dimanche, février 04, 2007

dimanche 4 février

Tout en écoutant l’album de J. Molard, « Acoustic Quartet », je parcours l’ensemble de l’emboîtage pour y repérer quelques indices.

- « Jacky Molard Acoustic Quartet », Innacor Records / L’Autre distribution, 2006.

En couverture, le titre « Acoustic Quartet ». Indices : acoustic quartet et non quartet acoustique. Quartet et non quartette. Connotations anglo-saxonnes. Quartet et non quatuor. Connotations jazzy.

Au dos, les titres manifestent l’esprit d’éclectisme des compositions, toutes de Jacky Molard, hormis un morceau traditionnel dont il a fait l’arrangement. Exemples de ces titres : « Tigidum », « Kudel », « Iasi », « Nishka Bania », « As Crechas », « Un jour perdu », « Just Around the Window », « Marche des gens qui s’en vont ».

L’ensemble se présente comme une composition très architecturée : une introduction (I), une suite 1 (titres II à VII), une suite 2 (VIII à X), une conclusion (XI).

S’ajoute un reportage vidéo de 10 :26 minutes, reportage situé en Centre-Bretagne. Ancrage nullement incompatible avec la tonalité jazzy revendiquée en titre général. Ancrage, enracinement et ouverture. Dépassement des contradictions apparentes.

Le quartet : Jacky Molard, violon & alto, Yannick Jory, saxophones soprano & alto, Hélène Labarrière, contrebasse, Janick Martin, accordéon diatonique. Je situe Jacky Molard par rapport à Erik Marchand avec qui il a collaboré sur plusieurs disques, notamment « Pruna » (Erik Marchand et les Balkaniks) et « Unu Daou Tri Chtar » (quatuor : chant, taragot, violon, alto & contrebasse, et accordéon).

Au fur et à mesure des écoutes, à côté de morceaux où le saxophone donne clairement la couleur jazzy, un titre se détache, qui me touche particulièrement : « VII. Pifarello », 7 :33. Je pense à Anouar Brahem. J’y retrouve ce rythme propre à la méditation qu’on trouve dans « Le pas du chat noir » ou « Le voyage de Sahar ».

Parmi les indices qui me font sourire et que, je l’avoue, je trouve un peu ridicules, j’en note deux :

- la bande publicitaire au bas de la couverture. Comme d’habitude pour les disques de ce distributeur, c’est dithyrambique. Je m’en tiens aux trois dernières lignes : « Une musique euphorisante, au son unique, dense, véloce et pétillant, les musiques Bretonnes, Irlandaises et Jazz se marient en noces sublimes, un album d’une extrême richesse ». Heureusement qu’on ne prend pas ce type de texte trop au sérieux, car ce pourrait être de nature à suggérer un doute. Trop de dithyrambe tue l’éloge.
- le texte de présentation du livret, intitulé « L’ensemble vraisemblable », me parait vide, creux et, pour tout dire, amphigourique. Rappel : amphigourique se dit de ce qui tient de l’amphigouri. Synonymes : alambiqué, embrouillé, incompréhensible. Amphigouri : discours burlesque rempli de galimatias. Je m’en tiens à la conclusion : « La musique du quartet de Jacky Molard est celle de la dignité de l’être ». L’ensemble est du même tonneau. Trop, c’est trop. Parfois, il vaudrait mieux laisser la musique dire, dans son langage, ce qu’elle a à dire, et s’adresser directement à nos émotions, sans l’affubler de commentaires vains, qui pourraient servir à habiller à peu près n’importe quelle œuvre musicale.

J’ai examiné d’un peu près ces indices, car il me semble qu’ils font partie de l’écoute. Dès que l’on en a pris conscience, ils orientent d’une certaine manière l’attention et l’attente. Ici, en l’occurrence, il me semble qu’il faut savoir faire le tri entre des informations significatives et d’autres, comme celles que je viens de citer, qu’il faut être capable de mettre entre parenthèse pour construire un rapport authentique avec l’œuvre. Cette authenticité ne se confond pas avec quelque rapport immédiat. Elle doit être construite patiemment ; elle n’est pas donnée. C’est en cela que l’écoute est un problème. Pour reprendre le vocabulaire de Barthes, le plaisir de l'écoute ne relève pas seulement du punctum, il met aussi en jeu le studium, qui peut être à la fois médiateur ou obstacle.