mercredi, mai 28, 2008

mercredi 28 mai - philippe de ezcurra à hasparren

Samedi 24 mai à 21 heures, concert de Philippe de Ezcurra, à l'église d'Hasparren. On est en Pays Basque. Hasparren est au sud-est de Bayonne, à une vingtaine de kilomètres ; à l'ouest de Pau, à une centaine de kilomètres. Nous partons de la maison vers 18 heures. Temps lourd de pluies et chargé d'orages. Les éclairs illuminent les Pyrénées. Tout à coup, vers Orthez, l'autoroute est jonchée de feuilles et de branches hachées, puis de grêle. Une longue file de voitures et de camions se forme et avance au ralenti. Dans cette atmosphère un peu irréelle, on dirait qu'il vient de neiger et la voiture roule dans des rails, nous échangeons nos pensées sur Philippe de Ezcurra tout en écoutant "Bahaki". C'est comme si nous traversions un sas nous préparant au concert.

L'église, fin XIX ème, n'a pas de charme particulier. Il pleut. Des groupes de deux à trois personnes arrivent pour assister à la messe du soir. A côté de l'église, un bistrot où nous commandons un sandwich au jambon de Bayonne et un demi. La finale de coupe d'Europe de rugby se termine. L'image, brouillée par le temps orageux, est difficilement lisible. Le comportement des joueurs du Munster au coup de sifflet final nous montre que les Toulousains ont perdu. Un groupe d'une vingtaine d'adolescents a rejoint la salle de restaurant et dîne sans bruits. Ce sont les élèves accordéonistes des écoles de musique d'Hasparren, de Briscous et de Saint Palais.

Vers 20 h 30, nous revenons à l'église presque pleine. Nous entrons et nous suivons la fin de l'office. Prières, chants, sermon, tout en langue basque. L'intérieur de l'église est beau avec ses galeries de bois sombre. A la fin de la messe, nous restons assis, c'est encore une manière de nous préparer au concert. Au moment où nous décidons de rejoindre le premier banc, Philippe de Ezcurra entre par une porte latérale. Son instrument sur l'épaule droite, sa tenue de concert sur un cintre à la main gauche. Nous échangeons quelques mots. Il est déjà concentré, ici mais déjà ailleurs, tout à l'heure.

Les élèves donnent trois morceaux. Nous sommes frappés par la rigueur de la mise en place. Les deux professeurs nous expliquent comment ils ont répété tout l'après-midi sous la direction de Philippe de Ezcurra. Nous sommes frappés par cette dimension de son action, à savoir le sérieux qu'il met à se comporter aussi en enseignant, en médiateur ou, peut-être serait-ce plus juste, en passeur. Nul doute que ces élèves n'oublieront pas cette présence du concertiste venu leur transmettre une parcelle de son savoir et de son savoir-faire. Je retrouve ce rôle d'enseignant ou de passeur dans la distribution du programme, qui permet à chacun de suivre l'interprétation des morceaux successifs. De même, chaque pièce est présentée succinctement, située. Il ne s'agit pas d'expliquer ce que l'on doit entendre, mais de donner le contexte historique ou subjectif ("pourquoi je l'ai choisi...") de chaque morceau.


Je ne garde que cette photographie du concert, car la lumière relativement faible, qui donnait au concert sa couleur intimiste, ne suffisait pas pour mon petit Nokia. Heureusement que Françoise a réussi les siennes, que je publierai dès demain. Elle les a réussies car plusieurs d'entre elles "rendent" bien les postures caractéristiques de Philippe de Ezcurra. Celle que l'on voit ici montre une de ses attitudes significatives : les yeux fermés, la tête levée vers sa gauche, très haut. Tout porte à croire qu'il s'agit d'une affaire entre lui, l'oeuvre et ce que j'appellerais faute de mieux son regard intérieur. Il n'a pas de partitions. Entre chaque morceau, un temps de plusieurs secondes. Un temps de recueillement pour lui et pour les auditeurs. Un sas pendant lequel on quitte le monde présent pour aller jusqu'au seuil de l'oeuvre à interpréter. Car il s'agit bien, tant pour le programme en sa totalité que pour chaque pièce, de faire émerger un monde. Ce travail d'organisation et de transcription nous touche comme une évidence, même s'il est difficile à expliquer ou à traduire en discours.
A la fin du concert, nous achetons "Aria di sortita", produit par Philippe de Ezcurra lui-même. Il écrit quelques mots aimables sur la pochette. Du coup, je lui demande de bien vouloir mettre un autographe sur son autre album "Bahaki", je crois que l'intrusion de ce cd dans ce concert clasique l'amuse. Autres mots gentils. Pendant que nous échangeons quelques mots, Françoise discute avec un couple sensiblement de notre âge, qui lui dit son admiration pour Philippe et qui s'extasie devant le travail considérable que demande la préparation d'un tel concert. Au moment où nous allons nous quitter, il nous dit : "Je vous présente mes parents".






Quelques mots sur le programme...
- Chaconne en ré de J.-S. Bach, transcription de Ph. de E.
- Sonate n°2 de Kusjakov (allegro moderato, lento docissimo, presto). Le silence entre chaque mouvement !
- Dumka de Tchaïkovski, transc. Juri Sidorow
- Pavane pour une infante défunte de Raval, transc. Ph. de E.
- Divertimento d'Astier
- Nocturno et Final de Cholminov
- Adagio de Barber, transc. Ph. de E. C'est le seul morceau dont il suit la partition. C'est, nous dit-il, la première fois qu'il le joue.
Deux rappels :
- une pièce "Carnaval" d'une suite d'un compositeur russe, inspirée par un séjour en Pays Basque en 1992, je crois, et par sa musique
- un tango, encore anonyme, pour justifier la présentation faite dans un journal local, qui présentait Philippe de Ezcurra comme étant un compositeur.
Ce fut un concert magnifique. A plusieurs reprises, j'ai observé les élèves des écoles de musique, assis aux premiers rangs. Subjugués. Comme nous.
Après le concert, dans la nuit noire et humide, nous avons rejoint Hossegor à une trentaine de kilomètres. En écoutant "Aria di sortita". Que nous avons encore écouté jusqu'à une heure, dans la villa silencieuse, entourée d'habitations désertes, avec loin, là-bas, le bruit profond des vagues qui se brisent sur le sable immense, tout en mangeant des sandwiches préparés à tout hasard avec une bière, puis une tisane.
Dimanche et lundi, nous avons continué nos travaux de lasure et de peinture. Toutes portes ouvertes. Pas une âme qui vive dans le quartier. En alternance, "Aria di sortita" et "Bahaki". Le bonheur, quoi !
Dès demain, je publie les photonotes de Françoise. Evidemment, on les choisit en écoutant...