mardi, mai 22, 2007

mercredi 23 mai

En écoutant « Appassionata » de Bruno Maurice, j’ai compris, comme jamais auparavant, même si je l’avais pressentie avec Galliano, la dialectique qui traduit les signes de la partition en sensations et en significations. Ce que j’appelle dialectique, c’est ce jeu d’interactions, en forme de dialogue, entre la lecture de l’interprète, sa maîtrise d’instrumentiste et son instrument, par lequel se réalise la traduction des signes en sens. Interactions entre de la culture, de l’habileté et de la mécanique. Ce qui me touche dans le « travail » de ce disque, ce n’est pas simplement l’addition d’une lecture savante plus une excellence technique plus la qualité d’un instrument d’exception, c’est bien la relation interactive qui relie ces trois composantes nécessaires à son existence. Qu’il s’agisse de disques ou de concert en général, il n’est en effet pas si fréquent que cette dialectique fonctionne. Combien d’interprètes qui n’ont pas les compétences de leurs intentions, combien d’instruments qui ne servent qu’une vaine virtuosité, combien de compositions qui ne trouvent pas un lecteur à la hauteur de leur qualité ? En d’autres termes, ce qui se passe ici et maintenant, en écoutant « Appassionata », c’est ce sentiment que Bruno Maurice appuie sa lecture des œuvres qu’il a choisies sur la conscience qu’il a de ses capacités et sur la confiance qu’il a en son instrument. Et réciproquement. Cette réciprocité me parait en effet fondamentale pour comprendre ce que j’éprouve, car c’est bien elle qui fait que chaque composante pousse les deux autres vers leur perfection. On est dans l’ordre du dépassement, non de la simple addition.

C’est pour saisir ce mouvement, cette dynamique, cette dialectique en acte que j’écoute en boucle la « Valse triste » de Sibelius, « Andalousia » de Granados, « Asturias » d’Albeniz… dans l’espoir de surprendre sur le vif quelque chose de l’ordre du mystère de la création artistique.