux général, nous croisons un groupe folklorique de bretons, tout de noir vêtus, qui défile derrière un accordéon aigrelet ; puis nous nous joignons au cercle qui entoure une fanfare ; enfin nous écoutons un orgue de barbarie proche de deux chefs indiens qui psalmodient dans leurs micros des sortes de chants sacrés tout en dansant. Commentaire de Charlotte (6 ans) : « J’espère que c’est pas la danse de la pluie, avec ce froid, ça va geler ! ». Nous descendons les marches vers les entrées du métro…

… dimanche après-midi, Charlotte est allée avec Nadja écouter « Pierre et le Loup » à la Halle aux grains. De notre côté, nous sommes allés avec Camille (3 ans) assister à un « Concert pour la marmaille » au centre culturel du quartier Soupetard. Camille a beaucoup aimé et, d’après son récit, son plaisir a tenu à trois raisons :

- une des deux musiciennes-chanteuses jouait de l’accordéon. J’ai essayé de photographier celle-ci malgré les conditions de lumière très défavorables (je privilégie cependant la trace en dépit de la qualité médiocre) ; la première remarque de Camille, dès son entrée dans la salle, fut pour nous signaler la présence de l’instrument : rouge avec des touches piano ;
- les chansons étaient belles et on pouvait danser et taper dans les mains ;
- à la fin, les artistes sont descendues de la scène et Camille a pu les embrasser.


Krakauer, le marché de Noël, le concert pour la marmaille… décidément, il y a de l’accordéon partout !

vendredi, décembre 08, 2006

mardi 12 décembre

Trois séries de faits comparables qui m’ont donné à réfléchir…

Premier cas : il y a quelques semaines, Sylvie Jamet m’a transmis, pour information, un courriel qu’elle avait envoyé à un animateur d’une station de radio pour lui indiquer les noms d’un certain nombre d’accordéonistes qui lui paraissaient dignes du plus grand intérêt. Peu importe les raisons de cet échange. En parcourant la liste de ces noms, j’ai découvert l’existence du « Duo Baïkal » et j’ai eu envie d’en savoir plus à son sujet. Recherche rapide sur internet. Je constate que le duo ne se produit plus, mais je trouve l’adresse de l’un de ses membres : Jacques Pellarin, avec qui je prends contact. Bref, quelques jours plus tard, suite à ma commande, je reçois deux cds de Jacques Pellarin, l’un du « Duo Baïkal », « Genesia », l’autre plus récent sous son nom, « Sous d’autres jazzitudes ». Après écoute de ces disques, je lui envoie quelques commentaires pour lui expliquer les raisons du plaisir que j’ai eu à les écouter. Peu après, réponse de Jacques Pellarin qui me fait savoir sa satisfaction et son accord avec mes commentaires.

Deuxième cas : quelques jours plus tard, je reçois un courriel de Jean Pacalet qui m’informe de la parution de son disque « 7x7 ». Mon adresse lui a été transmise par Jacques Pellarin. Suite à ma commande, je reçois, de Berlin où réside Jean Pacalet, son album (2 cds). Après écoute de ses disques, je lui envoie un courriel pour lui dire mon plaisir et en expliciter les raisons. Peu après, en retour, un courriel de Jean Pacalet qui me dit à son tour sa satisfaction et qui relève dans mon commentaire plusieurs points d’accord avec son projet.

Troisième cas : dans la même période, en parcourant les blogs de Sylvie Jamet et de Caroline Philippe, je vois signalée la sortie d’un album pour accordéon solo de Patrick Busseuil, « Memories ». Même démarche que précédemment : prise de contact personnel, commande, réception des deux cds constituant l’album. Ecoute attentive de ma part. Envoi d’un courriel pour dire mon plaisir et l’expliciter ; réception en retour d’un courriel où Patrick Busseuil me dit son plaisir à la lecture de mes commentaires et sa satisfaction d’avoir le sentiment que j’ai compris son projet.

Le contenu de mes commentaires, sinon littéral, du moins en substance, se trouve dans ce blog, mais ce n’est pas cela qui est l’essentiel à mes yeux. L’essentiel, c’est d’abord la chance d’avoir pu établir une relation personnelle avec des créateurs par l’intermédiaire de leur œuvre et surtout que nos échanges ont donné lieu, chez eux et chez moi, à un sentiment de satisfaction. C’est ce sentiment, du moins tel qu’il s’est produit de mon côté, qu’il m’intéresse de mieux comprendre. Parenthèse : notons en passant la part de hasards dans cet enchainement et surtout à quel point il est primordial de ne jamais les laisser passer sans en tirer parti.

Si l’on prend un peu de distance par rapport aux faits, on observe une même structure :

- après une première phase purement pragmatique destinée à passer commande, il y a envoi et réception d’un disque (en l’occurrence deux, mais cela est anecdotique), c’est-à-dire d’un message chargé, saturé devrais-je dire, d’implication affective pour l’expéditeur / émetteur et pour le récepteur.
- après un temps d’écoute, bref mais intense, où pendant deux à trois jours les disques tournent en boucle, envoi d’un courriel de commentaires, c’est-à-dire d’un message qui exprime mon plaisir et qui essaie de l’expliciter. C’est un premier feed-back, à la fois impliqué et distancié, et envoyé dans un court délai.
- peu après, encore un délai bref, un courriel en retour de mes commentaires, retour dans le registre du plaisir et de l’accord, disons de la consonance. C’est un second feed-back, sur le registre de l’implication, mais d’une implication médiatisée par mes commentaires, c’est-à-dire qui n’est plus celle du créateur vis-à-vis de son œuvre, mais de l’artiste vis-à-vis d’un auditeur, qui lui a exprimé sa satisfaction esthétique.

Ce processus en trois moments : émission d’un message à forte charge affective, feed-back de la réception de ce message symbolique et poétique, feed-back sur le feed-back de réception, ce processus en trois moments absolument indissociables est selon moi un vrai processus de communication. En un temps où l’on confond la communication avec la ruse, l’hypocrisie, la transmission en sens unique, où l’on va jusqu’à la confondre avec une image dégradée et minable de la pédagogie, je trouve exceptionnel de pouvoir faire l’expérience d’une communication vraie, au sens de rencontre inter-subjective. C’est cette qualité d’exception qui, j’en ai conscience, m’a procuré un tel plaisir à communiquer avec ces trois artistes.

Mais je dois ajouter encore une autre dimension de ces échanges, qui renforce ce plaisir dont je fais état. Lorsque j’envoie mes commentaires à chacun d’entre eux, je leur propose une lecture de leur œuvre qui est certes au plus près de ce que j’ai ressenti (c’est dire l’importance qu’il y a à peser ses mots, à dire ce que je pense et à penser ce que disent les mots qui me viennent à l’esprit), mais avant un retour de leur part ces commentaires ne sont qu’hypothèses de sens. Même s’ils expriment au mieux une certitude de sensation. C’est dire que lorsque leur retour approuve mes commentaires, lorsqu’ils s’y reconnaissent comme dans un miroir, ils transforment ipso facto mes hypothèses en propositions mieux avérées. Du coup, cela me donne confiance en mon propre jugement esthétique… ce qui n’est pas rien. Grâce à leur médiation à propos de mon commentaire, j’ai appris quelque chose, à savoir que je pouvais m’appuyer sur ma capacité de jugement actuelle pour continuer à essayer de me donner une culture dans le domaine de l’accordéon. On serait heureux pour moins que ça…

jeudi, décembre 07, 2006

lundi 11 décembre

Un exemple de petit bonheur ordinaire !

Mercredi, en fin d’après-midi, je suis allé faire quelques courses alimentaires à l’hypermarché. Gros approvisionnement, le caddie qui déborde, car à partir de jeudi, nous devions rejoindre « les petits » à Toulouse et apporter dans nos bagages quelques victuailles pour « tenir » jusqu’au week-end : des légumes, des conserves, des spaghettis, un rôti, une épaule de mouton, des chipolatas, divers fromages, du comté, du brebis, du brie fermier, du vin, Haut-Médoc, côtes de Bourg, côtes de Blaye, Graves, des bières, Hoegaarden, Kwak, Corona, du thè, du café, des chocolats du commerce équitable, etc… sans compter des bananes, des pommes, des clémentines corses et des pruneaux dénoyautés. Bref, un gros marché et une longue attente pour passer à la caisse. Dehors, un vilain crachin froid ; il neige, c’est sûr, sur les sommets… Le parking encombré. Les gens énervés. Je ne vais pas me trouver d’excuses, mais ça justifie amplement mon envie de passer par l’espace culturel avec deux bons alibis avant de retourner à la maison. Premier alibi : il est question depuis le 20 novembre de la sortie d’un disque de Galliano, « Solo », annoncé comme nouveauté et qui me parait être une réédition de « Ballet Tango », et je voudrais bien voir s’il est arrivé. En fait, toujours rien. Deuxième alibi : Françoise aimerait bien écouter Krakauer. Mais, rien sur les rayons. J’étais un peu déçu quand un disque mal placé attire mon regard :

- « Les heures tranquilles » de Daniel Mille.

Etonnant ! Un disque édité par « Saravah » de Pierre Barouh en 1995. Un disque classé indisponible chez les grands distributeurs. Si ça se trouve, Leclerc en a racheté un fonds destiné au pilon… et voilà comment j’y tombe dessus. Autre particularité : il a été enregistré et mixé par Marc Berthoumieux au studio « Sous la ville ».

On y trouve le climat « Saravah » et déjà le son de Daniel Mille. Un Daniel Mille surprenant, qu’une photographie montre la tête recouverte d’un couvre-chef brodé, comme un couvercle de boite à bijoux, d’où l’on voit dépasser des cheveux sombres. Surprenante la chevelure !

Une telle rencontre improbable, à 19h30, sur un rayon de disques de l’espace culturel de l’hypermarché, voilà ce que j’appelle un petit bonheur. D’autant plus que le prix du disque est inférieur à 10 euros…

dimanche 10 décembre

… visionné deux dvds achetés à la boutique « Harmonia Mundi » de Tarbes la semaine dernière. Il s’agit de deux disques produits par l’office national du film du Canada et distribués par « Les films du paradoxe » :

- « Marron, la piste créole en Amérique », trois films d’André Gladu, 2006.

Le pack dvd comprend un premier disque, qui donne son nom à l’ensemble, « Marron, la piste créole », d’une durée de 85 minutes. Le second est constitué par un film de 57 minutes, « Zarico », et un film de 77 minutes, « Liberty Street Blues ». L’ensemble est d’un grand intérêt historique et musicologique, avec des informations multiples, des connaissances, des témoignages et des reportages sur différents musiciens, acteurs de cette mouvance créole. Informatif et émouvant.

« Marron » montre comment la Louisiane a été et est encore le lieu de développement d’une culture métissée originale et vivace. On y entend plusieurs accordéons, on entend ainsi plusieurs morceaux intéressants et des témoignages de première main par des musiciens toujours émouvants. On retrouve bien toute l’acidité de l’accordéon zydéco et du monde qu’il exprime.

« Zarico » définit précisément en quoi consiste la culture zarico ou zydéco et son émanation musicale, qui se manifeste en particulier par un son d’accordéon tout à fait spécifique. On pense évidemment à Clifton Chenier. On saisit bien les influences musicales subies par cette musique et son influence sur le blues, le jazz et même le rock. Le métissage continue. Un des musiciens explique que le zarico et le blues, c’est la même musique, sauf que l’un joue de l’accordéon et chante en français, alors que l’autre joue de la guitare et chante en anglais… la langue du maître, si j’ose dire, et presque du colonisateur occupant.

« Liberty Street Blues » construit sa narration autour d’une parade de rue et d’autre part d’un concert donné chez des particuliers. Les commentaires sont toujours vivants et intéressants, en particulier, pour moi, en ce qui concerne la relation entre la section rythmique et la section mélodique dans des formations qui donneront lieu au jazz. Le commentaire vient en contrepoint des extraits musicaux sans jamais les étouffer ou les réduire à de la simple illustration.

Au fond, ce qui m’a frappé, concernant l’accordéon, c’est à la fois à quel point il est emblématique de cette culture, de ce pays et de cette musique et à quel point il parait isolé et fragile dans son existence si l’on considère qu’il n’a plus sa place dans le blues ni dans le jazz… dans lequel, finalement, il est en train aujourd’hui de faire sa place.

samedi 9 décembre

… continué à écouter « Memories ». Evidemment !

Au fur et à mesure des écoutes successives, je me rends compte que je reviens électivement à « Lost Coast Memories – part 1, 2 et 3 ». Imperceptibles glissements qui inexorablement me ramènent vers ces pièces.

J’ai toujours autant de plaisir à écouter cette œuvre, mais je sens bien que ce plaisir se déplace, se complexifie, s’approfondit. Je suis maintenant sensible et attentif à d’autres aspects, sans pour autant oublier mes impressions premières. Boule de neige !

Arrivé à ce point, fidèle à ma méthode, j’essaie de comprendre quelle est l’origine des plaisirs que j’éprouve. Comprendre ce que j’éprouve, et non pas expliquer l’œuvre en tant qu’objet, d’abord parce que j’en suis incapable, mais aussi parce que c’est le lien spécifique qui s’établit entre elle et moi que je voudrais saisir dans son essence même. Méthode phénoménologique donc, si l’on veut la qualifier. Aux antipodes d’une analyse à visée objective.

A l’origine du plaisir que j’éprouve à l’écoute de « Memories », j’identifie cette idée qu’il s’agit d’une œuvre paradoxale. Cette qualité est, à mon sens, l’apanage d’une œuvre artistique au sens propre du terme. En quoi peut-on parler de paradoxe ? J’en identifie au moins quatre :

- sentiment d’achèvement versus ouverture. D’une certaine façon les différentes pièces se referment sur elles-mêmes, forment une totalité, et en même temps, en particulier avec « Lost Coast Memories », on sent bien qu’autre chose est possible, qui se prépare. Est-ce la relation du texte littéraire et du texte sonore, leur tissage, qui annonce que quelque chose d’autre va advenir, qui doit émerger ?
- respect de règles formelles contraignantes versus liberté de l’imagination, la créativité résultant de leur dépassement. Des règles oui, mais le sens de l’œuvre ne s’y réduit pas. C’est en cela qu’elle résiste à l’analyse. De l’imagination, oui, mais qui ne se réduit pas à une inspiration pure et simple, libérée de toute forme ;
- une pluralité d’interprètes versus l’unité de l’ensemble des pièces. L’un et le multiple. La diversité des interprétations ne se dissout pas en éclats multiples. Ce sont plutôt les facettes d’une pierre précieuse longuement polie. Paradoxalement, en chaque interprétation, c’est la totalité de l’inspiration qui est présente… d’une certaine manière.
- tradition versus modernité. On sent bien de toute évidence que « Memories » s’inscrit dans une tradition forte. En même temps, il s’agit bien de quelque chose de nouveau, quelque chose qui est en train d’émerger. Alors ? Tradition ou modernité ? En fait, c’est une fausse opposition, qui n’a de sens que si l’on identifie la tradition avec un stock où puiser comme dans un coffre plein de richesses. Mais si la tradition est pensée comme un flux, comme un processus qui n’existe qu’en se renouvelant, alors on voit bien que le paradoxe disparaît : « Memories » s’inscrit dans une tradition en contribuant à la perpétuer parce qu’elle la renouvelle.

Finalement, si j’étais philosophe, hégélien de surcroit, je crois que je qualifierais cette œuvre de « dialectique », au sens où elle réalise, dans le mouvement de sa vie même, un dépassement de notions contraires, apparemment inconciliables au plan logique. Mais, le fait est là : ce dépassement se manifeste avec évidence dans la tension même de l’écoute. Cette idée me permet de comprendre un peu mieux pourquoi j’ai tant de plaisir à écouter « Memories ».

vendredi 8 décembre

Je reviens sur cette idée, que j’évoquais hier, de posture adéquate pour écouter de la musique, accordéon ou bandonéon en l’occurrence. Bien entendu j’écoute de l’accordéon dans des conditions multiples et variées et il n’est pas question d’établir une relation terme à terme entre telle musique et telle posture correspondante. Mais, si j’observe mes propres comportements, force m’est de constater que j’ai tendance à adopter spontanément des postures adaptées, pour moi bien sûr, à ce que j’écoute. Voyons quelques éléments de ce qui pourrait être une ébauche de typologie.

- d’abord, les incompatibilités. Il m’est impossible, physiquement impossible, d’écouter de l’accordéon en travaillant, en lisant un texte qui requiert une certaine attention continue ou en réfléchissant à un problème intellectuel. Les interférences sont telles entre l’attention à l’écoute et l’attention aux idées que tout se brouille et que très vite l’une des activités doit laisser place exclusive à l’autre. A cette interférence des attentions s’ajoute une composante morale, à savoir que j’ai pour ainsi dire honte d’entendre de la musique sans l’écouter, car j’ai le sentiment de manquer de respect au compositeur et aux interprètes. Autre incompatibilité : je suis physiquement incapable d’écouter quelque musique que ce soit avec ces suppositoires que beaucoup de gens, de plus en plus nombreux, se collent dans les oreilles… semble-t-il pour leur plus grand plaisir si j’en juge par leur apparente béatitude au milieu des pires flux de foule ou de circulation… Dans cette incompatibilité, il y a certes l’inconfort de ces prothèses auditives, mais aussi une réticence morale du type évoqué ci-dessus.
- ensuite, il y a l’accordéon que j’écoute, sans scrupule, en voiture, notamment sur autoroutes. Par exemple, « 17 rue du plaisir » de B. Roy et sa bande. Je me rappelle encore un parcours entre Pau et Hossegor, en été, où la dame du péage, au moment où j’avais baissé la vitre, avait pris en pleine figure une telle bouffée d’accordéon que, de saisissement, elle n’avait pu que proférer : « Oh ! là, là ! »… avant de se reprendre pour me demander le titre du disque. Autre exemple, « Alma » de Dazibao, écouté avec Françoise, l’an dernier, en janvier, au retour de Tulle vers Toulouse.
- tout en faisant cette ébauche de typologie, je prends conscience que, lorsque j’écoute du bandonéon, en général donc du tango, j’ai tendance à me lever, à ne pas pouvoir rester assis, à bouger, à faire les cent pas, sans précipitation et comme pour accompagner l’instrument par cette déambulation.
- il y a aussi tous les disques que je ne peux écouter qu’à travers de baffles, à l’exclusion de casques, et avec un son assez fort. J’ai besoin de sentir l’air vibrer et le son remplir la pièce. C’est le cas des disques de Galliano et peut-être de tout ce qui se regroupe sous la catégorie « jazz ».
- autre catégorie, que j’évoquais hier à propose de « Memories » : les disques qui impliquent une écoute au casque, bien calé dans un siège très confortable, fauteuil ou canapé, plutôt dans une atmosphère de pénombre, propice voire nécessaire pour entrer dans une musique de l’intériorité. Je pense ici encore à « 7x7 » de Pacalet ou à certaines interprétations d’Anzellotti. Curieusement, Daniel Mille est difficile à situer : parfois proche de Galliano, parfois proche de cette catégorie de l’intériorité.
- il y a aussi tous ces disques que nous aimons particulièrement écouter à la belle saison, éventuellement en déjeunant sur la terrasse arrière, ce sont les disques que l’on écoute toutes portes et fenêtres ouvertes : Lassagne, Sopa, Macias, Amestoy, Colin, Corti, etc…
- et puis enfin, il y a tout ce que l’on écoute sur cd, mais qui ne s’écoute vraiment qu’en direct, sur place, tout ce qui se consomme « à chaud », dans l’instant, et qui perd sa saveur à être réchauffé ou mis en boite : par exemple, Lacaille, Rivas ou FreeBidou…

Voilà, cette typologie n’a pas l’ambition d’être complète ou systématique ; elle exige encore du travail pour affiner les catégories, les développer et vérifier son opérationalité, mais déjà elle a le mérite d’exister et de me permettre d’avancer un peu dans cette idée de correspondance entre la posture et l’accordéon que j’écoute…

mercredi, décembre 06, 2006

jeudi 7 décembre

Il y a longtemps, presqu’un demi-siècle – c’est fou ! – j’avais plaisir à recopier les textes, poétiques en particulier, que j’admirais. Cette copie manuscrite était pour moi une façon de me les approprier, voire de me les incorporer. Oui, c’est ça, de me les incorporer. Appropriation est une notion trop abstraite ; il s’agissait bien d’incorporation avec tout ce que processus implique de corporel. Ce travail manuscrit était pour moi, j’en ai conscience aujourd’hui, une façon de m’incorporer le sens et l’émotion indissolublement mêlés dans le travail d’écriture, au sens graphique du terme. Je retrouve aujourd’hui ce même désir et le plaisir de recopier simplement et scrupuleusement la liste des titres de « Memories » et de ses interprètes.

Memories

Arboris 1
Lucifer’s memories
Mise à mort
Boa cyclus
Lui
Daemonies

Toccata alizarine
Variantes on Cheyenne song
Life spark
Lost Coast memories - part. 1
Lost Coast memories – part 2
Lost Coast memories – part 3


Patrick Busseuil

Mika Väyrynen
Philippe Bourlois
Thierry Accard
Dragan Vasijevic
Max Bonnay
Angel-Luis Castano

Jean – Marc Marroni
Angel Luis Castano
Niko Kumpuvaara
Claudio Jacomucci
Anthony Millet
Cao Xiao-Qing


L’écriture et la lecture de cette liste me font penser au travail de mémoire de Pérec : la liste, en tant que telle, au-delà de la simple énumération, est déjà un poème par son pouvoir d’évocation. Mais puisque je parlais de travail d’incorporation, de travail du corps, en écoutant « Memories », j’ai pris conscience aussi de l’importance primordiale de la posture dans l’écoute, dans le travail d’écoute. J’ai fait en effet cette expérience – au sens d’expérience vécue et intuitive, non au sens de dispositif expérimental – qu’il m’était impossible d’écouter les pièces de cet album autrement que bien calé dans un fauteuil ou un canapé, un casque sur les oreilles et les yeux mi-clos… et les pieds appuyés sur le bord de mon bureau ou d’une table basse. Avec, à portée de main, une feuille où fixer immédiatement mes impressions, idées, sentiments, sensations, etc… Encore un travail manuscrit. C’est la seule posture qui me « coupe » assez du monde pour me permettre d’entrer dans le monde de « Memories ». On est bien loin de la coupure radicale entre le corps et l’esprit de la philosophie classique. L’émotion esthétique, c’est justement l’expérience radicale de l’impossibilité de dissocier le psychologique, le spirituel, et le physiologique, le corporel. Sans doute, la posture ne suffit pas à déterminer l’expérience esthétique et à susciter, à elle seule, le plaisir esthétique, mais je pense qu’elle en est une condition sine qua non. Peut-être finalement que toute œuvre, plastique, musicale, implique que le sujet qui la reçoit, qui la lit, sache adopter la posture adéquate pour en tirer le plaisir qu’elle recèle. Pourquoi ne pas imaginer un compositeur donnant à ses auditeurs un commentaire, des conseils, voire des préconisations sur la posture à adopter pour apprécier pleinement son œuvre ?

mardi, décembre 05, 2006

mercredi 6 décembre

... en écoutant en continu les pièces de « Memories », je vérifie encore ce paradoxe, à savoir que cette écoute, outre le plaisir que j’en éprouve, contribue à parfaire, si j’ose dire, ma culture musicale, au moins en ce qui concerne l’accordéon de concert, mais aussi qu’en même temps je prends acte de sa limitation et du fait que toute connaissance nouvelle ouvre sur des interrogations, des ignorances et sur la conscience d’ouvrir sans cesse devant mes pas des horizons nouveaux à explorer. Cette idée d’ouverture infinie me remplit de joie.

Pas question de faire le tour d’une telle œuvre, pas envie non plus d’en réduire la complexité à quelque analyse sommaire, forcément sommaire. Mais pas question non plus d’écouter ces pièces comme un simple flux. Je vais donc essayer d’en garder quelques traces au plus près de mes impressions du moment et sans préjuger de ce que seront les impressions d’une prochaine écoute.

- D’abord, l’idée d’œuvre à focale variable : chaque nouvelle écoute est comme l’occasion d’explorer un nouveau plan. Je pense, par analogie avec la photographie, à ces objectifs à focale variable avec lesquels on peut passer d’un paysage englobé au grand angle à un fragment de celui-ci scruté et découpé au téléobjectif. D’une autre manière, je pense à cette « structure » extraordinaire qu’est un oignon : on enlève une première peau, une autre apparaît, puis une autre, et ainsi de suite avant d’arriver au cœur.
- J’ai apprécié la triple approche des commentaires de Philippe Lavergne : narrative, technique et sémantique, celle-ci se subdivisant en approches formelle et affective ou même empathique. Par la forme et par ses qualités de synthèse, il m’a bien accompagné dans mon écoute.
- Le premier titre « Arboris 1 » m’a paru emblématique de l’ensemble des pièces. Comme un arbre est à la fois et indissolublement unité et variété, force vitale qui se différencie en branches de formes à la fois nécessaires et aléatoires. Branches, résultat de la tension vers le soleil, des contraintes et des résistances diverses.
- Correspondances sensibles ! En même temps que j’écoutais les différentes pièces, me venait à l’esprit tout un monde d’œuvres picturales : Soulages et ses grands noirs si lumineux, Klein et ses monochromes, Pollock, Rothko, Tapies, Hartung, Michaux, Zao Wou Ki. L’ensemble des « Lost Coast Memories » m’a fait penser à des interventions de Christo sur des paysages de Californie et plus généralement à des travaux de plasticiens relevant du Land Art.
- J’ai repensé à la distinction de Barthes pour qui le plaisir accompli procuré par une œuvre d’art relève de la conjonction de ce qu’il appelle le studium (dimension cognitive, ce qu’on apprend en termes de connaissances) et le punctum (dimension émotionnelle, ce qui nous saisit, nous transperce d’un seul trait). Studium : le livret, la préface, la liste des interprètes. Punctum : la tension sonore, l’attente et sa détente, le jeu des interprètes.
- Je reviens au commentaire : sa lecture m’a intéressé et éclairé. Il m’a orienté vers une écoute que je dirais ciblée, sans pour autant en exclure d’autres, ni brider mon imagination. En un mot, il m’a aidé, je disais plus haut accompagné, sans m’empêcher de « me faire mon film ».
- Les interprètes m’ont paru fidèles à l’inspiration du compositeur, tout en gardant leur caractère d’interprètes singuliers, c’est-à-dire capables de donner forme à ce qui sans eux resterait virtuel. Parfois, je me disais que j’aurais bien aimé pouvoir écouter plusieurs interprétations de la même pièce, non pour le projet vain de les comparer pour les classer les uns par rapport aux autres, mais pour percevoir des nuances, pour participer à d’autres lectures de celle-ci. L’un et le multiple dirait le philosophe.
- Il m’a semblé comprendre que la composition obéissait à des règles formelles strictes et a priori. On saisit bien, à l’écoute des différentes pièces, que des règles de ce type ne brident en rien la créativité. Tout au contraire, elles en sont la condition sine qua non. Tout le problème du compositeur, ce qui est le cas ici, étant de se donner de bonnes règles, de bonnes formes. Paradoxalement, c’est la rigueur des règles qui donne lieu à la prolifération des formes, qui est la condition de leur vitalité. Monde étrange où la présence manifeste de règles et de contraintes formelles suscite l’attente, la surprise, la tension et l’éveil.
- « Memories », c’est un monde. Pour m’immerger dans ce monde, il me faut des conditions particulières : casque, yeux mi-clos pour filtrer les sensations extérieures, un stylo et du papier pour noter à la volée un mot, une image, une ébauche d’idée, qu’il me faut fixer dans l’instant sous peine de perdre ma disponibilité. D’autres musiques s’écoutent avec des baffles, d’autres encore seulement en direct… Celle-ci, pour moi, exige le casque et la pénombre. L’isolement. Cela réactive mon « vieux fantasme » : écouter une musique comme « Memories » dans une chapelle isolée en moyenne montagne et ouverte sur les sommets des Pyrénées…
- D’ores et déjà, une chose est sûre : je n’ai pas fini d’écouter les douze pièces de « Memories »… J'aurais pu passer à côté de tels plaisirs, éprouvés et à éprouver... Tout de même, il faut savoir profiter d'une telle chance... comme aurait pu dire Epicure !

mardi 5 décembre





… reçu hier par la poste l’envoi de Patrick Busseuil, « Memories, Music for solo accordion». Toutes affaires cessantes, évidemment, j’ai ouvert la lettre et découvert avec grand plaisir « l’objet ». La présentation impeccable, le livret informatif, analytique et plein d’empathie avec le compositeur de Philippe Lavergne, l’allure même des cds… tout cela d’emblée renforce mon désir d’écoute. Fidèle à mon habitude, je commence par du butinage, passant d’une pièce à l’autre… et cela renforce encore mon désir d’en écouter plus.

… à partir de maintenant et pour un temps indéfini, je m’immerge dans la musique de Patrick Busseuil et de ses interprètes. Une pléiade – si j’ose dire : ils sont douze ! - impressionnante. Un bon casque, du papier, un stylo… tout de suite, j’ai envie de noter mes impressions pour prendre quelque distance, mais pas trop, avec l’émotion. Pas question ici d’analyse, ni de décorticage, encore moins de mise à distance critique ; il s’agit simplement de garder trace de sensations fugaces, d’instants de plaisirs éphémères, que je veux pouvoir retrouver.

dimanche, décembre 03, 2006

lundi 4 décembre

J’ai consacré une partie de la matinée de dimanche à écouter trois disques de Winter & Winter.

Pour le premier, je déroge à mon principe de ne parler ici que de disques d’accordéon ou de bandonéon. Il s’agit en effet du disque suivant :

- « Chansons d’Edith Piaf » interprétées par le trio Motian, Peacock, Kikuchi sous le nom « Tethered Moon ». Artist Edition, Winter & Winter, 910048-2, 1999.

Je déroge à mon principe, parce que le titre 1 (5 :56) est « L’accordéoniste », mais aussi parce que le titre 2 (4 :50) est « Que nadie sepa mi suffrir » (« La foule" en français), dont Raul Barboza a donné des interprétations remarquables, en particulier au festival de Montagny (CD3 de « L’Anthologie", titre 9, durée de 8 :30). J’ai eu envie de comparer la version de Barboza et celle de « Tethered Moon ». Si j’osais caricaturer, je dirais qu’on a affaire à une version « chaude » avec Barboza et à une version « froide » avec le trio. Autant celui-là cherche un accord quasi fusionnel avec le public présent, autant le trio semble dans son monde, comme si chacun des membres était soucieux d’abord de participer à une sorte de méditation privée, à un parcours introspectif. C’est d’ailleurs une impression que j’ai souvent éprouvée avec les jazzmen, disons jusqu’au quintet, à savoir qu’ils font de la musique entre eux et peut-être pour eux, et qu’ils donnent à entendre le résultat de leurs recherches à des auditeurs qui sont priés de faire tous les efforts nécessaires pour entrer dans leur monde. Il y a là comme une attitude un peu aristocratique : « Si vous voulez nous écouter, il faut le mériter ».

Quant aux deux autres disques, il s’agit de deux disques de bandonéon.

- « Tango Alla Baila », interprété par le quintet Tangata Rea. Basic Edition, Winter & Winter, 910025, 1998.
- « Tango Vivo, Noches de Buenos Aires » où le quintet intervient sur les plages 3, 10 et 11, enregistrées au café « El Chino ». Basic Edition, Winter & Winter, 910011-2. 1997.

Je savais que ce nom, « Tangata Rea », ne m’était pas inconnu, sans pouvoir le localiser, ni même me rappeler si je l’avais écouté déjà. C’est l’indication suivante sur le premier disque : « Tangata Rea is also featured on Noches de Buenos Aires, Tango Vivo » qui m’a mis sur la voie. Je dois dire que l’écoute de cet album, « Tango Alla Baila », et des trois titres de l’autre m’ont fait grand plaisir. J’ai beaucoup aimé la finesse et l’équilibre du quintet : Lila Horovitz, contrebasse, Luis Longhi, bandonéon, Paulina Fain, flute traversière, Victorio Pujia, guitare, Andrés Linetzky, piano. On est loin des grands orchestres typiques, qui ont aussi leur charme. On pense à de la musique de chambre et la flute traversière donne aux interprétations une couleur particulière, une sorte de fragilité sans faiblesse. On pense à l’expression de Léonard de Vinci, « ostinato rigore ». L’équilibre entre des classiques (Troilo, Canaro, Julio de Carol) et des compositions de membres du quintet (Horovitz, Pujia, Linetzky) est très réussi. On sent bien qu’on a affaire à une tradition vivante, c’est-à-dire en train de se perpétuer.

dimanche 3 décembre








Hier matin, vers 10 heures, je reçois un courriel du responsable de la boutique « Harmonia Mundi », à Tarbes. Il m’informe qu’il a un DVD qu’il pense susceptible de m’intéresser. Il s’agit en fait de trois films d’André Gladu, réalisés en 2005 et répartis sur deux dvds :

- Dvd 1 : « Marron, la piste créole en Amérique », 85 min
- Dvd 2 : « Zarico », 57 min et « Liberty Street Blues », 77 min

Ces trois films sont présentés par “L’office National du Film du Canada” et distribués par « Les films du paradoxe ».

Comme nous aimons bien le style Zydeco et l’accordéon de Clifton Chenier, nous décidons d’aller chercher l’objet en début d’après-midi. Comme, de toute façon, il n’est pas possible de visionner les films sur place, nous faisons confiance au descriptif succinct du contenu des documentaires.

On sent bien que l’on est à l’approche de Noël : le parking de l’hypermarché de Pau, près duquel nous passons en partant, est saturé de voitures, de même que celui de Tarbes, quand nous arrivons, alors que la route est quasi déserte. Nous garons la voiture dans le parking souterrain de la place de Verdun et quand nous arrivons à l’entrée de la rue du Maréchal Joffre où se trouve la boutique « Harmonia Mundi », une musique cubaine nous saisit et nous réjouit. Un haut-parleur trône devant la porte, posé sur un tabouret. Il parait que plusieurs commerçants voisins trouvent cela envahissant, tonitruant et dérangeant. Les services de la mairie ont relayé les plaintes, mais le responsable tient bon. A ce propos, la musique nous amène à parler du Buena Vista Social Club et à évoquer la figure d’Ibrahim Ferrer, que nous avions vu à Toulouse peu de temps avant sa mort. Le responsable de la boutique nous apprend alors qu’il est mort deux jours après un dernier passage à Marciac. Ibrahim Ferrer est, de tout le groupe, celui qui m’a toujours le plus ému à cause de sa figure frippée, de sa vois cassée et de sa grande silhouette voutée. Dommage qu’il n’y ait pas eu d’accordéoniste dans le Buena Vista Social Club. Il faudra que je cherche s’il y a des accordéonistes cubains…

Tout en discutant, je vois un présentoir comportant une quarantaine de disques avec une affichette : « 1 cd acheté : 1 cd offert ». Il s’agit de disques « Winter & Winter », que le réseau « Harmonia Mundi » ne distribuera plus. La raison ? « Pas rentable ! Il faut choisir entre de beaux objets et des objets qui se vendent. Le prix de ces disques est tel que la marge est infime et qu’ils ne partent pas». Le prix de ces disques ? 23 euros. C’est cher en effet. Deux disques pour 23 euros, c’est donné. Oui, mais il n’y a pas d’accordéon… Oui, mais il y a du bandonéon et, en l’occurrence, un disque dont j’ai le souvenir d’avoir lu à son sujet de bonnes critiques :

- « Tango Alla Baila », Tangata Rea, W & W, 1998. Digital live recording at Club del Vino, Buenos Aires, Argentina.

Les applaudissements du public entre les morceaux suffisent pour confirmer que l’on est bien en direct au Club del Vino. A priori, la composition de la formation me plait beaucoup : contrebasse, bandonéon, flute traversière, guitare, piano. La présentation est évidemment impeccable, peu informative, mais fort esthétique, avec des schémas de pas de danse alternant avec des croquis de danseurs très classieux.

Et donc que choisir comme autre disque ? J’ai bien l’impression qu’il n’y a pas d’accordéon et pas d’autre bandonéon. Finalement, je m’aperçois qu’il y a un disque du trio Masabumi Kikuchi, piano, Gary Peacock, contrebasse et Paul Motian, batterie, disque intitulé « Chansons d’Edith Piaf », dont le titre 1 est « L’accordéoniste ». Sauvé ! Ce disque a été enregistré à New York en mai 1999.

Il ne reste plus qu’à trouver le temps de visionner les trois films et d’écouter les deux disques.