lundi, juin 11, 2007

lundi 11 juin

« Hervé » a déposé le jeudi 7 juin un commentaire, qui me semble ouvrir des pistes de réflexion intéressantes, et qui en tout cas me donne envie de les explorer.

« Oui, oui, oui !!! Très juste !En tant que joueur de diato, je suis persuadé que le chroma souffre aujourd'hui de cette logorrhée de notes que certains interprètes ont trop mis en avant et qui a contribué au "repoussoir" chromatique qui existe encore aujourd'hui.J'ai récemment recueilli l'avis d'une collègue de travail qui n'osait pas dire qu'elle jouait du chroma !!!Bon, cela n'explique pas tout, bien entendu, mais le "sur-jeu" a surement contribué à faire déserter les jeunes générations de l'instrument, en le rendant trop technique, trop impersonnel…Parallèlement, je suis convaincu qu'une approche sociologique (ma formation de base !!!) permet de mieux comprendre ce mouvement, cet attrait pour une approche de la musique qui se rapproche des "musiques savantes" ... Bon, je pourrais passer des heures à débattre de ce sujet !!! »

Comme je n’ai aucune pratique de l’accordéon, je n’ai aucune expérience de cette distinction, au sens sociologique de Bourdieu, entre les deux modalités de l’instrument, chromatique et diatonique. Je devrais dire chromatique versus diatonique. Mais il est clair qu’elle fonctionne comme principe de clivage entre les amateurs de l’un et les amateurs de l’autre. C’est ainsi que j’ai souvent été frappé, dans des interviewes de Marc Perrone, de voir qu’il présente son accordéon diatonique comme un instrument modeste, mais dont il est fier de savoir tirer de profondes émotions. J’ai cru comprendre même, à plusieurs reprises, qu’il n’était pas loin de considérer les limites du diatonique comme une force expressive. C'est l'histoire du petit qui n'a pas peur des gros...
A propos de l’exemple de la collègue de travail, qui n’osait pas dire qu’elle jouait du chromatique, on est bien au cœur de cette distinction que j’évoquais ci-dessus. Tout fonctionne comme s’il s’agissait d’abord de se situer par différences. Quand on joue de l’accordéon, il ne suffit pas de se distinguer par rapport au piano, au violon ou à je ne sais quel autre instrument, il s’agit de se définir comme jouant du chromatique ou du diatonique ou autre… et ainsi de suite, car ce jeu n’a aucune limite assignable. C’est ainsi que les tribus se subdivisent en clans de plus en plus différenciés.
Le dernier paragraphe, qui fait allusion à des « musiques savantes » m’échappe un peu, mais je pense en effet a priori, avec Hervé, qu’une approche sociologique des pratiques de l’accordéon serait d’un très grand intérêt, en attendant une approche psychosociologique, puis psychologique. Un champ d’étude à explorer pour quelques générations d’universitaires. Encore faudrait-il qu’ils sachent que l’accordéon existe, et qu’il existe tout près de chez eux, en France, des gens qui en jouent et qui l’écoutent… Sociologie ou ethnologie ? Justement, qu’en est-il de l’écoute et de la pratique de l’accordéon en milieu universitaire ? Imagine-t-on un professeur de faculté avouant, au cours d’une pause café ou au moment du déjeuner à la cafétéria, lors d’un colloque de chercheurs internationaux, qu’il a une passion pour l’accordéon ? Oui, si c’est un provocateur ou s’il n’a plus de soucis de respectabilité ni de reconnaissance par ses pairs. Comportement rarissime en milieu universitaire. Cette question n’est pas anodine, car elle signifie que pour être étudié un objet doit être perçu comme un objet d’étude légitime, or tout porte à croire que ce n’est pas encore le cas de l’accordéon. Sociologues, encore un effort.