dimanche, avril 02, 2006

lundi 3 avril

Les fleurs des camélias jonchent le sol de taches roses et rouges, comme des gouttes de sang qui se répandent en petites flaques sur le gazon. En quelques heures leurs pétales, fripés par l’humidité de l’herbe grasse, s’éteignent. Les primevères, qui ont échappé au rasoir de la tondeuse, se redressent. Le cerisier du voisin illumine le quartier de son éclat d’une blancheur parfaite. L’une des basses branches traverse ce nuage immaculé comme un trait d’encre de Chine : elle est morte.

Depuis ce matin, j’écoute "Waltz Club" en boucle. Aujourd’hui, j’ai une affection particulière pour Indifférence, Valse nostalgique, La Ballade irlandaise et Padam. Un accord indéfinissable entre ces mélodies et l’humeur du jour.

Je suis frappé, d’écoute en écoute, par l’unité des différents titres et par l’homogénéité des interprétations, comme les différentes facettes d’un même objet. Chaque fois, j’attends l’intervention de Marcel Azzolla et chaque fois j’en admire la justesse. Je dois dire d’ailleurs que ce sentiment s’appliquerait également aux trois autres musiciens. J’apprécie beaucoup quand un disque installe ainsi un monde, une sensibilité, une couleur du temps à vivre. Bien entendu, le plaisir esthétique que j’éprouve tient d’abord aux qualités d’artistes des membres du quartet, mais j’ai bien conscience qu’une partie de ce plaisir tient aussi à leurs qualités d’artisans : c’est du travail bien fait !

J’aime bien aussi la variété des compositeurs convoqués pour ce disque :

- Marcel Azzolla
- Frédéric Chopin
- Didier Lockwood
- Dimiti Naïditch
- Giuseppe Verdi
- Tony Murena & Joseph Colombo
- Martin Taylor
- Toots Thielemans
- Serge Gainsbourg
- Jo Privat
- Vincent Scotto
- Jean-Philippe Viret
- Gus Viseur

- … et le thème de Cendrillon

Eclectique mais sans disparité !

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… écouté à quatre reprises, entre 23 heures et minuit, les deux versions de Vague / E la nave va, que l’on trouve respectivement dans les deux disques suivants d’Anouar Brahem :


- "Khomsa", Anouar Brahem, oud, Richard Galliano, accordéon, François Couturier, piano, synthétiser, Jean-Marc Larché, saxo soprano, Béchir Selmi, violon, Palle Danielsson, contrebasse, Jon Christensen, batterie, 1995, Ecm.
- "Le voyage de Sahar", Anouar Brahem, oud, François Couturier, piano, Jean-Louis Matinier, accordéon, 2006, Ecm

Ces écoutes multiples pour deux raisons. D’abord, parce que j’ai envie de saisir les différences entre ces deux interprétations, et ce n’est pas si simple, ensuite parce que j’y trouve un je-ne-sais-quoi de fascinant et pour ainsi dire d’envoûtant. L’une de ces deux versions est plus intimiste, l’autre plus brillante ; dans l’un et l’autre cas, le pouvoir quasi hypnotique est le même. Evocations : les vibrations de l’air juste au lever du jour à Ouarzazate, à Erfoud, à Zagora ou à Goulimine ; le flux et le reflux des vagues juste après le coucher du soleil, un soir sans nuages, à Hossegor, en novembre. L’horizon est verdâtre. Il n’y a alentour pas âme qui vive. Simplement l’immensité de la terre ou de l’océan et la quasi présence du soleil : on croit le voir déjà, on croit le voir encore. Il fait presque froid et le vent soulève des petits tourbillons de poussière, de sable fin ou d’écume.