samedi, mai 06, 2006

vendredi 5 mai

… lu, dans le numéro 53 de la revue « Accordéon & accordéonistes », un intéressant entretien avec Saïda Jawad, une jeune femme d’origine maghrébine, qui raconte sa relation passionnelle avec son accordéon à propos d’un spectacle qu’elle donne sur la scène du Splendid. A côté de quelques informations sur l’origine de son spectacle et sur la relation entre elle, son père et son accordéon, je retiens le paragraphe suivant :

« Par rapport au corps, l’accordéon est un rempart, à la différence du jeu d’actrice où l’on met à nu ses émotions. Il y a beaucoup de pudeur dans la religion musulmane. Jouer l’actrice, c’est un peu, de manière symbolique, comme enlever le voile et montrer son visage. L’accordéon en revanche est digne, parce qu’il a un soufflet qui sert de rempart, c’est une sorte de paravent. Les émotions passent par l’instrument, par un outil, mais pas par le corps. Quand on est assis, on est vraiment caché derrière. D’une certaine manière, on n’existe plus, c’est lui la vedette ».

Je trouve intéressante cette idée que l’accordéon est comme un rempart, comme un paravent, une façon de se dévoiler tout en restant semi-masqué. Il permet de prendre des risques derrière sa protection. L’accordéon est un instrument protecteur. Mais c’est aussi un intermédiaire : il donne corps à l’émotion en permettant au corps de ne pas se dévoiler, se démasquer. On pourrait parler d’une danse ou d'une chorégraphie du soufflet. D’une certaine façon, ceux qui jouent de l’accordéon ne peuvent pas se mettre en avant. Et si certains font d’infinis efforts pour lui voler la vedette, ces efforts se sentent et c’est ainsi qu’en effet maints accordéonistes sont à la limite de la caricature par leurs contorsions. L’idée d’associer l’accordéon avec la dignité me plait assez. L'accordéon sera digne ou ne sera pas. Malgré son apparence un peu abstraite, c'est un bon critère pour distinguer entre les accordéonistes authentiques et les autres...