lundi, septembre 15, 2008

dimanche 14 septembre - jesus aured et benat achiary

Samedi, 17 heures. Domaine du Cinquau. Théâtre des vignes. Entrée libre. J'ai l'intention de dire quelques mots, un jour prochain, pour rendre compte de l'impression que nous a faite ce lieu. Beau, simplement beau. Pas sublime, malgré la proximité des sommets. Il y a dans le sublime en effet quelque chose qui nous dépasse et nous écrase. Ici, tout est à hauteur d'homme. L'homme comme mesure de toute chose. J'aurai plaisir à produire quelques photographies du domaine et à donner l'adresse de son site. Et puis, que dire de ses vins ?

La photographie ci-dessous donne une idée de la salle de spectacle où nous avons dû nous réfugier à cause des incertitudes du temps. Des sièges confortables, du bois de charpente et des barriques pleines de promesses derrière des vitres qui transforment l'espace en jeu de reflets.
Peu avant 17 h 30, surgi du sol, dans un coin sombre de la salle, B. Achiary : voix et percussions. Martèlements comme une prière venue du fond des âges. Quelque chose de préhistorique, en tout cas pré-chrétien. On hésite entre souffrance et exaspération, entre le jaillissement d'un cri primordial et les modulations délicates d'un oiseau inconnu. En tout cas, il y a quelque chose d'obsédant dans l'air.
Au moment où B. Achiary se redresse et où il se fond dans les murs, l'accordéon fait son apparition. Son apparition, si l'on peut dire, car si l'on perçoit sa musique, on ne le voit pas. Il est quelque part derrière le rideau noir du fond de scène. On est d'autant plus attentif à l'improvisation de J. Aured. Improvisation tendue, pleine de retenue, comme des propositions d'écoute.


Un peu plus tard, B. Achiary et J. Aured se retrouvent sur un même banc, au milieu de la scène. L'accordéoniste cherche, essaie, approfondit, interrompt, reprend le fil de son inspiration. A côté de lui, son collègue chanteur qui est son premier auditeur. Est-il en train de mûrir quelque improvisation ?

Cette photographie ci-dessous me plait beaucoup. On voit bien qu'ils sont à l'unisson. Leurs postures me disent beaucoup de choses sur leur accord et leur regard clos beaucoup sur leur inspiration qui ne se dévoile que dans une coupure avec l'environnement visible.


Un moment fort du duo. B. Achiary comme une sorte de sorcier, comme un passeur mythique. A nouveau, une voix qui vient de très loin. Le rythme pourrait emporter et déborder l'accordéoniste. Pas du tout. Il nous emporte dans ce fandango primitif, non pas primaire, mais primitif au sens de primordial.



Cette image exprime pour moi toute la complicité des deux improvisateurs. Leur amitié.






Et puis, J. Aured se retrouve seul sur scène. Que se passe-t-il ?




B. Achiary est sorti de la salle, l'accordéoniste le suit et le public aussi. C'est comme si l'on marchait attirés par cette voix qui se répercute dans le vallon planté de vignes, sur ce chemin qui traverse le domaine et qui est un fragment de l'un des chemins de Saint Jacques de Compostelle. La voix, les vignes en leur présence géométrique, l'accordéon, les chemins de Saint Jacques... quelque chose de profondément culturel, qui émeut tous les participants.









Petit à petit, le chanteur accélère le pas. L'accordéon, un Pigini, est lourd. Je me dis en cet instant que J. Aured décide de ne plus accompagner cette voix qui s'éloigne et qui semble vouée à se perdre dans sa solitude. Cette image me touche. Un instant d'hésitation et puis cette posture immobile. Et puis le décor des vignes impeccables.




Enfin, cette dernière photographie. Je l'avoue, elle me touche. Cet accordéoniste, seul. Géométrie des rangs de vignes, géométrie de l'accordéon. Je ne peux m'empêcher de penser en cet instant que J. Aured se charge de forces venues de cette terre fertile. C'est en ce sens que je parlerais volontiers de source d'inspiration.








En revenant vers le domaine où une merveilleuse dégustation nous attend, je me retourne une dernière fois vers ces vignes et je crois entendre J. Pellarin jouer "Champlong".