lundi, avril 30, 2007

lundi 30 avril












Pour prolonger le plaisir du concert, pendant que nous écoutons successivement "La Maquina Tanguera" et "Ruidos Molestos", encore quelques images, qui nous restituent bien l'atmosphère de la soirée. Le bandonéon de droite, calme et plutôt introverti, maniant son instrument avec mille précautions ; celui de gauche, excessif et extraverti, maniant son instrument avec violence ; au milieu, déterminée, présente comme un repère pour tous les membres de l'orchestre, Matilde Vitullo, qui compose de plus en plus d'oeuvres originales, qui devraient être nombreuses sur le disque en projet. Derrière, on perçoit la présence des trois violons. Encore plus loin, le piano, la contrebasse et le violoncelle, peu visibles, mais très audibles.



dimanche 29 avril












Pour compléter le plaisir musical par le plaisir des yeux et nous remémorer quelques moments du concert, quelques photographies prises à la volée...



samedi 28 avril












« (L’)Orquesta Tipica Imperial » a donc donné son concert à « L’Ampli », c’est-à-dire dans d’anciens abattoirs, plus précisément dans les anciennes chambres frigorifiques. Les murs sont couverts de tags flamboyants, la salle est – tango oblige ! – noire et rouge. Sur un mur, une affiche lumineuse avec des vignettes, d’où surgiront des films correspondant à certains titres originaux de l’orchestre. Fidèles à notre habitude, nous arrivons trois quart d’heure en avance, ce qui nous permet de nous asseoir au premier rang, les pieds posés sur le bord de la scène.

Les instruments attendent le début du concert : trois bandonéons, une série équivalente de violons, un piano, une contrebasse et un violoncelle.

Le répertoire est tout à fait intéressant : une partie de morceaux traditionnels ou classiques, hommage aux très respectables anciens et, sur ce modèle « éternel », des compositions originales, qui sont autant de prises de risques.

A la fin du concert, nous achetons les deux disques publiés à ce jour, un troisième étant en chantier :

- « La Maquina Tanguera », Sadaic Biem, 2003
- « Ruidos Molestos » (bruits gênants), Sadaic Biem, 2005

Nous achetons aussi un petit fascicule, très bien fait :

- « La musique de tango argentin, expliquée aux danseurs et aux musiciens – résumé des conférences données par l’Orquesta Tipica Imperial de Buenos Aires ». Enregistrement, résumé et traduction par Pierre Canals, mars 2007.

Ce petit livre donne l’adresse d’un site internet tout à fait intéressant :

http://plaisir.tango.free.fr/




jeudi, avril 26, 2007

vendredi 27 avril








… passé la matinée à pulvériser une saloperie chimique sur les cyprès dorés, que les araignées rouges ont envahis. Manifestement mon activité dérange plein de moucherons et autres papillons. Le jardin de curé de Françoise rend au centuple sous forme de couleurs éclatantes toute l’énergie qu’il a accumulée en faisant le gros dos sous les averses de ces derniers jours. Encore et toujours, il faut ramasser les camélias, qui tombent au sol comme des petits soldats. Un à terre, dix qui s’ouvrent.

Le pulvérisateur n’est pas à proprement parler un instrument de musique, mais c’est un instrument à produire des sons. Suivant la forme du jet et son intensité, suivant les feuilles sur lesquelles il est dirigé, suivant l’angle de cette direction, ce n’est pas du tout la même musique. Les cyprès sont peu réactifs, on dirait qu'ils étouffent le nuage qui les enveloppe, mais le lierre, les feuilles des camélias, celles de l’olivier, ou encore celles du petit palmier, sont des partenaires pleins de créativité et de fantaisie. Finalement, la petite musique du pulvérisateur rend agréable ce qui aurait pu n’être qu’une corvée. Le pulvérisateur, c’est mon accordéon de jardin ! Musique maestro !
Hier, nous sommes allés écouter un concert donné par un orchestre de tango argentin. C'était à "L'Ampli", un lieu de musiques et d'expositions situé dans les anciens abattoirs de Billère, une commune de l'agglomération paloise. L'orchestre : "Orquesta tipica imperial". Neuf musiciens : piano, contrebasse, violoncelle, violons (3) et bandonéons (3). Ils entrecroisent des tangos classiques et leurs propres compositions. Après le concert, nous nous attardons au bar ; c'est l'occasion de rencontrer quelques uns des membres du groupe, d'acheter leurs deux disques et de les leur faire dédicacer.
J'ai fait quelques photographies. Je reviendrai dès demain sur cette soirée.


mercredi, avril 25, 2007

jeudi 26 avril

Sur l’étagère où je dépose les disques en cours d’écoute, six exemplaires qu’il est temps de classer à leur place alphabétique. Mais auparavant, c’est l’occasion de les étaler côte à côte et de faire des rapprochements improbables. Une fois rangés en effet, ils seront situés et il me sera peut-être plus difficile de les écouter « ensemble ». C’est toute l’ambiguïté des classements. Ils sont nécessaires si l’on veut « s’y retrouver », mais en même temps ils font obstacle à ces rapprochements que je qualifiais d’improbables, pleins de surprises et de plaisirs inattendus. C’est toute l’ambiguïté de l’ordre. Utile et nécessaire, mais source de conformisme. Comme le désordre, cause de pertes d’informations et de temps perdu en vaines recherches, mais aussi source de courts-circuits étonnants.

Voici donc les six albums que j’ai écoutés ces derniers jours :

- « Le chemin des forains », Patrick Saussois & Alma Sinti. Appelons cela du swing manouche.
- « Versatile », Jean Corti. Appelons cela la tradition du musette, le musette d’aujourd’hui, à ne pas confondre avec le new musette.
- « Chilltimes », Ludovic Beier new quartet. Le jazz et l’accordéon, nocturnes et citadins.
- « Ojos Negros », Dino Saluzzi et Anja Lechner. Le bandonéon introspectif dans un dialogue de classe avec le violoncelle.
- « Soledad » du quintet du même nom et « Del Diablo ». Parfois, eu égard à la mise en place des instruments, à la rigueur de l’interprétation et à la force de l’écriture, l’expression « musique de chambre » me vient à l’esprit.

A partir de maintenant, et avant classement, la règle du jeu est de trouver entre les titres de ces six albums des liens surprenants, des correspondances ou des oppositions susceptibles de mettre en évidence leur spécificité et leurs particularités. Pour éviter de me disperser, je m’en tiendrai à un titre par album, même si cette règle est difficile à respecter.

Finalement, la sélection à laquelle j’aboutis rapidement et qui me convient est fondée sur l’association d’idée :

- dans « Le chemin des forains », je retiens « Chez Jacquet », parce que c’est une composition de Django Reinhardt… et que justement…
- dans « Versatile », le titre 2 est « Django Valse ». Vous avez dit « valse » ?
- le lien est tout trouvé avec « Chilltimes » : « Waltz for Richard ». Quel Richard ? Galliano, peut-être ?
- … or, justement, se trouve dans « Soledad » une magnifique interprétation du « Tango pour Claude », magnifique et saluée comme telle par Galliano lui-même. Les tangos, cela ne manque pas dans l’autre disque du quintet.
- je prends le « Tango del Diablo » qui donne son nom à l’album.
- … et donc, pour finir, c’est à Saluzzi que l’on demande un tango au bandonéon : « Tango a mi padre ». J'y retrouve intact ce sens de la méditation que j'avais perçu à la première écoute, avec peut-être encore plus de profondeur et d'intensité.

C’est ainsi qu’en suivant une règle quelque peu aléatoire et arbitraire on passe d’un monde à l’autre avec un égal plaisir. Chacun gardant sa spécificité, il ne s’agit pas de métissage, mais d’une sorte de jeu de passe-frontières sans ostracisme, ni a priori, et c’est un grand plaisir.

lundi, avril 23, 2007

mercredi 25 avril







… écouté « Chilltimes » par le Ludovic Beier New Quartet. Je ne connais pas assez Beier pour prétendre classer ses albums. Il me semble cependant qu’on peut discerner trois courants dans sa production :
- le swing manouche, illustré par les duos avec Angelo Debarre. « Swing Rencontre », « Come into my swing! », “Entre amis”, “Entre ciel et terre”,
- les disques que je qualifierais de faciles (peut-être même alimentaires, comme « Impression gitane »,
- le jazz, en particulier en formations du type quartet : « New Montmartre » du Ludovic Beier Quartet et donc « Chilltimes » par un quartet qualifié de new quartet. En dehors de Ludovic Beier, on note dans les deux la présence du pianiste Christophe Cravero. Dans les deux cas, on remarque la mention « new », manière de marquer à la fois la continuité et la rupture. Ce qui est new se distingue en effet de ce qui l’a précédé, mais en même temps s’y rattache pour se définir. On pense au « new musette » de Galliano ou au « nuevo tango » de Piazzolla. A noter aussi que dans le cas de Galliano et de Beier, new est associé à New York, ce qui est une façon de situer le jazz auquel ils se réfèrent et dont ils se réclament.

Le new quartet est donc composé de L. Beier, accordéon et accordina, Christophe Cravero, piano, Diego Imbert, contrebasse et Franck Agulhon, batterie. Sur un morceau, « Guanabara bay », A. Debarre, à la guitare, est invité.

Contrairement à « Versatile » de Jean Corti ou à « Soledad » du quintet du même nom, il n’est pas question d’écouter « Chilltimes » en déjeunant, en plein soleil, sur une terrasse. Autant « Versatile » et « Soledad », chacun des albums dans son style propre, sont des accordéons solaires, autant « Chilltimes » est nocturne. Musette et guinguettes colorées, tango de rues éclatantes de couleurs, lumière brutale du jour qui agresse les yeux et oblige à porter des lunettes de soleil, d’une part ; fumées et lumières tamisées d’un club de jazz où tout est feutré, filtré, assourdi, d’autre part. S’il y a des alcools forts dans tous les cas, ce ne sont pas les mêmes. Costume musette, costume tango, costume bobo… Pour écouter "Chilltimes", nous fermons donc les portes-fenêtres, car le jour ne lui conviendrait pas. Café du Costa-Rica, chocolats de la "Chocolaterie de la Couronne", Palais des Pyrénées. Nous sommes dans notre bulle...

Ludovic Beier a composé et arrangé dix des douze titres, ce qui donne une très grande homogénéité d’inspiration à l’ensemble. J’imagine que ces titres ont été composés dans un laps de temps assez court, comme s’il s’agissait de déclinaisons ou de variations sur une idée quasi obsessionnelle, en tout cas obsédante. Quelque chose comme les rêveries d’un promeneur nocturne entre la « W 52 st. » et « Swing st. ».

« Chilltimes » est un disque City Records 2006, Le chant du monde 2007. Parmi les douze titres, trois ont retenu mon attention : « No Valse », « Waltz for Richard » et le très subtil « Absenthe ».





mardi 24 avril







Le temps est toujours aussi agréable. Pour accompagner le déjeuner, toujours aussi frugal, même si nous nous sommes fait le petit plaisir de mettre le vin en carafe pour l’aérer, nous écoutons « Soledad » du Quintet Soledad.

J’ai rarement eu le sentiment d’écouter un jeu aussi fidèle à l’esprit de Piazzolla. Le tango à l’énergie. Le livret cite justement Piazzolla disant que son bandonéon devait chanter et hurler en même temps. Comme dans le disque que j’avais écouté précédemment, « Del Diablo », je retrouve une mise en place impeccable des instruments entre eux, une technique sans défauts, une manière d’occuper l’espace qui n’appartient qu’à ce quintet. Du boulot de professionnels au meilleur sens du terme : je veux dire une maîtrise de toute la chaine de production, de la créativité de l’interprétation à la plaquette de présentation, son texte, son graphisme, ses couleurs.

Le plaisir est double : plaisir immédiat de la musique, plaisir d’avoir affaire à un objet véritablement artistique dans toutes ses composantes. Le Monde de la Musique a décerné un « Choc » à cet album et c’est justice.

Plutôt qu’un long commentaire, je préfère recopier les titres qui composent ce cd. Ce travail en effet est en lui-même un plaisir, une manière en quelque sorte de s’approprier chaque morceau. Je crois que j’aurais pris encore plus de plaisir à en faire une copie manuscrite, mais, bon, bien qu’impersonnel, le clavier sera un intermédiaire fidèle.

- Milonga del Angel (Piazzolla)
- Michelangelo 70 (Piazzolla)
- Escualo (Piazzolla)
- Tango pour Claude (Galliano)
- Tango (Capelletti)
- Habanera (Capelletti)
- Ballet-Tango (Piazzolla)
- Tango I (Stravinsky)
- Tango II (Stravinsky)
- Libertango (Piazzolla)
- Nuestro Tiempo (Piazzolla)
- De part et d’autre (Lysight)

C’est comme si les cinq membres du quintet avaient mobilisé toute leur maîtrise et toute leurs expériences pour créer une lecture à la fois originale et fidèle à leurs auteurs des différentes pièces. C’est en cela que « Soledad » est unique. Je me rends compte qu’en fait c’est cela que j’apprécie au plus haut point dans un certain nombre de disques : avoir affaire à une œuvre qui s’inscrit dans une tradition en la renouvelant et non en la reproduisant. De ce point de vue le Quintet Soledad marque une date.




dimanche, avril 22, 2007

lundi 23 avril







Dimanche, temps idéal. 24°/25°. Ciel uniformément bleu comme sur une carte postale, léger souffle de vent régulier. Le quartier s’est vidé de ses habitants. Nous étendons deux lessives de linge de toilette, de nappes et de serviettes sur l’herbe, en imaginant déjà l’odeur dont elles vont se gorger avant de la diffuser dans les placards. Nous espérons que les merles, qui s’affairent à déterrer des vers à longueur de journée, ne vont pas y déposer quelque fiente comme trace de leur visite alimentaire.

Le soleil haut écrase les ombres sur les caillebotis et sur le carrelage de la terrasse arrière. Nous déjeunons à l’abri des charmes. On a une impression de temps suspendu. L’espace est réduit, mais il nous suffit. On s’y sent à l’abri des bruits du monde et peut-être même des soucis quotidiens. Au menu : morue, pommes vapeur, salade de tomates et mozzarella, huile d’olive, pain passion, fraises du Lot-et-Garonne, café du Costa-Rica, eau d’Ogeu, Premières Côtes de Blaye : château Anglade Bellevue, cuvée Les Moulins, 2003 (mis en bouteille au château). Pour « aller avec » ce déjeuner frugal et frais, nous écoutons le dernier « Jean Corti » :

- « Versatile », 2007 Mon Slip.

Une cuvée agréable. Sans surprise, mais agréable, c’est le mot qui nous parait le plus juste. Jean Corti, c’est pour moi un artisan de l’accordéon, qui maîtrise parfaitement ce qu’il veut faire dans un registre modeste, mais impeccable. Le disque, qui accompagne notre repas, sonne de manière un peu inégale à notre goût. Il y a des choses que nous aimons bien, d’autres moins. Je ne parlerai donc que de ce qui nous a plu et que déjà nous réécoutons. Nous aimons bien « Les feuilles mortes » et « Rose de Picardie », avec Félix Belleau à l’accordina ; « Place Montmartre » avec Perrone et Corti aux accordéons ; « La Ritale » de Corti et Privat avec Anne-Gaëlle Bisquay au violoncelle.

On retrouve en illustration le graphisme de « Couka » et un chien-accordéon licencieux… qui symbolise bien une certaine liberté, une certaine manière de ne pas trop se prendre au sérieux et de faire comme un pied de nez aux censeurs coincés. A force d’écouter les titres que nous préférons, nous finissons presque par nous imaginer dans une guinguette… Décidément, cet accordéon va bien avec le temps, un temps moyen, ni trop chaud, ni trop froid, ni trop lourd, ni trop venteux. Un accordéon des villes, des faubourgs ou des banlieues à l’ancienne, mais sans nostalgie. Un accordéon qui traverse le temps, tranquille et amusé en regardant l’agitation alentour.




samedi, avril 21, 2007

dimanche 22 avril












Hier, samedi, la journée s’annonçait belle. Grand beau temps. Les fleurs s’ouvrent à profusion. A dix heures trente, je trouve dans la boite à lettres un envoi d’Alapage :

- « Versatile », Jean Corti, 2007 Mon Slip. Corti, c’est du lourd ! Un vieux routier qui n’a pas peur des jeunes.
- « Soledad », 2001, Soledad Productions. Soledad, c’est de la précision. Les jeunes qui n’ont pas peur des vieux. Il faut entendre comment ils jouent Piazzolla, Galliano ou Stravinsky.

Vers midi, il nous prend une petite flemme au moment de préparer le déjeuner, de sortir la vaisselle et les couverts ; bref, nous décidons d’aller manger au « Goya » où décidément nous faisons partie des habitués.

Un peu avant deux heures après-midi, nos pas nous conduisent jusqu’à la Fnac où un disque de Beier nous fait signe :

- « Chilltimes, Ludovic Beier New Quartet ». 2006 City Records, 2007 Le chant du monde. Du musette au jazz. La pochette fait penser à « Ruby, My Dear » du New York Trio de Richard Galliano. Beier, l’accordéoniste qui n’a pas peur des jazzmen new-yorkais.

Tout ça nous promet bien des plaisirs différents.

… Et puis, chemin faisant, alors qu’avec Françoise nous faisions cette observation que Pau est vraiment une ville de palmiers (il y en a partout, dans des parcs publics et privés, le long du boulevard des Pyrénées, dans la montée de la palmeraie, aux ronds-points des avenues, autour de la gare, etc…), et que les palmiers ça fleure bon l'exotisme et le dépaysement, notre attention fut attirée par une « chose » informe, un amas de couvertures contre un conteneur de déchets. A bien y regarder, il n’y avait aucun doute possible : c’était un homme…

Finalement, j’attendrai un peu pour écouter les trois disques.




vendredi, avril 20, 2007

samedi 21 avril

Françoise est à Toulouse et c’est comme si je n’avais plus qu’un poumon pour respirer. Je me suis occupé du jardin. J’ai tondu le gazon, mais dès le premier panier la tondeuse a perdu de la puissance et sa force de traction. Une tondeuse, finalement, c’est lourd et peu mobile. Les cyprès dorés ont subi quelques attaques d’araignées rouges. J’ai dû contre-attaquer avec le pulvérisateur et une saloperie chimique qui irrite les yeux quand le vent tourne et vous projette le nuage de cette saloperie sur le visage. Les camélias jonchent le sol. Je les ai ramassés et entassés dans le conteneur de déchets verts. L’olivier de Françoise et son petit jardin méditerranéen se portent bien. Les feuilles, qui hésitent entre le vert pâle et le gris foncé, paraissent être de velours. Le jardin de curé a explosé de couleurs après les ondées et les orages de ces dernières semaines. La vie déborde de tous les côtés. Le cerisier du voisin, qui avait été taillé sévèrement, est reparti. Les charmes qui bordent la terrasse arrière allongent leurs branches pour en faire une tonnelle naturelle, qui commence à filtrer les rayons les plus vifs de l’après-midi. Après un coup de balai sur les terrasses, le jardin, bien clos, qui se prépare à ouvrir ses roses, est prêt à accueillir Françoise.

Mais, bon, tout cela, qui m’occupe, comme on dit, ne m’empêche pas de trouver le temps un peu long. Je parcours sans idée préconçue les quelques étagères de cds d’accordéon, mais il est difficile de s’arrêter sur un choix. Finalement, je retiens deux albums et six morceaux :

- « Après l’orage », freeBidou, ZN Productions, 2006
- « Accordance », Guy Klucevsek et Alan Bern, Winter & Winter, 2000

Du disque “Après l’orage”, j’écoute successivement « Naïma », 2 :44, de J. Coltrane, « Strange Blues », 3 :15, d’A. Buisson et « Le breton », 4 :18, de S. Harrisson. Cet album de feeBidou et particulièrement le dernier morceau me font penser à Bobby Lapointe. Le même humour faussement naïf. Et puis, à chaque écoute, je me rappelle Harrisson, à Trentels, jouant en costume trois-pièces de la contrebasse. La contrebasse, dans ses mains, une machine humoristique et surréaliste à haute valeur drolatique ajoutée. Ecoutez « Le breton », vous comprendrez ce que je veux dire et ce que le mot décalage signifie quand le trio s’en empare.

« Accordance », c’est autre chose. A mon goût, le plus beau disque de Klucevsek. Je dois avouer ma fascination, le mot n’est pas exagéré, pour « Astor Place », 5 :31, pour « Hegel’s Fantasy », 5 :43, et pour « Angel Blue », 5 :16, ces deux dernières pièces composées par Alan Bern. Je ne serais pas loin de parler de chefs-d’œuvre en ce qui concerne « Angel Blue » et « Astor Place ». Si le mot n'était pas galvaudé, je dirais :"c'est la classe !"

FreeBidou, c’est le sérieux au service de l’humour. Un plaisir que l’on a envie de prolonger en buvant un coup de rouge avec des copains pour accompagner un plat de charcuteries ou une fillette de blanc sec pour faire passer une douzaine d’huitres du bassin d’Arcachon. « Accordance », c’est du grand art. La maîtrise classique dans toute son efficacité au service de compositions contemporaines pleines de vitalité. La culture à l’état pur. On pense xérès, sauternes ou loupiac, champagne et foie gras ou magret aux cèpes. Toujours avec des copains. Les mêmes que pour partager l’écoute des freeBidou. Pouvoir ainsi associer en imagination et en réalité l’accordéon avec un blanc sec de l’entre-deux-mers et avec un sauternes, avec du saucisson à l’ail et avec du foie gras, c’est assez dire son universalité… si du moins il était encore besoin de s’en convaincre.

Bon, je remets « Après l’orage » dans le lecteur…

jeudi, avril 19, 2007

vendredi 20 avril

Françoise est à Toulouse, où elle doit signer un contrat d’édition. A mon grand regret je n’ai pu l’accompagner. Vers 4 heures, je me réveille avec cette impression bizarre de ne pas savoir si j’ai dormi ou non, tant le flux des idées qui me traverse l’esprit est clair et étroitement lié aux pensées que j’avais en tête au moment de m’endormir. En ouvrant les yeux, dans la nuit noire et silencieuse, j’ai une impression de lueur diffuse, verte et rouge. C’est comme un léger scintillement qui se fait écho de pièce en pièce…

Dans la chambre, sur le coffre qui me sert de table de nuit, l’heure s’affiche en jaune sur fond vert ; sur la table de nuit de Françoise, l’heure s’affiche en blanc. Dans le bureau, l’alimentation des deux ordinateurs éclaire nos tables de travail. La live box est là, blanche, avec ses diodes rouges. Mon téléphone mobile clignote, indiquant que sa batterie est chargée. Le téléphone fixe affiche l’heure. Le commutateur d’une prise multiple marque sa position, rouge, sur la moquette. La chaine hi-fi affiche l’heure en chiffres verts. Le poste de télévision a aussi sa veille en rouge. Le magnétoscope affiche l’heure. Au rez-de-chaussée, dans la cuisine, la veilleuse du chauffe-eau se signale par un rectangle vert fluorescent. Dans la salle de bain, mon rasoir électrique clignote pour signaler qu’il est chargé. Dans le séjour, le poste de télévision, le magnétoscope et le décodeur TNT brillent comme des petites lumières de Noël ; la chaine hi-fi donne l’heure…

En parcourant ainsi la maison dans une obscurité toute relative, je me rends compte, en dépit de la mauvaise conscience de la partie écologique de mon cerveau, que ces petits signaux sont une présence rassurante : c’est comme si la maison était sous la protection de petits veilleurs à la vigilance sans failles.

Avant de me recoucher, je prends conscience du silence de la maison et du jardin. J’ai envie d’écouter « quelque chose » de Saluzzi :

- « Duetto », 6 minutes, in « Ojos Negros ».

Seul, dans le calme de la nuit, j’écoute « Duetto » comme je ne l’avais jamais entendu. C’est comme si le violoncelle et le bandonéon se livraient à une sorte de danse lente et ambigüe. Je pense à cette phrase qui, pour moi, est la définition la plus pertinente du tango : « Je t’aime, moi non plus ».

Après avoir remis le cd à sa place, je m'endors en rêvant, la tête pleine de pensées "tango".

mercredi, avril 18, 2007

jeudi 19 avril

- 14h30. Ma mère sort du centre gériatrique de l’hôpital de Pau, après trois semaines de convalescence. Elle n’a pas retrouvé l’usage de ses jambes. L’arthrose a pétrifié sa main droite. Sa main gauche est tout juste capable de tenir un verre d’eau ou d’appuyer sur le bouton de l’alarme. Les ambulanciers l’emportent vers la maison de retraite Saint Joseph à Nay.
- 15h00. Ma mère arrive à la maison de retraite. Mon père est assis. Il l’attend. Il a l’air incrédule en la voyant. Il se précipite pour l’embrasser. Elle reste immobile, comme pétrifiée.
- 15h30. La maison de retraite est en réfection et les travaux ont bouleversé les chemins habituels. Après avoir tâtonné pour trouver le chemin de sa chambre, les ambulanciers installent ma mère dans un fauteuil roulant. Une infirmière vient l’accueillir et lui prodiguer des paroles apaisantes. En vain. Ma mère ne s’inquiète que d’une chose : comment se faire aider pour aller aux toilettes. Je pense : l’autonomie, c’est simple, c’est être capable de boire et de pisser tout seul.
- 17h00. J’ai fini d’installer les vêtements de ma mère dans son placard et ses affaires de toilette dans une petite armoire au-dessus de son lavabo. Mon père est assis, prostré, sur une chaise en skaï.
- 17h30. Je jette dans un sac poubelle l’emballage de la crème au chocolat que je viens de faire manger à ma mère, cuillerée après cuillerée. Je suis ému par sa manière d’ouvrir la bouche après chaque déglutition, comme pour une nouvelle becquée.
- 18h00. Mon père et moi, nous quittons le foyer de la maison de retraite. En me retournant une dernière fois pour dire au revoir à ma mère, je suis frappé par son teint de cire. Elle a les yeux mi-clos et je pense à un masque mortuaire. Mon père lui a dit son intention de venir la voir certains jours, après-midi, bien qu’il craigne un peu de se déplacer en voiture. Elle lui a dit qu’elle ne souhaitait pas le voir tout de suite.
- 18h05. Nous quittons le parking de la place du Marcadieu, au pied de la maison de retraite.

En traversant le foyer, en passant près d’une grande table ronde où une vingtaine de vieillards sont rassemblés, j’entends une dame dire : « je m’ennuie » et deux échos : « moi aussi ».

Dès que je suis arrivé à la maison, je me fais du thé, je fais réchauffer quatre crêpes achetées chez le pâtissier et, tout en écoutant « le bistrot des accordéons », qui peu à peu, d’écoute en écoute, me « change les idées » et m’insuffle un moral nouveau, je parcours en diagonale un livre du sociologue Rémi Hess, sociologue et valseur émérite :

- « La Valse, un romantisme révolutionnaire », Métailié, sciences humaines, 2003, 193 pages.

Ouvrage fort savant, qui se lit avec un intérêt constant, tant l’érudition et l’intelligence concourent au plaisir de la connaissance. Dans la dernière page, Rémi Hess cite un poème d’Aragon, dont je retiens quelques lignes :

Quelle valse inconnue entraînante et magique
M’emporte malgré moi comme une folle idée
Je sens fuir sous mes pieds cette époque tragique
Elsa quelle est cette musique
Ce n’est plus moi qui parle et mes pas sont guidés

Cette valse est un vin qui ressemble au Saumur
Cette valse est le vin que j’ai bu dans tes bras
Tes cheveux en sont l’or et mes vers s’en émurent
Valsons-là comme on saute un mur
Ton nom s’y murmure Elsa valse et valsera


En tout cas, tout en écrivant ces quelques lignes, et comme j’avais activé la fonction « répétition », j’ai écouté onze fois sans discontinuer « le bistrot des accordéons ». Bien loin de tomber dans la surdose, j’observe que je me porte bien. C’est comme si Privat, Lassagne, Viseur, Macias, Amestoy, Colin, Corti et quelqu'autre accordéoniste que je ne nommerai pas maintenant s’étaient mobilisés pour me rendre la vie aimable.

mardi, avril 17, 2007

mercredi 18 avril

Deux choses à noter aujourd‘hui :

- Après quelques jours de rupture, due aux circonstances, je suis allé consulter à nouveau le site de Sylvie Jamet :

http://sylviejamet.over-blog.com/

Entre autres informations, on y trouve un article archi-documenté sur le Vallenato avec en particulier des vidéos sur Youtube. Une mine ! Bien entendu, on pense à Antonio Rivas et l’on est pris par l’énergie des musiciens. On a l’impression que l’accordéon est parti pour ne jamais s’arrêter, même au-delà de l’épuisement des derniers danseurs. En paraphrasant Hegel, on pourrait dire en l’occurrence :" l’accordéon c’est la vie, la vie c’est l’accordéon". Du coup, impossible d’imaginer la vie sans accordéons et réciproquement. Je me permets d’emprunter l’adresse à Sylvie :

http://www.youtube.com/watch?v=DXMVI-2kJaE

Ce doit être ce que l’on appelle une source de jouvence ! Parfois l’on se demande si c’est l’accordéoniste qui anime son accordéon ou si c’est l’instrument qui fait bouger l’accordéoniste comme un pantin attaché à son soufflet.



- Autre chose… et c’est un scoop, que je ne peux dévoiler que de manière allusive, confidentialité oblige : il se pourrait bien qu’un de ces jours prochains, « le bistrot des accordéons » prenne des airs de valse. Si tel est le cas, je ne vous dis pas combien j’en serai fier. Comme le chantait Jo Dassin, « L’Amérique, l’Amérique… ». Tout cela s’éclaircira un jour pour notre plus grand plaisir. « Le bistrot des accordéons » associé à la valse : une vraie consécration !

mardi 17 avril







J’écoute « Ojos Negros » en feuilletant le livret de présentation, en particulier les photographies de Dino Saluzzi et d’Anja Lechner. Plus je les contemple, plus je suis frappé par l’accord entre celles-ci et la musique. Mais d’abord, la couverture. Elle évoque pour moi à la fois une sorte de figure du Christ et une statue de Giaccometti. A la fois une force de représentation extraordinaire et la trace d’un travail inlassable pour enlever couche après couche tout ce qui n’est pas essentiel. Il me semble qu’il y a un projet du même type chez Saluzzi. Entre deux notes, on enlève tout ce qui pourrait faire scorie. A la fin, quelque chose de ténu, de fragile, et en même temps, d’une résistance à toute épreuve. Comme pour l’homme marchant de Giacometti, dont on sent qu’il est soumis à toutes les menaces, mais aussi qu’il est arrivé à un point où rien ne peut le détruire.

Les trois photographies des deux musiciens me touchent beaucoup. Mélange encore de force et de fragilité. On a l’impression que Saluzzi doit sans cesse compter avec sa force et son physique de bucheron. Il a avec son bandonéon les attentions d’un géant qui tient un nid d’oisillons entre ses mains. Anja Lechner de son côté me frappe par sa détermination.

Sans doute suis-je influencé par certaines circonstances de ma vie actuelle, mais d’écoute en écoute le sentiment d’avoir affaire à une méditation se renforce. Les couleurs se sont estompées, on va à l’essentiel qui se déploie entre le blanc et le noir dans une infinie palette de gris. Tout n’est que nuances.





lundi, avril 16, 2007

lundi 16 avril

Début d’après-midi, un marché maous à l’hypermarché. Après le départ des « petits », les réfrigérateurs sonnent creux. Entre ce que nous avons consommé ensemble et les provisions qu’ils ont emportées « pour la route », c’est la pénurie qui règne dans les placards. A la sortie de ce marché donc, Françoise et moi, sans même avoir besoin de nous concerter, nous vidons les sacs dans le coffre de la voiture puis, le caddie remis à sa place, nous revenons à l’espace culturel voir s’il n’y aurait pas un petit quelque chose, un peu culturel, pour nous faire plaisir.

Françoise se fait une brassée de polars ; quant à moi, c’est en arrivant vers la fin de l’ordre alphabétique des disques de jazz que je vois ce que je cherchais : un disque tout récent de Dino Saluzzi.

- « Ojos Negros », Dino Saluzzi, bandonéon, Anja Lechner, violoncelle, ECM, 2007.

Je connaissais le nom d’Anja Lechner parce qu’elle a déjà joué avec Saluzzi sur « Kultrum » dans le cadre du Rosamunde Quartett. Le couple bandonéon / violoncelle semble presque « naturel ». Autant l’accordéon et le violoncelle, comme le notait Richard Galliano, semblent relever de deux univers culturels différents et socialement situés dans des positions quasi opposées : populaire vs classique, autant le bandonéon et le violoncelle semblent appartenir à la même famille.

Cet album de 57 :46 minutes est composé de huit titres. Sept de Saluzzi lui-même et curieusement, le cinquième, de Vicente Greco. Curieusement, car il s’agit du titre « Ojos Negros », qui donne son nom à l’album. Bien entendu, je compte me donner du temps pour écouter comme il convient ce dernier opus de Saluzzi, mais ce qui d’emblée me frappe, c’est une sorte de rigorisme et de minimalisme qui traversent toutes les pièces. Comme souvent, la couverture et le boitier sont eux-mêmes minimalistes. On est prévenu, c’est d’intériorité qu’il s’agit. Exclusivement.

Le ton est donné par la première de ces pièces : « Tango a mi padre ». Le jeu est retenu, presque contraint, sans emphase, ni envolées lyriques. On est dans le registre de la gravité. On pense à quelque chose de janséniste. Ce n’est ni une plainte, ni une prière, mais une méditation, avec parfois des accents religieux. Je ne sais pourquoi me vient à l’esprit le terme de « Pensées », au sens pascalien. Méditation non pas sur la mort, ni tragique, mais méditation autour de la mort, du vide, de l’absence, de la trace laissée par les choses et les êtres périssables. Méditation qui ne se développe pas en discours à proprement parler, mais qui se donne sous formes de fragments, d’où la référence aux « Pensées » de Pascal. Autant le discours convient pour une pensée sûre d’elle-même, autant les fragments conviennent pour une pensée qui doute, qui se reprend, qui s’affine, qui se bat, au corps à corps, pour donner sens au temps qui nous constitue et qui nous échappe à la fois. Bien entendu, j’ai conscience que les lignes ci-dessus sont une projection de mes pensées actuelles, peut-être sont-elles loin des intentions de Saluzzi. Peu importe, car la seule chose qui compte, en l’occurrence, c’est que l’écho que j’ai perçu entre mes états d’âme et sa musique est source d’un plaisir précieux. Ce que je retiens, d'autre part, c'est la capacité de l'oeuvre que j'écoute actuellement à susciter de telles projections et à leur donner forme sensible, capacité qui, à mon sens, signe sa qualité artistique. En même temps, on voit bien que le plaisir esthétique résulte d'une co-production entre un auteur, des interprètes et les intentions de ceux qui les écoutent.

dimanche, avril 15, 2007

dimanche 15 avril

A partir d’une information fournie par Tony, spécialiste ès-Jo Privat et autres accordéonistes qui swinguent, j’ai exploré l’adresse suivante :

http://www.esnips.com/web/78toursdeJazzFranais

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une sélection de 78 tours de jazz français. On y trouve en particulier Tony Murena ou Gus Viseur avec leurs orchestres respectifs. Mais aussi Jo Privat ou Emile Carrara. En tout cas, le choix de Gus Viseur, en quantité et en qualité, est impressionnant. Evidemment, ça craque, mais ces crachotements font partie du charme de ces disques. On image une aiguille grosse comme le pouce parcourant des sillons taillés au couteau suisse. On se fait des films de truands façon entre deux guerres. Je pense aussi à ce que disait Galliano de ces accordéonistes qui swinguaient avec des instruments souples et maniables comme des armoires normandes. On a l’impression de recevoir des messages d’une autre planète, voire d’une autre galaxie, en tout cas d’une autre époque.

Ensuite, je suis allé visiter à nouveau le site du Quintet Soledad, en particulier la page de la discographie.

http://www.soledad.be/discographie/default.htm

L’enchainement des titres de la sélection est excellent, tant en ce qui concerne leur homogénéité qu’en ce qui concerne leur qualité technique exceptionnelle. On est aux antipodes des scories des 78 tours. Le son surgit dans toute sa complexité spatiale et dans toute sa pureté. En écoutant ce Quintet, il m’arrive de penser au Quatuor Caliente. Dans l’un et l’autre cas, la lecture du tango et la fidélité à Piazzolla s’inscrivent dans une tradition d’innovation.

Pour les oreilles, le passage de l’un à l’autre site s’apparente à l’exercice du grand écart, mais justement c’est une manière d’aller chercher son plaisir où il se trouve.

Post-scriptum

Je découvre à l'instant un commentaire de Sylvie Jamet, que je m'empresse de copier ci-dessous, étant donné son utilité. C'est l'occasion de dire encore une fois toute mon admiration pour le blog de Sylvie et pour son "boulot" de promotion de l'accordéon.

Commme je sais que poser un commentaire sous "blogger" semble parfois un peu difficile, ci-après la procédure, qui sera peut-être utile à certains internaute.Procédure :- soit vous disposez d'un compte sur blogger, car vous avez créé un blog sur blogger (et dans ce cas commenter dans un autre blog blogger est train simple, et vous allez ou avez découvert les immenses possibilité de communication du blog. Bravo à vous)- soit vous n'avez pas de compte blogger et c'est pour vous que j'écris cette procédure : cliquer, en dessous de "Vous ne disposez pas de compte Google ?", sur le lien "Inscrivez-vous ici", puis saisissez votre email, un password, un pseudo (un nom d'affichage qui sera vu tel quel par les internautes) et voilà...Mémoriser bien votre nom d'affichage et votre password.Chaque fois que vous voudrez ultérieurement saisir un commentaire, saisissez ces deux informations en dessous du commentaire saisi puis cliquer sur le bouton orange "publier commentaire" pour valider et envoyer votre commentaire.Voilà, si ça peut vous aider à commenter pour donner vos opinions sur les articles, j'en suis ravie...

Je profite de l'occasion pour rappeler l'adresse du blog de Sylvie (au cas où un accordéonaute égaré ou tombé hier matin de la lune, ne le connaitrait pas encore) :

http://sylviejamet.over-blog.com

Post-scriptum de post-scriptum

Je me rends compte que je viens d'écrire le mot accordéonaute... J'ai une impression étrange : je me demande si je n'ai pas déjà lu ce mot quelque part, mais où ?... Si tel n'est pas le cas et si je viens d'inventer un néologisme, je le propose pour désigner les fans d'accordéons et autres accros qui surfent sur internet à la recherche d'informations sur leur instrument et leurs musiciens préférés. Bien entendu, bandonéonaute est une variante acceptable comme accordinaute... De là à penser que ces termes figureront dès l'an prochain dans le "Robert", il y a un pas à franchir, sauf si nous décidons de les utiliser et de les introduire ainsi dans la langue française.

samedi, avril 14, 2007

samedi 14 avril

« Les petits » sont partis. Ils sont rentrés à Toulouse. Le ciel est uniformément gris sale. Il fait plutôt froid. Des passages nuageux, des grains, des passages, etc… La maison est vide. Les rires et les chamailleries de Charlotte et de Camille ne résonnent plus que dans nos têtes. Ici ou là, des indices de leur présence : une chupette, un livre, des dessins de fées et de princesses, des stylos-feutre sous une table, les vêtements de Roger, l’ours brun, les housses de couette qui gardent traces de leurs jeux. Au sommet du prunier, un couple de pies a abandonné, puis détruit son nid en construction, car les chats commençaient à monter trop haut dans les branches.

Le centre gériatrique, un samedi maussade, en fin d’après-midi, avec la pluie qui dégouline le long des vitres, ça n’est pas gai. Les aides-soignants me reconnaissent. On se dit bonjour et l’on échange trois banalités. L’infirmière me parle du comportement de ma mère avec pertinence et affection.

Sur l’étagère où je range les cds en cours d’écoute, les trois de la semaine : « Le chemin des forains », « Del Diablo » et « Champlong ». Avant de les ranger par ordre alphabétique en fonction du nom de l’accordéoniste, à savoir : Daniel Colin, Manu Comté et Jacques Pellarin, j’ai envie d’en écouter une sélection, quelque chose comme mes préférences du moment.

Je retiens donc sept titres :

- « Papillons noirs » de Jo Privat et « The Shadow of your Smile » de Johny Mandel in « Le chemin des forains »
- « Mumuki » de Piazzolla et « Retrato de Amanda Gris » d’Alberto Iglesias in « Del Diablo »
- « Champlong », « Mémoire d’Anna » et la version solo de « L’éphémère » in « Champlong » de Jacques Pellarin.

Je les écoute d’abord avec ma petite chaine Denon, puis avec les haut-parleurs JBL, que « les petits » m’ont offerts pour mon anniversaire, branchés sur mon portable. Deux dispositifs techniques différents, deux plaisirs différents. Le son qui remplit l’air du bureau, d’une part, le son proche et presque confidentiel des éléments JBL sur mon bureau, d’autre part.

Pour accompagner ce moment de calme, cette parenthèse, cette bulle dans le cours du quotidien, une Hoegaarden bien fraiche… et finalement, deux… juste pour finir la dernière gorgée de bière sur les dernières notes de « L’éphémère ». Bientôt minuit, la journée se termine bien. Bière et accordéon, un bel accord !

jeudi, avril 12, 2007

vendredi 13 avril

Françoise et « les petits » sont allés à Hossegor inspecter le chantier de la villa et rencontrer quelques artisans. Des obligations m’ont retenu à Pau durant la matinée. Après un déjeuner pris en vitesse chez « le chinois » : nems et lok lak, pas de vin, ni de dessert, café - un seul café, c’est un peu juste –, retour à la maison. Coup de balai sur les terrasses couvertes de chatons de bouleaux – bonjour les allergies – et coup d’aspirateur à l’intérieur – bonjour les pollens qui s’incrustent dans les tapis. Je profite de ma solitude et du calme ambiant pour écouter deux versions de « Mumuki », qui est une pièce de Piazzolla pleine de résonances pour moi :

- album de 2 cds, « Astor Piazzolla, L’amour du tango, L’album d’une vie ». Cd 1, « Mumuki », 8 :26. Quintette de tango contemporain (quinteto nuevo)
- « Del Diablo », Soledad, « Mumuki », 9 :09.


Version du quintette de tango contemporain : guitare électrique, violon électrique, guitare, piano, contrebasse, 3 :35 : bandonéon, bandonéon et violon, etc…
Version de Soledad : guitare électrique, violon, guitare électrique, piano, guitare électrique, piano, contrebasse, 4 :30 : bandonéon, bandonéon et violon, etc…

Je trouve que cette version de Soledad est l’une des plus intimement fidèles à l’esprit du quinteto nuevo, sans bien sûr, en être une copie. La fidélité, ça n’est jamais la reproduction à l’identique, c’est toujours une traduction qui éclaire l’original d’une lumière nouvelle.

Ce qui me touche dans « Mumuki », pour autant que je puisse en être conscient, c’est qu’on ne retrouve pas le jeu tendu de Piazzolla, cette manière singulière de projeter des sons comme des traits au couteau sur une toile ou comme des griffures à l’encre de Chine sur un Canson immaculé. J’y perçois plutôt une déambulation apaisée ou un regard plein de tendresse, qui lit dans le visage de la personne aimée les traces de moments partagés. Au-delà des mouvements désordonnés de la passion, quelque chose comme l’acceptation du temps qui passe, qui a passé et qui cependant est là, présent.

jeudi 12 avril

J’ai réussi à trouver le temps d’écouter in extenso à trois reprises « Del Diablo » du quintet Soledad, cd que Patrick E. m’avais envoyé, en toute générosité. Je l’en remercie encore, car j’ai pris beaucoup de plaisir à écouter cette formation dont j’ignorais l’existence même.

J’ai donc écouté cet album une première fois dans l’ordre des titres, une deuxième fois en écoutant les morceaux de Piazzolla d’une part et ceux des autres compositeurs d’autre part, une troisième fois en suivant à nouveau l’ordre du programme proposé. Il est composé de cinq volets : Piazzolla (4 morceaux), Alberto Iglesias (4 morceaux), Piazzolla (« Concierto para Quinteto"), Daniel Capelletti (2 danses), Frédéric Devresse (passage à 5, création originale).

Les deux parties consacrées à Piazzolla, avec le concerto en partie centrale, m’ont paru s’inscrire dans l’esprit de ses quintets, avec guitare acoustique et guitare électrique. La composition du quintet est d’ailleurs, sauf erreur de ma part, identique aux quintets de Piazzolla : bandonéon, violon, piano, guitare, contrebasse. Une interprétation très rigoureuse, au plus près de l’écriture, même si la touche Soledad est manifeste. Cette touche m’a semblé relever du style même des interprètes, mais aussi de la perfection technique de l’enregistrement. Curieusement, le quintet existe bien en tant qu’entité très homogène et, en même temps chaque instrument est découpé comme au scalpel dans toute son individualité. J’ai rarement eu le sentiment d’une telle convergence de la production sonore par des musiciens et du traitement technique du son vers l’expression visée. D’une certaine façon, je suis fasciné par la profondeur de l’espace sonore de ce disque.

D’une part donc, Piazzolla, avec une affection particulière en ce qui me concerne pour « Mumuki » et « Tango del Diablo ». Bien entendu, il y a aussi, en position centrale, le « Concierto para Quinteto » où Soledad donne toute sa mesure. D’autre part, quatre pièces d’Iglesias et deux danses de Capelletti, qui en effet sont les plus dansantes du disque. Et in fine, un thème suivi de cinq variations : « Passage à 5 ». Je l’ai reçu comme l’expression d’une mécanique de haute précision. Non pas certes un exercice de virtuosité, mais plutôt un exercice de style de haute maîtrise de composition et d’interprétation.

En fait, au fil de mon écoute, je recompose les cinq volets en trois : l’écriture et sa rigueur, quelques pièces dansantes, un exercice de style, les variations.

J’ai commencé à explorer le site de Soledad. Magnifique ! Photographies et extraits, superbes !

http://www.soledad.be/

Nul doute que je vais essayer d’en savoir plus et surtout de me procurer leurs deux autres disques.

mardi, avril 10, 2007

mercredi 11 avril







La journée de mardi a été contrastée et pleine d’heureuses surprises. Voyons les faits. Les démarches pour faire admettre ma mère en maison de retraite s’apparentent à un parcours de labyrinthe et ne me laissent que peu de loisirs à consacrer à l’écoute de l’accordéon. La visite de ces maisons m’inspire un sentiment partagé. Je ne peux m’empêcher de penser à la pièce de Beckett, « En attendant Godot ». Peu à peu, profitant des longs moments d’attente avant de rencontrer les administrateurs de ces institutions, je cultive mon sens de l’observation et je sens bien que je progresse dans la connaissance technique et ergonomique des déambulateurs. Plus tard, quand le moment sera venu, je saurai choisir le meilleur matériel…

Mais je parlais d’heureuses surprises. J’en retiens deux :

- un courriel de Tony, spécialiste ès-Jo Privat. Son site vaut le voyage :

http://swingjo.apinc.org/home.php

A l’occasion de ce courriel, il me donne une autre adresse que je répercute à mon tour :

http://swingjo.apinc.org/phpBB217/viewtopic.php?t=971

Mais il y est aussi question de Pau, d’Hossegor, de Vieux-Boucau, de Gourette et de la Pierre Saint Martin, des noms de lieux chargés de souvenirs d’enfance et d’adolescence, pays de glisse, pays de vagues, souvenirs indélébiles, à tout jamais inscrits dans l’écume des déferlantes ou dans les explosions de poudreuse. Il est question aussi de bouteilles de vin. On pense à ces terroirs qui sonnent comme des noms de mousquetaires : Madiran, Jurançon, Tursan, Saint Mont, Armagnac, Pacherenc…

Deuxième surprise. A dix heures, je découvre dans ma boite à lettres, une enveloppe, venue de l’autre côté de la France, du pays de Rimbaud, Charleville-Mézières. Je suppose qu’elle contient un cd. Et pourtant je n’avais aucune commande à venir. Suivant un rituel que j’affectionne j’ouvre l’enveloppe sur un coin de tapis marocain : un cd se trouve bien à l’intérieur accompagné d’une page manuscrite. Patrick E. m’explique que, lisant parfois ce blog et étant lui-même amateur d’accordéon, il a pensé que cet album du Quintet Soledad pourrait m’intéresser. Et en effet je ne connaissais pas cette formation. Ma surprise est complète, mais bien plus encore je suis très sensible à ce geste de générosité. Peut-être n’aurons nous jamais l’occasion de nous rencontrer, mais peu importe car la passion de l’accordéon et le désir de la faire partager suffisent pour nous rapprocher. Je ne peux m’empêcher, en recevant ce cd, de penser à la force du don et de trouver cela émouvant. Malgré la distance, il y a comme la certitude qu’une communauté existe, fondée sur l’attachement au plaisir esthétique, particulièrement à la musique de l’accordéon ou du bandonéon. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de dire à quel point esthétique et éthique me paraissent proches. En voilà, me semble-t-il, une preuve de plus. Il n’y a pas de plaisir esthétique sans désir de le partager, sans générosité donc. Un monde existe qui n’est pas purement marchand, qui n’est pas nécessairement conflictuel et fondé sur la compétition. Le goût partagé de l’accordéon fabrique du lien social, en toute spontanéité. C’est cela que je n’hésite pas à qualifier d’émouvant.

A mon tour, spontanément, j’ai envie de faire connaître « Champlong » à mon correspondant, de lui faire partager le plaisir que j’éprouve à écouter cet album, et je vais immédiatement m’employer à le faire.

Comme les circonstances ne sont guère favorables à une écoute sereine, je me donne un peu de temps pour apprécier ce cd à sa juste valeur. Pour l’instant, je retiens qu’une première écoute, en diagonale, m’a tout de suite donné envie d’approfondir mes premières impressions. Je note aussi que la présentation du disque est de grande qualité, que la couverture en noir et blanc est énigmatique – elle me fait penser à une photographie de Cartier-Bresson – et qu’enfin la qualité technique m’a paru irréprochable.

- « Del Diablo », Quintet Soledad, Virgin 2003.

Manu Comté, accordéon & bandonéon, Nicolas Stevens, violon, Alexander Gurning, piano, Patrick de Schuyter, guitares, Philippe Cormann, contrebasse.

Mais je n’en dirais pas plus pour aujourd’hui, car le travail artistique de ce quintet, comme le geste de Patrick E., méritent toute mon attention. A suivre…





lundi, avril 09, 2007

mardi 10 avril







Nadja et Sébastien ont profité du lundi de Pâques pour passer la journée à Iraty. Forêt superbe dans les environs de Saint-Jean-Pied-de-Port. Raquettes et skis de fond. De notre côté, nous sommes allés avec Camille et Charlotte déjeuner chez « un chinois » où nous avons nos habitudes. Entre les nems, le riz cantonais et les bananes au caramel, elles ont mangé comme quatre. Elles étaient ravies de déguster leur coca-cola dans un verre ad hoc signé du sigle de la marque. Au retour, elles ont fait des couronnes de camélias, rouges et roses. Je les ai photographiées ; je les trouve adorables. Evidemment !

Pour mon anniversaire, Nadja et Sébastien m’ont offert un système d’enceintes : « JBL creature, self powered satellite speakers and subwoofer ». J’ai profité du fait que Françoise avait organisé un « atelier peinture de pagodes et de dragons » pour installer ce système et le régler. Bien entendu, je reste toujours adepte d’une écoute à partir d’une chaine hi-fi, mais en l’occurrence j’ai bien apprécié la proximité du son et surtout sa qualité incomparable avec celle de mon ordinateur portable. J’ai écouté une sélection de trois disques et j’en ai finalement éprouvé beaucoup plus de plaisir que je n’en attendais :

- « Champlong » de Jacques Pellarin
- « Le chemin des forains » de Patrick Saussois et Alma Sinti
- « Le fil » d’Amestoy Trio

Ce système a quelque chose de métallique, qui, je le suppose, est adapté à la musique la plus diffusée, la musique mondiale sinon universelle, mais il a aussi une manière de découper les sons et même de restituer une certaine profondeur, qui ne sont pas désagréables. Ne boudons pas notre plaisir !

Et puis, la fin d’après-midi venue, je suis allé passer mes deux heures quotidiennes au centre gériatrique. Le parking était plein. En traversant le couloir, on pouvait entendre des bruits de conversations sortir d’un très grand nombre de chambres. Les gens avaient avancé leur retour du week-end prolongé pour rendre visite à l’ancêtre hospitalisé. Vers vingt heures, un orage court mais violent a éclaté. Le centre gériatrique s'est vidé en quelques minutes. Je me suis rendu compte alors que malgré la violence de l'orage j'avais le sentiment que la foudre ne pouvait pas frapper l'hôpital, comme s'il s'agissait d'un sanctuaire hors du monde. Etrange impression.





dimanche, avril 08, 2007

lundi 9 avril

Pour la journée du dimanche de Pâques, la ville s’est vidée. Au loin, deux ou trois tondeuses comme des guêpes dans le silence. Des pies ont entrepris de construire leur nid tout en haut du prunier, mais on sent bien que la présence des chats sur les basses branches les inquiète. A l’aplomb de ce nid, la terrasse est couverte de fiente blanchâtre. Les vas-et-viens incessants du couple fascinent Camille et Charlotte. L’herbe, autour de l’arbre, est jonchée de brindilles et de branchettes. Les pies sont de drôles d’architectes, peu économes sur les matériaux.

Je vais passer deux heures au centre de gériatrie, à l’heure du repas du soir. Deux heures, c’est peu de temps dans une journée, c’est aussi la totalité de la journée si l’on considère le temps de l’anticipation et le temps du retour, couleur tristesse.

Je ne serai pas exigeant sur la quantité de morceaux que j’écouterai aujourd’hui, mais je me suis fait un choix qui est un vrai bonheur :

- « Hors d’atteinte », 4 :31
- « Hautebise », 2 :20
- « Mémoire d’Anna », 4 :46
- « Milonga de l’espoir », 3 :28

Je suis frappé, à l’écoute de ces quatre pièces, par l’impression d’avoir affaire à une musique très précisément écrite. C’est ce que j’appelle, dans mon jargon personnel, la dimension « horlogerie de précision » de ces compositions. Chemin faisant, je pense à Piazzolla, à Saluzzi et pourquoi pas… à Bach.

Je suis toujours et peut-être de plus en plus sensible au charme de « Mémoire d’Anna ». Sa nostalgie me touche, de même que l’accord entre Jacques Pellarin et Diego Fano à la clarinette.

Ces quatre pièces, que j’arrive à écouter plusieurs fois, sont comme des parenthèses de sérénité. La force de leur construction est apaisante. C’est pourquoi je pense à Bach.

samedi, avril 07, 2007

dimanche 8 avril

Tout en écoutant dans un ordre, en partie aléatoire, en partie délibéré, plusieurs morceaux de « Champlong », le mot de rêverie me vient à l’esprit, je ne sais trop comment. Que ce soit en écoutant un disque, en contemplant un tableau, en parcourant un paysage du regard ou en marchant sans but défini, j’aime assez laisser ainsi remonter à la surface de ma pensée des mots ou des expressions, que je n’ai pas construits par un raisonnement, mais qui émergent quasi inconsciemment pour désigner ce que j’éprouve. Quand ensuite j’y réfléchis, ils me paraissent toujours exprimer au plus juste un sentiment profond.

Ici donc, c’est le mot rêverie qui advient et qui, presqu’immédiatement me fait penser à de très belles réflexions de Bachelard sur cette notion. Je pense à « L’eau et les rêves », à « La Terre et les rêveries de la volonté », à « La poétique de l’espace » ou encore à « La psychanalyse du feu ». Réflexion poétique sur la poésie des quatre éléments : l’air, l’eau, la terre et le feu.

… et je me dis qu’en effet il y a comme une sorte de correspondance ou d’affinité entre certaines compositions et certains éléments. Par exemple, « Champlong » évoque pour moi l’air, quelque chose d’aérien, de mouvant, de quasi impalpable et cependant dense et puissant.
Je pense à des courants aériens dont l’organisation est à la fois manifeste et imprévisible. Quand je pense à Perrone, en revanche, c’est principalement à la terre que je l’associe ; Barboza me fait penser à la terre et à l’air : une terre et un air des tropiques ; Mille à l’air et à l’eau ; Privat ou Viseur au feu, de même que Piazzolla ou Rivas. Matinier, ce serait l’eau, parfois imprévisible, parfois en suspension entre le sol et le ciel… Motion Trio, il y a de l’électricité, potentiellement du feu, dans l’air… Dans cet imaginaire qui associe l’accordéon à tel ou tel des quatre éléments, Galliano, évidemment, est apparié avec la quintessence.

Il ne s’agit pas bien entendu de chercher à expliciter, encore moins à démontrer le bien fondé de ces correspondances. Il suffit de les recueillir et de les laisser se développer à leur guise. Pensée ni logique, ni discursive, ni analytique ; pensée analogique, pensée en réseau, pensée intuitive...

samedi 7 avril

De l’intérêt de savoir modifier ses projets initiaux sans y renoncer…

Comme je l’avais noté hier, nous avions projeté avec Françoise d’écouter « Champlong » en boucle, suivant notre pratique habituelle quand nous découvrons un album dont nous attendons beaucoup. Nul paradoxe dans cette proposition : quand on découvre en effet un album, la plupart du temps on dispose en préalable d’informations qui orientent l’attente. Rares sont les découvertes au sens strict du terme. Ces a priori positifs s’appliquent par exemple à Galliano, à Piazzolla, à Perrone, à Mille, à Barboza, à Amestoy, à Macias… et donc à Jacques Pellarin.

Mais ce projet n’ayant pu se réaliser du fait de circonstances défavorables, nous avons opté pour une écoute homéopathique, mais avec des prises les plus fréquentes possibles. Du coup, les titres sont moins inclus dans le contexte de l’album et ils sont mieux individualisés. Je dirais qu’en quelque sorte on évite ainsi l’effet de halo des morceaux entre eux. Et je viens précisément de me rendre compte que cet effet de halo est beaucoup plus prégnant que je l’imaginais.

C’est ainsi que l’écoute de morceaux « forts » comme « Champlong » ou « L’éphémère » influence assurément celle des titres contigus. J’entends par morceaux « forts » des morceaux dont la composition et l’interprétation laissent des traces bien au-delà du temps de leur audition. Débarrassé de cette influence, sans l’avoir explicitement prévu, j’ai mieux écouté et apprécié « Prinsengracht », « Mémoire d’Anna » ou « Rue Corinne »… J’en tire une conséquence pratique, presque une règle, à savoir qu’après avoir écouté un album deux ou trois fois, je continuerai mon exploration par des écoutes en mode « lecture aléatoire » pour dénouer les liens de proximité qui attachent certains titres entre eux, créant naturellement cet effet de halo dont je viens de prendre conscience. Effet ambigu puisqu’il contribue à mettre du lien et du sens entre les pièces d’un album, mais aussi a contrario à faire peser certains titres sur leurs voisins.

vendredi, avril 06, 2007

vendredi 6 avril

Durant les jours où nous attendions « Champlong », nous faisions le projet de nous donner de larges plages de temps pour l’écouter à plusieurs reprises dans sa totalité. Cette pratique d’écoute en boucle nous est en effet habituelle et nous aimons écouter ainsi jusqu’à saturation les disques que nos apprécions. Cette attitude monomaniaque, si j’ose dire, nous permet de nous en imprégner jusqu’à l’obsession au point de connaître les titres par cœur, suivant cette si heureuse expression.

Las, la réalité est un peu différente. Le soin que demandent mes parents aurait suffi à mettre à bas ce projet, mais d’autre part « les petits » n’ayant trouvé à Cauterets que neige humide, autrement dit de la soupe, et tempêtes ou jours blancs, ils ont décidé de redescendre et de s’installer quelques jours à Pau. Pas question donc de trouver les larges plages de temps dont nous rêvions. C’est pourquoi nous avons changé de projet : dès que nous disposons de quelques minutes de loisir, nous nous contentons d’écouter un ou deux titres, pas plus, mais intensément. Cette technique n’est pas sans vertu, car la durée limitée contribue à l’intensité de notre écoute.

De titre en titre, l’évidence d’un style s’impose à nous. Difficile à justifier ou à argumenter avec les mots dont nous disposons, cette évidence découle d’une sorte d’intuition, au sens philosophique du terme. C’est une connaissance (ou une reconnaissance) certaine : ce que l’on écoute, ici, maintenant, c’est à n’en pas douter « du Pellarin ». Cette connaissance est immédiate et ne passe par aucun raisonnement discursif pour se démontrer. C’est une certitude. Par une sorte de jeu de comparaisons multiples instantanées, nous situons immédiatement l’accordéon (au sens de composition et d’interprétation) de Jacques Pellarin. Parmi ces comparaisons, qui sont certes loin d’être closes, nous avons comme repères de proximité / différence des « gens » comme Perrone, Saluzzi, Nino Rota, Tiersen, Galliano, Colin, Klucevsek, Privat, Viseur, Mille… La liste reste ouverte.

C'est ainsi qu'on a pensé à Perrone et à Di Donato en écoutant « Mémoire d’Anna », à Saluzzi en écoutant « Milonga de l’espoir », à Nino Rota en écoutant « Série noire », Tiersen en écoutant « Rue Corinne », Mille en écoutant « Prinsengracht ». On a pensé à Pacalet en écoutant « Hautebise » ou « Une page se tourne ». De manière plus générale, les pièces du puzzle « Champlong » nous ont rappelé l’expression de Pacalet parlant de ses « miniatures » pour désigner les morceaux de « 7x7 », encore que le mot miniature nous parait ici peu adéquat, sauf en ce qui concerne l’idée de perfection du détail. Il faudrait trouver un autre terme rendant compte de l’unité des différents titres, unité externe de l’ensemble qui fait penser à une série, comme une série de gravures ou d’aquarelles, unité interne de chaque pièce, qui se déploie avec le dynamisme d’une forme naturelle, d’un être vivant, notion que j’oppose aux formes techniques de beaucoup de musiques fabriquées avec des machines ou à l’aide de prothèses électroniques.

A travers les moments que nous arrivons à gagner un à un sur les soucis et autres impedimenta quotidiens, l’écoute morcelée de « Champlong » nous donne bien des plaisirs… et ce n’est pas fini. En cela, nous sommes fidèles au "Carpe diem" des épicuriens ou du moins à l'une de ses variantes "Carpe Champlong".

post-scriptum : merci Tony pour votre message ! Le sud-ouest "épicurien" (neige, surf, foie gras et autres pastis landais, etc...) vous salue bien. Je vais de ce pas consulter votre site !


mercredi, avril 04, 2007

jeudi 5 avril











… Le « Champlong » nouveau est arrivé ce matin à 10 heures avec le passage du facteur… Dans une telle situation, je n’ai aucune réticence à me comporter comme l’enfant qui en moi continue à s’émerveiller devant les cadeaux qu’il reçoit, et à savourer sans retenue mon plaisir. D’abord, poser la lettre sur un tapis que j’aime particulièrement et, sans rien dire, la regarder avant de l’ouvrir. Je note la mention « lettre prioritaire ». C’est autre chose qu’un disque acheté par le canal de la grande distribution. Ouvrir avec précaution. L’album est dans son enveloppe protectrice, accompagné d’un mot amical. C’est encore autre chose que la distribution de masse. Tenir dans sa main le boitier et découvrir la photographie de couverture : un homme qui marche… Je pense à la sérénité et à la fragilité obstinée d’un Giaccometti. Ouvrir le boitier. Fascicule de présentation : un poème en quatrième page ; à l’intérieur, des notes descriptives et techniques. Poser enfin le disque sur le lecteur.

Toutes ses opérations préalables pourraient sembler accessoires par rapport à l’écoute du disque. En fait, c’est une façon de l’apprivoiser, de se préparer, de prendre le temps de se mettre en condition de réception… C’est une manière de faire le vide, comme disent les athlètes, pour être entièrement attentif aux quatorze titres de l’album. Toutes ces opérations sont comparables à celles du rituel de dégustation d’un bon vin. Il faut se préparer consciencieusement avant de se le mettre en bouche.

Nous écoutons les premiers titres en déjeunant, nous n’échangeons que quelques mots, mais nos échanges de regards suffisent pour nous assurer réciproquement de notre satisfaction. A plusieurs reprises, nous pensons à Fellini. Nous sommes d’accord pour admirer un son que nous reconnaissons maintenant sans défaut parmi les autres accordéonistes. Quelque chose que l’on situe au-delà du concert, mais qui en garde une sorte de rigueur immédiatement perceptible. La clarinette de Diego Fano me fait penser à celle de John Ruocco dans « If ».

Mais, nous n’avons pas la possibilité d’écouter la totalité des quatorze titres. Un coup de téléphone. Mes parents sont âgés de 87 et 85 ans. Autonomes et indépendants jusqu’ici, ils sont aujourd’hui touchés de plein fouet par la vieillesse. Leur mauvaise santé est comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Il n’est plus un jour sans problèmes à résoudre. Ceux de ce jour nous obligent brutalement à interrompre l’écoute de « Champlong ». Françoise a juste le temps de me dire : « J’aime vraiment beaucoup ce qu’il fait, ce type ! Il me tarde de pouvoir l’écouter ». Dans son propos, écouter signifie évidemment pouvoir se consacrer entièrement à l’écoute de « Champlong ». En fait, je n’aurais pas mieux dit mon sentiment.