mardi, janvier 08, 2008

jeudi 10 janvier - les pianos aqueux d'emmaüs

J'ai déjà dit à quel point le village des compagnons d'Emmaüs à Lescar, près de Pau, me fascine. Je suis certain que ce lieu aurait enchanté les surréalistes. Les objets les plus improbables s'y côtoient sur des étagères étroites, dans des hangars immenses. Tout ici est multiple ; tout ou presque est déglingué. Le reflux des fêtes n'a laissé sur la rive que le rebut du rebut. Mais la noria des camions qui parcourent la région à longueur de journées annonce à coup sûr le retour des affaires à faire. Bientôt les hangars seront à nouveau pleins de vaisselle, de disques (du 78 tours au cd), de vêtements (du manteau militaire à la robe de mariée), de couvertures, d'appareils (du téléviseur à l'ordinateur en passant par le mythique Teppaz et son lot de 45 tours yé-yé), de livres (du polar qui a beaucoup voyagé à l'encyclopédie qui n'a même pas été feuilletée) et de statuettes plus ou moins grecques ou africaines, ou peut-être vaguement khmers, à moins qu'elles ne soient toutes made in China. En attendant, les meubles et autres appareils ménagers en tous genres, sans compter les lavabos, les bidets et les baignoires, tout cela campe à l'extérieur, livré à toutes les intempéries : le froid, le soleil, la pluie, le vent et la nuit noire. Il faudrait un Prévert ou un Perec pour tenir le compte poétique de toutes ces choses. N'étant ni l'un, ni l'autre, je me contente de photographier les claviers des pianos qui attendent là un très improbable acquéreur. On imagine facilement dans quel état de délabrement ils sont. Oserais-je dire que ces objets me touchent ? Qu'il me semble, à les observer longuement, qu'ils ont une âme ? Et que, même si cela peut paraitre ridicule, je me fais une sorte de devoir de fixer leur image une dernière fois. Et ce faisant, je l'avoue, je suis ému par ces claviers disloqués, rincés jusqu'à l'os par des averses successives ; et plus encore ému par les noms de ces artisans, de ces artistes qui les ont fabriqués, qui leur ont donné la vie.





En partant, je me dis in petto qu'Emmaüs est décidément une entreprise magique : elle est capable de transformer un piano droit en piano aqueux.


























































































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et enfin, après les signatures de Pleyel ou d'Erard, un écorché, les tripes à l'air.