dimanche 17 décembre
Hier après-midi, Françoise est allée acheter un sapin de Noël chez « Jardiland ». Alors que nous étions en train de le fixer sur son support, un bruit régulier de craquements de feuilles et de branchettes attira notre attention. Un oiseau ? Non ! Un hérisson. Un peu interloqué par notre présence, il nous regarde avec méfiance, prêt à se mettre en boule au moindre danger. Mais il suffit de lui parler gentiment pour qu’il accepte de se laisser tirer le portrait.
Pendant des années, disons de l’adolescence à l’orée du troisième âge, mes arts de prédilection étaient la peinture et le dessin, dont j’apprécie tellement l’abstraction, et la photographie. Je suis entré dans ces arts par Picasso, pour la peinture, Guernica ! Léonard de Vinci et Dürer pour le dessin, Cartier-Bresson, Klein et Doisneau pour la photographie. Il n’y avait dans ma famille ni mélomanes, ni musiciens et ma scolarité ne m’a jamais permis de rencontrer le plaisir musical. Bref, il y a peu de temps, trois années environ, j’ai décidé de me passionner pour l’accordéon. Au point de départ, l’improbable rencontre au rayon jazz d’une grande surface avec le disque du « Richard Galliano Quartet », « New Musette ». Rencontre d’abord graphique et conceptuelle : le dessin de l’édition « Label Bleu » de 1991 m’intrigue et m’attire ; le concept de « New Musette » m’étonne et excite ma curiosité. L’écoute de ce disque fut une telle révélation que je décidai sur le champ de me passionner pour l’accordéon. J’avais d’emblée pressenti les plaisirs infinis que je devais y trouver.
Je suis frappé aujourd’hui par la différence radicale, quant à la posture, entre l’écoute musicale et la contemplation d’œuvres graphiques ou photographiques. Une peinture, un dessin, une photographie sont des objets qui instituent un espace pour un spectateur potentiel, mais celui-ci est libre d’organiser son plaisir esthétique en les parcourant à sa guise. L’espace est là. La durée du parcours est libre. En revanche, l’écoute musicale laisse une liberté relative quant à l’espace, la position et la posture de l’auditeur, mais sa durée est imposée par l’œuvre même. Pendant longtemps, j’ai eu des difficultés à accepter d’entrer ainsi dans le temps de l’œuvre, alors que mon expérience esthétique m’avait fait apprécier tout au contraire cette maitrise de la durée et du parcours de la contemplation des œuvres d’art graphiques.
J’ai du mal parfois à comparer des œuvres tellement je me sens pris par le temps propre à chacune d’entre elles et je me demande si la comparaison n’impliquerait pas un détour par l’espace de l’écrit, de la partition. Détour par l’espace dont, comme pour l’œuvre graphique, on peut alors maitriser la durée que l’on se donne pour le parcourir. Question à poser à des musiciens et à des amateurs de musique.
En tout cas, cette question des rapports entre d'une part l'espace et le temps, en particulier la durée, et d'autre part la posture de l'écoutant ou du spectateur me parait être fondamentale dans l'expérience esthétique et en partie fondatrice de celle-ci.
... continué à écouter David Krakauer, en particulier "Live in Krakow". A propos de posture, impossible de rester assis. A propos d'espace, impossible de s'en tenir à un petit périmètre. Je l'écoute comme une musique très codée, ce codage, qui structure sa durée, n'affectant en rien son énergie inextinguible. En même temps, j'essaie d'avoir une oreille sélective pour les interventions de Will Hoshouser. Mais pour l'écouter vraiment, le mieux est encore de reprendre son disque, enregistré en 2004 :
- "Singing To A Bee", Will Holshouser Trio.
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