lundi, juin 05, 2006

lundi 5 juin

Je continue à tourner autour de la définition du jazz…

Pour ce faire, je note trois idées de Galliano, Mille et Suarez, qui me semblent se compléter et me permettre d’avancer dans ma recherche.

- à la question de savoir quels sont les accordéonistes de jazz qui l’ont séduit, Galliano répond ceci : « Pour commencer, il y a Gus Viseur – j’écoute toujours ses vieux enregistrements, il était en avance sur son temps – et Joss Baselli. Ils sont pour moi deux purs jazzmen, spontanés et fragiles. Il n’y a rien de prémédité dans leur manière de jouer. Ils sont vraiment en haut de la pyramide. Je les écoute tout le temps. Tony Muréna, qui avait un train d’avance sur tout le monde, avec un jeu d’une grande finesse, qui a travaillé avec de grands accordéonistes et musicien de jazz… Et puis à l’âge de 12 ans, je découvre Art Van Damme, ça a été le choc de ma vie… »
- « … ce qui m’a touché, dit Daniel Mille, c’est le son du jazz [chez Count Basie, Duke Ellington, les grands orchestres de l’époque]. Plus tard, en découvrant d’autres musiciens, j’ai entendu d’autres couleurs. Et j’ai retrouvé ce qui me touche dans la musique : la rage, l’urgence, le besoin de raconter une histoire, la sincérité, l’originalité, ce ne sont pas des qualificatifs réservés à cette musique. Mais plus que les autres, le jazz les impose puisqu’il s’en nourrit. »
- « … ce qui m’intéresse en musique, dit Suarez, c’est l’improvisation, ce qui n’est pas l’apanage du jazz… On peut peut-être simplement souligner que c’est probablement le jazz qui a haussé l’improvisation au niveau du grand art. »


De ces trois fragments d’entretiens se dégage, me semble-t-il, un noyau de notions inhérentes à la musique de jazz : spontanéité, fragilité, absence de préméditation, improvisation… Mais, comme le dit Suarez, ces qualités ne sont pas propres au seul jazz. Sa spécificité serait donc dans une sorte de passage à la limite. En ce sens, la différence entre le jazz et d’autres musiques serait une différence de degré et non de nature. C’est pourquoi l’on peut passer du musette au new musette ou jazz musette. Mais en même temps, comme l’a dit Hegel, il y a une sorte de dialectique du qualitatif et du quantitatif qui fait que les différences de degrés sont telles que finalement on se retrouve ailleurs, dans un monde autre, sans que l’on puisse cependant dire précisément où se fait le passage, où a lieu la mutation.

Il est temps de réécouter deux incontournables, si j’ose dire, de ce passage :

- « New Musette, Richard Galliano Quartet »
- “Viaggio”

… et de relire ce que dit Galliano : “ Lorsque j’ai décidé de jouer des valses musettes avec des jazzmen, comme pour ce premier album « Viaggio » avec Biréli Lagrène, Pierre Michelot, Charles Belonzi, cela apportait forcément un nouvel éclairage pour un même morceau. Au niveau de l’improvisation et du développement, cela m’emmenait ailleurs. Si j’avais fait « Viaggio » avec des musiciens habitués – sans vouloir être péjoratif – à jouer surtout des morceaux de danse, cela n’aurait pas eu la même teneur… ». On avance : le jazz, c’est l’improvisation et surtout le dialogue d’improvisateurs, les improvisations partagées. C’est ainsi que je comprends Galliano lorsqu’il dit qu’il a compris qu’il pouvait reprendre des choses faisant partie du domaine traditionnel pour les frotter au jazz. « En créant le new musette, je pouvais peut-être apporter d’autres textures à cette musique ». Textures, texte, tissage, fils qui se croisent et s’entrecroisent. Dialogue à base d’improvisations.