samedi, mars 31, 2007

samedi 31 mars

Deux choses : d’abord, station au centre de gériatrie. Ce moment obligé tend à devenir le pivot de mes journées et sa durée augmente, car le temps qui le précède et celui qui le suit s’étendent comme des ondes dans une eau calme traversée par un caillou. Ensuite, un message codé : « Lundi, Champlong prend la route de l’ouest ».

Dès que nous avons quelques instants à nous, nous écoutons la sélection de titres de « Sous d’autres jazzitudes » augmentée de huit bonus. Pour rendre compte de cette écoute et du plaisir que nous y prenons, j’aimerais pouvoir disposer des mots de l’analyse musicale pour essayer de traduire en notions les sensations spécifiques que j’éprouve. Comme je n’ai pas cette capacité, j’ai décidé de laisser venir librement, comme les émergences d’un flux ou comme des bulles de savon, les mots ou les expressions qui se manifestent à mon esprit, en me laissant porter par la musique. Un bon fauteuil, le dossier en arrière, les pieds sur la table de mon bureau, une chaine de bonne qualité. Fermer les yeux…

Je note au fil des titres ce qui advient ainsi à ma conscience, sans souci d’ordre ni de classement. Je pense ainsi :

- …à la complicité entre Daniel Mille et le saxophone de son trio à Caveirac
- … au swing du concertiste ou au swing du Bayan
- … à Jo Privat et à ses copains manouches, et même à Gus Viseur
- … à Richard Galliano et au meilleur de René Sopa
- … à la rencontre sur une route d’Europe centrale entre une fanfare de Nino Rota et les membres égarés d’un taraf de la banlieue de Bucarest
- … à une ballade irlandaise
- … à l’Amérique latine, tango et musique brésilienne
- … à quelque chose de mystérieux comme le vent, présence invisible, fluide, impalpable et néanmoins bien concrète : le vent sur la peau
- … « Champlong » ou le retour du concertiste aux semelles de vent

De manière plus objective, de titre en titre, je suis frappé par la force des introductions : en quelques mesures, le cadre est tracé, le décor est brossé, l’histoire commence. Il était une fois…

vendredi, mars 30, 2007

vendredi 30 mars








Journée contrastée. Quelques problèmes à régler à Pau en début de matinée. La route sous une pluie incessante jusqu’à Dax où nous avons à régler d’autres affaires. Déjeuner à « L’atrium ». Très classe. Simple, mais classe. La route jusqu’à Hossegor sous une pluie battante. Le chantier de la villa est ouvert à tous les vents et la pluie interdit tout travail aux artisans. Retour à Pau sous la pluie, des grains quasi ininterrompus. Des nuages d’huile et d’eau derrière les camions qui se suivent souvent par trois ou quatre. Arrivée à Pau en même temps qu’une éclaircie éclaire le ciel. J’ouvre la boite à lettres. Surprise ! Un courrier de Jacques Pellarin. C’est déjà une bonne nouvelle. Est-ce « Champlong » ? Non, pas encore… Ce qui finalement ne nous contrarie pas, car d’une part l’attente est le meilleur moyen d’exciter le désir, et d’autre part le délai en cours est l’occasion de recevoir une autre version de « Sous d’autres jazzitudes » avec quelques mots amicaux de Jacques Pellarin.

Nous observons la pochette avec attention. « Sous d’autres jazzitudes », Plus Eight Bonus and Pre-Release Recordings, 2006. Sur les quinze titres, nous en retrouvons sept de « Sous d’autres jazzitudes », un de « Vagabondages » du duo Baïkal et, je suppose, sept du futur « Champlong ». Nous notons cette mention « Promotional cd – Not for sale » et nous nous sentons tout fiers d’avoir un tel exemplaire. Cet exemplaire destiné à la promotion a été remasterisé pour les radios américaines et il nous tarde de l’écouter.

On remarque que la première version de « Sous d’autres jazzitudes » était interprétée par J. Pallarin, Diego Fano, saxophones, Yann Pajean, batterie, Bertrand Belly, basse, Claude Hazan, piano, André Bachleda, guitare, Marie Tour, violon. Dans cette version, Claude Hazan disparaît, Claude Noventa, guitares acoustique et électrique, apparaît, cependant que Marie Tour se multiplie pour devenir Marie Tours. Pascale Seigle intervient sur « Vagues à Lame » au violon.

D’autres obligations m’appellent au centre de gériatrie, comme chaque jour, plus précisément chaque soir, à l’heure du repas. De même qu’hier j’avais perçu le bonheur de pouvoir se déplacer avec ses deux seules jambes et sans y penser, de même aujourd’hui je perçois avec acuité le bonheur qu’il y a à déglutir sans y penser et de pouvoir porter toute son attention au goût des aliments sans se demander comment les avaler ni s’épuiser à savoir comment s’y prendre pour les assimiler.

Au terme de cette journée ordinaire, nous n'avons pu écouter que quelques morceaux, mais ils méritent toute notre attention, c’est pourquoi nous préférons en reprendre l’écoute demain, à tête reposée, tout autre souci étant mis à l’écart.

En tout cas, la réception de ce courrier a d’un seul coup éclairé cette journée lourde et pluvieuse. Il faut donc se donner les meilleures conditions pour savourer au mieux cette version de « Sous d’autres jazzitudes ».




jeudi, mars 29, 2007

jeudi 29 mars

Au cours de ses explorations sur le web, Françoise a découvert un site plutôt rigolo :

http://www.tranchesdevideo.com/2006/10/18/brotto-accordeon-diatonique/

Je ne sais pas quelle est sa méthode, ni même si elle a une méthode, mais le fait est quelle a le génie de trouver des sites qui ont échappé à mon attention ou que je n’ai pas su repérer.

Le site en question est assez foutraque. Les vidéos sont de qualité très moyenne tant au plan de l’image (cadrage et netteté) que du son, mais il se passe quelque chose de vivant, une expression directe en première personne.

Il y est question de Cyrille Broto et de Guillaume Lopez, de leur duo, de danses du Quercy et du Poitou, d’une danse traditionnelle, « l’avant deux », avec son modus operandi. Il y est aussi question d’accordéons en Pays Basque ou à Saint Chartier ou encore à Paris. Et aussi des « Nuits de Nacre ».

Ce site m’a réjoui. Pour le reste, je continue mes stations quotidiennes au centre gériatrique de l’hôpital de Pau. Un changement cependant dans cette habitude, qui tend à devenir un rituel, je ne monte plus jusqu’au troisième étage, des soins intensifs, je m’arrête au premier niveau, celui des moyens séjours et de la convalescence. Aux heures de pointe, on croirait voir dans les couloirs une course de déambulateurs. Il y a toujours une ou deux de ces personnes, très âgées, qui sont là, figées comme pour l’éternité, qui croisent mon regard avec une sorte d’incrédulité. S’étonnent-elles de me voir avancer sur mes deux seules jambes ?

En sortant du centre gériatrique, en descendant les marches du perron avant de me diriger vers ma voiture, j’ai une pensée pour mes jambes qui marchent toutes seules, ce qui me permet généralement de penser à autre chose. Tout à coup, c’est un bonheur que j’apprécie à sa juste valeur.

lundi, mars 26, 2007

mercredi 28 mars


A mon retour du centre gériatrique de l’hôpital de Pau (j’y vais tous les soirs, à l’heure du repas, et c’est une telle habitude que je ne le note plus), Françoise et moi, nous avons feuilleté encore une fois un album de Doisneau. C’est une façon de rompre avec les soucis de la journée et d’entrer dans la soirée par une porte artistique. Pages 306 et 307 de ce « Doisneau Paris », nous découvrons à droite une photographie de deux accordéonistes et à gauche une autre photographie accompagnée de ce commentaire : « Mémorable virée rue de Lappe. J’accompagnais Emile Vacher et Péguri, accueillis dans chaque bal musette comme les rois de l’accordéon. En attendant le tour de chant de Jane Chacun, j’ai posé le Rolleiflex sur le parquet, pour garder le souvenir des plus jolies jambes de la Boule Rouge ».

Hasard du feuilletage. Un petit moment de plaisir. Le contraste entre la taille des deux instruments nous réjouit. Une fois de plus on vérifie que la qualité d’une photographie résulte de la rencontre entre l’instant d’une histoire et la géométrie rigoureuse de l’espace où il s’inscrit.
.......
… reçu un courriel de Jacques Pellarin, qui me donne quelques information sur les dernières péripéties de la sortie de « Champlong ». Depuis de nombreuses années j’ai toujours porté le plus grand intérêt aux arts graphiques, à la peinture en particulier ; en revanche, mon intérêt pour la musique, notamment pour l’accordéon ne date que de quelques années, quatre ou cinq. A l’occasion de ce courriel, je prends conscience d’une différence considérable entre la pratique de la peinture et la musique. Le peintre dépend certes de son fournisseur de pigments ou de supports, il dépend aussi de son galeriste et des conditions matérielles de l’exposition de ses œuvres, mais pour le reste il dépend de lui et son travail est essentiellement solitaire. Pensant au processus qui a donné lieu à « Champlong », je prends conscience de ce qu’il implique de travail collectif. C’est une force certes, c’est aussi la possibilité de contraintes et de points de fragilités multiples. A partir de l’inspiration initiale, quel parcours, combien d’étapes et d’enchainements avant d’arriver à ses fins, l’œuvre donnée en public ou enregistrée et diffusée en cd ou par des radios! En fait, il a fallu ce courriel pour que je prenne vraiment conscience de cette différence, qui se manifeste en particulier dans le fait que la peinture est l’œuvre d’un seul créateur, alors que l’œuvre musicale est le plus souvent produite par plusieurs interprètes, même si le compositeur – concepteur est unique.

Il faudra que j’approfondisse un peu cette différence : le tâtonnement solitaire du peintre, d’un côté, de l’autre les tâtonnements collectifs inhérents à l’expression musicale… Le peintre n’a besoin que de lui-même et de ses instruments pour donner forme à son projet, alors que le compositeur a besoin d’interprètes et souvent de tout un dispositif technique et des techniciens compétents qui seront capables d’en tirer le meilleur parti.

A ce sujet, j’ai noté que Richard Galliano et Raul Barboza remercient toujours les techniciens du son et des lumières à un moment de leur concert.


mardi 27 mars




Pour aujourd'hui, je m'en tiens à l'essentiel.
D'abord, une photographie de Barboza prise par Charlotte. J'ai agrandi l'image qu'elle avait faite et je trouve que celle-ci ressemble maintenant à une peinture abstraite. On croirait voir la pâte d'un peintre qui aurait saisi l'âme du jeu de Barboza.
Dimanche, Charlotte, bientôt sept ans, a fait un dessin pour montrer à ses parents la disposition du trio de Raul Barboza sur scène : accordéon au milieu, guitare à gauche, harpe à droite. La harpe est vraiment son instrument de prédilection.

Elle y a ajouté un croquis pour représenter quelques pas de danse à réaliser en duo avec Camille sur "La foule". Je trouve le rendu du mouvement magnifique.


dimanche, mars 25, 2007

lundi 26 mars






















A la réflexion, il me revient à l’esprit cette idée, qui m’a traversé l’esprit au cours du concert, à savoir que Raul Barboza m’apparaît comme une sorte de figure totémique. Cela tient à son visage, à son profil en particulier, à sa prestance et à l’économie de ses gestes, qui correspond bien aux thèmes primordiaux de ses compositions. Il y a quelque chose de fondamental dans sa musique. Quand on est sensible aux émotions que procure la nature, quand on est sensible aux mystères qu’elle recèle, quand on est sensible au vent sur la peau, aux couleurs du soleil, aux cris des oiseaux, aux mouvements des arbres et que l’on a conscience de la fragilité de tous ces plaisirs, alors on se sent immédiatement apparenté à Raul Barboza .

J’écrivais samedi qu’à certains moments Barboza me faisait penser à Nano ou à Pohjonen. Il me fait penser à Pohjonen par l’énergie qu’il insuffle à son instrument, par une manière de produire une puissance sonore surprenante ; il me fait penser à Nano par sa façon d’aller chercher les limites de l’accordéon, de l’obliger à sortir des sons inouïs. Avec ces deux musiciens, je trouve qu’il a en commun une sorte d’exploration des possibilités de l’instrument, qui n’est pas sans rappeler une expérience de transes. A certains moments d’ailleurs tous les trois s’accompagnent de la voix, comme si celle-ci prolongeait l’accordéon dans un même souffle vital.

Je ne voudrais pas oublier de mentionner un moment rare dans les concerts de Raul Barboza, à savoir celui où il interprète « La foule ». Chaque fois, je l’ai entendu rappeler que ce morceau, popularisé par Edith Piaf, était une composition d’Angel Cabral, que le titre original était « Que nadie sepa mi sufrir », et que son compositeur ne s’était jamais consolé de la déception amoureuse à l’origine de son inspiration. Tout se passe comme si Raul Barboza, jouant ce morceau, était envahi par l’émotion, car il y a toujours un moment où, dans un souffle, il dit : « C’est beau ! ». Et enfin, cet instant est toujours très beau et très émouvant. Le public ne s’y trompe pas.

samedi, mars 24, 2007

dimanche 25 mars








Pour le plaisir des yeux et de l'évocation, quatre attitudes du trio de Raul Barboza. Lui-même, hiératique, comme taillé dans une matière destinée à faire des statues. Son guitariste - violoniste, introverti et travaillé par ses tics. A la harpe, discret dans son travail de tissage, le troisième membre du trio, qui joue parfois aussi du cajon.


samedi 24 mars



Hier soir, Françoise et moi, nous étions fiers comme Artaban en amenant Charlotte au concert de Raul Barboza en trio au « Méliès ». Nous sommes arrivés vers 19h45 et déjà il y avait une file d’attente. Le concert était complet depuis plusieurs jours. Nous avons rencontré plusieurs copains et connaissances, puis, entrant dans les premiers, nous avons pris place au deuxième rang, le premier étant réservé. Rehausseur pour Charlotte. Concert de 20h45 à 22h30.

J’ai photographié Charlotte, qui a photographié le trio. J’aime beaucoup le mouvement de sa photographie. Dans les jours à venir, j’en publierai quelques autres pour garder trace de ce moment. Barboza égal à lui-même, humaniste et à sa manière mondialiste et écologiste. Son commentaire pour présenter les différents morceaux se réfère à son père, à ses racines, au lever du soleil, au coucher du soleil et aux piaillements des oiseaux dans les arbres, à un train express interminable, au mystère de la création et aux charmes de l’amitié. Il y a quelque chose de cosmique dans son inspiration. Avant chaque morceau, après avoir décrit le point de départ occasionnel de son inspiration, il dit, comme un leitmotiv, « et voici ce que j’ai alors imaginé ». Son jeu, si caractéristique, nous touche profondément. Entre valse et chamamé. Parfois, il me semble qu’il est à la limite de l’exploration de son instrument et je pense à Nano ou à Pohjonen. Charlotte avoue qu’elle aime beaucoup aussi le violon et la harpe. Vers la fin, elle lutte un peu contre le sommeil, mais la musique ou les applaudissements la tiennent éveillée. Elle est fascinée par la lumière qui tombe des cintres sur l’accordéon de Barboza et qui explose en une infinité d’éclats.

Après trois rappels, le trio se retire et l’on continue à applaudir longuement avec le style de Barboza dans les oreilles.



En rentrant, le soir, message sur mon répondeur de Daniel Brel, qui nous invite à une soirée privée, le 31, à Morlanne, village à quelques kilomètres de Pau. Il y donnera pour la première fois sa dernière création autour du tango et de l’exil. A suivre…



jeudi, mars 22, 2007

vendredi 23 mars

Jeudi, nous avons fait route jusqu’à Toulouse pour aller chercher Charlotte qui viendra avec nous au concert de Raul Barboza en trio, ce vendredi 23, à Pau, à 20h30, au « Méliès ». Camille devait se joindre à nous, mais finalement la fête de carnaval, avec tous ses copains, la retient à Toulouse.

Il fait froid. Le temps est hivernal comme il ne l’a jamais été durant l’hiver. Les stations de skis sont enneigées, mais comme les contrats des travailleurs saisonniers n’ont pas été prolongés, certaines sont obligées de fermer, alors même qu’enfin les conditions sont optimales. En tout cas, nous faisons route avec, à notre droite, les Pyrénées éclatantes et resplendissantes, majestueuses sous le soleil. Sur trois portions du trajet, l’autoroute trace son chemin rectiligne dans un paysage de neige à perte de vue. La circulation est rare. On se croirait sur une autre planète.

Pour nous accompagner, alors qu’il fait 1° à l’extérieur et 20° dans la voiture, deux disques que nous apprécions particulièrement :

- « Sous d’autres jazzitudes » de Jacques Pellarin
- « Vagabondages » du duo Baïkal

Nous les avons choisis car nous savons que le dernier opus de Jacques Pellarin devrait sortir ce jour et il nous plait de nous replonger dans son univers avant de pouvoir écouter « Champlong ». Tout à l’écoute de ces deux disques, nous n’échangeons que quelques mots en cours de route et nous sommes étonnés en arrivant au péage du périphérique, comme si nous nous réveillions.

mercredi, mars 21, 2007

jeudi 22 mars

Une matinée ordinaire, remplie par des obligations diverses : visite à mon kinésithérapeute, diverses courses alimentaires et autres, récupération de l’appareil photo numérique de Françoise après réparation. Six semaines d’attente. Le responsable du service après-vente m’explique que c’est maintenant le délai minimum. Comme il dit : « Les asiatiques nous inondent d’appareils, mais les pièces détachées ne suivent pas… A croire qu’ils n’en produisent pas ». On est déjà dans la civilisation du jetable. On ne répare plus : les pièces et la main-d’œuvre sont hors de prix. Mieux vaut jeter et acheter du neuf, d’autant plus que ce que l’on voudrait réparer est déjà obsolète le lendemain de son achat. On est dans un monde de flux. Plus de stocks. Des fluides. Un monde immatériel en mouvement perpétuel. La seule chose qui permane, c’est le changement.

Aujourd’hui encore, station au service gériatrique de l’hôpital. Un monde structuré, organisé, immaculé. Un monde de répétitions : actes infirmiers, distribution des repas, nettoyage des locaux, etc… Un monde hiérarchisé, dont les strates se lisent dans les couleurs des vêtements professionnels. Mais les jours se ressemblent, les moments de la journée se confondent, les nuits sont peuplées d’ombres tour à tour rassurantes et inquiétantes, et sur les murs pâles des chambres d’étranges créatures sèment la confusion. Le temps s’écoule comme un magma instable. Un monde fluide. Le monde est un rêve.

Je ne saurais dire pourquoi, mais cette impression de fluidité, j’ai eu envie de la retrouver dans un disque que j’apprécie beaucoup :

- « Ahma », Maria Kalaniemi & Aldargaz, 1999 Zen Masters Records, 2001 World Village.

Le son de l’accordéon de Maria Kalaniemi est unique, plein de rondeurs et d’acidités à la fois. Plusieurs invités apportent leurs notes de couleurs. L’ensemble est dansant, ancré dans une sorte de tradition immémoriale, fluide comme les brouillards des pays nordiques. Une musique Janus : folk d’un côté, rock de l’autre.

mardi, mars 20, 2007

mercredi 21 mars




Aller-retour Pau-Hossegor dans l’après-midi. Des grains, des grains, des grains… Du vent, du vent, du vent… Entre les grains et les bourrasques de vent, de grandes déchirures bleues découvrent un soleil de printemps. Mais les embellies ne durent pas.

A Hossegor, la plage est magnifique à perte de vue. Les vagues sont énormes. Elles explosent en s’entrechoquant dans le plus grand désordre. Le vent nord-sud est froid. Le sable crépite en heurtant le béton du front de mer. De gros engins parcourent la plage sans cesse pour lui redonner son profil. On croirait voir Sisyphe à l’œuvre.

Les travaux de rénovation de la villa ont commencé. Démolition d’un côté, construction de la charpente métallique de l’autre. Les ouvriers ont su épargner un maximum d’arbres. Le toit est encore à ciel ouvert. On croirait lire un plan en trois dimensions. Le maçon coule du béton et remplit une benne avec les gravats amassés.

Au retour, station au service gériatrique de l’hôpital de Pau. Les aides-soignantes distribuent les repas : bouillon de perles du Japon, pizza découpée en petits morceaux, crème à la vanille, compote de pommes, pain. C’est à la fois appétissant et d’une infinie tristesse. Le personnel est à la fois attentif et distant. En regardant par la fenêtre les arbres et les nuages secoués par des rafales de vent, je comprends comment on peut s’accrocher de toutes ses forces à la vie.

Pour la route, nous avions choisi un disque qui supporte d’être écouté en voiture :

- « Dumbala Dumba », Taraf de Haïdouks,1998, CramWorld / Crammed Discs

Il nous a accompagnés tout au long du parcours, à l’aller et au retour. Une sorte d’énergie vitale à l’état pur. Parfois, on a l’impression que ça part dans tous les sens, que chacun trace son propre chemin, sans se préoccuper de suivre les autres ou d’être suivi, persuadé qu’en fin de compte tout le monde se retrouvera à un carrefour commun. Et ça marche. L’ordre procède du désordre et nul ne semble s’en étonner. En un certain sens, on pourrait parler de musique baroque. La ligne droite est le chemin le plus court, c’est pourquoi c’est toujours la courbe qui est privilégiée.



lundi, mars 19, 2007

mardi 20 mars

Une journée étrange. J’ai passé l’après-midi dans le service gériatrique de l’hôpital de Pau, non pas à titre d’usager (usagé ?), mais d’accompagnant. Les portes des chambres étaient ouvertes, la télévision déversait paroles et musiques dans une sorte de cacophonie. La traversée des couloirs m’a fait penser à des images de Jérôme Bosch. Tous ces corps inertes, souffrants, appareillés, c’est un spectacle plutôt déprimant. Je trouve qu’il y a un écart certain entre les statistiques triomphales relatives à l’allongement de la durée de vie et ce qu’il en est en réalité de cet allongement, de cette vie après la vie. Parcourir les couloirs s’apparente à un slalom entre les chariots de soins des infirmières, les chariots des repas ou des goûters et les chariots des personnels d’entretien. Parfois, des gémissements ou des plaintes. Parfois un cri de souffrance.

Quand je suis arrivé dans le hall d’entrée du service, j’ai cru d’abord avoir des visions. Il faut imaginer un grand cercle de fauteuils médicaux, dont la moitié des occupants semblent absents, assoupis, chargés de sédatifs divers. Au milieu, une table fleurie pleine de jus de fruits et de gâteaux. A un bout de la table… un accordéoniste, de la même génération que ses auditeurs. Autour de la table, virevoltant, trois danseuses orientales, jeunes, vêtues de fins tissus aux couleurs violentes. Je me demande encore si ce n’était pas un rêve, une fantaisie de mon inconscient. L’accordéoniste jouait, me semble-t-il, une musique qui avait beaucoup bourlingué depuis les faubourgs de Bucarest ou de Brasov.

A plusieurs reprises, le ciel a viré au sombre, couleur encre de Chine ; des orages de grêle ont éclaté avec brutalité et beaucoup de coups de tonnerre. Il a plu et la pluie a lavé le gazon couvert de grêlons. Mais l’herbe était fripée. Et puis, en fin d’après-midi il y a eu des bourrasques de neige. Une neige humide et collante qui s’est accrochée sur les voitures. Plusieurs ambulances sont arrivées aux « Urgences ».

Alors, le soir venu, j’ai eu envie de me changer les idées et j’ai demandé à Marcel Loeffler de se charger de cette tâche.

- « Source Manouche », Marcel Loeffler / Le Chant du Monde, 2005.

Source Manouche… Retour aux sources.

Un accordéon, Marcel Loeffler ; une contrebasse, Gautier Laurent ; deux guitares rythmiques, deux Loeffler, Cédric et Joselito. Des invités : Biréli Lagrène, guitare ; Marcel Azzola, accordéon ; Yorgui Loeffler, guitare solo ; Lisa Doby, chant. Voilà pour les présents. Et puis, juste derrière, Django Reinhardt, Gus Viseur, Art Van Damme. Paraphrasant Mallarmé, je pense : « Donner un sens nouveau aux sons de la tribu ». C’est une musique qui a une âme et qui sait raconter des histoires un peu tristes, mais pas trop. Le disque s’achève sur une « Ballade irlandaise », douce - amère

dimanche, mars 18, 2007

lundi 19 mars

Dans la nuit de jeudi, une première fois, puis hier, dimanche, j’ai eu l’occasion de passer plusieurs heures aux « Urgences » à titre d’accompagnant. J’y ai appris le fonctionnement assez compliqué d’une machine à café, qui distribue les boissons commandées de manière assez aléatoire, et qui surtout semble fournir ou non, au hasard, le gobelet destiné à recevoir l’eau chaude au goût de café, de chocolat ou de thé… J’ai longuement examiné deux planches d’anatomie, au point qu’au bout d’un certain temps j’avais l’impression d’avoir des petites douleurs partout. Il faut dire qu’entre les articulations, les tendons, les muscles et les viscères, il y a de quoi se trouver mal, même si l’on se croyait bien portant.

J’ai apprécié aussi le professionnalisme, la gentillesse et la qualité d’écoute des personnes à qui j’ai eu affaire. J’ai pu vérifier aussi qu’en milieu de semaine, le service est plutôt calme, alors que, le dimanche matin, c’est une noria d’ambulances qui déverse son flot d’accidentés de la route plus ou moins imbibés d’alcool et de sportifs couverts d’ecchymoses ou bloqués, la nuque dans une minerve ou l’un des membres dans une gouttière. Cette station aux « Urgences » m’a donc permis de mieux connaître la société où je vis : d’une part, le comportement irréprochable des personnels de santé attachés à ce service si particulier, d’autre part le comportement des gens qui se défoulent en discothèque, sur les stades, sur les routes ou sur les chemins de campagne, comme ces cyclotouristes qui, m’a-t-on dit, forment le plus gros contingent des accidentés du week-end.

Au retour de ces longues heures passées en attente aux « Urgences », j’avais besoin de me refaire le moral. Dans les deux cas, le choix d’un disque d’accordéon m’a paru évident :

- « World Music, Les primitifs du futur, C’est la goutte d’or qui fait déborder la valse ! ». Paris Jazz Corner, Universal, 1999.

D’abord, l’humour du titre, qu’il s’agisse du concept de « World Musette », clin d’œil à la « World Music » et au « New Musette », de la notion de « Primitifs du futur » qui parait de prime abord antinomique, ou encore de la phrase détournée par deux intrus : la goutte d’or et la valse. Du grand art !

Et ça continue avec la musique qui décline l’idée de « musette mondiale » sous la forme multiple de fox musette, tango, rumba, blues, java viennoise et valses, orientale et chinoise.

Mais il y a aussi les titres. Quelques exemples ? « Portrait d’un 78 tard », « Scattin’ the Blues », « Chanson pour Louise Brooks », « La java viennoise », « Kid Chocolat », « Désaccord Manouche ». Et il n’y a pas que les titres, il y a aussi les paroles fournies in extenso dans le livret de présentation de douze pages. Ici encore, il s’agit bien de professionnalisme.

A l’origine de tout cela, évidemment, Dominic Cravic !

vendredi, mars 16, 2007

dimanche 18 mars


Il y a quelques jours, je l’avais entendu en traversant un cours piétonnier. Je l’avais aperçu, debout, avec son accordéon, à l’angle de la rue Serviez et de la place Clémenceau, c’est-à-dire au centre géographique et commercial de Pau.
Peu de temps après, en débouchant en voiture de la rue Serviez vers la place Clémenceau, je l’avais vu adossé à une bijouterie. Au même endroit, avec une petite corbeille à ses pieds pour recueillir la monnaie des passants.
Hier, en allant faire un tour à la Fnac, je pensais le voir encore à la même place. Vide ! J’ai pensé qu’il devait être forcément dans les environs. Il était en effet de l’autre côté de la place Clémenceau toujours en travaux. Il était adossé à des clôtures de sécurité, sur le passage vers le centre commercial du Palais des Pyrénées. A ses pieds, la corbeille à monnaie. En face de lui, appuyés contre la vitrine d’un bistrot, deux compatriotes.
Je les observe quelque temps. Il joue toujours le même air. Quelque chose venu de l’est. Roumain ? Moldave ? Macédonien ? En tout cas, quelques mesures venues de très loin, très simples comme une forme matricielle, quelque chose comme une forme-mère. Puis il ramasse les pièces tombées dans sa corbeille. Ils discutent quelques minutes, puis il reprend son accordéon et joue à nouveau le même air. Et ainsi de suite. Au bout de quelques répétitions de cette séquence, ils rassemblent leurs sacs, puis se mettent en route. Je les suis avant de revenir sur mes pas. Ils vont vers le boulevard des Pyrénées. Ont-ils quelques stations habituelles sur les trottoirs des nombreux bistrots face à la montagne aujourd’hui enneigée ? Je reprendrai mon enquête plus tard.

En revenant vers le parking, je me dis que quelques années après la guerre, j’ai vu apparaître à ma grande surprise des clochards dans les rues de Bordeaux ; ces clochards sont devenus si nombreux qu’on leur a donné pour nom un sigle : « SDF ». Bientôt ils seront une classe sociale. Puis, de ces « SDF » avec leurs chiens et leurs packs de bière, j’en ai vu de plus en plus dans les rues de Pau. Les rues se sont chargées de fumées aux odeurs inconnues. Odeurs et parfums plus ou moins orientaux, en tout cas exotiques. Aujourd’hui, à côté des gitans et autres gens du voyage, je vois des personnes, comme cet accordéoniste, qui me semblent pouvoir être qualifiées de personnes déplacées, de réfugiés, de demandeurs d’asile politique ou économique… La société se nomadise. Il y a de plus en plus de passe-frontières. C’est comme si une partie du corps social devenait fluide, mouvant, sans frontières pendant qu’une autre partie se protège derrière ses murs, ses barrières et ses portails électriques. Il ne se construit plus de lotissements ou de résidences à Pau, actuellement, sans un système de protection et la télécommande qui va avec. Le point de rencontre de ces mondes ? La corbeille destinée à recueillir la monnaie d’euros… E la nave va…

A quoi pense-t-il l’accordéoniste de Pau quand il joue toujours ce même air venu de l’est méditerranéen ? Peut-être que justement ça l’aide à ne penser à rien. Juste à vivre.


jeudi, mars 15, 2007

samedi 17 mars

Je ne saurais dire pourquoi, mais depuis hier j’écoute « 7x7 » de Jean Pacalet, plus précisément « 7 Pièces enfantines », « 7 Péchés capitaux » et « 7 Chambres », avec une attention particulière. Cette attention est en effet à triple focale : première focale, le plaisir immédiat de la mélodie toujours quelque peu décalée et surprenante en dépit de son classicisme ; deuxième focale, je ne cesse de repérer, au fil des « miniatures », toujours plus de références culturelles et les identifier constitue un jeu de l’esprit tout à fait excitant, indispensable, nécessaire ; troisième focale, ce sont des images qui se superposent à l’écoute, images de l’accordéon Pigini et du Cavagnolo Odyssée. Curieusement, ces images s’imposent à mon esprit, mais ce ne sont pas des images réalistes de ces instruments, ce sont plutôt des représentations quasi fantasmatiques d’êtres hybrides, comme des mécaniques animées. La présence de l’instrument ne se réduit pas à un rôle simplement instrumental. Dans les deux cas, Pigini et Cavagnolo, ce sont de véritables truchements, dotés d’une très grande marge d’autonomie. C’est comme s’ils interprétaient eux-mêmes les intentions de leur créateur. Des acteurs, bien plus que des instruments. Ils sont vivants.

Cette triple focale, mélodique, culturelle et d’une certaine façon figurative, contribue à faire de l’écoute de cette œuvre une écoute spécifique, unique en son genre.

vendredi 16 mars

La réflexion que j’avais ébauchée hier à propos des notions de forme et de système, qui me paraissent étroitement liées, celle-ci étant une complexification de celle-là, cette réflexion m’a donné envie d’écouter à nouveau quelques pièces de « 7x7 » de Jean Pacalet. Je me suis cantonné à deux « modules » :

- "Les 7 chambres"
- "7 tableaux pour une naissance"

Le texte de présentation parle de 7 cycles de 7 miniatures. Ce mot me parait parfaitement adapté à ces compositions, de même que la notion de cycle qui renvoie à l’idée d’un processus qui se boucle sur lui-même, qui se referme sur lui-même indéfiniment. Fermeture et "indéfinitude", la contradiction apparente des deux termes exprime bien ce que j’éprouve à cette écoute, quelque chose comme un parcours spiralaire. On passe et l’on repasse au même endroit, mais du fait même que l’on y est déjà passé, ce même endroit n’est pas identique au précédent. Même et autre.

Les « 7 tableaux pour une naissance » sont sous-titrés « sur le thème de Douce Nuit ». J’ai cru y reconnaître aussi « Il est né le divin enfant »… Exercice de style, formel de part en part, et cependant plein de charme vivant et de fraicheur. Variations sur la ballade, l’aria, la bourrée, la berceuse, le prélude, la fugue et enfin le tango. Exercice de style et humour font bon ménage. Il en est de même avec les « 7 chambres », pleines de citations, de clins d’œil, de références culturelles. Références codées, qui surgissent comme spontanément.

Au cours de cette écoute, où le jeu formel et le travail de mise en formes m’ont particulièrement intéressé, j’ai été sensible aussi à la présence matérielle, physique, corporelle de l’accordéon. On l’entend respirer, prendre son souffle, faire jouer ses articulations. En un sens il introduit dans les sons quelque chose d’impur qui rompt avec le formalisme du projet. Cette rencontre d’un projet formel poussé jusqu’à l’esprit de système et de la vie de l’instrument - poumons, tripes et boyaux -, cette rencontre est, j’en suis bien conscient, une source de plaisir extrême.

mercredi, mars 14, 2007

jeudi 15 mars

… lu, dans la revue « Sciences Humaines », [n° 181, avril 2007, pp. 48-53], un article de Jean-François Dortier, intitulé « Sciences de la Forme, une histoire oubliée ». J’en retiens le passage suivant :

« Pour les psychologues de la forme, la perception mobilise des formes qui organisent et donnent sens aux éléments perçus. Dans tout acte mental, le sens émerge de la perception de la totalité de la situation et passe donc inaperçu si l’on se contente de décomposer puis d’additionner les éléments qui composent l’acte en question. C. von Erhenfels donne l’exemple célèbre de l’écoute d’un morceau de musique : l’on ne perçoit pas la juxtaposition des notes d’une mélodie, mais un ensemble structuré. C’est la forme globale de la mélodie qui compte, d’ailleurs on reconnaît la mélodie si on la transpose dans une autre tonalité ou si l’on y introduit des variantes : l’air reste reconnaissable car la « forme » générale persiste. Tel est le sens de la formule fondamentale de la psychologie de la forme : « Percevoir, c’est reconnaître une forme ». L’esprit humain obéirait à des lois universelles de perception, grâce auxquelles il appréhende et organise naturellement ce qu’il perçoit. La « mise en formes » de la perception a de très nombreuses applications qui ne se limitent pas à la simple perception : on peut l’appliquer à la mémoire et à l’apprentissage, donc, plus généralement à l’intelligence ».

« Dans ce sens très général, la notion de forme est voisine de toute une série de concepts en sciences humaines – schéma, schème, type, modèle et structure – auxquels elle peut servir de notion fédératrice ».

Ces deux paragraphes me donnent à penser qu’en effet l’écoute musicale est toujours d’abord synthétique et seulement ensuite éventuellement analytique. La perception est prioritairement perception de formes, non d’éléments. Bien plus, l’élément n’existe en tant que tel qu’inséré dans une forme qui lui donne sens. D’autre part, cette notion de forme me semble annoncer la notion de système et cette idée si forte que, dans un système (ce qu’est par exemple une chanson ou une composition musicale), « il y a plus dans le tout que dans la somme des parties » et réciproquement que « si les parties sont dans le tout, le tout est aussi dans chaque partie ». C’est ainsi par exemple que dans un album, qui ne se réduit pas à une simple compilation ou juxtaposition de titres, chaque titre a sa spécificité et prend sens dans l’ensemble des titres, mais réciproquement la totalité de « l’esprit » de l’album se retrouve en chaque titre particulier. Dernier point enfin : l’auteur de l’article parle de lois universelles de perception, grâce auxquelles l’esprit humain appréhenderait et organiserait naturellement ce qu’il perçoit. Pour ma part, je dirais plutôt que par ce processus de mise en forme l’esprit humain appréhende et organise culturellement ses perceptions. Autant je crois en effet que ce fonctionnement de mise en forme est naturel, autant je crois que les modalités de ces mises en forme sont culturelles et donc variées et variables dans l’espace et dans le temps. C’est pour cela que la perception qui conduit au plaisir esthétique implique une éducation. Cette éducation étant essentiellement l’acquisition de la capacité à mettre en formes de plus en plus complexes ses perceptions.

Peut-être que le plaisir esthétique est finalement directement fonction de cette capacité à savoir mettre en formes ses perceptions. Capacité qui implique qu’on a acquis ces formes, qu’on est capable de les reconnaître, qu’on les a mémorisées et donc qu’elles ont fait l’objet et qu’elles font l’objet d’un apprentissage continu, sans fin. C’est ainsi que la psychologie de la forme pourrait fonder et justifier l’éducation esthétique, et en suggérer l’orientation générale.

mardi, mars 13, 2007

mercredi 14 mars

Deux choses fort agréables, d’autant plus qu’elles étaient inattendues :

- d’abord un courriel de Jacques Pellarin qui m’annonce la sortie prochaine de son album « Champlong » d’ici la fin du mois. Et une pièce jointe musicale. Par discrétion je n’en dirai pas plus, sinon que la bonne surprise a contribué à augmenter notre plaisir de l’écoute. Nous attendons beaucoup de ce « Champlong » ! Ce message était un vrai plaisir.
- d’autre part, en faisant un détour par l’espace culturel de l’hypermarché, détour « pour voir », je suis littéralement tombé sur un disque bien dans l’air du moment. Il s’agit en effet de l’album « Accordéons au féminin », disque de la collection « Les As du Musette », présenté par Dominique Cravic, Paris Jazz Corner Production, 2000. Depuis deux ou trois jours en effet je tourne autour du dernier numéro de la revue « Accordéon et accordéonistes » consacré aux femmes accordéonistes et voilà que ce disque est là, qui n’attend que moi. J’ai toujours cru à l’existence du hasard objectif, tel qu’il est théorisé par les surréalistes et André Breton en particulier. En voici une nouvelle « preuve ».

Les titres de ce disque vont de 1931 à 1949 ; on y trouve des polkas, des valses et autre fox-trot, des javas et des pasos. Le tout accompagné par les grattements, crissements et autres souffles des galettes de cette époque. Quant aux accordéonistes, ce sont Simone Bultiauw, Tity Quentin, Tony Rico, les sœurs Sabatier, Paula Chabran, Yvette Horner et Line Viala. Elles ont été, dit la présentation, beaucoup aimées, puis beaucoup méprisées. Ce disque vient à point pour les faire reconnaître. Le charme opère. Le charme des origines.

mardi 13 mars


Le soleil est seul au milieu du ciel bleu. On croirait une carte postale. La température est idéale, l’air est léger. Le vieux prunier monumental est blanc comme neige. Il pleut ses pétales sur le gazon. Les abeilles tournent autour des fleurs. Tout cela fait penser à une principauté d’opérette. La description en est presque ridicule et pourtant tout cela est bien doux à vivre. La campagne électorale, c’est un autre monde… Et que dire des commentaires, des commentaires de commentaires, et des commentaires de commentaires de commentaires ?

Influencé par la lecture du dernier « Accordéon & accordéonistes » consacré aux femmes accordéonistes, j’écoute depuis ce matin deux albums en alternance :

- « Accord’Tonic », Danielle Pauly et Daniel Colin, Radio France, Les locales, 1998.
- « Lume Lume », Nabila, Ateliers d’ethnomusicologie de Genève, Balkans / Arion, 2005

Le premier est léger comme un disque de printemps. Parmi mes préférences, « Imposture » de Gus Viseur et Joss Baselli, « Cœur d’habanera » de Daniel Colin et Danielle Pauly, « Légende du musette » de Louis Ferrari et Gus Viseur ou encore « Vent d’automne » de Louis Péguri. Sans oublier, peut-être en première place, « La Ritale » de Jo Privat et Jean Corti. Pas d’effets spectaculaires, mais un travail de précision. L’esprit musette dans toute sa profondeur. Rien de superficiel. A chaque fois, une histoire nous est contée et on est suspendu au soufflet, qui nous parle doucement sur le ton de la confidence.

L’autre disque pourrait passer pour une sorte de disque « savant » puisqu’il est issu des ateliers d’ethnomusicologie de Genève. En fait il s’écoute comme si l’on était rassemblé, par une chaude soirée d’été, autour de quelques verres d’Ouzo. Nabila et sa formation recréent une musique des Balkans, dont elle dit ceci : « ces musiques sont très terriennes. Par leur aspect parfois ludique, parfois franchement mélancolique, elles parlent directement à nos émotions ; elles nous font retrouver une forme de spontanéité qui a été voilée par la civilisation moderne ». Ainsi sont revisités et animés des morceaux de l’Europe des Balkans et plus généralement de l’est de la méditerranée : Grèce, Serbie, Bosnie, Macédoine, Roumanie, Bulgarie, Israël.

S’agit-il de disques de femmes ? Difficile à dire. Peut-être qu’en effet le toucher ici, le chant là portent la marque d’une approche féminine dans l’interprétation des différentes pièces musicales.



lundi, mars 12, 2007

lundi 12 mars

… lu attentivement le dernier numéro de la revue « Accordéon et accordéonistes », n° 62, mars 2007, dont l’essentiel est constitué par un dossier : les femmes et l’accordéon.

A travers trois types de rubriques : une tête d’affiche, des portraits et des entretiens, on voit les femmes accordéonistes à travers une sorte de kaléidoscope, de mosaïque ou de pièces d’un puzzle à construire. La question reste d’ailleurs ouverte de savoir si ensemble elles formeraient un puzzle ou s’il s’agit de personnalités originales irréductibles les unes aux autres. Peut-on les situer dans des courants, dans des tendances ou chacune est-elle unique par sa spécificité ?

A travers les différents articles, on peut se faire une idée de la façon dont elles se représentent elles-mêmes, de la perception subjective qu’elles se font d’elles-mêmes, et on peut voir aussi comment elles vivent objectivement, quelle est leur situation ?

De manière subjective, elles se considèrent souvent, en tant que femmes, comme moins soucieuses de se conformer à des standards formatés que les hommes. Elles pensent qu’elles font des trucs originaux, qu’elles ont le goût de l’exploration et de l’innovation, et qu’elles ont un toucher particulier, notamment dans le rock. J’ai observé que beaucoup chantent, comme si l’accordéon et le chant étaient indissociables, liés quasi naturellement. L’accordéon, outre ses possibilités de registration, est décrit comme un instrument plein de sensualité et particulièrement adapté pour provoquer l’émotion. Qu’il s’agisse du monde du rock ou d’autres genres musicaux, elles se définissent comme de moins en moins pionnières et, au contraire, comme de mieux en mieux intégrées et acceptées. Leur présence, pourrait-on dire, est devenue banale et ne provoque plus l’étonnement.

De manière objective, mais peut-être est-ce dû au choix de l’échantillon, elles apparaissent souvent comme définies par le triangle professionnel classique : professorat, galas ou concerts, album. L’ancrage social, les ressources et le plaisir de la musique vivante, et la création. Il m’a semblé, mais cela est assez général dans le monde de l’accordéon, qu’elles composaient beaucoup, qu’il s’agisse de musiques ou de textes.

Finalement, en l’état cette présentation m’a intéressé, même si j’aurais bien apprécié un article de synthèse de deux à trois pages, qui aurait dressé le tableau général de la situation de la femme dans le monde de l’accordéon, aujourd’hui, en France. Une discographie correspondante m’aurait aussi paru bien utile, mais bon… c’est déjà intéressant.

samedi, mars 10, 2007

dimanche 11 mars

A son retour de Toulouse, j'ai fait écouter "Kluster" à Françoise. Elle m'a dit que ça lui faisait penser à Vangelis. Puis elle a continué à écouter et elle m'a dit qu'elle trouvait intéressant, mais un peu répétitif. A la réflexion, je trouve qu'elle a raison et finalement peut-être que la performance technique prend le pas sur la créativité. Cela dit, ça reste intéressant.

D'autre part, j'ai lu le denier numéro de la revue "Accordéon & accordéonistes". Il est consacré aux femmes accordéonistes, comme Tulle l'avait fait pour les "Nuits de nacre". J'y ai trouvé plusieurs références de disques que j'ai envie de me procurer. Je ne suis pas persuadé que l'idée de faire une place à part aux femmes soit une bonne idée. C'est même pour moi le type même d'idée pseudo-féministe, mais bon, c'est à la mode et ça fait peut-être vendre. Il y a des accordéonistes qui ont plus ou moins de talent ; qu'ils soient hommes ou femmes n'est pas une distinction pertinente selon moi. Cela dit, ça reste intéressant.

jeudi, mars 08, 2007

samedi 10 mars

J’écoute en continu depuis ce matin le disque de Kimmo Pohjonen, « Kluster » :

- « Kluster », musique de K. Pohjonen. K. Pohjonen, accordion, voice ; Samuli Kosminen, accordions samples, voices samples. Rockadillo Records, 2001.

Ce disque est composé de dix titres. Le dernier « Avanto » figure pour 4 :15 sur la pochette (page intérieure et dos) ; en réalité, au bout de 4 :15, je n’ai plus entendu qu’un léger souffle dans les baffles, jusqu’à ce que de 9 :15 à 14 :55 la musique reprenne. Les neuf titres de 1 à 9 ont donc une durée comprise entre 2 :00 et 6 :46, à quoi s’ajoute le dixième avec sa double durée 4 :15 / 14 :55. Ce n’est pas la seule étrangeté de cet album, dont je dirais volontiers qu’il a une vraie force hypnotique.

Plutôt que d’essayer d’analyser mes impressions, j’ai préféré, à l’instar des surréalistes, laisser émerger les images qui me venaient à l’esprit en pratiquant une sorte d’écriture automatique. J’ai rejeté tout contrôle critique pour ne garder que les traces les plus immédiates des pensées qui me venaient successivement à l’esprit. Résultat, brut de décoffrage…

Fragments. Une musique chamanique. La végétation « naturelle » reprend un à un ses territoires après une catastrophe majeure. Des formes hybrides se déplacent suivant une danse étrange au plus profond des grands fonds océaniques, là où le magma originel devient geyser. Le voyage jusqu'au centre de la Terre et l'exploration microscopique du corps humain ont beaucoup d'analogies. La matière est en transformation permanente : il est impossible d’identifier un état stable, liquide, solide ou gazeux.

Des foules barbares, campées à la périphérie des grandes métropoles, investissent chaque nuit ce qui reste des beaux quartiers abandonnés par leurs habitants. La lumière blafarde de la lune allonge les silhouettes en les déformant.

Ces formes, que l’on distingue difficilement dans le noir, sont-ce des animaux, des végétaux ou des êtres d’un autre règne vivant ?

On se demande comment cela est possible, mais il faut se rendre à l’évidence, il y a bien un accordéon dans la station spatiale à des années-lumières de notre Terre. L’accordéoniste qui a découvert l’instrument dans une des soutes a inventé son propre style de toutes pièces. Il joue pour les étoiles et curieusement sa musique nous parvient et nous touche.

Le réchauffement de la planète a rendu la Sibérie fertile comme un paradis ; le parfum des fleurs, à trop forte dose, peut être violent comme un poison mortel. Le vent du désert invente des sons étranges quand il rencontre sur son passage la résistance d’un ksar, la palpitation des palmes ou les formes géométriques des canaux d'irrigation d'une improbable oasis.

Voilà comment les derviches tourneurs voient le monde qui les entoure.

On a retrouvé un tag de plus de dix kilomètres de long dans les couloirs du métro. Combien d’années faudra-t-il pour le déchiffrer ?

Cette musique était de toute évidence religieuse, mais on n’a jamais pu reconstituer les rituels qu’elle accompagnait. Cette musique, c’est tout ce qui reste d’une civilisation de haut niveau technologique, qui a disparu sans que l’on comprenne pour quelles raisons. De jour en jour, ses traces disparaissent rongées par l'appêtit insatiable de la nature qui reprend ses droits.

C'est ainsi que la boucle se boucle...

vendredi 9 mars

Jour après jour, le printemps explose : un matin, c’est l’amandier de Toulouse qui explose blanc, un autre matin, c’est au tour du prunier de Pau. Et puis, ce sont les camélias… sans parler des violettes qu’il est devenu impossible de ne pas écraser en marchant sur le gazon. De tous côtés, une sorte de profusion de couleurs pures et éphémères se manifeste. Chaque arbre commence à se couvrir de fleurs ici et là, par touches dispersées, avant d’atteindre son apogée un beau matin. Il ne faut pas rater ça, car ce matin ne se reproduira pas avant l’année prochaine.

J’ai relu les phrases manuscrites de Richard Galliano, que j’avais relevées dans plusieurs de ses disques, pas tous car ce type de phrase ne figure pas sur tous les albums. Si j’essaie d’en tirer quelque chose de synthétique, il me semble que l’on peut regrouper les repères pour comprendre son parcours sous les sept notions suivantes :

- Référence. La référence, c’est Astor Piazzolla, celui qui, avec le new tango, a montré à Richard Galliano la voie du new musette, et qui, bien plus encore, lui a montré la voie qu’il cherchait confusément. Plus qu’un modèle, il a donc joué le rôle de révélateur à un moment où Richard Galliano avait conscience de ce qu’il ne voulait pas faire et où il se demandait ce qu’il voulait faire vraiment.
- Fidélité. Constamment, il est question de compagnons de route, de références revendiquées avec reconnaissance, d’influences assumées, d’amis présents ou disparus, tout un monde de personnes toujours proches.
- Mélange. Mélange de cultures, de genres, de styles, de personnes et d’instruments.
- Rencontres. Les rencontres sont toujours occasions de partage. En ce sens, elles sont la condition des mélanges, des mixités et de dépassements…
- Dépassement des contraires : rupture et continuité, tradition et innovation, musique populaire et musique écrite, improviser et savoir ce que l’on va dire, solo et association, etc…
- Raconter. L’accordéon, ça sert d’abord à raconter de belles histoires. Récit et voyage sont intimement mêlés. L'accordéon, c'est un instrument pour produire des images ou, plus précisément, pour susciter chez l'auditeur la création d'images, pour l'inciter à faire des voyages imaginaires.
- Faire corps. L’accordéon, c’est un instrument avec lequel Richard Galliano dit souvent qu’il fait corps. Je trouve l’expression magnifique et d’une justesse absolue. Le fait qu’il joue debout est essentiel. Une tête, un accordéon avec ses bras et ses mains, et des jambes. Un seul corps qui chante des notes d’accordéon en respirant.

mercredi, mars 07, 2007

jeudi 8 mars

Quelques phrases encore pour compléter le recueil des lignes de présentation manuscrites de Richard Galliano.

- « Concerts, Michel Portal – Richard Galliano ». « La liberté de l’improvisation jazz c’est de jouer chaque soir d’une manière différente, d’inventer, de créer spontanément une musique qui véhicule des émotions, des sentiments, des couleurs… et, sans préméditation, vous raconter une belle histoire ».
- « Luz Negra ». A propos de l’enregistrement de ce disque, présenté comme une sorte de voyage transatlantique, on relève des mots comme « fusion de tango et d’aria dans le style de J.-S. Bach, tangage, fête et nostalgie, quiétude poétique, présence d’un chat chartreux, mélange avec les musiciens locaux et interprétation latinisée de la valse musette, émotions des rencontres et des passions partagées, découverte de rythmes différents ».
- et puis « Solo » (des concerts inédits), « J’ai traversé la vie avec mon accordéon sur les bras… Mon accordéon fait partie de mon corps. Je respire et expire à travers lui ». A propos de ce dernier terme, expirer, on ne peut pas ne pas penser à Molière expirant, au sens définitif du terme, en scène. L’accordéon, à la vie à la mort.

Quelques notions : l’improvisation comme spontanéité travaillée et non immédiate ou naturelle ; la musique comme un récit, plein de belles images ; la musique comme un voyage : encore les rencontres et les métissages ; l’accordéon incorporé, au sens propre du terme.

mercredi 7 mars

Trois textes qui jalonnent le parcours de Richard Galliano et qui aident à mieux en comprendre le sens :

- « New York Tango ». « Le mélange des cultures, des genres et des personnages est au cœur de ces enregistrements new-yorkais. Avec Bireli, le guitariste manouche. Al, le batteur compagnon d’Herbie et de Miles. Georges, le contrebassiste tchèque immigré aux USA. Et moi, le rital toujours fidèle à sa Fisarmonica ». Et aussi, à propos de « Blue Day », ce clin d’œil à Gus Viseur : « De Clichy à Broadway pour une comédie musicale imaginaire ».
- « Laurita ». « Astor Piazzolla, Toots Thielemans, Michel Portal, Hermeto Pascoal, Serge Gainsbourg, Didier Lockwood, Palle Danielson, Joey Baron et Clifton Chenier sont des artistes que j’apprécie et estime profondément. Ayant eu le plaisir de me produire ou collaborer avec la plupart d’entre eux j’ai tenu à les inviter et leur rendre hommage dans ce disque. Je les remercie pour les bonnes vibrations qu’ils m’ont apportées tout au long de l’enregistrement »
- « French Touch ». « Je cherche à rapprocher ce que je joue d’un chant intérieur ». A rapprocher de cette remarque de Nougaro pour qui il y avait deux catégories de musiciens, ceux qui chantent et ceux qui ne chantent pas, et qui ajoutait que bien évidemment Galliano faisait partie des premiers.

Donc… le mélange et les références choisies, avec dans les deux cas la fidélité en arrière-fond, et d’autre part l’accordéon comme expression d’un chant intérieur. A rapprocher de cette idée que le son sort du ventre.

mardi, mars 06, 2007

mardi 6 mars

Vers midi, à mon retour de Toulouse, j’ai trouvé dans ma boite à lettres le disque, « Kluster », de Kimmo Pohjonen, envoyé par Alapage. Bonne surprise ! Je l’ai écouté immédiatement, mais mes occupations ne m’ont pas permis de recommencer, si bien que j’en garde une impression générale, que je devrais approfondir. Je ne saurais dire pourquoi, mais l’expression qui me vient à l’esprit, c’est qu’il s’agit d’une "musique tellurique". Cet adjectif me parait en effet bien rendre compte de l’énergie, venue des profondeurs de la terre, qui se dégage de cet album. A approfondir…

D’autre part, le vendredi 2, j’avais mis en train mon projet de recopier quelque peu systématiquement les phrases manuscrites de Richard Galliano, disséminées dans ces nombreux albums. Projet immédiatement interrompu par le concert donné à Toulouse, à la « cave poésie », par le trio Amestoy. Je le reprends ici avec le texte qu’il a écrit pour « Passatori », car ce texte me parait fondamental pour comprendre son parcours :

« Dans mon enfance j’ai rêvé un jour d’être concertiste. Seulement ayant choisi l’accordéon et plus tard le bandonéon comme instruments principaux, le problème du répertoire s’est vite posé à moi. Que jouer ? Bach ? Berio ? Scarlatti ? Pourquoi pas ? Cela est bien sûr possible, mais jusqu’à la rencontre avec Astor Piazzolla (au début des années 80) j’éprouvais un certain malaise à me situer par rapport à mon instrument. Il n’était pas question pour moi de couper les liens avec l’histoire de l’accordéon dans le monde. Le musette n’est qu’une facette, évidemment très intéressante, de la musique qui se joue à l’accordéon.

En observant le travail et l’œuvre d’Astor Piazzolla, j’ai réalisé qu’il me fallait dans un premier temps prendre un chemin parallèle au sien. Cette démarche qui part de la musique populaire, folk et qui va vers la musique, non pas sérieuse parce que je pense que toute bonne musique est sérieuse, mais la musique précise, orchestrée, pensée… écrite. Astor Piazzolla et moi-même ne sommes pas les seuls compositeurs à avoir fait ce choix. Bela Bartok, Manuel de Falla, Villa-Lobos l’ont fait avant nous. Tout le monde sait d’ailleurs que de nombreux thèmes classiques ont été empruntés à la musique populaire chez Bach, Beethoven, Mozart… restait le problème de trouver une équipe de musiciens classiques qui puissent jouer un tango, une valse, une ballade avec swing. Dès la première note jouée avec I Solisti dell’Orchestra della Toscana, j’ai tout de suite senti que ça fonctionnait. Le swing et l’émotion étaient au rendez-vous

Je dédie ce disque à mes amis disparus Astor Piazzolla, Jean-François Jenny-Clark et Michel Petrucciani ».

En recopiant ces quelques lignes, je suis bien convaincu qu’elles sont en effet fondamentales pour comprendre les choix de Richard Galliano. C’est pourquoi j’ai eu plaisir à les reprendre mot à mot.

lundi, mars 05, 2007

lundi 5 mars











Cinq images du concert donné par le trio Amestoy à la "cave poésie". Deux photographies du trio ; trois photographies de Jean-Luc Amestoy lui-même. Je trouve qu'elles rendent bien compte de leurs postures, qui sont finalement en nombre limité. J'y retrouve l'atmosphère intimiste de la soirée et l'attitude introvertie d'Amestoy, qui souvent effleure à peine les touches de son accordéon. J'y retrouve aussi l'attaque de Carles à la guitare et la présence de la basse acoustique servie par un Marc Dechaumont lunaire, le regard perdu dans ses nuages, ses merveilleux nuages.




dimanche, mars 04, 2007

dimanche 4 mars








J’ai fait une quinzaine de photographies de la soirée de concert du trio Amestoy à la « cave poésie ». Elles sont ce qu’elles sont, c’est-à-dire de qualité très moyenne étant donné d’une part les performances de mon mobile Nokia et d’autre part le faible éclairement des lieux. Mais peu me chaut leur qualité technique. Ce qui m’importe, c’est leur poids ou leur impact affectif, qui en l’occurrence sont forts. J’ai grand plaisir en effet à contempler ces images. Il s’en dégage toutes les impressions de cette soirée, non pas sous la forme de souvenirs précis, mais sous la forme d’un état d’esprit, comme une délicieuse réminiscence. Pour l’instant, j’en choisis quatre. Je sais que j’en choisirai d’autres dans les jours à venir. Elles correspondent respectivement à l’ambiance du bistrot de la cave, avant le concert, où nous avons bu deux grands cafés, au trio sur scène, à Jean-Luc Amestoy sur un fond de mur de briques assorti au soufflet de son accordéon, et enfin, à nouveau, au bistrot, à l’issue du concert, quand nous avons partagé un dernier pot avec les musiciens : bières pour eux, muscat pour nous. Il était alors un peu plus de minuit, l’heure de rejoindre le dernier métro, juste à temps.


samedi, mars 03, 2007

samedi 3 mars

Hier, vendredi, en fin d’après-midi, nous sommes arrivés à Toulouse où nous séjournerons jusqu’à mardi. Deux raisons à ce séjour : d’abord, retrouver « les petits » et aller faire quelques achats avec Charlotte et Camille pour renouveler les fournitures de peintures, maquillage et autres déguisements. Accessoirement, déguster un chocolat au « Bibent », dont les décorations sont en tant que telles un vrai délice en forme de Chantilly. Et puis, les banquettes… quel confort ! Mais aussi, assister à un concert du trio de Jean-Luc Amestoy.

- Amestoy Trio, concert à 22 heures, le vendredi 2 mars, à la Cave Poésie, 71 rue du Taur. Jean-Luc Amestoy, accordéon Accordiola, Gilles Carles, guitare, Marc Dechaumont, basse acoustique.

Je reviendrai sur ce concert et j’espère pouvoir l’illustrer par quelques photographies. A chaud, quelques impressions :

- un lieu minuscule : une moitié de l’espace est occupée par la scène, surélevée de 30 centimètres, l’autre moitié comprend cinq rangées de seize sièges en gradins, plus quelques strapontins. Si l’on ajoute une dizaine de personnes assises au bord de la scène, on arrive à une centaine d’auditeurs.
- les trois musiciens jouent une musique intimiste, pleine de nuances et de retenue, mais non dépourvue d’humour ; j’apprécie le volume sonore, on dirait une conversation entre amis.
- ils ajoutent quelques chansons, dues je pense à Gilles Carles. Des textes très travaillés. On pense à Desnos ou à Prévert. « Marcelle" nous fait penser à Brassens.
- à côté des « classiques » du dernier album, comme « Espina », des nouveautés, du moins pour nous, comme par exemple « Fantomas » ou « le Bouricot » ou « Marcelle », une chanson, que je viens de citer.
- après le concert, entre 23h30 et minuit, on retrouve les membres du trio au bar pour une dernière bière et quelques échanges à bâtons rompus.
- en traversant la place du Capitole, vers minuit quinze, pour rejoindre le métro, nous observons avec Françoise que toutes les terrasses des cafés sont pleines de consommateurs attablés sous la lune. A minuit quinze, le 3 mars !
- je trouve Amestoy toujours aussi introverti et, pour ainsi dire, timide ; et toujours aussi attentif à ses collègues. J’ai l’impression qu’il joue « en-dedans », c’est-à-dire avec une extrême retenue, même si à quelques rares occasions il montre qu’il est capable d’improviser avec virtuosité et créativité.

Pendant notre séjour à Toulouse, je n’ai plus mes disques de Galliano sous la main, ce qui m’oblige à suspendre mon projet de relevé des phrases manuscrites qu’il a posées comme de petits cailloux blancs d’album en album. Je le reprendrai dès notre retour à Pau, d’autant plus qu’une lecture rapide m’a montré à travers ces phrases des constantes et des jalons fondamentaux de l’œuvre et du parcours de Richard Galliano : la référence admirative à Piazzolla, l’esprit du New Musette, l’accordéon en solo et, réciproquement, l’obsession des métissages et des rencontres, etc…

A approfondir…

jeudi, mars 01, 2007

vendredi 2 mars

Je m’étais arrêté hier sur une phrase manuscrite de Richard Galliano dans la présentation de son disque « Solo », réédition du solo des concerts inédits. Il disait à peu près que jouer de l’accordéon, jouer avec son accordéon, lui est chose naturelle, comme respirer, activité vitale s’il en est. Cette phrase m’a donné envie de voir ce qu’il résulterait d’un relevé quelque peu systématique des phrases analogues disséminées dans ses autres albums. Je fais l’hypothèse qu’émergeront ainsi des fragments de la philosophie de Richard Galliano, quelque chose comme l’expression de sa conception de l’accordéon tel qu’il le pratique. Non pas un discours théorique, mais l’expression en acte de sa conception de l’accordéon.

- « Mon premier disque avec Jean-Charles Capon a étonné par l’association violoncelle-accordéon. La vraie surprise était d’ordre social, parce que ces instruments sont associés dans l’esprit des gens à deux couches très différentes de la société, mais d’un point de vue musical, ça se mélange très bien ». « Blue Rondo A La Turk ».
- « A travers ce disque nous avons l‘ambition de démontrer que ces deux instruments sont aussi NOBLES l’un que l’autre, que leur mariage est des plus RICHES, que leur répertoire peut être le plus UNIVERSEL qui soit, et enfin que le BLUES est un langage musical à part entière dont le contenu ne passe pas uniquement par HARLEM ». « Blues sur Seine »
- A propos de Richard Galliano… En 1985, à l’occasion de « Spleen », Marcel Azzola écrit que « ses différentes expériences en studio et en concert, le désignent comme leader de la nouvelle génération ». Il ajoute : "Avec ses multiples aventures musicales, Richard n’a pas fini de nous étonner ».
- « Aujourd’hui je crée le New Musette car j’estime que l’on ne doit plus jouer cette musique comme en 1930 et je joue cette musique en y mêlant mes plus fortes influences : Piazzolla, Coltrane, Bill Evans, Debussy… Ce disque est ma première expérience New Musette. Je remercie Astor Piazzolla, mon Ami et mon Maître, de m’avoir conseillé de réaliser cette chose avec le Musette comme lui l’a fait avec le Tango. Plus que jamais je dédie ce disque à Laura et Astor Piazzolla ». « New Musette ».
- « Astor Piazzolla est mon Maître et mon Ami. Je n’oublierai jamais son précieux conseil : Richard, vous devez faire avec le musette la même chose que j’ai faite avec le tango. J’ai tenu à lui rendre hommage en enregistrant ce disque en solo… Je dédie ce disque à Laura et Astor Piazzolla ». « Ballet Tango »
- Toujours à propos du New Musette : « c’est une manière pour moi de remettre les compteurs à zéro ». "Viaggio"

A suivre…