vendredi 21 décembre - with an essay by umberto eco
- « In cerca di cibo ». Gianluigi Trovesi, piccolo, clarinette alto et basse ; Gianni Coscia, accordéon. Enregistré en février 1999 à Zürich. 2000 ECM.
J’ai toujours trouvé particulièrement heureux le dialogue entre l’accordéon et la clarinette. Il y a entre ces deux instruments je ne sais quel accord nostalgique, qui me touche, en dépit de la disparité de leurs apparences. Cet album vient me conforter dans ce goût. Il y a entre les deux interprètes une attention pleine de bienveillance déjà perceptible dans « Round about Weill », une forme de complicité que l’on retrouverait entre Galliano et Portal ou entre Galliano et Mirabassi, par exemple.
Et puis, il y a un texte, un essai, d’Umberto Eco. Je le cite :
« Comme toute expérimentation, le travail de Coscia et Trovesi est difficile à définir, et il suffit d’écouter ce disque qui joue entre hommage à des grands maîtres – quelle que soit la sphère de l’univers musical qu’on leur assigne – tels que Carpi ou Villoldo, et inventions originales des deux interprètes, en passant par la recherche de timbres anciens et les remémorations classiques.
Nous avons là une nouvelle transversalité où s’annulent les distinctions de genre, avec une intention – elle, oui, vraiment nouvelle – portée au folklore italien … mais de telle façon qu’ici aussi, à partir de la rencontre de traditions apparemment inconciliables, se dessinent les fantômes d’ethnies inexistantes.
Et pour commencer, ils annulent même la distinction entre musique suivant une partition et musique improvisant sur un thème. […]
[…] je dirais…que, avec un trait jugé typique du postmoderne, ils mettent en scène un double-coding. On peut apprécier l’exécution à un niveau « élevé », en saisissant les renvois intertextuels, mais aussi à un niveau « bas », en tant que musique tout court, sans être dérangé par le renvoi érudit et malicieux […]
[…] Voilà donc une manière de rendre populaire la musique cultivée et cultivée la musique populaire […] ».
En quelques phrases, l’essentiel est dit et signifié. J’ai pris beaucoup de plaisir à écouter Trovesi et Coscia à la lumière de ce texte qui m’a éclairé sur leur intention, sur ce vers quoi ils tendent. Rien de pédant, rien de professoral, au mauvais sens du terme, aucun étalage de savoir savant, simplement la mise en évidence de ce qui donne sens aux interprétations. Cette mise en évidence résultant finalement de la mise en confrontation et en réseau d’un certain nombre d’éléments : tradition et invention, transversalité et dépassement des distinctions académiques, double lecture, musique populaire et musique cultivée. Cette capacité de mettre l'oeuvre en réseau, capacité dont fait preuve ici Umberto Eco, pour moi, au sens propre du terme, c'est cela la culture. Une manière de savoir faire des liens, non un savoir d'érudit empilant connaissance sur connaissance.
Muni de cette grille de lecture, que je viens de relire pour y trouver des significations nouvelles, je peux m’engager dans une autre écoute, certain que je vais maintenant y découvrir des signes, et donc des plaisirs, que je n’avais jusqu’ici que confusément perçus, voire qui m’étaient restés étrangers.
Je me dis que le cd pourrait avoir encore un bel avenir s’il prenait forme, comme cet album, d’objet culturel et pas seulement d’objet de consommation immédiate.
J’ai toujours trouvé particulièrement heureux le dialogue entre l’accordéon et la clarinette. Il y a entre ces deux instruments je ne sais quel accord nostalgique, qui me touche, en dépit de la disparité de leurs apparences. Cet album vient me conforter dans ce goût. Il y a entre les deux interprètes une attention pleine de bienveillance déjà perceptible dans « Round about Weill », une forme de complicité que l’on retrouverait entre Galliano et Portal ou entre Galliano et Mirabassi, par exemple.
Et puis, il y a un texte, un essai, d’Umberto Eco. Je le cite :
« Comme toute expérimentation, le travail de Coscia et Trovesi est difficile à définir, et il suffit d’écouter ce disque qui joue entre hommage à des grands maîtres – quelle que soit la sphère de l’univers musical qu’on leur assigne – tels que Carpi ou Villoldo, et inventions originales des deux interprètes, en passant par la recherche de timbres anciens et les remémorations classiques.
Nous avons là une nouvelle transversalité où s’annulent les distinctions de genre, avec une intention – elle, oui, vraiment nouvelle – portée au folklore italien … mais de telle façon qu’ici aussi, à partir de la rencontre de traditions apparemment inconciliables, se dessinent les fantômes d’ethnies inexistantes.
Et pour commencer, ils annulent même la distinction entre musique suivant une partition et musique improvisant sur un thème. […]
[…] je dirais…que, avec un trait jugé typique du postmoderne, ils mettent en scène un double-coding. On peut apprécier l’exécution à un niveau « élevé », en saisissant les renvois intertextuels, mais aussi à un niveau « bas », en tant que musique tout court, sans être dérangé par le renvoi érudit et malicieux […]
[…] Voilà donc une manière de rendre populaire la musique cultivée et cultivée la musique populaire […] ».
En quelques phrases, l’essentiel est dit et signifié. J’ai pris beaucoup de plaisir à écouter Trovesi et Coscia à la lumière de ce texte qui m’a éclairé sur leur intention, sur ce vers quoi ils tendent. Rien de pédant, rien de professoral, au mauvais sens du terme, aucun étalage de savoir savant, simplement la mise en évidence de ce qui donne sens aux interprétations. Cette mise en évidence résultant finalement de la mise en confrontation et en réseau d’un certain nombre d’éléments : tradition et invention, transversalité et dépassement des distinctions académiques, double lecture, musique populaire et musique cultivée. Cette capacité de mettre l'oeuvre en réseau, capacité dont fait preuve ici Umberto Eco, pour moi, au sens propre du terme, c'est cela la culture. Une manière de savoir faire des liens, non un savoir d'érudit empilant connaissance sur connaissance.
Muni de cette grille de lecture, que je viens de relire pour y trouver des significations nouvelles, je peux m’engager dans une autre écoute, certain que je vais maintenant y découvrir des signes, et donc des plaisirs, que je n’avais jusqu’ici que confusément perçus, voire qui m’étaient restés étrangers.
Je me dis que le cd pourrait avoir encore un bel avenir s’il prenait forme, comme cet album, d’objet culturel et pas seulement d’objet de consommation immédiate.
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