jeudi 1er mai - entre deux pôles
Le texte ci-dessous a été écrit ce mercredi 30 avril, veille du 1er mai et surtout du début du festival de Trentels. Au moment où il s’affiche, nous sommes en route pour ce village du Lot-et-Garonne : Trio Miyazaki avec Bruno Maurice, Trio Jean-François Baez, Ponty Bone, Mériadec Gouriou, Danças Occultas… Excusez du peu.
Expérience étrange et pleine d’enseignements : j’écoute en alternance des morceaux de l’album de Pascal Contet, « Electrosolo » et de celui d’Aimable, « Ah ! Le petit vin blanc ». Je m’arrête en particulier sur « Valse à trois temps », titre 3 du premier, et sur « Indifférence », titre 10 du second.
J’ai choisi d’écouter ces deux accordéonistes, car j’ai quelques difficultés à les apprécier, même si je sais bien que l’un et l’autre sont reconnus au plan national et international. Quelque chose, un je-ne-sais-quoi immédiatement perceptible à l’audition, me dit que cette reconnaissance ne vient certainement pas des mêmes personnes, ni des mêmes instances. Savoir qu’ils sont appréciés est une chose, les apprécier moi-même en est une autre. En l’occurrence, ce que je sais ne modifie en rien mes impressions premières.
En fait, l’écoute de Pascal Contet me laisse froid. J’ai l’impression d’un instrumentiste tellement étonné par ce qu’il peut tirer de son instrument, que toute son activité s’épuise à essayer d’en faire le tour. J’écoute une virtuosité un peu vide. Parfois, j’ai l’impression d’entendre le klaxon d’un énorme camion et cette image ne suffit pas à satisfaire mon imaginaire. Elle le stériliserait plutôt. Je retrouve ce que j’avais noté à propos de « Bouts de souffles » : comme une respiration d’asthmatique. Des bouts de sons surgissent, ici et là, dans un espace vide. Ils apparaissent, se déploient, disparaissent et ainsi de suite… Parfois, j’ai l’impression de ne pas entendre des sons articulés entre eux, mais d’assister à la mise en scène de concepts, d’intentions conceptuelles. Je me demande si ce n’est pas un peu trop intellectuel pour moi. Ou bien il s’agit d’une sorte d’accordéon post-moderne, déjà au-delà de la modernité. Dans ce cas, c’est ma culture qui est insuffisante et qui m’empêche d’accéder à ce qui est dès aujourd’hui l’accordéon de demain.
De même, l’écoute d’Aimable me laisse froid, même si ce n’est pas le même froid que celui que m’inspire Pascal Contet. Mon impression est celle d’un accordéon superficiel, tout en surface, entièrement dans l’apparence. Je tiens « Indifférence » pour un chef-d’œuvre et j’ai le souvenir d’interprétations données par Galliano, par Rivière, par Macias, Lacaille ou encore Amestoy. Chaque fois, c’est la chair de poule. Ici, c’est ce que j’appellerais volontiers de l’accordéon au kilomètre. Certains soirs, certaines pizzerias proposent des pizzas au mètre. S’agit-il encore de pizzas ? Ici, pas de doute, c’est bien de l’accordéon, mais son clinquant dépourvu de toute intériorité me laisse indifférent, sur le seuil. Est-ce un manque de naïveté, de spontanéité, qui m'empêche de l'apprécier ?
En écoutant quasi en même temps Contet et Aimable, je prends conscience qu’ils sont, aujourd’hui, comme les deux pôles de mon goût pour l’accordéon. Ce que j’apprécie se situe entre les deux. C’est un espace déjà assez étendu. La philosophie antique décomposait l’âme en trois instances : la tête, l’intellect ; le cœur, l’affectivité ; le ventre, les pulsions vitales. Un plaisir complet mobilise ces trois instances en une sorte de mixte in-dissociable, in-décomposable et in-analysable. C’est souvent le cas. Mais en l’occurrence, tout se passe, d’où mon insatisfaction, comme si Contet ne touchait en moi que la sphère intellectuelle et Aimable que la sphère pulsionnelle. Entre les deux, les dosages de ce mixte que j’évoquais ci-dessus sont infinis et sources de plaisirs également infinis.
Expérience étrange et pleine d’enseignements : j’écoute en alternance des morceaux de l’album de Pascal Contet, « Electrosolo » et de celui d’Aimable, « Ah ! Le petit vin blanc ». Je m’arrête en particulier sur « Valse à trois temps », titre 3 du premier, et sur « Indifférence », titre 10 du second.
J’ai choisi d’écouter ces deux accordéonistes, car j’ai quelques difficultés à les apprécier, même si je sais bien que l’un et l’autre sont reconnus au plan national et international. Quelque chose, un je-ne-sais-quoi immédiatement perceptible à l’audition, me dit que cette reconnaissance ne vient certainement pas des mêmes personnes, ni des mêmes instances. Savoir qu’ils sont appréciés est une chose, les apprécier moi-même en est une autre. En l’occurrence, ce que je sais ne modifie en rien mes impressions premières.
En fait, l’écoute de Pascal Contet me laisse froid. J’ai l’impression d’un instrumentiste tellement étonné par ce qu’il peut tirer de son instrument, que toute son activité s’épuise à essayer d’en faire le tour. J’écoute une virtuosité un peu vide. Parfois, j’ai l’impression d’entendre le klaxon d’un énorme camion et cette image ne suffit pas à satisfaire mon imaginaire. Elle le stériliserait plutôt. Je retrouve ce que j’avais noté à propos de « Bouts de souffles » : comme une respiration d’asthmatique. Des bouts de sons surgissent, ici et là, dans un espace vide. Ils apparaissent, se déploient, disparaissent et ainsi de suite… Parfois, j’ai l’impression de ne pas entendre des sons articulés entre eux, mais d’assister à la mise en scène de concepts, d’intentions conceptuelles. Je me demande si ce n’est pas un peu trop intellectuel pour moi. Ou bien il s’agit d’une sorte d’accordéon post-moderne, déjà au-delà de la modernité. Dans ce cas, c’est ma culture qui est insuffisante et qui m’empêche d’accéder à ce qui est dès aujourd’hui l’accordéon de demain.
De même, l’écoute d’Aimable me laisse froid, même si ce n’est pas le même froid que celui que m’inspire Pascal Contet. Mon impression est celle d’un accordéon superficiel, tout en surface, entièrement dans l’apparence. Je tiens « Indifférence » pour un chef-d’œuvre et j’ai le souvenir d’interprétations données par Galliano, par Rivière, par Macias, Lacaille ou encore Amestoy. Chaque fois, c’est la chair de poule. Ici, c’est ce que j’appellerais volontiers de l’accordéon au kilomètre. Certains soirs, certaines pizzerias proposent des pizzas au mètre. S’agit-il encore de pizzas ? Ici, pas de doute, c’est bien de l’accordéon, mais son clinquant dépourvu de toute intériorité me laisse indifférent, sur le seuil. Est-ce un manque de naïveté, de spontanéité, qui m'empêche de l'apprécier ?
En écoutant quasi en même temps Contet et Aimable, je prends conscience qu’ils sont, aujourd’hui, comme les deux pôles de mon goût pour l’accordéon. Ce que j’apprécie se situe entre les deux. C’est un espace déjà assez étendu. La philosophie antique décomposait l’âme en trois instances : la tête, l’intellect ; le cœur, l’affectivité ; le ventre, les pulsions vitales. Un plaisir complet mobilise ces trois instances en une sorte de mixte in-dissociable, in-décomposable et in-analysable. C’est souvent le cas. Mais en l’occurrence, tout se passe, d’où mon insatisfaction, comme si Contet ne touchait en moi que la sphère intellectuelle et Aimable que la sphère pulsionnelle. Entre les deux, les dosages de ce mixte que j’évoquais ci-dessus sont infinis et sources de plaisirs également infinis.
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