dimanche, avril 16, 2006

lundi 17 avril

Parmi les critères intuitifs que j’applique spontanément au classement de mes disques, il y a donc la facilité ou la difficulté associées à la première écoute. Il serait de peu d’intérêt d’approfondir la facilité. Disons que je n’apprécie pas l’accordéon quand il se met au service des animations du type « ambiance et sangria » et je crains que cette réticence ne procède d’une infirmité rédhibitoire. Il faut savoir vivre avec ses incapacités. Passons…

Plus intéressant me semble être d’approfondir et d’essayer de comprendre comment fonctionne le critère de difficulté excitante et stimulante. Par la notion de difficulté excitante et stimulante, faute d’autres termes plus précis, j’entends l’impression immédiate qu’il me faudra faire un effort pour éprouver du plaisir à l’écoute d’un disque. Cette impression immédiate va de pair avec le sentiment de rester extérieur à ce que j’entends : ça ne me touche pas, ça me reste étranger, ça ne m’accroche pas, mais ça m’intéresse. C’est cet intérêt qui déclenche l’excitation et le désir d’aller à la rencontre du plaisir, auquel je suis d’abord insensible, que doit recéler l’œuvre que j’écoute ; c’est ce même intérêt qui stimule mon envie de me mettre en route pour arriver à saisir finalement ce plaisir d’abord inaccessible. Il s’agit donc d’une impression ambivalente : extériorité, distance, voire étrangeté d’une part, intuition et pressentiment de plaisirs encore inéprouvés d’autre part. L’affect et l’intellect y sont intimement liés. Je pense ici aux notions d’esthétique, inventées par Roland Barthes : le studium et le punctum.

Je sais qu’il m’est arrivé en maintes occasions d’éprouver cette impression. Je me les rappelle, même si je ne les ai pas répertoriées systématiquement. C’est l’occasion aujourd’hui, avant d’aller plus loin dans l’analyse, d’en faire un premier recensement. Il me suffit pour cela de parcourir la liste de mes disques par ordre alphabétique. Je m’en tiendrai au relevé a minima des références :

- Anzellotti. « Leos Janacek », « 3 compositions by John Cage », « Manuel Hidalgo », « Mauricio Kagel », “Fumio Yasuda, Heavenly Blue”. Echappent à cette impression, d’une part “Erik Satie”, d’autre part “Domenico Scarlatti”. A approfondir !
- Biondini. « Terra Madre ». Approfondir ici le fait que j’apprécie mieux les compositions de J. Girotto que celles de Biondini.
- Crabb & Draugsvoll. « Duos for Classical Accordions ». Ici, j’entre d’emblée dans le titre Tango de Stravinsky ; c’est plus difficile pour Petrushka et Pictures at an Exhibition.
- Fabiano. « Vague à Lames », sauf Ave Maria, d’après une œuvre de Piazzolla, et Ciaccona, extrait de la Partita n°2 pour violon de J.-S. Bach.
- Farmer. « Sofia Gubaidulina, De Profundis ».
- Karin Küstner in collection « Les nouveaux musiciens », sauf César Franck (extrait des pièces pour orgues), Contrabajeando d’A. Troilo et A. Piazzolla et Une petite valse pour rêver de M. Bonnay.
- Lubat. « Chansons swing », sauf Los Gojats e las Gojatas.
- Nano. « L’autre côté du vent ». Je reste sur la berge…
- Saluzzi et Rosamunde Quartett. « Kultrum ».


En première approximation, deux pistes à explorer :

- Lubat et Nano me déconcertent pour des raisons en partie identiques, un je-ne-sais-quoi d’expérimental et d’intellectuel, peut-être même de conceptuel, qui me laisse froid… J’ai l’impression d’assister à un travail de recherche qui ne me concerne pas et qui même n’est pas fait pour provoquer chez moi des émotions.
- A plusieurs reprises, tel ou tel titre m’accroche dans un disque qui par ailleurs me déconcerte, or ces titres sont justement des œuvres de compositeurs que je connais et que j’apprécie : Satie, Scarlatti, Bach, Piazzolla, Bonnay, etc… C’est cette part de terrain connu qui sans doute me rassure et me permet d’accepter une originalité à laquelle je ne suis pas encore habitué. Ce sont comme des points d’appui ou des ancrages qui me permettent d’accepter de prendre des risques ; trop de nouveauté et d’inconnu, ça suffoque, ça sidère, ça stupéfie!

... reçu un courriel de Dominique O., qui m'indique qu'il a découvert "Le pas du chat noir", l'opus d'Anouar Brahem, et qu'il a bien apprécié la prestation de Matinier, dont je lui avais parlé à l'occasion de "Confluences". Par retour de courriel, je lui fais connaître " Le Voyage de Sahar", qui est par rapport au " Pas du chat noir" comme l'autre volet d'un diptyque . Cet échange me fait plaisir, car je trouve agréable de partager ainsi des goûts communs.