lundi 28 mai
J’ai observé, lorsque je découvre un disque que j’écoute pour la première fois, que très souvent une impression immédiate me vient à l’esprit, qui fonctionne comme une sorte d’hypothèse de lecture. Cette impression ou cette hypothèse est en général très prégnante : je l’approfondis, je la vérifie, je la confirme ; rarement, je suis amené à en changer. Elle tient aux sensations provoquées par l’un des trois premiers morceaux ou parfois au style de la pochette ou encore à telle ou telle expression dans le texte de présentation ou encore à l’éditeur. C’est pourquoi d’ailleurs j’essaie de me renseigner le moins possible sur un album avant de l’écouter. Il n’en reste pas moins qu’avant toute écoute, j’ai bien conscience d’avoir des a priori. La manière dont j’ai eu connaissance des disques est, me semble-t-il, souvent déterminante : critique dans une revue spécialisée, reportage à la radio ou à la télévision, conseil donné par un ami, hasard des rencontres sur les rayons d’un grand distributeur, site internet d’un artiste, etc… Tout cela joue dans la « fabrication » de cette première approche.
J’ai observé aussi que si « j’oublie » un disque pendant un certain temps, lorsque je le redécouvre, cette hypothèse de lecture ou d’écoute a pu se modifier en fonction de ce que j’ai écouté entre temps ou de telles ou telles informations ou connaissances que j’ai pu acquérir. Parfois, je découvre ainsi des dimensions de tel ou tel album, que je ne soupçonnais pas. Tout le problème, en fait, est de se donner un axe d’écoute ou de le laisser advenir et, paradoxalement, de rester disponible pour en adopter d’autres. Un des problèmes, peut-être le problème majeur, étant d’être capable de ne pas « plaquer » ce que l’on sait sur ce que l’on perçoit, alors même que toute perception présuppose un certain savoir préalable ou sinon un savoir au sens propre, du moins des hypothèses et des attentes.
J’en reviens à mes notes d’hier sur « Appassionnata » et « Appassionnata II ». Tout porte à les concevoir comme un ensemble en deux volets : le titre, la numérotation, les photographies… et pourtant j’ai été d’emblée sensible à leurs différences ou du moins à celles que je percevais. Ce qui est commun aux deux disques, c’est l’instrument qui d’ailleurs donne son nom aux albums. C’est d’ailleurs bien parce qu’il y a cette identité commune aux deux que l’on peut trouver entre eux des différences. Mais, autant dans le premier disque je suis sensible au travail d’interprétation, au sens où un interprète me propose sa lecture d’une œuvre et ainsi m’introduit à sa compréhension, autant dans le second je suis sensible au travail sur l’interprétation, au sens où un interprète me propose de participer d’une certaine façon à son cheminement d’interprétation. La différence est sans doute subtile, mais dans le premier cas je dirais que ce qui est premier, c’est l’aspect objectif du travail de l’interprète, alors que c’est l’aspect subjectif qui est primordial dans le second cas. Comme pour renforcer cette interprétation de ma part, je note que le dernier titre de « Appassionata II » est signé Bruno Maurice lui-même. Le premier disque comportait dix titres d’auteurs divers. Le second en comporte onze. Un onzième dans celui-ci n’aurait été qu’un morceau de plus ajouté aux dix autres. Le onzième dans le second achève le travail d’assimilation effectué à partir des dix précédents. D’une certaine façon, il en est comme une synthèse en acte. C’est comme si Bruno Maurice me disait avec ce dernier titre, « Bleu » : « Au terme de ce parcours de formation (le mien, le vôtre) que je vous ai proposé, voilà qui je suis ! ».
A mon tour, au terme de ces quelques paragraphes, j’ai conscience qu’il est bien difficile de traduire une impression immédiate telle que celle que je viens d’essayer de transcrire. Mais c’est justement parce que les mots n’arrivent pas à expliquer cette expérience qu’il y a fort à parier qu’elle est vraie, au sens où elle touche à quelque vérité intime. Cette difficulté voire l’impossibilité de traduire l’écoute en discours me parait bien signifier qu’il s’agit d’une expérience vraiment esthétique.
J’ai observé aussi que si « j’oublie » un disque pendant un certain temps, lorsque je le redécouvre, cette hypothèse de lecture ou d’écoute a pu se modifier en fonction de ce que j’ai écouté entre temps ou de telles ou telles informations ou connaissances que j’ai pu acquérir. Parfois, je découvre ainsi des dimensions de tel ou tel album, que je ne soupçonnais pas. Tout le problème, en fait, est de se donner un axe d’écoute ou de le laisser advenir et, paradoxalement, de rester disponible pour en adopter d’autres. Un des problèmes, peut-être le problème majeur, étant d’être capable de ne pas « plaquer » ce que l’on sait sur ce que l’on perçoit, alors même que toute perception présuppose un certain savoir préalable ou sinon un savoir au sens propre, du moins des hypothèses et des attentes.
J’en reviens à mes notes d’hier sur « Appassionnata » et « Appassionnata II ». Tout porte à les concevoir comme un ensemble en deux volets : le titre, la numérotation, les photographies… et pourtant j’ai été d’emblée sensible à leurs différences ou du moins à celles que je percevais. Ce qui est commun aux deux disques, c’est l’instrument qui d’ailleurs donne son nom aux albums. C’est d’ailleurs bien parce qu’il y a cette identité commune aux deux que l’on peut trouver entre eux des différences. Mais, autant dans le premier disque je suis sensible au travail d’interprétation, au sens où un interprète me propose sa lecture d’une œuvre et ainsi m’introduit à sa compréhension, autant dans le second je suis sensible au travail sur l’interprétation, au sens où un interprète me propose de participer d’une certaine façon à son cheminement d’interprétation. La différence est sans doute subtile, mais dans le premier cas je dirais que ce qui est premier, c’est l’aspect objectif du travail de l’interprète, alors que c’est l’aspect subjectif qui est primordial dans le second cas. Comme pour renforcer cette interprétation de ma part, je note que le dernier titre de « Appassionata II » est signé Bruno Maurice lui-même. Le premier disque comportait dix titres d’auteurs divers. Le second en comporte onze. Un onzième dans celui-ci n’aurait été qu’un morceau de plus ajouté aux dix autres. Le onzième dans le second achève le travail d’assimilation effectué à partir des dix précédents. D’une certaine façon, il en est comme une synthèse en acte. C’est comme si Bruno Maurice me disait avec ce dernier titre, « Bleu » : « Au terme de ce parcours de formation (le mien, le vôtre) que je vous ai proposé, voilà qui je suis ! ».
A mon tour, au terme de ces quelques paragraphes, j’ai conscience qu’il est bien difficile de traduire une impression immédiate telle que celle que je viens d’essayer de transcrire. Mais c’est justement parce que les mots n’arrivent pas à expliquer cette expérience qu’il y a fort à parier qu’elle est vraie, au sens où elle touche à quelque vérité intime. Cette difficulté voire l’impossibilité de traduire l’écoute en discours me parait bien signifier qu’il s’agit d’une expérience vraiment esthétique.
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