samedi, juillet 21, 2007

dimanche 22 juillet

Parfois je me demande si je n’ai pas hérité du gène de la rumination tant je n’ai de cesse de revenir sur mes impressions spontanées pour en comprendre le sens. Toujours est-il que je m’interroge encore aujourd’hui sur l’origine du plaisir que j’ai éprouvé à l’occasion du concert de Toucas aux grottes de Lacave. Je suis bien conscient d’ailleurs que cette rumination est une manière de faire durer le plaisir, même si, au cours de ce travail, il passe de l’ordre des sensations à un monde de plus en plus conceptuel. On ne se refait pas !
Bref, lorsque je me demande quelle est l’origine ou la raison de ce plaisir, je vois deux éléments : d’une part la situation, d’autre part l’évolution de Toucas lui-même. La situation, c’est le lieu inhabituel et les conditions peu ordinaires du concert : un volume énorme, des parois et une voute démesurées, un air d’une pureté immédiatement sensible, une eau translucide à peine agitée en surface par une sorte de goutte à goutte immémorial, une température insensible aux variations météorologiques du monde du soleil, un espace limité pour les participants et, de ce fait, Toucas comme dans un cocon de sympathie. Le premier élément explicatif du plaisir que j’ai éprouvé, c’est donc l’expérience du lieu. Le deuxième élément tient à Toucas lui-même, à son évolution. L’accordéon que j’ai écouté lors de ce concert ne ressemblait pas à celui que je connaissais à travers deux disques de Toucas. J’ai été surpris par ce que j’entendais, mais nullement étonné, car déjà, avec « Accordion Project », j’avais bien perçu qu’il s’était éloigné de « Erranza ». Immédiatement, ce « nouveau » Toucas, nouveau mais bien dans la continuité de ses précédentes créations, m’a charmé. Durant tout le début du concert, une phrase tournait dans ma tête : « Debussy fait du jazz ». Comprenne qui pourra. En tout cas, ce qui m’a frappé, c’est l’impression, à travers les différentes pièces qu’il jouait, qu’il y avait comme une intention, une visée, une obsession ou un projet commun… Je veux dire que c’est l’unité qui m’a frappé au-delà de la variété et de la diversité des morceaux. J’ai senti le travail d’un vrai créateur qui essaie de donner forme à des schèmes qu’il a en tête ou qui prend des risques pour savoir ce qu’il cherche. Comme si par delà les influences musicales multiples auxquelles il a été sensible il était en train de réaliser un travail personnel de relecture, d’assimilation, de digestion et de création au sens le plus strict du terme.
Finalement, je crois avoir compris que l’origine du plaisir que j’ai éprouvé lors de ce concert tient à la rencontre et à l’interaction de deux éléments d’abord indépendants : un lieu et des conditions d’écoute, qui permettent de vivre une expérience sensible particulière, et le cheminement de Toucas qui, me semble-t-il, en est à un moment crucial de son parcours de création et qui donne à entendre un accordéon qui n’appartient qu’à lui.
A certains moments, j’ai pensé à Galliano, non par le style, mais parce que, quoi qu’il touche, on ne peut s’y tromper : « C’est du Galliano ». Pour Toucas, de même, quoi qu’il touche, c’est du Toucas ! C’est toute la différence entre l’éclectisme d’un touche-à-tout et le travail d’appropriation personnelle que je reconnais chez l’un comme chez l’autre.