samedi, avril 26, 2008

dimanche 27 avril - gilles cuzacq




Gilles Cuzacq joue sur Cavagnolo Odyssée Pro.
190 chemin du Clariot, 40280 Bretagne de Marsan (près de Mont-de-Marsan, Landes)
0558710587 / 0609724495
cuzacqgilles@hotmail.fr

Pourquoi parler ici de Gilles Cuzacq ? D’abord les faits. Vendredi, peu avant 19 heures, alors que je venais de rentrer à la maison - Hossegor, toujours Hossegor… - et que j’hésitais entre une bière et un porto avant de m’abandonner aux charmes du flux télévisuel et du zapping associés, un coup de sonnette me ramène sur terre. Devant le portail, Gilles Cuzacq. Je ne le connaissais pas une minute auparavant, mais il se présente immédiatement et en trois mots m’explique le but de sa visite. Lecteur régulier de mon blog, il a bien perçu dans ma chronique « sine die » quelque chose comme un soupçon de blues du bloggeur. Il regrette, me dit-il, l’interruption momentanée de mon petit travail quotidien d’écoute et d’écriture, d’autant plus que nous partageons les mêmes goûts. Et comme il passait par Pau en rentrant à Mont-de-Marsan, il avait fait un détour pour m’offrir son dernier disque, « Pays d’accordéon ». En toute simplicité, en toute gentillesse. Ma surprise était certes totale, mais je n’étais pas absolument étonné, car j’ai déjà été témoin, parfois destinataire, de tels gestes. Nous ne nous connaissions pas il y a quelques minutes, mais immédiatement « le courant passe ». L’accordéon nous relie tout de suite et j’ai plaisir à l’écouter me parler des titres de son album, comme il a plaisir à me les présenter. « Accordion & digital instruments ». Je sens bien qu’il est fier de sa création et je sens aussi que l’écoute de son cd sera l’occasion de faire repartir le moteur deux temps « écoute / écriture ». C’est l’étincelle que j’attendais. Comme il ne veut pas s’attarder, nous convenons de garder contact.

Dès son départ, je me précipite sur le lecteur de cd. C’est parti.

Je suis d’abord frappé par le son de son instrument. Je suis frappé aussi par ce que j’appelle un sentiment de « ligne claire », je veux dire un discours simple, par opposition à des discours compliqués, tarabiscotés, inutilement chargés. Les titres donnent une idée de l’intention générale : « On samba lance », « Playa del baile », « Muzouke », « Zdarovié », « Mariachi tyrolien », « Accordéon au Plumaçon (les arènes de Mont-de-Marsan », etc… Une diversité, que l’on peut lire dans les titres, qui sonnent comme un tour du monde de l’accordéon, mais aussi une grande unité qui tient au son de Gilles Cuzacq, que j’évoquais un peu plus haut. L'humour et le sérieux ne sont pas incompatibles. Faire avec sérieux, sans se prendre au sérieux.

Tout en écoutant « Pays d’accordéon », je pense, par analogie, à un texte que j’admire beaucoup de Raymond Queneau, « Exercices de style ». Texte qui s’inscrit dans le courant de l’Oulipo – ouvroir de littérature potentielle. Justement, « Pays d’accordéon » pourrait bien relever d’un « Ouaccpo » - ouvroir d’accordéon potentiel – voué à la création de toutes les formes potentielles de l’accordéon. Et je me rends compte, au fil de mon écoute, que je reçois l’accordéon de Gilles Cuzacq sur un double registre : le plaisir immédiat de sa musique, tonique, énergique, construite rigoureusement, et le plaisir second de « voir » comment il développe la suite de ses titres « à la manière de… ». Si j’osais, je parlerais volontiers de plaisir du pastiche et je trouve en effet excitant de saisir comment un même auteur manifeste sa culture dans un exercice « à la manière de… ». Double registre donc, sensible et intellectuel. Plaisir des phrases musicales, plaisir du jeu de l’accordéon, d’une part, plaisir intellectuel devant la résolution d’un problème, d’autre part.

Et puis, en écoutant encore « Pays d’accordéon », des images me viennent spontanément à l’esprit, images associées à un certain art de vivre du sud-ouest : des copains sont autour d’une table, sous une tonnelle qui filtre le soleil ardent ; sur la nappe à carreaux, des assiettes de Samadet, d’apparence d’abord rustique, mais fort raffinées si l’on y prête attention, et dans ces assiettes, de la daube de toro, mitonnée par le boucher des arènes. Avec la daube, quelques pommes vapeur et des cèpes. En toute simplicité. Toujours aussi simplement, on a débouché un Saint Emilion. On le déguste avec recueillement, en silence, sans phrases inutiles. J’allais oublier, juste avant, avec le foie gras, on avait ouvert le repas avec un Sauternes. Mais tout ça, sans en rajouter. Comme si c’était naturel. En toute simplicité. Un bonheur simple.

Voilà ! J’ai parlé de Gilles Cuzacq parce que j’ai été touché par son geste et parce que j’ai eu plaisir à l’écouter et enfin parce que tout ça, ces petits plaisirs, montrent, je devrais dire prouvent, que la gentillesse vaut bien la compétition pour fonder un lien social harmonieux.