mardi, août 26, 2008

jeudi 28 août - un week-end tout en contrastes

Etrange week-end. Vendredi, en fin d’après-midi, j’apprends que mon père, qui se plaint de douleurs violentes au ventre, restera en observation jusqu’à lundi, où une décision d’intervention chirurgicale ou non devra être prise. Pas question, dans ces conditions, de quitter Pau. Mais, samedi en début de matinée, le chirurgien me convainc que ma présence est inutile, car beaucoup de temps sera consacré à des examens, analyses et autres radiographies.

Départ donc, en fin de matinée : direction Toulouse. Pause chez « les petits », déjeuner chez un « chinois » du faubourg Bonnefoy. Arrivée vers 17 heures à Buzet sur Tarn où un concert est prévu à 21 heures. Le temps de visiter les alentours plantés de tournesols et de pommiers, de vérifier que nous serons bien placés (places 23 et 24, au deuxième rang, le premier étant réservé aux « dignitaires » et à « la colonie russe » accompagnant Voitenko), d’aller boire une bière au village voisin, de manger un sandwich aux saucisses et merguez, d’assister à une démonstration d’un accordéon Roland et de nouer connaissance avec quelques amateurs d’accordéons. Je note que les gens ne sont pas de première jeunesse et en même temps je suis étonné par le nombre de kilomètres qu’ils sont prêts à faire pour satisfaire leur passion. L’amateur d’accordéon est un nomade, dont l’âge ne réduit pas les déplacements. Quand on aime, on ne compte pas les kilomètres. Je note aussi que la plupart des présents pratiquent l’accordéon et que ceux qui, comme nous, s’en tiennent aux plaisirs de l’écoute sont très minoritaires.

Le concert débute à 21 heures 30. L’éclectisme du programme est tel que sur le papier et a priori il parait improbable. On comprend qu’il résulte d’un réseau d’amitiés tissé par un professeur d’accordéon qu’aucune frontière ne semble pouvoir arrêter. En fait, ce sera un succès. Le tout se finira vers 1 heure. Les organisateurs ont semblé redouter quelquefois la longueur du concert et les dépassements d’horaires, mais force est de constater que le public ne décroche à aucun moment.







Au menu, un élève de moins d’un an d’apprentissage, trois virtuoses russes (16 à 18 ans) : classiques, Roman Jbanov puis Serguei Voitenko. Jbanov joue une partie de son disque « Intérieur », dont il nous dédicacera un exemplaire à l’entracte. Il nous signera aussi un exemplaire de « Paris-Moscou » que nous avions emporté en voiture pour nous préparer les oreilles. On sent bien qu’il provoque l’enthousiasme admiratif des jeunes prodiges venus s’installer en spectateurs au premier rang et qu’il a d’emblée l’adhésion du public. Par ailleurs, il sait établir une sorte de connivence avec la salle. Un art que je qualifierais de classique. Maximum d’effets avec un minimum de moyens. Une expressivité pleine de retenue et de maîtrise. Après Jbanov, Voitenko, survêtement blanc à bandes latérales rouges. Que dire ? Une prestation décoiffante sur une bande techno enregistrée. Un niveau sonore tel que les fondations de la salle ont dû se fissurer et que les planches de la scène devront être renforcées ou remplacées. Pour deux morceaux au moins, Voitenko finit sa prestation dans la salle. J’ai encore du mal à apprécier la qualité de son jeu en tant qu’accordéoniste, en revanche rien à dire en ce qui concerne le show. Jbanov et Voitenko ont suivi côte à côte la deuxième partie en commentant avec intérêt le jeu des accordéonistes qui se sont produits. C’était curieux de les voir deviser ainsi en pensant aux différences radicales de leurs styles. Autour d’eux, « la colonie russe » haute en couleurs.











En deuxième partie, à partir de minuit moins le quart, le «Quatuor Toulouse Accordéon ». De la belle ouvrage. Le grand écart avec l’hystérie contrôlée de Voitenko. Finesse, rigueur et humour font bon ménage. Mozart, une pièce contemporaine dédiée au quatuor, « La javanaise » de Gainsbourg. Un moment de plaisir calme et serein, un moment de plaisir classique. L’accordéon qui s’inscrit dans la tradition de la musique classique, comme s’il en avait toujours fait partie. Et puis, pour finir, « Massoutié Jazz Quartet ». Piano, basse, batterie, accordéon et accordina. Parfois, il m’a semblé que les stridences de l’accordéon empêchaient de percevoir toutes les nuances du jeu du leader, mais le plaisir est bien présent, d’autant plus que le quartet est particulièrement homogène. Encore « La javanaise ». On ne le regrette pas. Mais aussi "Indifférence» et « La sorcière » pour mon plus grand bonheur.



Bref, Buzet sur Tarn, un beau projet, une belle réussite. On surveillera le site de près pour l’an prochain.

Nous rentrons à Toulouse entre 1 heure et 1 heure et demie. En buvant une tisane, nous échangeons nos impressions immédiates, nous regardons les photographies que nous avons prises… Le temps passe. 2 heures passées… Encore un petit moment de conversation.

Dimanche matin, retour vers Pau. Comme hier, l’autoroute est chargée et la circulation requiert toute mon attention. Nous parlons peu. Chacun de son côté pense à la soirée d’hier, si bien que lorsque nous parlons, c’est immédiatement du concert qu’il s’agit. L’après-midi est consacrée pour moi à une visite auprès de ma mère en sa maison de retraite à Nay et à une visite à mon père en observation, chambre 123 de la clinique M… Inutile d’entrer dans le détail. Souffrance morale et souffrance physique. Impuissance de ma part. Il y a comme de la désespérance… De retour à la maison, comme souvent, je « raconte » à Françoise et au fil de mon récit je sens bien que « ça va mieux ». Je suis moins triste, Françoise l’est un peu plus. Vases communicants. Tout de même, le moral remonte difficilement. Après un moment d’hésitation, nous décidons de faire un effort et d’aller voir ce qui se passe à « Hestivoc », un festival occitan qui se tient à Pau. Comme je l’ai raconté dans mon papier précédent, nous avons la joie d’y retrouver Philippe De Ezcurra et le groupe Bordagarai. Nous retrouvons plusieurs de ses postures habituelles et surtout son jeu limpide. Pas de virtuosité gratuite, pas de fioritures. Une sorte de classicisme mis au service de la musique du groupe. Une musique chantée en basque, mais pas simplement basque pour autant. Je dirais une musique fondée sur des thèmes traditionnels, universels (amour, révolte, exil, etc…), qui se manifeste dans la langue basque.

Après le concert, quelques mots échangés avec Philippe De Ezcurra, quelques banalités en apparence, du moins quant au contenu, mais des propos amicaux qui nous remettent le moral en place et du cœur au ventre. Du coup, après avoir hésité entre plusieurs restaurants en plein air, nous allons manger une choucroute à « La Taverne alsacienne ». Pour l’accompagner, un Riesling merveilleux.

Un week-end qu’à juste titre je crois l’on peut qualifier de « tout en contrastes ». Pour finir la soirée, nous écoutons les quinze titres du disque de Roman Jbanov, « Intérieur » avec sa dédicace en cyrillique.
Bien entendu, j'ai l'intention, dans les prochains jours, de revenir sur quelques moments de ce week-end. Il ne me reste plus qu'à choisir quelques photographies du site si sympathique du concert, de Jbanov, de Voitenko, du "Quatuor Toulouse Accordéons" et du "Massoutié Jazz Quartet", sans oublier, évidemment, quelques attitudes de Philippe de Ezcurra. Ce seront autant de coups de projecteurs sur ces moments de plaisir, autant de fragments précieusement conservés.