mercredi 24 janvier
… ainsi donc mardi soir nous avons eu l’occasion d’écouter Richard Galliano et son Quartet Tangaria au New Morning pour la sortie de l’album « Luz Negra ».
Avant de choisir quelques photographies comme trace de notre parcours et de notre séjour à Paris, avant de laisser émerger quelques impressions, aujourd’hui, je voudrais essayer de m’en tenir aux faits.
Vers 19 heures, nous sommes allés reconnaître les lieux : quartier de la gare de l’Est, du boulevard de Strasbourg, de la rue du Faubourg Saint Denis. La rue du Château d’Eau, qui mène à la rue des Petites Ecuries, semble dédiée à la coiffure afro. Les boutiques se succèdent sans discontinuer. L’entrée du New Morning ressemble à un portail d’entrepôt couvert d’affiches de concerts. Je pousse la porte métallique et étroite qui ouvre sur un couloir étroit jusqu’à la scène déjà éclairée. Un parterre rond, une mezzanine surélevée de deux marches, quelques tables de bistrot. Ambiance « noir et rouge » avec des photographies de jazzmen aux murs. On me dit que les portes ouvriront à 20 heures. Au retour vers l’hôtel, nous sommes frappés par la présence policière.
A vingt heures donc, malgré le froid et le vent, nous sommes parmi les dix premières personnes à attendre l’ouverture des portes. Le froid est tel qu’on nous laisse entrer dans le couloir. A 20h30, ouverture de la caisse. Avec nos billets déjà en poche, nous passons dans les tout premiers et nous avons tout le temps de choisir deux places qui nous paraissent idéales. Au bord de la mezzanine, à gauche de la scène et de l’accordéon de Galliano, deux chaises et une table où nous nous faisons apporter une bière, un Martini bianco et deux sandwiches. Nous sommes à moins de dix mètres des instruments.
A 21h20, alors que la petite salle si chaleureuse est pleine comme un œuf et que les conversations font une sorte de bruissement, Richard Galliano suivi de ses trois collègues entre sur la scène. Ils s’installent, il prend son accordéon et c’est parti. Une énergie qui emporte tout sur son passage, qu’il s’agisse du leader, bien sûr, mais aussi d’Alexis Cardenas au violon, de Raphaël Mejias aux percussions, surtout au cajon, ou de Philippe Aerts à la contrebasse. Jamais nous n’avions eu un si bon son pour Mejias et Aerts. Pas d’effets de lumières, pas de poursuites lumineuses. Durant tout le concert, une ambiance intimiste : quelques projecteurs éclairent de manière égale et si j’ose dire avec discrétion la scène et les musiciens.
Après trois morceaux, Richard Galliano prend la parole pour présenter son quartet et donner les titres. Il est très essoufflé au point de ne pouvoir que difficilement articuler ses phrases. Il semble fatigué, il a quelques trous de mémoire sur les titres et même sur le nom de son violoniste. Il s’en amuse. « C’est ma journée Alzheimer », dit-il. Mais dès qu’il reprend son instrument, le corps à corps recommence et jusqu’à la fin du concert la prestation ne laissera jamais apparaître cette fatigue. Tout au plus, une confidence : « je crois que je suis fatigué et puis j’ai mal au dos ». J’avoue que je suis touché par cette sorte de double face : l’homme fatigué, essoufflé, qui cherche ses mots entre les morceaux, et puis, sans transition, cette manière d’empoigner son Victoria et de lui faire rendre tout ce qu’il a dans le ventre avec la complicité des trois autres. Je note trois mouvements des pieds de Richard Galliano : posés bien à plat, avec le pied gauche qui marque la mesure, ou bien sur les talons, comme pour s’enraciner dans le sol et y puiser l’énergie nécessaire, ou encore sur la pointe des pieds, comme pour monter encore plus haut…
Je reviendrai sur le répertoire.
Final à 23h30, après trois rappels. On reste évidemment sous le coup de l’émotion. Pour en garder une trace matérielle, outre les photographies, nous achetons en avant-première le cd, « Luz Negra », pour la somme de 20 euros.
Vers 23h45, nous commandons une dernière bière dans un bistrot, dont le patron apprécie le jazz et Galliano. Il ouvre la salle de restaurant à des groupes de jazz, tous les dimanches soirs. Il nous invite à venir. Nous le remercions sans lui dire que depuis Pau, ça fait un peu loin. En tout cas nous parlons du disque et le moment est sympathique.
Pendant le concert, j’ai pu noter le programme qui, bien évidemment ne reprend pas exactement l’album. Au sujet de l’album précisément, Galliano insiste sur son titre qui court-circuite « Tango et Aria, dans le style de Bach » et sur la variété, voire l’éclectisme, des morceaux choisis. Il me semble qu’il y a comme une relecture de son parcours et de ses influences à travers le prisme de la musique sud-américaine.
Le programme donc :
- Tangaria
- Laurita
- Fou rire
- Chat pitre
- Tango pour Claude
- Barbara (en solo)
- Une interprétation « vénézuélienne » de Bach (une gigue) par Cardenas et Mejias
- Libertango (improvisation en solo)
- Spleen (accordina, puis accordéon, et contrebasse de Philippe Aerts)
- Luz Negra
- Gnossienne n°3
- Indifférence
- Sanfona
- Escualo
- New York Tango (premier rappel)
- Les forains (deuxième rappel)
- Fou rire (troisième rappel)
Un dernier mot pour noter la tenue noire des quatre musiciens. Très classe !
Ce concert fera partie, c’est certain, de mes souvenirs, mais bien plus encore de ce que j’appelle des « moments incorporés ». La différence est la suivante : un souvenir est toujours un « objet » par rapport à nous. Même si c’est de nous qu’il s’agit, même s’il s’agit de souvenirs heureux, le seul fait de les évoquer les met à distance de l’instant présent. Se les rappeler, c’est en même temps savoir qu’ils ne sont plus et ne seront plus jamais. Un moment incorporé, c’est un moment vécu avec une telle intensité qu’il fait partie à tout jamais de soi-même. Il est présent, physiquement, corporellement, de toute éternité, même si on ne l’évoque pas consciemment, mentalement. Il fait partie intégrante et indissociable de notre vie même. Il y a des moments ainsi qui donnent forme et tonalité à notre vie.
Avant de choisir quelques photographies comme trace de notre parcours et de notre séjour à Paris, avant de laisser émerger quelques impressions, aujourd’hui, je voudrais essayer de m’en tenir aux faits.
Vers 19 heures, nous sommes allés reconnaître les lieux : quartier de la gare de l’Est, du boulevard de Strasbourg, de la rue du Faubourg Saint Denis. La rue du Château d’Eau, qui mène à la rue des Petites Ecuries, semble dédiée à la coiffure afro. Les boutiques se succèdent sans discontinuer. L’entrée du New Morning ressemble à un portail d’entrepôt couvert d’affiches de concerts. Je pousse la porte métallique et étroite qui ouvre sur un couloir étroit jusqu’à la scène déjà éclairée. Un parterre rond, une mezzanine surélevée de deux marches, quelques tables de bistrot. Ambiance « noir et rouge » avec des photographies de jazzmen aux murs. On me dit que les portes ouvriront à 20 heures. Au retour vers l’hôtel, nous sommes frappés par la présence policière.
A vingt heures donc, malgré le froid et le vent, nous sommes parmi les dix premières personnes à attendre l’ouverture des portes. Le froid est tel qu’on nous laisse entrer dans le couloir. A 20h30, ouverture de la caisse. Avec nos billets déjà en poche, nous passons dans les tout premiers et nous avons tout le temps de choisir deux places qui nous paraissent idéales. Au bord de la mezzanine, à gauche de la scène et de l’accordéon de Galliano, deux chaises et une table où nous nous faisons apporter une bière, un Martini bianco et deux sandwiches. Nous sommes à moins de dix mètres des instruments.
A 21h20, alors que la petite salle si chaleureuse est pleine comme un œuf et que les conversations font une sorte de bruissement, Richard Galliano suivi de ses trois collègues entre sur la scène. Ils s’installent, il prend son accordéon et c’est parti. Une énergie qui emporte tout sur son passage, qu’il s’agisse du leader, bien sûr, mais aussi d’Alexis Cardenas au violon, de Raphaël Mejias aux percussions, surtout au cajon, ou de Philippe Aerts à la contrebasse. Jamais nous n’avions eu un si bon son pour Mejias et Aerts. Pas d’effets de lumières, pas de poursuites lumineuses. Durant tout le concert, une ambiance intimiste : quelques projecteurs éclairent de manière égale et si j’ose dire avec discrétion la scène et les musiciens.
Après trois morceaux, Richard Galliano prend la parole pour présenter son quartet et donner les titres. Il est très essoufflé au point de ne pouvoir que difficilement articuler ses phrases. Il semble fatigué, il a quelques trous de mémoire sur les titres et même sur le nom de son violoniste. Il s’en amuse. « C’est ma journée Alzheimer », dit-il. Mais dès qu’il reprend son instrument, le corps à corps recommence et jusqu’à la fin du concert la prestation ne laissera jamais apparaître cette fatigue. Tout au plus, une confidence : « je crois que je suis fatigué et puis j’ai mal au dos ». J’avoue que je suis touché par cette sorte de double face : l’homme fatigué, essoufflé, qui cherche ses mots entre les morceaux, et puis, sans transition, cette manière d’empoigner son Victoria et de lui faire rendre tout ce qu’il a dans le ventre avec la complicité des trois autres. Je note trois mouvements des pieds de Richard Galliano : posés bien à plat, avec le pied gauche qui marque la mesure, ou bien sur les talons, comme pour s’enraciner dans le sol et y puiser l’énergie nécessaire, ou encore sur la pointe des pieds, comme pour monter encore plus haut…
Je reviendrai sur le répertoire.
Final à 23h30, après trois rappels. On reste évidemment sous le coup de l’émotion. Pour en garder une trace matérielle, outre les photographies, nous achetons en avant-première le cd, « Luz Negra », pour la somme de 20 euros.
Vers 23h45, nous commandons une dernière bière dans un bistrot, dont le patron apprécie le jazz et Galliano. Il ouvre la salle de restaurant à des groupes de jazz, tous les dimanches soirs. Il nous invite à venir. Nous le remercions sans lui dire que depuis Pau, ça fait un peu loin. En tout cas nous parlons du disque et le moment est sympathique.
Pendant le concert, j’ai pu noter le programme qui, bien évidemment ne reprend pas exactement l’album. Au sujet de l’album précisément, Galliano insiste sur son titre qui court-circuite « Tango et Aria, dans le style de Bach » et sur la variété, voire l’éclectisme, des morceaux choisis. Il me semble qu’il y a comme une relecture de son parcours et de ses influences à travers le prisme de la musique sud-américaine.
Le programme donc :
- Tangaria
- Laurita
- Fou rire
- Chat pitre
- Tango pour Claude
- Barbara (en solo)
- Une interprétation « vénézuélienne » de Bach (une gigue) par Cardenas et Mejias
- Libertango (improvisation en solo)
- Spleen (accordina, puis accordéon, et contrebasse de Philippe Aerts)
- Luz Negra
- Gnossienne n°3
- Indifférence
- Sanfona
- Escualo
- New York Tango (premier rappel)
- Les forains (deuxième rappel)
- Fou rire (troisième rappel)
Un dernier mot pour noter la tenue noire des quatre musiciens. Très classe !
Ce concert fera partie, c’est certain, de mes souvenirs, mais bien plus encore de ce que j’appelle des « moments incorporés ». La différence est la suivante : un souvenir est toujours un « objet » par rapport à nous. Même si c’est de nous qu’il s’agit, même s’il s’agit de souvenirs heureux, le seul fait de les évoquer les met à distance de l’instant présent. Se les rappeler, c’est en même temps savoir qu’ils ne sont plus et ne seront plus jamais. Un moment incorporé, c’est un moment vécu avec une telle intensité qu’il fait partie à tout jamais de soi-même. Il est présent, physiquement, corporellement, de toute éternité, même si on ne l’évoque pas consciemment, mentalement. Il fait partie intégrante et indissociable de notre vie même. Il y a des moments ainsi qui donnent forme et tonalité à notre vie.
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