mardi 17 juillet
En fait, ce concert a lieu à dix kilomètres de Souillac, en un lieu fort étrange : l’une des grottes de Lacave. On y accède par un petit train après quelques centaines de mètres d’un parcours cahotant et après avoir monté un escalier un peu vertigineux. Le concert se déroule de 21h15 à 23h30.
Ce concert a été un vrai bonheur, mais les mots pour le dire sont difficiles à trouver. Je pourrais dire que ce fut un moment magique. Ce serait vrai sans doute, mais le terme est trop souvent utilisé pour rendre compte de mes impressions.
Si j’essaie d’être plus précis, je retiens deux choses :
- d’abord, le bonheur manifeste de Toucas de jouer en un tel lieu. Ce bonheur, soutenu par sa créativité et par un toucher bien particulier, net, précis, sans éclats inutiles, est contagieux. Au fur et à mesure du déroulement du concert, la proximité et la complicité entre Toucas et les participants augmente jusqu’à atteindre quelque chose de fusionnel. C’est un bonheur sans rien d’excessif. Je dirais un moment de plaisir simple sans affectation ni afféteries.
- d’autre part, une sorte de paradoxe au cœur de ce concert. La grotte est énorme, haute et vaste comme une cathédrale tellurique. Le volume est formidable et pur comme aux origines du monde. Le centre est constitué de bassins d’argile translucides où de temps immémoriaux de l’eau s’écoule goutte à goutte. Tout ceci est considérable quant aux dimensions, mais, et c’est là le paradoxe de la situation, la surface disponible pour les présents est très réduite. Cent quatre-vingts personnes au maximum. Toucas lui-même ne dispose que de trois ou quatre mètres carrés. Pas de scène, quelques rares projecteurs. C’est cette situation paradoxale que je qualifie, faute de mieux, de magique. Le concert comme une cérémonie destinée à glorifier la rencontre de l’accordéon et de l’air qui en porte les sons.
De ce concert je garde deux images : l’une, auditive, ce sont les improvisations de Toucas et, plus particulièrement, le parcours qu’il a fait, tout autour de la grotte, au début et à la fin de son concert. Tout au long de ce parcours le son de l’accordéon nous parvient de quelque part, étrange comme une inspiration venue d’ailleurs, d’un autre monde, celui que Toucas nous offre. L’autre, visuelle, vers la fin du concert, lorsqu’il fait plusieurs fois lentement un tour complet sur son tabouret en trois ou quatre stations. A chaque station, il déploie son improvisation et renverse la tête en arrière à la fois pour respirer profondément et comme pour suivre le mouvement des notes jusqu’à la voute. Moment superbe.
J’essaierai, avec un peu de recul, de revenir sur ces impressions premières et en particulier de choisir quelques photographies comme signes de ce concert, photographies de qualité médiocre bien sûr, mais où, me semble-t-il, passe quelque chose de l’émotion éprouvée, partagée, et du mystère de cet accordéon au centre de la terre.
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