mercredi 6 décembre
... en écoutant en continu les pièces de « Memories », je vérifie encore ce paradoxe, à savoir que cette écoute, outre le plaisir que j’en éprouve, contribue à parfaire, si j’ose dire, ma culture musicale, au moins en ce qui concerne l’accordéon de concert, mais aussi qu’en même temps je prends acte de sa limitation et du fait que toute connaissance nouvelle ouvre sur des interrogations, des ignorances et sur la conscience d’ouvrir sans cesse devant mes pas des horizons nouveaux à explorer. Cette idée d’ouverture infinie me remplit de joie.
Pas question de faire le tour d’une telle œuvre, pas envie non plus d’en réduire la complexité à quelque analyse sommaire, forcément sommaire. Mais pas question non plus d’écouter ces pièces comme un simple flux. Je vais donc essayer d’en garder quelques traces au plus près de mes impressions du moment et sans préjuger de ce que seront les impressions d’une prochaine écoute.
- D’abord, l’idée d’œuvre à focale variable : chaque nouvelle écoute est comme l’occasion d’explorer un nouveau plan. Je pense, par analogie avec la photographie, à ces objectifs à focale variable avec lesquels on peut passer d’un paysage englobé au grand angle à un fragment de celui-ci scruté et découpé au téléobjectif. D’une autre manière, je pense à cette « structure » extraordinaire qu’est un oignon : on enlève une première peau, une autre apparaît, puis une autre, et ainsi de suite avant d’arriver au cœur.
- J’ai apprécié la triple approche des commentaires de Philippe Lavergne : narrative, technique et sémantique, celle-ci se subdivisant en approches formelle et affective ou même empathique. Par la forme et par ses qualités de synthèse, il m’a bien accompagné dans mon écoute.
- Le premier titre « Arboris 1 » m’a paru emblématique de l’ensemble des pièces. Comme un arbre est à la fois et indissolublement unité et variété, force vitale qui se différencie en branches de formes à la fois nécessaires et aléatoires. Branches, résultat de la tension vers le soleil, des contraintes et des résistances diverses.
- Correspondances sensibles ! En même temps que j’écoutais les différentes pièces, me venait à l’esprit tout un monde d’œuvres picturales : Soulages et ses grands noirs si lumineux, Klein et ses monochromes, Pollock, Rothko, Tapies, Hartung, Michaux, Zao Wou Ki. L’ensemble des « Lost Coast Memories » m’a fait penser à des interventions de Christo sur des paysages de Californie et plus généralement à des travaux de plasticiens relevant du Land Art.
- J’ai repensé à la distinction de Barthes pour qui le plaisir accompli procuré par une œuvre d’art relève de la conjonction de ce qu’il appelle le studium (dimension cognitive, ce qu’on apprend en termes de connaissances) et le punctum (dimension émotionnelle, ce qui nous saisit, nous transperce d’un seul trait). Studium : le livret, la préface, la liste des interprètes. Punctum : la tension sonore, l’attente et sa détente, le jeu des interprètes.
- Je reviens au commentaire : sa lecture m’a intéressé et éclairé. Il m’a orienté vers une écoute que je dirais ciblée, sans pour autant en exclure d’autres, ni brider mon imagination. En un mot, il m’a aidé, je disais plus haut accompagné, sans m’empêcher de « me faire mon film ».
- Les interprètes m’ont paru fidèles à l’inspiration du compositeur, tout en gardant leur caractère d’interprètes singuliers, c’est-à-dire capables de donner forme à ce qui sans eux resterait virtuel. Parfois, je me disais que j’aurais bien aimé pouvoir écouter plusieurs interprétations de la même pièce, non pour le projet vain de les comparer pour les classer les uns par rapport aux autres, mais pour percevoir des nuances, pour participer à d’autres lectures de celle-ci. L’un et le multiple dirait le philosophe.
- Il m’a semblé comprendre que la composition obéissait à des règles formelles strictes et a priori. On saisit bien, à l’écoute des différentes pièces, que des règles de ce type ne brident en rien la créativité. Tout au contraire, elles en sont la condition sine qua non. Tout le problème du compositeur, ce qui est le cas ici, étant de se donner de bonnes règles, de bonnes formes. Paradoxalement, c’est la rigueur des règles qui donne lieu à la prolifération des formes, qui est la condition de leur vitalité. Monde étrange où la présence manifeste de règles et de contraintes formelles suscite l’attente, la surprise, la tension et l’éveil.
- « Memories », c’est un monde. Pour m’immerger dans ce monde, il me faut des conditions particulières : casque, yeux mi-clos pour filtrer les sensations extérieures, un stylo et du papier pour noter à la volée un mot, une image, une ébauche d’idée, qu’il me faut fixer dans l’instant sous peine de perdre ma disponibilité. D’autres musiques s’écoutent avec des baffles, d’autres encore seulement en direct… Celle-ci, pour moi, exige le casque et la pénombre. L’isolement. Cela réactive mon « vieux fantasme » : écouter une musique comme « Memories » dans une chapelle isolée en moyenne montagne et ouverte sur les sommets des Pyrénées…
- D’ores et déjà, une chose est sûre : je n’ai pas fini d’écouter les douze pièces de « Memories »… J'aurais pu passer à côté de tels plaisirs, éprouvés et à éprouver... Tout de même, il faut savoir profiter d'une telle chance... comme aurait pu dire Epicure !
Pas question de faire le tour d’une telle œuvre, pas envie non plus d’en réduire la complexité à quelque analyse sommaire, forcément sommaire. Mais pas question non plus d’écouter ces pièces comme un simple flux. Je vais donc essayer d’en garder quelques traces au plus près de mes impressions du moment et sans préjuger de ce que seront les impressions d’une prochaine écoute.
- D’abord, l’idée d’œuvre à focale variable : chaque nouvelle écoute est comme l’occasion d’explorer un nouveau plan. Je pense, par analogie avec la photographie, à ces objectifs à focale variable avec lesquels on peut passer d’un paysage englobé au grand angle à un fragment de celui-ci scruté et découpé au téléobjectif. D’une autre manière, je pense à cette « structure » extraordinaire qu’est un oignon : on enlève une première peau, une autre apparaît, puis une autre, et ainsi de suite avant d’arriver au cœur.
- J’ai apprécié la triple approche des commentaires de Philippe Lavergne : narrative, technique et sémantique, celle-ci se subdivisant en approches formelle et affective ou même empathique. Par la forme et par ses qualités de synthèse, il m’a bien accompagné dans mon écoute.
- Le premier titre « Arboris 1 » m’a paru emblématique de l’ensemble des pièces. Comme un arbre est à la fois et indissolublement unité et variété, force vitale qui se différencie en branches de formes à la fois nécessaires et aléatoires. Branches, résultat de la tension vers le soleil, des contraintes et des résistances diverses.
- Correspondances sensibles ! En même temps que j’écoutais les différentes pièces, me venait à l’esprit tout un monde d’œuvres picturales : Soulages et ses grands noirs si lumineux, Klein et ses monochromes, Pollock, Rothko, Tapies, Hartung, Michaux, Zao Wou Ki. L’ensemble des « Lost Coast Memories » m’a fait penser à des interventions de Christo sur des paysages de Californie et plus généralement à des travaux de plasticiens relevant du Land Art.
- J’ai repensé à la distinction de Barthes pour qui le plaisir accompli procuré par une œuvre d’art relève de la conjonction de ce qu’il appelle le studium (dimension cognitive, ce qu’on apprend en termes de connaissances) et le punctum (dimension émotionnelle, ce qui nous saisit, nous transperce d’un seul trait). Studium : le livret, la préface, la liste des interprètes. Punctum : la tension sonore, l’attente et sa détente, le jeu des interprètes.
- Je reviens au commentaire : sa lecture m’a intéressé et éclairé. Il m’a orienté vers une écoute que je dirais ciblée, sans pour autant en exclure d’autres, ni brider mon imagination. En un mot, il m’a aidé, je disais plus haut accompagné, sans m’empêcher de « me faire mon film ».
- Les interprètes m’ont paru fidèles à l’inspiration du compositeur, tout en gardant leur caractère d’interprètes singuliers, c’est-à-dire capables de donner forme à ce qui sans eux resterait virtuel. Parfois, je me disais que j’aurais bien aimé pouvoir écouter plusieurs interprétations de la même pièce, non pour le projet vain de les comparer pour les classer les uns par rapport aux autres, mais pour percevoir des nuances, pour participer à d’autres lectures de celle-ci. L’un et le multiple dirait le philosophe.
- Il m’a semblé comprendre que la composition obéissait à des règles formelles strictes et a priori. On saisit bien, à l’écoute des différentes pièces, que des règles de ce type ne brident en rien la créativité. Tout au contraire, elles en sont la condition sine qua non. Tout le problème du compositeur, ce qui est le cas ici, étant de se donner de bonnes règles, de bonnes formes. Paradoxalement, c’est la rigueur des règles qui donne lieu à la prolifération des formes, qui est la condition de leur vitalité. Monde étrange où la présence manifeste de règles et de contraintes formelles suscite l’attente, la surprise, la tension et l’éveil.
- « Memories », c’est un monde. Pour m’immerger dans ce monde, il me faut des conditions particulières : casque, yeux mi-clos pour filtrer les sensations extérieures, un stylo et du papier pour noter à la volée un mot, une image, une ébauche d’idée, qu’il me faut fixer dans l’instant sous peine de perdre ma disponibilité. D’autres musiques s’écoutent avec des baffles, d’autres encore seulement en direct… Celle-ci, pour moi, exige le casque et la pénombre. L’isolement. Cela réactive mon « vieux fantasme » : écouter une musique comme « Memories » dans une chapelle isolée en moyenne montagne et ouverte sur les sommets des Pyrénées…
- D’ores et déjà, une chose est sûre : je n’ai pas fini d’écouter les douze pièces de « Memories »… J'aurais pu passer à côté de tels plaisirs, éprouvés et à éprouver... Tout de même, il faut savoir profiter d'une telle chance... comme aurait pu dire Epicure !
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