jeudi 7 juin
… lu, dans le dernier numéro de la revue « Accordéon & accordéonistes », le numéro 65 de juin 2007, plusieurs articles fort intéressants, dont j’ai retenu quelques passages qui se font écho et qui en quelque sorte répondaient à des questions que je me posais implicitement.
- page 22, Jean Corti dit ceci : « L’accordéon est un instrument qui se prête à la virtuosité, mais ce n’est pas toujours heureux. Bien sûr, ce que je préfère, c’est une jolie note plutôt qu’un trait de virtuosité ».
Ces propos m’intéressent, d’une part parce que j’y adhère totalement, d’autre part parce qu’on tient là un principe de clivage entre les accordéonistes : ceux qui cherchent la virtuosité en tant que telle vs ceux qui cherchent « la » belle note.
- page 26, Riccardo Tesi dit ceci : « J’aime le côté rythmique de mon instrument [diatonique], mais les années passant j’y découvre de plus en plus de mélancolie... Bien sûr, c’est un instrument qui a des limites. Mais au lieu de me concentrer sur ce qui est impossible, je préfère aller vers tout ce qui est possible et que je ne connais pas encore. Les limites peuvent devenir des défis à relever et stimuler la créativité. Je suis toujours à la recherche de nouvelles possibilités d’expression. Le but ultime pour moi, c’est l’émotion. Et bien souvent il suffit juste de quelques notes, les bonnes ».
Ces propos m’intéressent bien entendu par leur correspondance avec ceux de Jean Corti, mais aussi pour deux autres raisons. D’une part, l’idée que la créativité repose sur la volonté d’aller au-delà des limites actuelles ; c’est d’abord une attitude volontariste, donc morale ou, comme on dit aujourd’hui, éthique. D’autre part, l’idée d’un clivage entre les accordéonistes productivistes, pour qui le but ultime, c’est de produire le plus de notes possibles dans un temps donné vs ceux qui cherchent à provoquer l’émotion avec la plus grande économie de moyens possible ; et là on retrouve l’idée de « la » belle note.
- page 31, à la question de savoir comment associer les qualités de l’accordéon et de l’orgue Hammond, René Sopa répond ceci : «Il s’agit de laisser la place à l’autre, sans jamais trop se chevaucher dans les harmonies. Il faut être à l’écoute. Stefan ne joue pas sur la virtuosité. Il cherche d’abord la note juste et à faire ressortir le son de l’instrument… ».
Ici encore, l’idée de l’opposition entre la recherche de la virtuosité et la recherche de « la » note juste ; idée qui vient compléter une autre considération, morale celle-ci, sur l’écoute réciproque vs « tirer la couverture à soi ». On sent bien qu’il y a là un clivage entre la virtuosité et la justesse, une visée quantitative vs une visée qualitative.
- dans cette même page, René Sopa ajoute : « Il [Stefan] joue sur les différentes sonorités, les changements de registres. C’est la sonorité que j’aime [..] Trouver le son, c’est la seule chose qui me préoccupe sans cesse. Je tiens à remercier la fabrique Fistalia qui a conçu pour moi un bel instrument ».
Le beau son, la belle sonorité, le bel instrument, la belle note…
- page 41, Christian Toucas dit ceci : « Mon plaisir, c’est de jouer avec des musiciens. Ensemble, chacun a quelque chose à dire. Après, libre à ceux qui vous entendent d’apprécier ou pas votre musique ».
Ces paroles m’intéressent à deux titres au moins. D’abord, parce que Toucas exprime sans détours ce que j’ai assez souvent éprouvé au cours de concerts de jazz. Les musiciens sont ensemble pour se faire plaisir, pour expérimenter, pour chercher à dépasser des limites, pour dialoguer, quelquefois pour... monologuer. Le public n’est qu’accessoire, sauf pour leur apporter son écot et leur permettre ainsi d'assurer leur existence matérielle. De manière significative, Toucas parle d’ailleurs du public comme de « ceux qui vous entendent », alors que pour ma part, lorsque j’assiste à un concert, je mobilise toute mon attention pour « écouter »… En écoutant en effet, j’ai le sentiment de participer à la réussite du moment musical que je vis avec tous les présents, de part et d’autre de la scène. Cette écoute se prépare. Cette écoute implique une attention particulière tout au long du concert et durant chaque morceau. Je ne me déplacerais certainement pas pour aller simplement entendre de la musique.
Entendre n'implique aucune attention particulière. Je suis dans un certain environnement et des sons me parviennent ; écouter implique une attitude volontariste, une focalisation active sur les sons qui me parviennent, focalisation qui distingue radicalement écouter et entendre. En ne faisant pas cette distinction ou peut-être en considérant qu'elle n'a pas lieu d'être Toucas a en tout cas le mérite d'exprimer clairement la manière dont il "voit" les gens qui viennent assister à ses concerts.
- page 22, Jean Corti dit ceci : « L’accordéon est un instrument qui se prête à la virtuosité, mais ce n’est pas toujours heureux. Bien sûr, ce que je préfère, c’est une jolie note plutôt qu’un trait de virtuosité ».
Ces propos m’intéressent, d’une part parce que j’y adhère totalement, d’autre part parce qu’on tient là un principe de clivage entre les accordéonistes : ceux qui cherchent la virtuosité en tant que telle vs ceux qui cherchent « la » belle note.
- page 26, Riccardo Tesi dit ceci : « J’aime le côté rythmique de mon instrument [diatonique], mais les années passant j’y découvre de plus en plus de mélancolie... Bien sûr, c’est un instrument qui a des limites. Mais au lieu de me concentrer sur ce qui est impossible, je préfère aller vers tout ce qui est possible et que je ne connais pas encore. Les limites peuvent devenir des défis à relever et stimuler la créativité. Je suis toujours à la recherche de nouvelles possibilités d’expression. Le but ultime pour moi, c’est l’émotion. Et bien souvent il suffit juste de quelques notes, les bonnes ».
Ces propos m’intéressent bien entendu par leur correspondance avec ceux de Jean Corti, mais aussi pour deux autres raisons. D’une part, l’idée que la créativité repose sur la volonté d’aller au-delà des limites actuelles ; c’est d’abord une attitude volontariste, donc morale ou, comme on dit aujourd’hui, éthique. D’autre part, l’idée d’un clivage entre les accordéonistes productivistes, pour qui le but ultime, c’est de produire le plus de notes possibles dans un temps donné vs ceux qui cherchent à provoquer l’émotion avec la plus grande économie de moyens possible ; et là on retrouve l’idée de « la » belle note.
- page 31, à la question de savoir comment associer les qualités de l’accordéon et de l’orgue Hammond, René Sopa répond ceci : «Il s’agit de laisser la place à l’autre, sans jamais trop se chevaucher dans les harmonies. Il faut être à l’écoute. Stefan ne joue pas sur la virtuosité. Il cherche d’abord la note juste et à faire ressortir le son de l’instrument… ».
Ici encore, l’idée de l’opposition entre la recherche de la virtuosité et la recherche de « la » note juste ; idée qui vient compléter une autre considération, morale celle-ci, sur l’écoute réciproque vs « tirer la couverture à soi ». On sent bien qu’il y a là un clivage entre la virtuosité et la justesse, une visée quantitative vs une visée qualitative.
- dans cette même page, René Sopa ajoute : « Il [Stefan] joue sur les différentes sonorités, les changements de registres. C’est la sonorité que j’aime [..] Trouver le son, c’est la seule chose qui me préoccupe sans cesse. Je tiens à remercier la fabrique Fistalia qui a conçu pour moi un bel instrument ».
Le beau son, la belle sonorité, le bel instrument, la belle note…
- page 41, Christian Toucas dit ceci : « Mon plaisir, c’est de jouer avec des musiciens. Ensemble, chacun a quelque chose à dire. Après, libre à ceux qui vous entendent d’apprécier ou pas votre musique ».
Ces paroles m’intéressent à deux titres au moins. D’abord, parce que Toucas exprime sans détours ce que j’ai assez souvent éprouvé au cours de concerts de jazz. Les musiciens sont ensemble pour se faire plaisir, pour expérimenter, pour chercher à dépasser des limites, pour dialoguer, quelquefois pour... monologuer. Le public n’est qu’accessoire, sauf pour leur apporter son écot et leur permettre ainsi d'assurer leur existence matérielle. De manière significative, Toucas parle d’ailleurs du public comme de « ceux qui vous entendent », alors que pour ma part, lorsque j’assiste à un concert, je mobilise toute mon attention pour « écouter »… En écoutant en effet, j’ai le sentiment de participer à la réussite du moment musical que je vis avec tous les présents, de part et d’autre de la scène. Cette écoute se prépare. Cette écoute implique une attention particulière tout au long du concert et durant chaque morceau. Je ne me déplacerais certainement pas pour aller simplement entendre de la musique.
Entendre n'implique aucune attention particulière. Je suis dans un certain environnement et des sons me parviennent ; écouter implique une attitude volontariste, une focalisation active sur les sons qui me parviennent, focalisation qui distingue radicalement écouter et entendre. En ne faisant pas cette distinction ou peut-être en considérant qu'elle n'a pas lieu d'être Toucas a en tout cas le mérite d'exprimer clairement la manière dont il "voit" les gens qui viennent assister à ses concerts.
2 Comments:
Oui oui oui !! Très juste !
En tant que joueur de diato, je suis persuadé que le chroma souffre aujourd'hui de cette logorrhée de notes que certains interpretes ont trop mis en avant et qui ont contribué au "repoussoir" chromatique qui existent encore aujourd'hui.
J'ai récemment recueilli l'avis d'une collègue de travail qui n'osait pas dire qu'elle jouait du chroma !!
Bon, cela n'explique pas tout, bien entendu, mais le "sur-jeu" a surement contribué à faire déserter les jeunes générations de l'instrument, en le rendant trop technique, trop impersonnel ..
Parallement, je suis convaincu qu'une approche sociologique (ma formation de base !!) permet de mieux comprendre ce mouvement, cet atrait pour une approche de la musique qui se rappoche des "musiques savantes" ...
Bon, je pourrais passer des heures à débattre de ce sujet !!!
Amicalement
Hervé
Cher Monsieur "AT",
Je trouve étrange que vous n'ayez pas cherché à être lu par les principaux concernés. Je suis arrivée par hasard sur cette page et je vais me permettre une réponse, en mon nom et non au nom de l'artiste que je représente (nuance).
Vous ne savez pas apprécier le jazz. N'y voyez aucun reproche, il y a quantité de forme d'art que je ne peux comprendre (pardon, que je ne peux entendre. Un dictionnaire vous permettra de découvrir les sens délicats du mot "entendre"), que je ne peux entendre par ce que je n'y ai pas été iniciée. Mais je ne désespère pas de ressentir un jour toutes les émotions que les peintres du courant de l'abstraction lyrique ont posé sur leur toile.
Vous ne savez pas apprécier le jazz : mais pourquoi prêtez-vous de si vilains défauts aux jazzmen? Concernant Toucas, je veux bien vous expliquer, si vous le souhaitez, sa demarche artistique que vous semblez si bien connaitre à la lecture de quelques lignes d'un article de presse. Son respect de l'auditeur pourrait vous surprendre.
Vous ne savez pas apprécier le jazz? Ce qui m'intrigue, c'est cette curieuse envie de vouloir ainsi en dégouter les autres, en jouant sur le sens des mots. Pourtant, votre explication de ce que j'appelle l'écoute active m'a plu. Mais j'en ai une autre : l'écoute passive. Je n'ai plus besoin de faire un effort pour comprendre le jazz, alors quand un musicien joue je m'abandonne aux sensations, à l'histoire qu'il me raconte. La capacité du musicien à créer et exprimer des émotions est le résultat d'une recherche permamente, un travail sans fin, tel le tonneau des Danaïdes. Et moi, en tant qu'auditeur/trice, je profite du fruit de ce travail. Les musiciens m'offrent le fruit de leurs efforts, et je suis merveilleusement passive dans cet acte, comme un yogi s'abandonne dans la méditation.
Enfin, une devinnette, pour rire ensemble :
Quelle est la différence entre un concert de rock et de jazz?
Au concert de rock, le public connait les noms de tous les musiciens. Tandis qu'au concert de jazz, ce sont les musiciens qui connaissent les noms de toutes les personnes du public!
Bien cordialement,
Nelly Campo, manager de Toucas
Pzazz Promotion : 01 64 12 54 58
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