… hier, samedi, fin d’après-midi. Après quelques achats de fringues, faits à l’occasion de la fête de Françoise, avec plusieurs jours de retard, et avant de rejoindre le parking souterrain du Centre Bosquet, détour rituel par la Fnac.
… 19h10. En parcourant les rayons de disques, je tombe sur un présentoir consacré à Anouar Brahem. Parmi ses disques, l’un d’entre eux, gris sur gris, comme un fragment de mur décrépi, attire mon regard par sa sobriété même, conforme au style d’ECM. Le jazz sans concessions, ni tape-à-l’oeil :
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"Khomsa", Ecm, 1995.
La date m’étonne. Je n’avais jamais eu connaissance de ce disque. La liste des interprètes me donne immédiatement envie d’en savoir plus. Outre Anouar Brahem, on lit les noms de Richard Galliano, François Couturier, piano, Jean-Marc Larché, saxo soprano, Béchir Selmi, violon, Palle Danielsson, contrebasse, Jon Christensen, batterie. La présence de Galliano suffit évidemment pour me donner le désir d’en écouter des extraits. Dès le début de cette écoute, je vois Catherine B. s’approcher, les bras chargés de bandes dessinées. Quelques mots pour nous dire notre satisfaction réciproque de nous rencontrer. Elle a monté un cabinet de consultante en formation ; elle est satisfaite de son activité. Elle pourrait l’augmenter, mais cela l’obligerait à installer son bureau à Pau. Pour l’instant, elle préfère vivre à quelques kilomètres de l’agglomération paloise : c’est, dit-elle, une question d’équilibre, un choix de vie, une manière de se donner du temps… Je repense à ma réflexion de vendredi, à l’opposition entre toujours plus et rien de trop…On est loin de l’accumulation et de la consommation comme critère unique du bonheur. Elle me demande de mes nouvelles. Je lui dis que mon intérêt s’est porté vers l’accordéon, ce qui l’amuse et l’intrigue. En partant, je lui promets de lui faire sinon partager du moins comprendre le bien fondé de cet intérêt.
… 19h25. Alors que je m’apprête à continuer mon écoute, je vois Didier B. venir vers moi. Quelques mots pour nous dire notre plaisir de nous retrouver. Il cherche un disque à offrir. Il me demande ce que j’écoute. A l’occasion, je lui dis mon intérêt pour l’accordéon. Il en est surpris et amusé, mais de fil en aiguille, sur mes conseils, il décide d’aller choisir un disque de Galliano. Avant de nous quitter, il m’apprend qu’il a loué une parcelle de jardin ouvrier près de Pau. Il me dit qu’il fait ses légumes, sans mettre de saloperies dans le sol. Echange de bons procédés : un jour prochain, il me les fera goûter et je lui ferai écouter une sélection de mes disques d’accordéon. Il me quitte encore intrigué par ma passion pour cet instrument. La voix d’hôtesse de la Fnac nous invite à sortir…le magasin va fermer ! Je repense à la réflexion que me suggérait la rencontre de Catherine : Didier est manifestement heureux de faire ses salades, ses tomates, ses citrouilles, ses épinards et ses haricots verts, sans souci de productivité ni de rendements. Rien de trop et surtout pas toujours plus… Pour en faire quoi ? Pour jeter les excédents à la poubelle ? Une bulle d’autarcie !
… 21h30. Alors que j’écoute enfin calmement le disque d’Anouar Brahem et en particulier
Nouvelle vague, dont le climat se déploie, lentement en vagues successives, d’abord dans le bureau puis, par la fenêtre ouverte, dans la nuit noire et douce, le téléphone sonne… Corinne M. a un renseignement à me demander. Alors que je lui réponds, elle entend quelques mesures de l’un des titres,
En robe d’olivier. Assez pour trouver cela superbe et me demander la référence. J’apprends qu’elle apprécie beaucoup le oud, qu’elle a eu l’occasion de découvrir lors d’un dîner-concert de jazz organisé à la Reine Jeanne, à Orthez. Elle me parle du groupe strasbourgeois L’HIJAZ’CAR. Comme j’insiste sur la présence de Galliano, elle est surprise et amusée par mon goût pour l’accordéon. Dans la minute, je lui envoie par courriel trois références, sans ordre préférentiel :
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"Les pas du chat noir", Anouar Brahem, oud, François Couturier, piano, Jean-Louis Matinier, accordéon, 2002, Ecm
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Le voyage de Sahar", Anouar Brahem, oud, François Couturier, piano, Jean-Louis Matinier, accordéon, 2006, Ecm
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"Khomsa", Anouar Brahem, oud, Richard Galliano, accordéon, François Couturier, piano, synthétiser, Jean-Marc Larché, saxo soprano, Béchir Selmi, violon, Palle Danielsson, contrebasse, Jon Christensen, batterie, 1995, Ecm.
22h00. Je peux enfin écouter en toute quiétude ce disque que j’ai eu pour la première fois entre les mains à 19h10. Je suis d’autant plus content qu’en envoyant ces références à Corinne, j’ai l’impression d’avoir fait ma B.A. d’une journée riche en rencontres chargées de sympathie et d’accordéon. L’air devient plus frais, des coups de vent arrivent chargés d’humidité, je ne suis pas sûr que les voisins aient encore envie d’entendre ma musique, cette musique qui me plait… Je ferme les volets et la fenêtre.
Un peu plus d’une heure et quart plus tard, le voyage se termine. Je me rends compte qu’il est parti de
Comme un départ pour arriver à
Comme une absence… comme une métaphore.
Comme d’autres, dit-on, savent créer l’ambiance, Galliano, lui, sait créer l’atmosphère…