samedi, juillet 28, 2007

mardi 31 juillet

J’avais entamé une écoute des disques de Tesi et de Haltli, que j’avais qualifiée de croisée, pour signifier que je les écoutais par alternance de deux à trois morceaux. Au départ, cette pratique tenait du hasard, puisqu’elle découlait du fait que je m’étais trouvé en possession de ces deux disques en même temps et que j’avais envie d’en prendre connaissance au plus vite. Mais, à l’usage, je me suis rendu compte que cela me convenait pour une raison plus essentielle. L’unité d’inspiration de Tesi et d’Haltli est telle en effet qu’au bout de deux ou trois morceaux, j’ai envie de faire une pause, de prendre une autre respiration, d’écouter autre chose. Et cela tient, j’en suis conscient, à la densité de leur inspiration qui ressemble presque à une obsession, comme s’ils tournaient autour d’un même objet pour se l’approprier ou pour l’apprivoiser.




Chez Haltli, la confrontation entre un héritage traditionnel norvégien et la musique la plus contemporaine est manifeste, et c’est cette confrontation qui est le moteur de l’album. Chez Tesi, il y a tout aussi manifestement confrontation entre un fonds de culture musicale italienne, sa tradition naturelle, et la recherche d’un style personnel ouvert à un très grand nombre d’influences, sa tradition culturelle. Cette confrontation fait problème et c’est justement parce qu’elle n’est pas résolue immédiatement que ces deux albums ont une telle unité d’inspiration.




Je note par ailleurs l’humour de Tesi, qui se manifeste tout au long des dédicaces de ses différents morceaux : « dédié à Anita et à son amour pour les animaux », « dédié à ma vieille Fiat 500 », « extasié par le regard magnétique d’une fascinante femme brune, j’ai composé ce morceau en 1998… depuis, il est dédié à ma femme Tiziana ». Je note aussi la fidélité amicale : «dédié à Martin O’Connor et à Renato Borghetti », « dédié à Guy Klucevsek », « dédié à Philippe Krümm et à Richard Galliano », « dédié à Dino Saluzzi et à Stefano Valla », « dédié à Marc Perrone et à Francesco Giannattasio », « dédié à la solidarité entre les peuples et les cultures », etc…







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Françoise est partie pour la journée à Dax, elle ne rentrera qu’après le diner. Les petits, qui étaient partis à Cauterets pour quelques jours d’escalade, ne rentreront qu’en fin de soirée après une pause dans quelque Mac Do’ à Lourdes. En début d’après-midi, j’irai voir ma mère en maison de retraite, à Nay. La maison est vide. Le ciel est lourd et incertain. Le temps est comme immobile. Une parenthèse. Je m’installe sur la terrasse et je prépare pour le retour de la maisonnée trois salades de fruits, que je vais laisser refroidir au réfrigérateur : des fraises, Marat des Bois, des pêches, pêches blanches et pêches de vignes, deux ananas de la Réunion. Le sucre me colle aux doigts et j’imagine déjà Charlotte et Camille remplissant leurs assiettes comme des affamées.
Cette préparation ne demande qu’un minimum d’attention intellectuelle, bien plus elle a quelque chose de mécanique qui rend l’esprit disponible, par exemple à l’écoute. Et justement, comme j’écoute Tesi puis Haltli, avec un niveau sonore élevé, je me rends compte que je les apprécie mieux que je ne l’avais fait en me concentrant uniquement sur leur écoute. Curieuse expérience, c’est comme si l’activité manuelle, quasi mécanique, de la préparation des salades de fruits me donnait une disponibilité plus grande qu’une attention exclusivement focalisée sur la musique. Du coup, c’est comme si je percevais une autre musique. C’est comme si cette attention flottante me rendait réceptif à une autre dimension de ce que j’écoutais. Par exemple, la parenté de Tesi avec Rivas, Kepa Junkera, Martin O'Connor ou Perrone. Par exemple, la densité des frémissements du silence chez Haltli. C’est une étrange sensation, bizarre mais irréfutable, comme si une attention moins consciente me permettait d’accéder à autre chose. C’est bizarre mais pas incompréhensible. Une attention trop consciente, trop ciblée, trop focalisée peut en effet rendre inattentif à ce que l’on ne cherche pas. Mais justement, il est difficile d’arriver à se mettre en situation d’attention flottante : attention à ce qui vaut la peine d’être perçu, oui… mais quoi ? C’est tout le problème de la disponibilité nécessaire à l’expérience esthétique, disponibilité sans laquelle on risque de ne percevoir que ce que l’on attend, c’est-à-dire ce que l’on sait déjà.



La disponibilité esthétique, voilà une question cruciale.