jeudi, juin 15, 2006

jeudi 15 juin

Parmi les trois disques de l’anthologie de Raul Barboza édités par La Lichère en 1999, un surtout me parait parfait, en particulier au plan émotionnel, tant la communion avec le public est intense, comme le prouvent les huit minutes de « La Foule ». J’imagine que ce jour-là un grand nombre des participants, peut-être tous, ont dû faire l’expérience de ce que l’on appelle « la chair de poule ». Ce disque, c’est le troisième, « Live at Montagny, Carrefour Mondial de l’Accordéon, 5 septembre 1998 ».

Citons le trio : Raul Barboza, accordéon ; Norberto Pedreira, guitare ; Minino Garay, percussions.

Mais pendant que j’écoute « La tierra sin mal », je relis le livret de présentation et au fil de cette lecture j’ai plaisir à noter ce qui suit :

- Raul Barboza joue sur un accordéon diatonique Saltarelle offert par la boîte d’accordéon… Cette information m’intéresse et m’amuse. Pourquoi est-elle donnée ainsi ? Simple affaire de publicité pour le magasin ou indice d’une connivence, voire d’une amitié, avec les gens de cette boîte ? J’imagine de la complicité…
- L’accordéon de Raul Barboza […] sent la terre ; son phrasé a la fluidité touffue, luxuriante du végétal… Les mélodies de Raul Barboza parlent sur une tonalité tellurique… Au même titre que la tomate, le maïs, le piment, le tabac et le chocolat, la musique de Raul Barboza est un des meilleurs fruits que le Nouveau Monde puisse tendre à la rencontre de l’Ancien (Pierre Monette). J’avoue que ces images me parlent immédiatement : il y a quelque chose de profondément terrien chez Barboza, un enracinement si profond et si authentique qu’il a une dimension immédiatement universelle. Partout où il passe, on sent bien que c’est un citoyen du monde parce qu’il est d’abord de quelque part.
- Pierre Monette, citant largement Patrick Tandin, écrit aussi que Raul Barboza est en prise directe avec le quotidien, que pour lui l’art doit s’intégrer au quotidien, qu’il ne doit pas être un fait exceptionnel. Il ajoute que Barboza c’est ça : son travail, il l’accomplit humblement, comme une tâche quotidienne. Comme un boulanger qui doit se lever tous les jours à des heures impossibles afin de préparer la pâte pour que, quand les gens se réveillent, ils aient du pain frais. Raul fait « simplement » son boulot de musicien, comme s’il faisait partie d’une communauté, c’est son côté Indien peut-être… Comme s’il faisait partie d’une communauté où chacun a son rôle à jouer pour le bien-être de tous…

Il y a, dans cette dernière phrase, quelque écho de la philosophie stoïcienne et en particulier de cette idée que l’harmonie du monde tient à ce que chacun accomplisse au mieux son rôle : ni plus, ni moins, faire ce que l’on doit faire, au moment où l’on doit le faire. En quoi la morale et l’esthétique se retrouvent. C’est peut-être parce que l’on sent immédiatement cette profondeur éthique dans l’engagement musical de Barboza que son accordéon nous touche si fort au plan esthétique. C’est peut-être cela l’enracinement que j’évoquais ci-dessus.