vendredi 10 août
L’essentiel de ma culture esthétique a eu pour objet la peinture, puis la photographie. J’ai même essayé de les pratiquer, mais sans jamais pouvoir y consacrer ni le temps ni l’assiduité nécessaire. Sans doute ne suis-je pas suffisamment obsessionnel pour cela. Ce n’est qu’il y a peu, quatre années, que j’ai décidé, je ne me rappelle plus pour quelle raison, de me passionner pour l’accordéon sous presque toutes ses formes. Si la raison m’échappe, je me souviens parfaitement avoir décidé délibérément de me passionner pour l’accordéon, ce qui peut paraître paradoxal tant il est convenu de séparer la décision volontaire et les élans de la passion, mais c’est bien ainsi que les choses ont eu lieu. Cette passion volontaire a cependant eu d’emblée des limites infranchissables, c’est pourquoi je parlais plus haut de l’accordéon sous presque toutes ses formes. J’avoue en effet que les contorsionnistes au sourire éclatant qui se mettent en quatre pour s’attirer les applaudissements de leurs auditeurs sont hors champ. Ce sont souvent les mêmes qui semblent vouloir justifier leur cachet en exhibant le nombre faramineux de notes jouées dans la soirée. Cet hors champ aussi est délibéré.
Même si je ne me donne pas aujourd’hui le temps d’y réfléchir un peu profondément, je voudrais garder trace d’une remarque qui m’est souvent venue à l’esprit, à savoir que si l’on compare deux situations comme une exposition de peintures ou de photographies et un concert, on ne peut pas ne pas observer que dans le cas de l’exposition le spectateur est libre de parcourir l’œuvre de son choix au rythme, suivant la durée et les déplacements qui lui conviennent, alors que dans un concert la place est fixe et le rythme comme la durée d’audition sont imposés par la manifestation de l’œuvre même. Je ne suis pas capable à l’heure actuelle de théoriser cette différence, mais j’ai l’intuition qu’elle est essentielle. L’appropriation de l’œuvre passe par des réglages de mouvements et par des tâtonnements dans l’espace dans le cas de la peinture ou de la photographie. Il n’est pas de coutume de placer des chaises ou des sièges devant un tableau ou une photographie accrochés aux cimaises d’une galerie ou aux murs d’un musée. L’appropriation de l’œuvre musicale, pour l’auditeur, passe par un certain silence du corps, par une certaine immobilité et par une certaine attitude qui consiste d’abord à se laisser informer par celle-ci tout au long de son déroulement. Dans l’une et l’autre expérience esthétique, le rapport à la durée et à l’espace est radicalement différent, quasi inversé.
Je parle bien entendu de situations où l’expérience esthétique consiste en une relation avec une œuvre concrète, un tableau ou une photographie exposés, un morceau donné en concert. Ce serait autre chose avec des reproductions, comme par exemple un morceau enregistré sur un disque ou une photographie, même au format original, ou a fortiori un tableau en réduction publiés dans un livre.
Même si je ne me donne pas aujourd’hui le temps d’y réfléchir un peu profondément, je voudrais garder trace d’une remarque qui m’est souvent venue à l’esprit, à savoir que si l’on compare deux situations comme une exposition de peintures ou de photographies et un concert, on ne peut pas ne pas observer que dans le cas de l’exposition le spectateur est libre de parcourir l’œuvre de son choix au rythme, suivant la durée et les déplacements qui lui conviennent, alors que dans un concert la place est fixe et le rythme comme la durée d’audition sont imposés par la manifestation de l’œuvre même. Je ne suis pas capable à l’heure actuelle de théoriser cette différence, mais j’ai l’intuition qu’elle est essentielle. L’appropriation de l’œuvre passe par des réglages de mouvements et par des tâtonnements dans l’espace dans le cas de la peinture ou de la photographie. Il n’est pas de coutume de placer des chaises ou des sièges devant un tableau ou une photographie accrochés aux cimaises d’une galerie ou aux murs d’un musée. L’appropriation de l’œuvre musicale, pour l’auditeur, passe par un certain silence du corps, par une certaine immobilité et par une certaine attitude qui consiste d’abord à se laisser informer par celle-ci tout au long de son déroulement. Dans l’une et l’autre expérience esthétique, le rapport à la durée et à l’espace est radicalement différent, quasi inversé.
Je parle bien entendu de situations où l’expérience esthétique consiste en une relation avec une œuvre concrète, un tableau ou une photographie exposés, un morceau donné en concert. Ce serait autre chose avec des reproductions, comme par exemple un morceau enregistré sur un disque ou une photographie, même au format original, ou a fortiori un tableau en réduction publiés dans un livre.
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