mardi 29 janvier - "êtes-vous bien accepté ?"
Pendant une semaine environ, ma messagerie a dysfonctionné à cause d’un serveur défaillant. Hier matin, j’ai pu cependant recevoir un message de Sylvie Jamet m’informant de l’existence d’une émission du 22 janvier (20h-22h) sur France-Musique, « Un mardi idéal », qui pouvait être écoutée jusqu’à ce jour. Dans cette émission d’Arièle Butaux, un moment était consacré à l’accordéoniste classique, Mélanie Brégand, qui y interprétait deux morceaux :
- Mendelssohn, choral et variations, extrait de la sonate n°6 pour orgue
- Sofia Gubaidulina, extrait de la sonate pour accordéon « Et expecto »
Le temps consacré à Mélanie Brégand était relativement court, mais au moins il avait le mérite d’exister. Je note cependant que le premier morceau est une transcription d’une œuvre pour orgue, comme s’il fallait d’abord légitimer l’accordéon. Je dois dire que les échanges qui ont eu lieu à propos de la pratique de Mélanie Brégand et de son instrument m’ont à la fois intéressé et réjoui. Les personnes présentes dans le studio étaient toutes, à des titres divers – concertiste, journaliste spécialisé, professeur -, des professionnels du monde de la musique. C’étaient des personnes ouvertes à l’information et bienveillantes, je veux dire sans a priori négatifs, à l’égard de l’accordéon. Leurs questions m’ont étonné. Ils se demandaient et demandaient à Mélanie Brégand où en était la filière de formation à l’accordéon classique, si la classe de musique de chambre était ouverte à l’accordéon, avec qui et comment elle avait l’occasion de jouer, si elle trouvait des compositeurs disposés à créer pour son instrument, etc… L’un des participants, par exemple, lui demanda si elle était bien acceptée, un autre parla des cloisons qui existent encore, une autre encore avoua, en tant que professeur, qu’elle ignorait quasiment l’existence d’une classe de perfectionnement en accordéon, alors qu’elle connaissait bien l’équivalente à Moscou. On parla aussi d’un commun accord des possibilités encore inexploitées de l’accordéon, de domaine encore inconnu, de méconnaissance de la part du monde classique et de certains a priori tenaces ; Mélanie Brégand expliqua qu’elle devait prochainement présenter son instrument en classes de composition, pour susciter des vocations, je suppose, ou au moins pour déclencher un travail créatif ; elle fit part de ses projets : créations originales, transcriptions, associations avec d’autres instrumentistes… labellisés classiques.
J’ai retenu aussi cette notion, qui m’a paru pleine de pertinence, à savoir que l’accordéon, suivant l’expression d’un participant, n’est pas « connoté », expression reprise et affirmée avec force et conviction. Cela voulait dire, m’a-t-il semblé, qu’il est tellement exotique que les autres instrumentistes classiques ignorent à peu près tout de lui. Un instrument venu d'ailleurs...
Cette émission m’a réjoui, car je l’ai perçue comme chargée d’espoirs. Des professionnels de la musique classique avouent leur ignorance quant à l’accordéon, mais ils sont tout disposés à mieux le connaître, ils lui reconnaissent des possibilités inexplorées et inexploitées et ils lui prédisent un bel avenir. Le monde des compositeurs commence à s’y intéresser…Des duos, des trios, des quatuors se forment. On en est au début de la boule de neige. Dès que la masse critique sera atteinte, alors tous ces essais se multiplieront. Forcément, l’accordéon sera l’instrument du XXIe siècle. Forcément.
Quelquefois, je me dis que le jour où, entendant le mot accordéon, les gens n’évoqueront plus une grosse boite pleine de boutons rutilants, pleine de chromes et de vernis bariolés, tenue par des gens affublés d’un sourire Email Diamant et d’un pantalon pattes d’ef., mais qu’ils imagineront un artiste vêtu de sombre, le regard fixé sur une partition, manipulant un instrument noir éclatant, ce jour-là l’accordéon aura acquis ses lettres de noblesse ou en tout cas le statut d’instrument classique à part entière. Et je me demande tout aussitôt après si ce changement d’image est possible sans la médiation de la télévision. Ce qui m’amène à me demander si ce cheminement n’implique pas en préalable que la télévision fasse place à un accordéon comme celui de Galliano, d’Azzola, de Mille, de Venitucci, d’Amestoy, de Macias, de Lassagne, etc… et à côté d’eux à des accordéonistes classiques, je pense à Bruno Maurice, que j’ai vu jouer avec Alan Bern, ou à de Ezcurra, jouant avec Roberto de Brasov, Macias ou Amestoy. Parfois, je me dis, mais je rêve, bien sûr, que Nagui pourrait être assez audacieux pour tenter ce pari, une sorte de provocation esthétique. Après tout, « Taratata » est bien diffusé sur une chaine du service public, qui a vocation à participer à la culture musicale pour tous.
- Mendelssohn, choral et variations, extrait de la sonate n°6 pour orgue
- Sofia Gubaidulina, extrait de la sonate pour accordéon « Et expecto »
Le temps consacré à Mélanie Brégand était relativement court, mais au moins il avait le mérite d’exister. Je note cependant que le premier morceau est une transcription d’une œuvre pour orgue, comme s’il fallait d’abord légitimer l’accordéon. Je dois dire que les échanges qui ont eu lieu à propos de la pratique de Mélanie Brégand et de son instrument m’ont à la fois intéressé et réjoui. Les personnes présentes dans le studio étaient toutes, à des titres divers – concertiste, journaliste spécialisé, professeur -, des professionnels du monde de la musique. C’étaient des personnes ouvertes à l’information et bienveillantes, je veux dire sans a priori négatifs, à l’égard de l’accordéon. Leurs questions m’ont étonné. Ils se demandaient et demandaient à Mélanie Brégand où en était la filière de formation à l’accordéon classique, si la classe de musique de chambre était ouverte à l’accordéon, avec qui et comment elle avait l’occasion de jouer, si elle trouvait des compositeurs disposés à créer pour son instrument, etc… L’un des participants, par exemple, lui demanda si elle était bien acceptée, un autre parla des cloisons qui existent encore, une autre encore avoua, en tant que professeur, qu’elle ignorait quasiment l’existence d’une classe de perfectionnement en accordéon, alors qu’elle connaissait bien l’équivalente à Moscou. On parla aussi d’un commun accord des possibilités encore inexploitées de l’accordéon, de domaine encore inconnu, de méconnaissance de la part du monde classique et de certains a priori tenaces ; Mélanie Brégand expliqua qu’elle devait prochainement présenter son instrument en classes de composition, pour susciter des vocations, je suppose, ou au moins pour déclencher un travail créatif ; elle fit part de ses projets : créations originales, transcriptions, associations avec d’autres instrumentistes… labellisés classiques.
J’ai retenu aussi cette notion, qui m’a paru pleine de pertinence, à savoir que l’accordéon, suivant l’expression d’un participant, n’est pas « connoté », expression reprise et affirmée avec force et conviction. Cela voulait dire, m’a-t-il semblé, qu’il est tellement exotique que les autres instrumentistes classiques ignorent à peu près tout de lui. Un instrument venu d'ailleurs...
Cette émission m’a réjoui, car je l’ai perçue comme chargée d’espoirs. Des professionnels de la musique classique avouent leur ignorance quant à l’accordéon, mais ils sont tout disposés à mieux le connaître, ils lui reconnaissent des possibilités inexplorées et inexploitées et ils lui prédisent un bel avenir. Le monde des compositeurs commence à s’y intéresser…Des duos, des trios, des quatuors se forment. On en est au début de la boule de neige. Dès que la masse critique sera atteinte, alors tous ces essais se multiplieront. Forcément, l’accordéon sera l’instrument du XXIe siècle. Forcément.
Quelquefois, je me dis que le jour où, entendant le mot accordéon, les gens n’évoqueront plus une grosse boite pleine de boutons rutilants, pleine de chromes et de vernis bariolés, tenue par des gens affublés d’un sourire Email Diamant et d’un pantalon pattes d’ef., mais qu’ils imagineront un artiste vêtu de sombre, le regard fixé sur une partition, manipulant un instrument noir éclatant, ce jour-là l’accordéon aura acquis ses lettres de noblesse ou en tout cas le statut d’instrument classique à part entière. Et je me demande tout aussitôt après si ce changement d’image est possible sans la médiation de la télévision. Ce qui m’amène à me demander si ce cheminement n’implique pas en préalable que la télévision fasse place à un accordéon comme celui de Galliano, d’Azzola, de Mille, de Venitucci, d’Amestoy, de Macias, de Lassagne, etc… et à côté d’eux à des accordéonistes classiques, je pense à Bruno Maurice, que j’ai vu jouer avec Alan Bern, ou à de Ezcurra, jouant avec Roberto de Brasov, Macias ou Amestoy. Parfois, je me dis, mais je rêve, bien sûr, que Nagui pourrait être assez audacieux pour tenter ce pari, une sorte de provocation esthétique. Après tout, « Taratata » est bien diffusé sur une chaine du service public, qui a vocation à participer à la culture musicale pour tous.
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