jeudi, septembre 14, 2006

vendredi 15 septembre



Le disque de Danielle Pauly et Daniel Colin, « Accord’Tonic », tourne gentiment pendant que je feuillette un bouquin de photographies pour lequel j’ai beaucoup d’affection et d’admiration :

- « Paris Robert Doisneau », Flammarion 2005.

L’ouvrage est composé de plusieurs chapitres : Paris par hasard [Les jardins, le ballet des passants, galanterie urbaine, les bistrots], Paris se révolte, Paris des parisiens, Paris s’amuse. Evidemment, ce sont les bistrots qui m’intéressent particulièrement, d’autant plus que dans ce cadre on trouve plusieurs photographies d’une accordéoniste dont la posture et le charme, qui en émanait, avait frappé Doisneau lui-même. Il commente en effet cette rencontre dans ses carnets personnels. Je cite :

« … Un paisible dimanche arrivent deux femmes et un accordéon :
- On peut chanter ?
L’une avait un genre trapu, Madame Lulu, registre Berthe Sylva, chantait utile. L’autre, accordéoniste, était bien jolie, ma foi. Elle y allait de sa chanson, toujours la même, une complainte traînante, « Tu ne peux pas t’ figurer comme je t’aime ».
[page 115]


« C’était avec le copain Giraud, je crois bien que tous les deux nous étions sous le charme de l’accordéon. C’est une chose qui existe, sinon comment expliquer la patience de la clientèle, car si les buveurs posent volontiers et même avec une sorte de gloriole, les gens détestent donner leur image quand ils mangent. Il fallait l’anesthésie de la mélodie pour rendre un photographe supportable… Le charme qui émanait de cette femme, au Moyen-âge, aurait été jugé combustible ». [page 118]

On sent bien dans ces photographies l’accord immédiat et quasi ontologique qui unit le monde des bistrots et celui des accordéons, ici un Hohner à touches piano. Il y a quelque chose de touchant dans le portrait de cette femme, si frêle, mais aussi si déterminée, dans ce monde de travailleurs de la nuit et de forts des halles, qu’elle a apprivoisés avec un instrument de prime abord démesuré pour ses forces.

En cet instant, l’accord me parait évident entre ces photographies de Doisneau et le disque de Danielle Pauly et Daniel Colin. Ecouter « Vent d’automne » de Péguri ou « La ritale » de Privat et Corti en feuilletant le bouquin de Doisneau, c’est un vrai bonheur.