jeudi, janvier 11, 2007

vendredi 12 janvier

Je notais hier ma rencontre, à l’espace culturel de l’hypermarché en folie de soldes, avec deux disques de Piazzolla, « Vuelvo al Sur » et la musique du film « Sur ». Je m’étais laissé tenter par le premier ; j’avais renoncé au second, mais finalement, cet après-midi, je n’ai pu me résoudre à le laisser de côté :

- « Astor Piazzolla, Tango, el exilio de Gardel, SUR, El Viaje », César de la meilleure musique de film, 1997, Compilation Edition Milan Music Milan.

Je reviendrai sur ce disque après l’avoir écouté plusieurs fois, car je le trouve complexe, tant en ce qui concerne ses compositions que ses interprètes. Il ne correspond pas exactement à l’image que je m’en faisais en ce sens que tous les morceaux ne comportent pas du bandonéon, que d’autre part Piazzolla n’est pas le seul à avoir fait les arrangements et qu’enfin il n’est pas le seul interprète à intervenir avec cet instrument. Cet écart par rapport à mes attentes est déjà un vrai plaisir, car il m’ouvre des horizons inattendus.

Mais justement, alors même que je suis en train d’écouter ce disque, une idée m’est venue à l’esprit, que je voudrais suivre tout de suite sans trop savoir où elle va me mener. Cette idée est la suivante : quand je contemple un tableau, un dessin, une sculpture, une installation dans un musée ou une exposition ou encore une galerie, j’ai affaire à un objet fini. Par commodité, je dirais un produit, le produit d’un processus de création et de fabrication ou de production qui, la plupart du temps, reste pour moi, spectateur, inaccessible. Il est là, devant moi. C’est en ce sens que je le qualifie d’objet, mais le temps (la durée et les gestes qui s’y déroulent) de sa mise au monde m’échappe. Je ne peux qu’imaginer ce qui est de l’ordre du processus de sa manifestation. Tout au contraire, lorsque j’assiste, lorsque je participe à un concert ou lorsque j’écoute un morceau enregistré, je suis immédiatement en présence d’un processus, car sans ce processus en train de se réaliser, il n’y aurait pas d’œuvre, sinon une œuvre potentielle, telle qu’elle existe comme partition, comme écriture. Et dans le cas de la musique improvisée, on peut aller jusqu’à dire que, sans cette présence, il n’y a pas d’œuvre du tout. Je n’ai donc pas à imaginer comment l’œuvre vient au monde, puisque sa venue au monde est sa réalité même. En revanche, quand l’interprétation est finie, quand la dernière note est jouée, il me faut faire un travail considérable de mémoire et d’imagination pour garder l’œuvre présente à mon esprit. Au point que je me demande, lorsque j’applaudis les musiciens qui viennent de mettre la note finale à un morceau, à quoi je pense. Je me demande si je pense à quelque chose. Ne serais-je pas en train, tout simplement, de réagir par mes applaudissements à cette sensation de « chair de poule » qui me dit de manière épidermique et sûre le plaisir que je viens d’éprouver et que je fais durer par mes applaudissements mêmes mêlés à ceux des autres participants.

Il y aurait donc, quant à l’expérience esthétique, une sorte d’inversion entre les arts plastiques et la musique, en particulier l’accordéon. Quand j’ai affaire à une œuvre plastique, j’ai affaire immédiatement à un produit fini, dont la vie tient finalement au travail de signification que je lui applique, mais le processus de production ou de création ne m’est pas accessible ; quand j’ai affaire à une œuvre musicale, j’ai directement affaire au processus de création, ou du moins d’interprétation qui lui donne vie ; en revanche, quand l’interprétation est achevée, l’objet se dissout et ne peut continuer à exister que par un travail de mémoire et d’imagination de ma part.

A suivre…

3 Comments:

Blogger Le fournialiste said...

Cela rejoind toute la question de la définition de l'oeuvre musicale. Et je dirais même de l'oeuvre d'art d'une manière générale. Selon gerard genette, l'oeuvre d'art est un artefact (un produit) et un objet esthétique (qui releve du domaine de l'ideal). Aussi il y a deux regimes d'existence d'une oeuvre (pour reprendre nelson goodman): le regime autographique qui serait celui des oeuvres qui existent par elle meme matériellement, et le regime allographique qui est celui des oeuvres comme la musique dont on n'a accés qu'a travers des media tel la partition pour la musique.
L'oeuvre residerait (lire a ce sujet "quest ce qu'une oeuvre musicale?" de roman ingargen est interessant a ce sujet)pour ce dernier regime, ni dans la partition, ni dans l'interpretation, ni meme dans les emotions ressenties, son essence serait de l'ordre de l'idéal, du concept et serait la somme de tout ce qui la signifie (les interpretations, les enregistrements...). C'est un peu la definition de l'aura de walter benjamin.
Enfin voila, juste un petit intermede theorique car je me suis pdt un moment penché sur ces memes questions.
Mais il est vrai qu'ensuite pour ce qui releve du personnel, chacun à sa vision de la chose Et sa maniere de se figurer une oeuvre.

9:34 PM  
Blogger Sylvie Jamet said...

Pour mon compte personnel, justement, bien avant que je ne cherche à analyser mon rapport avec la musique, de façon donc "raisonnée", pour ainsi "théorique", mon parcours musical m'a très tôt vite ressentir cette quête d'idéal qu'était l'oeuvre musicale, cette recherche quasi mystique et spirituelle, qui est, pour moi, de l'ordre de la recherche du "Beau", dans tous ces aspects (reflet de beauté de l'âme humaine, don de soi et de son travail musical au public, beauté des sentiments humain, ou toute autre chose qu'on voudra bien y mettre...).

Bien musicalement,
Sylvie Jamet
http://sylviejamet.over-blog.com

2:17 PM  
Blogger Sylvie Jamet said...

Pour mon compte personnel, justement, bien avant que je ne cherche à analyser mon rapport avec la musique, de façon donc "raisonnée", pour ainsi "théorique", mon parcours musical m'a très tôt vite fait ressentir cette quête d'idéal qu'était l'oeuvre musicale, cette recherche quasi mystique et spirituelle, qui est, pour moi, de l'ordre de la recherche du "Beau", dans tous ces aspects (reflet de beauté de l'âme humaine, don de soi et de son travail musical au public, beauté des sentiments humain, ou toute autre chose qu'on voudra bien y mettre...).

Bien musicalement,
Sylvie Jamet
http://sylviejamet.over-blog.com

2:18 PM  

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