vendredi, décembre 29, 2006

vendredi 29 décembre

… écouté certes avec plaisir, mais surtout avec beaucoup d’intérêt le double cd, « Astor Piazzolla, L’amour du tango, L’album d’une vie ».

- Le cd1, après une introduction, « Adios Nonino », enregistrée au festival de Liège en 1978, couvre la période 1973 – 1989. On y trouve successivement le quintette, le quintette de tango contemporain et le sextette de Piazzolla.
- Le cd2 comprend trois volets : des œuvres pour le cinéma interprétées par le quintette de tango contemporain ou quinteto nuevo au cours de la période 1984-85, des interprétations du « noneto » enregistrées le 11 juin 1983, et enfin trois fragments d’entretiens où « Piazzolla parle sur France Inter ».

D’une certaine manière, on peut qualifier ce double cd d’album didactique, en ce sens qu’il propose une sorte de panorama de l’œuvre de Piazzolla. Le survol fait perdre de la profondeur ; on perd en effet dans cette présentation diachronique, qui n’est même pas strictement chronologique, tout ce que l’on peut percevoir dans un disque qui présente des pièces enregistrées en quelques journées. En d’autres termes, on ne perçoit pas l’unité synchronique habituelle propre à un album, en revanche on y trouve bien des éléments pour saisir le parcours de Piazzolla, même si, pour ce faire, on doit reconstituer la succession historique des enregistrements. Bref, un document, ni synchronique, ni à strictement parler diachronique, mais très riche d’information pour peu que l’on veuille l’écouter en l’organisant comme un parcours chronologique.

Autre intérêt du cd2, les propos de Piazzolla. J’en note quelques uns :

- alors que, jeune, il écoutait beaucoup de jazz et qu’il aimait cette musique, son père lui offrit un bandonéon en 1930, ce qui l’incita immédiatement à jouer de cet instrument, avec lequel, cinq ans plus tard, il eut l’occasion d’accompagner Carlos Gardel toute une nuit. Rencontre avec un mythe qui marqua sa vie définitivement. Il précise à l’occasion de ce souvenir que, pour lui, dire que Carlos Gardel est un mythe, c’est dire qu’il est indépassable. En quelque sorte, une référence absolue, hors du temps. Ce qui ne signifie pas que le tango s’est arrêté avec Gardel. Curieusement, on pourrait dire aujourd’hui la même chose de Piazzolla lui-même.
- très jeune, il aimait Bach et le bon tango, et il y avait alors, selon lui, à Buenos-Aires de très bons petits orchestres. Mais il y avait aussi des orchestres qui ne pensaient qu’à faire danser et pour cela qui jouaient toujours la même musique, simple et répétitive. Ce qui, dit-il, le fatiguait. C’est pourquoi il a monté son propre orchestre… qui est resté quatre années sans contrat, justement parce qu’il était impossible de danser sur sa musique. Mais il n’a pas cédé…
- dans le dernier extrait, il insiste sur le fait que son tango n’a rien à voir avec le jazz. Ce qui l’intéresse au plus haut point, c’est la composition et pour cela il se réfère à Bach et à la musique symphonique. Au fond, son projet est de composer de la musique symphonique pour bandonéon. En cela, il est tout à fait conscient d’avoir créé un style et d’être à l’origine d’un type musical spécifique. Mais en même temps, il prévient que ses continuateurs devront d’abord être des musiciens passés par le conservatoire, des musiciens de formation classique. Il me semble comprendre qu’en disant cela, il prend ses distances avec certains successeurs auto-proclamés, qui n’auraient pas fait ce parcours.