mercredi, décembre 28, 2005

mercredi 28 décembre

Pour moi, il y a une profonde analogie entre le plaisir de l’écoute de l’accordéon (ou du bandonéon), le plaisir de la contemplation de photographies, le plaisir de la dégustation du vin et la passion de la corrida. Dans chaque cas, il s’agit d’aficion. Il s’agit de rechercher inlassablement et obstinément ces instants où la sensation se manifeste à fleur de peau avec une telle violence que la chair de poule seule est capable de l’exprimer. La chair de poule, seul critère fiable du jugement esthétique ! Peu importe les essais manqués ou les déceptions inattendus bien qu’inévitables. Demain, il fera jour.

Pour ne citer que quelques exemples de ces instants rares où le temps mesuré n’a plus lieu d’être car il se dissout dans la sensation :

- être en présence d’une bouteille de Sauternes, château Suduiraut 62, le jour de Toussaint 2001 ;
- être en présence d’un tirage original de la photographie de Claude Batho, le chaudron de cuivre, Héry, 1972, à la galerie du Château d’Eau, à Toulouse, le 1er octobre 1980 ;
- être en présence de trois naturelles d’Enrique Ponce face à Romero, 506 kg, toro n° 97 de Samuel Flores, à Dax, le 17 août 1999, à 7 heures et demie du soir ;
- être en présence, un soir de neige, en décembre 2004, de la flambée montalbanaise interprétée en 1940 par Gus Viseur lui-même et son orchestre [Vibrations – le son du musette, cd 2 / classique 09 – Gus Viseur, Flambée montalbanaise, avec Sarane Ferret, 2 :40, Universal 2004].

Et pour aujourd’hui ?

- une poule au pot, avec ses légumes, pommes de terre, carottes et poireaux, accompagnée d’un Gewurtztraminer 2000, grand cru Steinert, de Pierre Frick. La poule encore fumante et le vin frais, à 14 degrés. Et l’accordéon alors ?... J’y viens :

- Galliano – Portal, Blow Up, Libertango et Oblivion
- Michel Portal – Richard Galliano, Concerts, Libertango et Oblivion


Trente minutes de bonheur ! Une éternité… On comprend que ces instants soient si rares. Ils émergent en effet d’une conjonction inimaginable de conditions multiples : la compétence du paysan qui a élevé la poule, le choix des légumes, l’extrême attention à la cuisson, le choix du vin adéquat, un repas en famille, un temps clair et glacial, des instruments réglés à la perfection, deux musiciens de génie et enfin l’ingénuité nécessaire pour s’émerveiller que ça existe.