vendredi, juin 29, 2007

samedi 30 juin - question de rythme

Quand j’ai ouvert ce blog, le 2 décembre 2005, j’avais le projet de me tenir au rythme d’écriture d’une page par jour. C’était une façon de donner à ma vie un fil rouge esthétique, musical, et de me faire accompagner en permanence par l’accordéon dans tous ses états. J’imaginais ce projet assez modeste, en réalité il s’est avéré finalement très consommateur de temps. Or la vie quotidienne est faite d’un grand nombre de contraintes, d’obligations, de soucis et de problèmes qui doivent être réglés en priorité, si bien qu’aujourd’hui les conditions matérielles, psychologiques et morales ne me paraissent plus réunies pour tenir ce rythme d’écriture quotidienne. L’écriture, passe encore, mais pour l’alimenter trop de temps est nécessaire, qui doit être consommé ailleurs.
Comme je n’ai pas l’intention de renoncer à mon projet initial, je vais essayer d’en garder l’essentiel, l’esprit « bistrot des accordéons », mais je ne m’imposerai plus systématiquement la contrainte quotidienne. Bien entendu, je le regrette, mais c’est la vie. Il y a les projets et il y a l’environnement qui, au bout du compte, finit toujours par imposer sa loi. En allégeant les règles que je m’étais données, j’essaie de trouver un compromis, au moins pour quelque temps.
Pour l’instant, je vais m’efforcer de préserver l’essentiel, à savoir des rencontres et des échanges avec des personnes dont j’admire la passion, comme Sylvie Jamet ou Caroline Philippe, mais aussi des accordéonistes comme Jacques Pellarin, ou des organisateurs comme Anne-Marie Bonneilh. L’essentiel, c’est aussi l’écoute de disques et la présence à des concerts. Pas question d’y renoncer pour l’instant. Simplement, ce sera moins dense.
Au fond, c’est la vie : il y a les rêves, puis les projets plus réalistes, puis les compromis encore plus réalistes… Le tout étant de ne pas renoncer au rêve au nom du réalisme, car si les conditions s’améliorent et sont plus favorables, alors le rêve, bien vivant, peut s’épanouir à nouveau. C’est un peu à l’image du mouvement de l’accordéon, replié, déplié, contracté, déployé, et ainsi de suite. Une pulsation vitale.

samedi 30 juin

Le dvd de Galliano et du quartet Tangaria à Marciac est pour moi l’occasion de faire un peu le point sur ce que j’ai eu l’occasion d’écouter de cette formation et surtout l’occasion de faire tourner en alternance le dit dvd et « Luz Negra », que j’ai l’impression de redécouvrir ;
Nous avons écouté Tangaria pour la première fois à Marciac, sous le grand chapiteau, puis une deuxième fois en concert à Perpignan, en octobre, dans le cadre du festival Jazzèbre. Nous l’avons écouté une troisième fois, à Paris, au New Morning, en janvier 2007, pour la sortie de « Luz Negra ». Comme supports de lecture, nous avons donc « Luz Negra » et, depuis peu, le dvd « Richard Galliano & Tangaria Quartet, Live in Marciac 2006 ».
Pendant que « Luz Negra » tourne sur le lecteur, et pour avoir le plaisir de me remémorer tous les plaisirs associés à ces écoutes et à ces évènements, je fais un petit recensement des différents morceaux qui nous sont ainsi accompagnés. Pour l’instant, j’en reste au plaisir du recensement, de l’identification, je ne vise aucune conclusion.
Je note qu’avec Marciac, le New Morning et « Luz Negra », nous avons pu écouter 22 morceaux différents. Je ne compte pas le concert de Perpignan car je me rappelle avoir noté que Galliano avait enchaîné les titres sans en nommer aucun, ce qui m’avait paru étrange et surprenant, si bien que je n’avais pas gardé trace des morceaux joués.

Cinq titres ont été donnés à Marciac, au New Morning et sur « Luz Negra » :
- Chat Pître
- Tangaria
- Fou rire
- Escualo
- Sanfona


Six titres ont été donnés à Marciac et au New Morning :
- Tango pour Claude
- Laurita
- Traditionnel Vénézuelien, (gigue de la suite n°2 en ré mineur de J.S. Bach)
- Spleen
- Libertango
- New York Tango

Cinq titres au New Morning et sur « Luz Negra » :
- Luz Negra
- Gnossienne n° 3
- Indifférence
- Barbara
- Les forains

Un titre à Marciac et sur « Luz Negra » :
- Sertao

Cinq titres enfin n’ont été donnés qu’une seule fois :
- Disparada et Chorinho pra elé, à Marciac
- Guarda che luna, Des voiliers et Flambée montalbanaise sur « Luz Negra ».

Sans entrer dans une analyse fine, au terme de cette liste une impression domine, à savoir que Richard Galliano trouve toujours un équilibre exceptionnel entre ses standards et des compositions nouvelles, parfois avec une tonalité tango, parfois avec une tonalité valse, parfois avec une tonalité plus latine ou brésilienne. Mais, au-delà de cette impression, je suis surtout frappé par le renouvellement incessant de l’interprétation des standards. Renouvellement lié à la variété des formations avec lesquels il joue. C’est en cela, me semble-t-il, que Richard Galliano est vraiment un jazzman d’exception.

jeudi, juin 28, 2007

vendredi 29 juin

Après avoir fait quelques achats à l’hypermarché, petit détour par l’espace culturel, à tout hasard. La sortie du dvd de la prestation de Richard Galliano et du quartet Tangaria en 2006 à Marciac est en effet annoncée pour le 2 juillet. Mais sait-on jamais ? Comme je ne trouve rien, ce qui parait assez normal vu la date, je demande au vendeur s’il est au courant de cette sortie. Le hasard fait bien les choses : il vient de recevoir le dvd, il le tient à la main et il hésite à le placer parmi les dvd de jazz ou en tête de rayon des cds audios. Le problème est vite résolu…
De retour à la maison, toutes affaires cessantes, on lance le visionnement.

- « Richard Galliano & Tangaria Quartet, invité : Hamilton de Hollanda, Live in Marciac 2006 », 2006 Oleo films / Jazz in Marciac / Milan Music.

Il faut citer les musiciens et le réalisateur du film : Galliano, accordéon, A. Cardenas, violon, Ph. Aerts, contrebasse, R. Meijas, percussions, H. de Hollanda, mandoline. Réalisateur : Franck Cassenti.
Il faut absolument citer le réalisateur, car son film est une œuvre artistique en tant que telle et pas seulement un documentaire destiné à conserver la mémoire d’un événement passé. Nous avons assisté à ce concert, mais le film en fait un objet artistique tel que nous ne cherchons pas à retrouver ce que nous avons vécu, mais plutôt à apprécier un moment original. Alors que le site de Marciac et la scène sont énormes, l’espace occupé par les quatre ou cinq musiciens est parfaitement défini et circonscrit ; la prise de vue, le découpage et le montage sont remarquables. De même, les couleurs sont superbes.
Que dire de la musique ? Quelque chose qui s’apparente à la perfection. Quel plaisir ! Une qualité de présence rare ! Mais là, pour le coup, les mots me manquent pour traduire ce que j’éprouve ; ils me paraissent tous trop généraux pour exprimer ce je-ne-sais quoi d’unique qui émane de ce dvd.

mercredi, juin 27, 2007

jeudi 28 juin

Plutôt que d’explorer d’autres disques ou de revenir vers mes albums de prédilection, j’ai décidé d’écouter encore « Eau Forte » et de visionner plus à fond le dvd du « Didier Laloy Invite…s ». Je sais en effet que si je ne les laisse pas à la vue sur le coin de mon bureau, si je les laisse glisser sous d’autres ou a fortiori si je les range avant d’en avoir fait le tour, le temps passant, je risque de les oublier un peu sans en avoir tiré autant de plaisir que possible. Et cela me gêne toujours, car je ressens ce comportement comme un manque de respect et de considération à l’égard des artistes et de leur travail. C’est curieux comme la recherche du plaisir est toujours liée pour moi à une sorte d’exigence morale. Prendre plaisir à l’écoute d’un disque est certes un plaisir personnel, mais c’est aussi le signe d’une grande considération envers les compositeurs ou les interprètes. Décidément, éthique et esthétique sont indissociables.
Bref, l’écoute attentive de « Eau Forte » m’a conforté dans mes impressions. Je commence à me sentir tout à fait à l’aise dans le monde de « Okhlam » et dans celui de « Luminé ». Quelque chose a eu lieu qui fait que je m’y retrouve. En revanche, je reste encore sur le seuil des six autres titres.
J’ai repris aussi l’exploration du dvd de l’album de Didier Laloy. J’ai pu vérifier qu’il est en effet fort bien fait. Trois titres me plaisent tout particulièrement : « Astridin Vals » avec Panta Rhei, « Polskapal » avec les mêmes et Tref, « Quatre danses nuptiales » par le Trio Trad. Dans les trois cas, je suis sous le charme d’une musique dont j’ai déjà écrit, je crois, qu’elle a pour moi des racines profondes, quasi immémoriales. A propos du dessin, Paul Klee parlait de formes-mères, des sortes de formes primordiales ; je lui emprunterais volontiers l’expression pour qualifier la musique de ces trois morceaux. Et puis, dans tous les cas, on voit Laloy soucieux que ce soient les autres qui soient mis en valeur. Où l’on retrouve le lien étroit entre éthique et esthétique.

mardi, juin 26, 2007

mercredi 27 juin

J’ai visionné avec intérêt et avec plaisir le dvd de l’album « Didier Laloy Invite…s, Festival d’Art de Huy, live », éditions Wild Boar Music. L’ergonomie est excellente. On accède directement au concert, côté coulisses et côté scène, aux titres et à des fiches de présentations des groupes invités. Fiches succinctes, mais précises. J’ai compris qu’il s’agissait d’une carte blanche donnée à Didier Laloy et j’ai noté à quel point il se met au service de ses invités, quitte à se contenter de rester en retrait. C’est un bon document musical, mais, comme je le signalais dans une page précédente, quand je veux vraiment savourer la musique, je ferme les yeux… et du coup je peux apprécier le cd inclus si je puis dire dans le dvd. En tout cas, l’impression dominante est celle d’une musique dont l’inspiration vient de très loin, loin dans le passé, mais loin aussi quant à ses racines psychologiques.
Il est clair que j’aurai plaisir à reprendre ce dvd pour mieux prendre la mesure de l’évènement. Mais il est vrai que le plaisir documentaire l’emporte sur le plaisir musical pur.


Et puis, j’ai eu envie d’écouter à nouveau Aleksandar Kolovski, de retrouver son style si personnel, à la fois distancié, comme un peu absent, et parfaitement maîtrisé. Petit voyage dans YouTube :
http://www.youtube.com/watch?v=-10ZUE7WAnc&eurl=

Outre cette pièce, « Miniature », de 1 :40, pièce courte donc mais d’une très grande force expressive, on en trouve cinq autres sur cette page et c’est chaque fois étonnant. Le rapprochement manque peut-être de pertinence, mais j’ai pensé à Piazzolla dans la manière de manier l’instrument comme un fouet, comme pour l’obliger à aller au-delà des limites qu’on lui assigne. Je serais curieux aussi de savoir ce que voient les yeux d’Aleksandar Kolovski tant il semble être dans son monde. Quelles images se donne-t-il pour accompagner son jeu ?

lundi, juin 25, 2007

mardi 26 juin

Après avoir écouté une nouvelle fois «Eau Forte », je me suis rendu sur le site de Caroline Philippe pour consulter la fiche d’Agnès Binet. J’ai noté, avec intérêt, en parcourant la fiche de Caroline elle-même, quelle avait été une élève d’Agnés Binet. Outre les informations factuelles concernant celle-ci, j’ai lu les dix commentaires dont la tonalité m’a frappé. Beaucoup d’anciens élèves manifestement marqués par le charisme d’Agnès Binet et l’impression, à travers leurs phrases, d’une présence forte.
Pour l’heure, je reste sensible en priorité à la double dimension « improvisation et recherche contrôlées » et « construction conceptuelle » du disque, mais petit à petit j’ai l’impression de suivre le quatuor / quartet sur des chemins nouveaux. Je ne sais s’il faut dire quatuor eu égard à sa dimension musique de chambre ou quartet en égard à la dimension jazz. Justement, mon hésitation me semble signifier qu’il s’agit de quelque chose, d’une forme en train de naître. Cela correspond à l’idée que ma culture musicale est trop limitée pour entrer d’emblée dans ce projet.
En ce qui concerne le charisme d’Agnès Binet, je pense que certainement mon écoute serait modifiée radicalement si j’avais l’occasion d’assister à un de ses concerts. J’ai fait une expérience de ce type avec Karin Küstner, que je n’écoute plus du tout de la même manière depuis que je l’ai vue, à Trentels, et que j’ai gardé en mémoire beaucoup d’images de ses postures.
En tout cas, sans que j’en saisisse la raison, j’observe tout à coup que « Okhlam » est comme une ouverture. Est-ce dû à une impression de détente, de tension relâchée ? En même temps, en écho au paragraphe précédent, je sens que j’aimerais bien voir les quatre musiciens, leurs positions respectives, leur manière d’occuper l’espace, de tisser des liens entre eux… « Luminé » me désoriente bien encore quelque peu, mais plusieurs moments me touchent. Quelque chose se passe… D’écoute en écoute, quelque chose de nouveau advient. Je pense à cette expression familière : « C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». En général, on la convoque pour désigner une situation négative, mais, si l’on met entre parenthèses cette connotation, j’en garde l’idée que la simple répétition apparemment à l’identique d’un même phénomène peut finir par créer une situation radicalement différente et de manière instantanée. C’est ainsi que l’écoute des morceaux de « Eau Forte », apparemment identique à chaque fois, finit par provoquer, par petits glissements successifs, une perception tout à fait différente. C’est un premier pas, intuitif, vers cette culture dont je notais qu’elle me fait défaut.
Au plan de l’impression générale, c’est encore la tension qui domine. Ce que j’appellerais volontiers un monde crispé.

lundi 25 juin

Dimanche après-midi, je suis allé passer quelques heures avec ma mère, qui est en maison de retraite à Nay, à vingt kilomètres de Pau. Il y avait peu de monde sur la route en cet après-midi et j’ai écouté, en voiture, le disque de Didier Laloy, « Invite…s », enregistré en direct au « Festival d’Art de Huy ».
J’ai aimé d’emblée cette musique. Vingt-cinq musiciens, de formations diverses, dont trois accordéons diatoniques. J’ai aimé l’accord entre les interventions en solo et la masse sonore de tous ces musiciens. L’idée m’est venue alors à l’esprit que l’accordéon diatonique est vraiment l’instrument d’expression des sentiments « moyens » par excellence. Sentiment « moyen » est pour moi très laudatif. Je veux dire qu’il s’agit d’une expression qui n’est ni tragique, ni grandiloquente, ce n’est pas le monde excessif de l’opéra, ni vulgaire, ni fabriquée pour la consommation de masse. Ni élitiste, ni vulgaire, tout simplement populaire. Bien sûr, cette idée me fait penser à Marc Perrone, qui serait le représentant emblématique de ce mode d’expression.
Avec ce cd, se trouve un dvd enregistré en direct. Je me rends compte que j’ai envie d’attendre encore un peu avant de le visionner. En fait, je note que souvent je suis plus sensible au cd audio qu’au dvd, au son seul plutôt qu’au son et à l’image associés. Je sais pourquoi. La vidéo apporte plus d’informations avec les images visuelles, mais elle oblige à fixer un écran et contraint la mobilité des mouvements. Apportant plus d’informations, elle réduit les possibilités d’imaginer et de rêver. Elle oblige aussi à fixer son attention sur ce que le caméraman a choisi, sur l’espace qu’il a découpé. Parfois je sens bien que je voudrais voir autre chose que ce qui m’est proposé. Au fond, mais sans doute est-ce mon imaginaire qui parle ici, je trouve qu’un dvd enregistré en direct est toujours comme une trace du passé, un retour à ce qui a eu lieu, alors que le son d’un simple cd me parait plus être de l’ordre du présent, comme s’il surgissait dans l‘instant.
Il va bien falloir pourtant que j’aille voir ce qu’il en est de ce spectacle du « Festival d’Art de Huy ».

samedi, juin 23, 2007

dimanche 24 juin

… écouté ce matin, de bonne heure, « Eau Forte ».
- « Eau Forte », Quatre à quatre, Ajmiseries janvier 2005, Harmonia Mundi.
Quatre à quatre est le nom d’un quatuor : Michèle Veronique, violon et voix, Agnès Binet, accordéon, Jean Bolcato, contrebasse et voix, Christian Rollet, contrebasse et percussions.
Je suis à la fois sensible au jeu de relations entre les quatre membres de l’ensemble, une sorte de complicité qui aurait de très profondes racines, et un peu dépassé par la modernité de leur musique. Je sens qu’il y a quelque chose de très contemporain dans leur recherche, car je crois qu’il s’agit de recherche, et j’ai conscience que les limites de ma culture musicale ne me permettent pas de l’apprécier. Disons que c’est encore trop difficile pour moi. Disons autrement que mon oreille ne s’est pas encore suffisamment familiarisée avec ces territoires sonores nouveaux. Mais je suis bien décidé à m’accrocher…
Je dois dire que le texte de présentation ne m’a pas aidé. Il reste obscur pour ma compréhension. De même, le texte signé Michèle Véronique et Christian Rollet, deux des membres du quatuor, reste pour moi incompréhensible. En tout cas, ils ne m’aident pas à trouver le plaisir que recèle « Eau Forte ». Je cite la première et la dernière ligne :
« Eau Forte est la rémanence des sons comme texture du visible… Eau Forte est la révélation d’une contrée sonore à la luxuriance affranchie ».
Je vais essayer de chercher ici et là quelques commentaires, qui pourraient m’introduire à cette compréhension qui me fait défaut et je suis bien décidé à multiplier les écoutes à la recherche de l’impression ou de la sensation qui fera déclic.
J’ai le même problème avec Pascal Contet et avec Nano… Ils s’aventurent sur des terres encore peu balisées et leur cheminement me désoriente.

vendredi, juin 22, 2007

samedi 23 juin



J’écrivais hier que j’étais fasciné par l’écoute des différentes pièces de « Accordion Project ». De fait, je n’ai pu me résoudre à en arrêter la lecture pour pouvoir écouter « Eau forte » et le disque de Laloy.
Si j’essaie de comprendre l’origine de ce sentiment, je crois qu’il tient d’abord au fait que chaque titre est accompagné de ses caractéristiques succinctes mais précises. Par exemple :

- «1. Accordion Project » ; 3 :00 ; Jingle n° 23 de 0 :30 ; Electro-Tango ; passionate ; Acoustic gtr theme intro / accordion theme @ 0:25 / accordion solo @ 0:50 / back to acoustic gtr theme @ 1:42 ; Fast ; 150

Et ainsi de suite pour les vingt et un titres suivants.
J’ai bien conscience que ce descriptif ne m’est pas destiné et qu’il s’adresse à des professionnels de l’illustration sonore. Il s’agit bien d’un texte codé, de professionnels à professionnels. Mais justement cela contribue à cette fascination que j’évoquais. Comme si j’avais accès à la structure technique et conceptuelle de ce qui m’est donné à écouter. Fascination redoublée par le fait que cette réalité conceptuelle ou technique prend immédiatement forme sonore. Ce n’est pas seulement d’idées ou de projets qu’il s’agit, ce sont bien des sons qui provoquent des sensations, des émotions, des sentiments. Le texte se traduit immédiatement en une réalité perceptible.
Autre dimension de cette fascination : alors que la variété des inspirations et des influences est immédiatement perceptible, et que les deux musiciens la revendiquent comme une marque de fabrique, la focale qui s’est imposée à moi oriente mon intérêt sur le jeu de Toucas, si bien que tout ce que j’entends est orienté par l’attention privilégiée que je porte à l’accordéon. Un Victoria, je le rappelle, car comment l’oublier, comment mettre entre parenthèses les connotations qui s’y rattachent, comme par exemple le fait que Galliano joue sur un instrument de la même famille. Vingt deux titres, c’est beaucoup et la variété dont je parlais plus haut pourrait induire une impression de dispersion. C’est tout le contraire qui se passe. Disons que tout au contraire d'une dérive touche à tout, ce qui frappe c'est la transformation très personnelle opérée par les deux artistes sur tout ce qu'ils touchent. En cet instant, je sens un lien très fort entre tous ces titres : c’est le fil rouge que j’évoquais hier. Autre image : les vingt deux titres sont comme les pièces ou les fragments d’une œuvre, multiple certes, mais dont la potentialité me parait indéniable. Je retrouve ici l'idée de puzzle.

Je suis frappé par la continuité d’inspiration avec « Erranza ».

Aujourd'hui, Camille a quatre ans ! Il y a quatre ans justement, sa mère l'avait tellement secouée à l'occasion de la fête de la musique qu'elle avait dû se résoudre à nous rejoindre après avoir tergiversé plusieurs jours. Camille est née sous le signe de la musique. Pour l'accordéon, on verra plus tard, même si elle a commencé à essayer de l'apprivoiser.


... comme Charlotte, sa grande soeur !

vendredi 22 juin



Dès le lever, ce matin, nous avons remis « Accordion Project » sur le lecteur. Petit déjeuner accompagné par les vingt-deux morceaux du disque. C’est dire qu’une bonne partie de la matinée a été consacrée à cette écoute. Après les orages d’hier soir, le ciel est lavé de frais, les nuages volent haut, le vent est aimable et les oiseaux s’en donnent à cœur joie dans le prunier. Au fur et à mesure de l’écoute de ce disque des mots me viennent à l’esprit, comme des bulles que je laisse remonter à la surface sans chercher à en rendre raison. Juste les accueillir. Il me vient donc à l’esprit « exercices de style ». Je pense immédiatement en effet à l’ouvrage de Raymond Queneau, pour lequel j’ai une très grande admiration. Une idée, originelle et originale, et, à partir de là, un jeu indéfini de variantes ou de variations, tant sur la forme que sur le thème. La plaquette de présentation parle de « 1 mesure de jungle, 2 larmes de fado de Lisbonne, 1 pincée de Forro de Sao Paulo, 1 soupçon de musette-électro, 1 bonne dose de jazz latin-jazz-électro, 2 dés de bossa Nova, tango électro, 2 brins de Valse, Boléro électro, 3 gouttes de Latin Funk, Latin-Celtic et Latin-Reggae »… sans oublier Chopin ! Ces quelques lignes donnent une idée assez juste de ce que ce disque donne à entendre, mais pour ma part je suis surtout sensible, au-delà de ces influences multiples (le texte se revendique de la notion de melting pot), au son du Victoria de Toucas, comme un fil rouge. Plus j’écoute les différents morceaux, plus je suis fasciné par ce jeu de tissage entre ce fil rouge, cet élément de permanence et d’unité, et les différentes variantes ou variations qui se succèdent, chaque fois surprenantes. A la réflexion, je rattache cette fascination à l’articulation, conceptualisée par Barthes, entre « studium » et « punctum », pour rendre compte du plaisir esthétique. La dimension « studium » est dans la description informative, technique et stylistique de chaque morceau, la dimension « punctum » est dans la façon dont le son du Victoria et le jeu de Toucas me touchent. Chemin faisant, en écoutant les morceaux se succéder tout en parcourant leur descriptif systématique, c’est la notion de « miniature » qui me vient à l’esprit. Non pas miniature au sens d’objet de petite taille, mais au sens d’objet travaillé et peaufiné dans le moindre détail avec un souci de maitrise extrême. Jean Pacalet désigne ainsi les pièces de son album « 7x7 » et je trouve que cela convient bien aux morceaux, en l’occurrence mieux nommés pièces, comme dans un puzzle, qui constituent ce cd.

Curieusement, cette représentation des différents morceaux comme les pièces du puzzle « Accordion Project » modifie mon écoute initiale et je sens bien, en entamant, une nouvelle écoute que mon attention s’est déplacée. Comme si j’avais changé de focale, pour utiliser ici un langage photographique.


jeudi, juin 21, 2007

jeudi 21 juin











Après deux jours passés à Toulouse pour jouer les rôles de Papou & Mamou, retour à la maison. Il est 23h20. Nadja et Sébastien étant en effet débordés par leurs obligations professionnelles et, de surcroit, Charlotte et Camille, sans se concerter, ayant développé une otite pernicieuse dans l’oreille gauche, nous n’avions guère d’autre choix que de faire nos valises et de rejoindre Toulouse au plus vite. A notre retour, nous étions bien décidés à participer à la fête de la musique à Pau, mais, dès la sortie de l’autoroute, un violent orage inondant les rues qui menaient aux podiums, nous sommes allés manger une soupe et des brochettes chez notre chinois préféré.
Après avoir déposé nos bagages dans l’entrée et ouvert le robinet d’eau, que nous coupons toujours par précaution lors de nos absences, j’ai vidé la boite à lettres. D’abord, un tas informe de publicités diverses et puis tout un trésor, dont voici le détail :
- un colissimo expédié par Alapage
- une lettre du Clan
- deux billets, délivrés par la Fnac, pour un concert de Toucas
- un courrier de Pzazz Promotion contenant un cd de Toucas et Luiz de Aquino, "Accordion Project", 2006 Encore Merci.
C’est vraiment la fête de la musique ! Comme toujours, dans de telles circonstances, je crois au Père Noël et je suis content comme un gosse émerveillé de découvrir tant de jouets d’un seul coup. Cette régression est délicieuse. Mais, reprenons tout cela en détail :
- la lettre de l’association « Culture, Loisirs, Animation, Nogaro » (CLAN) contient deux billets de concert pour la soirée des « Accordéons Voyageurs ». Samedi 30 juin, arènes de Nogaro, 19h30. Plus un bon pour une boisson gratuite ! A partir de 20h, Amestoy Trio ; A partir de 22h, Michel Macias. Nogaro est à 70 kms de Pau, la même distance que Marciac. Décidément, le Gers est un département musical.
- Les deux billets délivrés par la Fnac : concert de Toucas aux grottes de Lacave, près de Souillac, dans le cadre de Souillac en Jazz. 17 juillet, 20h30. Souillac est à 360 kilomètres de Pau, mais bon... nous avions très envie de l'écouter ! Ne pas oublier sa petite laine.
- "Accordion Project" est un cd destiné à l'illustration sonore, construit sur un duo entre Christian Toucas, accordéon latin, et Luiz de Aquino, guitare brésilienne.
- Le colissimo Alapage contient deux disques qui ont mis un peu de temps à me parvenir, mais je ne le regrette pas : « Eau forte », Quatre à Quatre (Michèle Veronique, violon et voix, Agnès Binet, accordéon, Jean Bolcato, contrebasse et voix, Christian Rollet, contrebasse et percussions), Harmonia Mundi ; « Didier Laloy… Invite…s », Alea.

Je me suis précipité sur le cd de Toucas, qui tourne pendant que j’écris ces mots. Je suis frappé, en première écoute, par l’homogénéité des morceaux et par la personnalité du son de l’accordéon. Je ne saurais trop développer cette notion de personnalité du son de Toucas que je perçois comme une évidence, et cependant elle correspond bien à ce que j’éprouve. Justement, c'est une évidence ; elle ne se laisse pas facilement analyser... pour l'instant. J’y reviendrai pour essayer d’expliciter cette impression immédiate. En tout cas, j’en ai assez entendu, si j’ose dire, pour remercier cordialement Nelly Campo, manager de Toucas, qui m'a fait connaître ce disque et grâce à qui, actuellement, je me sens heureux comme un roi ! J'avais en effet cherché souvent en vain à retrouver Toucas après "Erranza". Cette nouvelle rencontre longtemps attendue me fait grand plaisir. Je sens d'ores et déjà qu'il va tourner en boucle...
Dès demain, il faudra préparer l’anniversaire de Camille. Quatre ans le 23 ! J'espère néanmoins trouver un peu de temps pour explorer toutes ces merveilles !





lundi, juin 18, 2007

mercredi 20 juin

Continuons notre cheminement qui ne mène nulle part, mais qui provoque tant de rencontres réjouissantes... Ce n'est pas le point d'arrivée qui compte, c'est le cheminement en tant que tel ! Surgit une vidéo dont je ne me souviens absolument plus après quels détours je l’ai croisée sur ma route : “Gentle Chris »



http://www.youtube.com/watch?v=OhAzf0EfG2M&NR=1



Enfin, quelques autres vidéos pour continuer mon parcours. D’abord un duo basque, dont j’ignorais l’existence : « Idoia Laburu & Joxan Goikoetxea – A Paris ». D’autres vidéos des mêmes existent, mais la qualité technique m’a paru de piètre qualité, avec de fréquentes interruptions.



http://www.youtube.com/watch?v=naMxpayWzXI



Ensuite, un orchestre d’accordéons : “La deploracion de Urdaspal” from “Zygor” by F. Escudero



http://www.youtube.com/watch?v=KrbHpq6d5V8&mode=related&search=



Puis, “The Mainsqueeze Orchestra – Mr. Kite Live!”. Les Beatles à la mode accordion !



http://www.youtube.com/watch?v=8tYLkoO46GQ&mode=related&search=



“The Main Squeeze Orchestra Live”



http://www.youtube.com/watch?v=DCmouXNL5lQ



Enfin, « Dark Eyes par David Carovillano ». Une interprétation peu banale d’un succès des cabarets russes. On retrouve une âme dans ce morceau si souvent voué à faire briller des virtuoses venus de pays de l’Est improbables.



http://www.youtube.com/watch?v=YrOfoCaG7pE&mode=related&search=

dimanche, juin 17, 2007

mardi 19 juin

Aujourd’hui encore, j’ai procédé suivant ma méthode heuristique de prédilection. Pour trouver du nouveau, avancer sans projet préconçu, par associations d’idées, à la manière du crabe, en sautant du coq à l'âne. De cette absence délibérée de logique, il sortira forcément du surprenant et de l’inattendu, qu’il sera bien temps, plus tard, d’explorer systématiquement. Au départ donc, pour voir, je recherche dans Youtube «Accordion Japan ». Et je trouve ceci :




http://www.youtube.com/watch?v=8GQC8gKZHkM







A partir de là, comment se fait-il que je rencontre « Waltz » ? Je ne sais plus…




http://www.youtube.com/watch?v=V-Uv7mZU7n0&mode=related&search=




Un peu plus loin, « Nekomushi », car ça sonne bien japonais…




http://www.youtube.com/watch?v=AjXg_CBhKC0&mode=related&search=




Puis, pour changer de pays, je demande «Accordion Korean ». Surprise ! « Besame Mucho, Alex à Séoul”. C’est inattendu !




http://www.youtube.com/watch?v=arHvssdAe8w




Je continue. Pourquoi pas « Accordion Irak » ? Mon accordéon aux armées !




http://www.youtube.com/watch?v=RUDrh1VVO9c




Et puis, toujours dans le même esprit, “Accordion Afghanistan”… Et là, deux documents étonnants. Le premier est intéressant par son exotisme, mais c’est surtout le second document qui me parait exceptionnel. Je dis bien document. Il mérite toute notre attention. D’une certaine façon, je le trouve fascinant et émouvant.




« Man Ninawazam Akbar Ramish Afghan Legend Music »




http://www.youtube.com/watch?v=K67EOsLjlaQ




“Akbar Ramish Ai Nasebe Naw Baharee”.




http://www.youtube.com/watch?v=zhSZbpSG-Ew&mode=related&search

A suivre...

lundi 18 juin

Il y a, dans le dernier numéro de « Sciences Humaines », le numéro 186, juillet 2007, un dossier, d’une dizaine de pages, sous le titre « Regards », consacré au bonheur. Ce n’est pas dans ce cadre qu’il est question d’approfondir un tel sujet, mais on y trouve néanmoins des aperçus intéressants. Par exemple, ce paradoxe de Jules Renard : « J’ai connu le bonheur, mais ce n’est pas ce qui m’a rendu le plus heureux ». Au-delà du bon mot, je comprends dans ces propos une idée tout à fait juste, à savoir que lorsqu’on a tout pour être heureux, j’entends tous les éléments matériels qui sont censés le constituer, on n’est pas pour autant forcément heureux. Quand on a tout pour être heureux pour les autres, on ne l’est pas nécessairement pour soi. Bien plus, le fait d’être dans une situation où tout va pour le mieux à un moment donné peut provoquer une inquiétude et même une angoisse violente quant à l’avenir. Tout va pour le mieux, donc ça ne durera pas. Ajoutons à cela que le bonheur est toujours éprouvé comme un rapport entre ses désirs et leur réalisation, si bien qu’un excès de désirs ou des désirs insatiables suffisent pour rendre tout sentiment de bonheur impossible.

Je ne sais pourquoi, mais en lisant le paradoxe de Jules Renard, j’ai pensé à la réaction de la plupart des gens que je connais et qui me connaissent, qui sont toujours surpris par mon goût pour l’accordéon. Ils ont du mal à croire que cela m’apporte le plaisir, la satisfaction et pour tout dire le bonheur que je trouve à l’écouter. Pour eux, c’est une bizarrerie. Presque une incongruité sociologique. C’est en effet un plaisir simple et facile à atteindre. C’est un plaisir qui ne s’éprouve pas dans la comparaison avec la situation d’autrui, qui n’a rien à voir avec l’esprit de compétition. Il ne s’agit pas d’avoir toujours plus de quelque chose, d’amasser, d’accumuler, de consommer, il s’agit seulement d’essayer de toujours mieux écouter. Un plaisir donc qui est d’ordre qualitatif et non quantitatif. Un plaisir personnel sans être égoïste. Finalement, c’est vrai, c’est une bizarrerie.

Finalement, je suis assez enclin à croire que le bonheur, ce n’est pas forcément quelque chose qu’il faut viser délibérément, mais plutôt un sentiment que l’on éprouve sans y penser, qui résulte de plaisirs simples, quotidiens, banals, en un mot « moyens », comme écouter de l’accordéon à tout moment où m’en vient le désir. C’est assez épicurien, ça… Entre l’hédonisme insatiable, au bout du compte inassouvi et décevant, et le rigorisme stoïcien, ascétique et obsédé par l’extinction de tout désir, l’épicurisme continue à me paraître sympathique, aimable et réaliste. L’accordéon sera épicurien ou ne sera pas, auraient pu dire les surréalistes... A propos, les surréalistes, tellement révolutionnaires et visionnaires quant à la littérature et la peinture, ont-ils connu l’accordéon, l’ont-ils reconnu à sa juste valeur ? A voir…

samedi, juin 16, 2007

dimanche 17 juin


Nous avons passé la journée à Hossegor où nous avons peint des clins à la lazure « chêne clair » pour que le charpentier puisse les poser la semaine prochaine. Les travaux de rénovation avancent avec, si j’ose dire, des retards considérables et nous avons quelque peine à imaginer la villa rénovée et fermée… un jour. Pour l’instant, ça ressemble plutôt à une maison sur pilotis dans les arbres, pins et chênes-lièges. L’autoroute entre Pau et Bayonne était très encombrée ; le centre d’Hossegor et les boutiques de surf sont déjà pleines de monde. Malgré cela, notre quartier entre lac et mer est comme une île paisible où les oiseaux et une famille d’écureuils semblent être seuls au monde. Parfois pourtant le bruit d’une tondeuse à gazon ou d’un karcher brise le silence, mais ces incongruités ne durent jamais longtemps. Il y a karcher et karcher...

De retour à la maison, j’écoute à plusieurs reprises la vidéo de Galliano et Rava, que j’avais relevée hier. Cette vidéo n’est pas seulement un enregistrement d’une session des deux musiciens, elle est aussi en tant que telle un objet artistique. J’avoue que je suis très sensible au jeu de Rava, qui donne là une interprétation magnifique de « Spleen ».

Parmi les trompettes, je fais une distinction entre deux familles. Des trompettes solaires, éclatantes, brillantes, tonitruantes, extraverties. Je ne les apprécie guère. Leurs stridences ne me touchent pas. D’autre part, des trompettes nocturnes, lunaires, sombres, ombrageuses, tourmentées, introverties. Celles-ci sont pour moi très émouvantes. Je pense à Miles Davis. Mais Enrico Rava en est aujourd’hui un des plus éminents représentants. C’est pourquoi j’ai eu tant de plaisir à découvrir cette vidéo.

Pour prolonger ce plaisir, deux autres disques du même tonneau :

- « Après la pluie » de Daniel Mille, avec la présence de Stéphane Belmondo
- « Charms of the Night » de Dave Douglas avec Guy Klucevsek à l’accordéon.

Il faudra qu’un jour j’essaie de comprendre pourquoi je trouve que le bandonéon et la clarinette, d’une part, l’accordéon et la trompette, d’autre part, forment des couples quasi parfaits.

vendredi, juin 15, 2007

samedi 16 juin

Nous rentrons du repas de quartier peu après minuit. Nous avons bu tellement de rosé, bien frais, que nous n’avons pas envie d’aller nous coucher. Je n’ai guère envie non plus de me lancer dans quelque recherche sérieuse sur internet, mais j’ai envie de butiner quelques vidéos sur Youtube pour en faire mon miel. On sent bien que le repas a laissé des traces, car à tête reposée je n’aurais jamais filé ainsi la métaphore. La promenade va durer un peu plus de deux heures, sans véritable continuité ni fil directeur, sinon l’humeur de l’instant. Je livre ici le résultat de mes investigations erratiques, à qui voudrait se lancer sur mes traces. C’est brut de décoffrage. Il y a du sublime avec « Spleen » par Galliano et Rava ; il y a du drolatique avec un quatuor de petites chinoises ; il y a du franchement marrant avec Music China Opening Reception Shangaï ; il y a des rencontres improbables et explosives avec French Waltz played by Bayan et Musette Brasileiro ; il y a… Il y a… Il y a aussi Ionica Minune ou Marian Mexicanu Romanian. Il ne faut chercher aucun principe de mise en ordre dans cette sélection, sauf que tout de même j’ai gardé le meilleur, selon moi, pour la fin.

Au départ, sans trop y réfléchir, après avoir rejoint Youtube, je tape «accordion chinese »...

Accordion chinese : un quatuor à la mode asiatique
http://www.youtube.com/watch?v=GWbBaIEjSsM

Music China Opening Reception Shangaï : carrément marrant
http://www.youtube.com/watch?v=UC82AyLAUFo

… changement de direction…

Valse musette
http://www.youtube.com/watch?v=lObuzBLp9qk&mode=related&search=

Valschino
http://www.youtube.com/watch?v=S2c6LQwSnW0

French Waltz played by Bayan, Russian accordion
http://www.youtube.com/watch?v=K7vAaFQArZg&mode=related&search=

Musette Brasileiro
http://www.youtube.com/watch?v=alhCnG5C9z0&mode=related&search=

… nouveau changement de direction…

Marian Mexicanu Romanian accordion player
http://www.youtube.com/watch?v=BWIxFIjX3dU&mode=related&search=

Ionica Minune
http://www.youtube.com/watch?v=kl87HWYsOh0&mode=related&search=

Ionica Minune II
http://www.youtube.com/watch?v=RWkzTvdKQkU&mode=related&search=

Mieluta Bibescu et Ionica Minune
http://www.youtube.com/watch?v=XkUwqv8n0ms&mode=related&search=

… et pour terminer, quelque chose de rare, que je n’hésite pas à qualifier de sublime !

Galliano / Rava / Spleen
http://www.youtube.com/watch?v=RJN_Tfaj_KI&mode=related&search=

jeudi, juin 14, 2007

vendredi 15 juin

Avant de ranger « Erranza » à sa place alphabétique, à la lettre T comme Toucas, je me suis fait une petite sélection aux petits oignons. J’ai choisi, de manière arbitraire, neuf accordéonistes, une pléiade de neuf (et pourquoi pas neuf ?), que j’ai écoutés successivement en alternance avec les neuf titres qui composent « Erranza ». Comment je les ai choisis ? Les uns par analogie ou par correspondance, d’autres par contraste ou par opposition, d’autres encore par associations d’idées (un certain climat, un certain jeu, une certains couleur, etc…), d’autres enfin parce que je me disais que j’aurais bien aimé écouter la version qu’en donnerait Toucas.
C’est ainsi que j’ai écouté en alternance avec les titres de « Erranza », les neuf titres suivants :

- « Bossa Dorado » in « Swing Rencontre », Ludovic Beier
- “Swing 39” in “Beltuner”
- “El Astor” in “Jazz, n°1”, Marc Berthoumieux
- “Espina” in “Le Fil”, Jean-Luc Amestoy
- « Rondeau de la fin du monde » in « Tout et son contraire », Michel Macias
- « Ouro prêto » in « Après la pluie », Daniel Mille
- « Série Noire » in « Champlong », Jacques Pellarin
- « Sol do Algarve » in « Sandunga », René Sopa
- « Wave » in « Art for Art », Frédéric Schlick

Un parcours bien agréable, plein de retrouvailles et de surprises… Une manière de reconstruire et de reconfiguer ma mémoire de ces morceaux et de leurs interprètes. Une manière de la garder vivante.

Mais ce n’est pas tout ça… Les voisins m’attendent pour donner un coup de main à l’installation des tables et des chaises pour le repas de quartier que nous organisons chaque année. Depuis deux jours, les services de la mairie ont installé des panneaux d’interdiction de stationner entre 20h et 24h ce soir. Nous sommes très fiers car, comme notre rue forme une boucle, nous avons même des barrières pour la fermer à toute circulation. Je n’en suis pas encore à essayer d’introduire l’accordéon dans ce moment convivial, mais j’y pense.

mercredi, juin 13, 2007

jeudi 14 juin


Suite à un échange de commentaires avec Nelly Campo, manager de Toucas, je suis allé faire un tour sur son site : http://www.toucas-accordeon.org/

J’en ai bien apprécié le style, les informations et l’ergonomie. La photographie d’accueil est magnifique de précision et d’expression. Outre la qualité technique -le noir et blanc, le piqué du grain-, j’aime bien la relation quasi fusionnelle entre Toucas, ses lunettes, sa chevelure, son regard, et son instrument, un Victoria dont le nom s’affiche fièrement au premier plan.
Le site est simple et agréable à parcourir. On y trouve dix extraits. J’en connaissais trois, j’ai écouté les autres avec plaisir. J’ai parcouru la discographie, mais j’ai vérifié aussi que les distributeurs comme Alapage ou la Fnac ne proposent pratiquement que « Erranza ». Je me rappelle qu’à l’époque où j’avais découvert cet album, j’avais déjà eu des difficultés pour m’en procurer d’autres. A moins que je ne sache pas explorer les bonnes filières. J’ai noté dans la liste des concerts, un concert en solo, le 17 juillet à Souillac. Nous nous sommes assurés qu’il y avait des chambres d’hôtel disponibles, mais nous hésitons encore, car s’il est vrai que Souillac est encore dans le sud-ouest, il y a tout de même 360 kilomètres à parcourir depuis Pau… On se donne un peu de temps de réflexion.
Pour l’heure, nous écoutons « Erranza »…

- « Toucas Erranza », Cézame-Argile 2004, Iris Music 2004, Distribution Harmonia Mundi.

Le disque est composé de dix titres, neuf plus un « ghost track », « Riviera for Ever ». La durée totale est de 44 :38. Les morceaux ont une durée comprise entre 2 :46 et 5 :36. Les quatre musiciens sont Christian Toucas, accordéon, Romane, guitare solo, Philippe « Doudou » Cuillerier, guitare rythmique et Pascal Berne, contrebasse.
Que ce soit dans sa biographie, dans sa discographie ou dans la présentation de « Erranza », Toucas se situe très clairement et explicitement sous influence de styles comme le jazz, le fado, musique de ses racines familiales, la musique cubaine, avec la rencontre du flûtiste Orlando de la Pantera, la musique brésilienne. Les noms des différents titres disent assez ces influences revendiquées comme autant de points de repères. Il insiste aussi sur le type de complicité qu’il a eue avec Romane et je dois dire qu’elle est manifeste tout au long de leurs dialogues. D’ailleurs tous les titres sont co-signés Toucas – Romane. Mais je suis aussi très sensible à la présence de Cuillerier et de Berne. C’est un vrai quartet.

Enfin, s’il est vrai que l’album propose différents styles, j’ai surtout été sensible à l’homogénéité de l’ensemble. Je ne suis pas loin de penser que celle-ci tient à un son bien particulier de l’accordéon de Toucas et à une forme de présence. Suivant la règle que je me suis fixée, il n’est certes pas question de tirer un palmarès de l’écoute, en boucle, que je fais actuellement de « Erranza », mais je puis dire que je suis particulièrement touché par le premier titre, «La Pantera », par « Plaza Astoria », par « Swing du Sud », par « Place d’Italie », avec des accents à la Gus Viseur, et par « Erranza », avec un accordéon attentif au jeu de Romane et tendu comme un fil de soie.
« Riviera for Ever », le dernier titre, présenté comme « ghost track » est délicieux comme la rencontre de Gus Viseur ou de Jo Privat avec Django Reinhardt sur un 78 tours. Nostalgie et humour, avec la virtuosité qui permet cet exercice de style !
Et pendant ce temps, « Erranza » continue de tourner…


mardi, juin 12, 2007

mercredi 13 juin

Hier, alors que je regardais assez distraitement la télévision, j’ai appris une chose qui n’a rien d’essentiel, mais qui cependant m’a intéressé. Un journaliste gastronomique expliquait à son interviewer qu’il était chroniqueur gastronomique et en aucune façon critique gastronomique. Il faisait remarquer que les journalistes, spécialistes de gastronomie, se différencient nettement entre les critiques et les chroniqueurs. La critique, disait-il en substance, est un examen en vue de porter un jugement d’appréciation, un jugement de goût ou si l’on veut esthétique, ce jugement pouvant être laudatif ou défavorable. La chronique, en revanche et toujours selon ce journaliste, est une rubrique régulière qui ne fait état que de jugements favorables. En gros, lire une chronique gastronomique, c’est toujours s’attendre à trouver de bonnes raisons d’aller manger dans le restaurant cité, alors que la critique peut avoir pour fin de détourner d’une table décevante ou indigne de sa réputation. Ce même journaliste ajoutait qu’il ne voyait pas l’intérêt d’écrire des critiques. Ce qui m’a déçu, disait-il à peu près, je m’empresse de l’oublier pour ne parler que de ce qui m’a fait plaisir et que je souhaite partager.

J’avoue que je ne connaissais pas ce sens du mot chronique, qui pour moi signifiait un recueil de faits rapportés suivant leur chronologie ou une suite d’articles réguliers sur quelques sujets bien définis ou, à la rigueur, un ensemble de faits historiques, comme dans les expressions « chronique scandaleuse » ou « défrayer la chronique ». Il faut donc que j'ajoute à mon vocabulaire le mot « chronique » au sens de « suite d’articles réguliers sur un sujet ou un thème donné ayant pour visée de mettre systématiquement en évidence le bon côté des choses ». Définition et attitude éminemment sympathique !

Du coup, je me rends compte que le projet fondamental de ce blog, jour après jour, est bien de l’ordre de la chronique. Je n’ai jamais vu l’intérêt en effet de faire état de mes déceptions ou de déconseiller l’achat et l’écoute de tel ou tel disque. De toute façon, je n’aurai jamais assez de temps pour dire tout le bien que je pense de ce que j’apprécie, dés lors quel serait l’intérêt de perdre de ce temps précieux pour jouer au gardien du temple ou au chien de garde ? Seul le partage des plaisirs me parait valoir la peine d’entreprendre une telle entreprise.
Ce blog est donc une chronique.

Mais, cette précision sémantique m’éclaire sur un point qui m’intriguait dans la revue « Accordéon & accordéonistes », à savoir que ce qui m’apparaissait comme des pages de critiques de disques portait le nom de « chroniques ». Tout s’éclaire. Dénommer ces pages « chroniques », c’est signifier que l’on n’y trouvera recensés que des disques jugés dignes d’éloges. Une manière de dire, « faites-nous confiance ! Vous ne regretterez pas de suivre nos enthousiasmes ! ». Une manière aussi de soutenir les créateurs et interprètes. En cela, la revue, et c’est fort sympathique, se démarque de l’attitude critique, pisse-froid, largement répandue dans le monde des lettres ou du cinéma, même si parfois, je l'avoue, la dithyrambe me parait excessive.

Bien sûr, cette distinction entre critique et chronique peut apparaître comme de peu d’importance, mais pourtant cela me réjouit d’avoir appris quelque chose, d’avoir amélioré mon vocabulaire et d’avoir pu décrypter le sens de cette rubrique « chroniques » dans la revue « Accordéon & accordéonistes ». J’ai plaisir à penser en effet que la chronique est une attitude épicurienne !

lundi, juin 11, 2007

mardi 12 juin

… sur le coup de midi, on a comme une petite faim et comme une petite flemme de se mettre en chantier de cuisine. Du coup, on décide vite fait d’aller manger une part de faux-filet, frites, salade, au « Goya ». Un pichet de vin du mois et un café. C’est une brasserie où nous avons nos habitudes et où nous rencontrons régulièrement des connaissances, avec qui nous échangeons trois banalités avant de nous souhaiter rituellement « bon appétit ».
Après le déjeuner, le temps est agréable et malgré les travaux interminables autour de la place Clémenceau, qui rendent la circulation difficile et les trajets aléatoires, nous décidons d’aller faire un tour jusqu’à la Fnac. Le rayon des disques de jazz s’est réduit comme peau de chagrin. On ne peut plus parler de choix possible tant le nombre d’albums est limité. En revanche le rayon « musique du monde » prolifère de jours en jours. On a l’impression que ce terme recouvre tout et n’importe quoi. Quant au rayon « tango », il se développe dans tous les sens : nouveau tango, Piazzolla, les grandes figures historiques (Troilo, Puglise, Gardel, etc…), tango électronique, tango chanté, tango instrumental, grands orchestres à trois ou quatre bandonéons et autant de violons, trios, duos, solos…
Beaucoup de disques de tango électronique se ressemblent comme des clones. Les pulsations générées par des machines « cassent » le rythme du tango qui devient une sorte de gesticulation sans âme. Parmi ces disques pourtant, l’un attire notre attention, « Otros Aires ». Six musiciens : M. Di Genova, voz, guitarra, programacion y samples ; H. Satorre, bandonéon ; E. Mayo, bateria y percusion ; P. Lasala, teclados ; J.L. Guart, piano electrico ; T. Cubero, bajo.
Le projet est défini ainsi : « Otros aires es un projecto arqueologico-electronico creado en los puertos de Barcelona y Buenos Aires, que mixtura las primeras grabaciones de tango y milonga de principios del siglo pasado con letras, melodias y sequencias electronicas de este nuevo siglo ». C’est une sorte de mixte de Gardel et de Gotan Project… qui s’écoute avec plaisir. Et puis la rencontre de l'électronique avec l'archéologie musicale, l'expression suffit à me ravir.

- « Otros Aires », 2004. Union de musicos independentes. Dix titres ; durée : 43 :20.

....

Autre chose. Je viens de découvrir à l'instant un commentaire déposé le 7 juin par Nelly Campo, manager de Christian Toucas. J'avais en d'autres temps, dans ce même blog, dit à quel point j'avais apprécié "Erranza" et à quel point j'étais impatient de pouvoir écouter un nouvel opus sous son nom. Il semble que le commentaire que j'ai fait de l'article qui lui était consacré dans "Accordéon & accordéonistes" ait irrité Nelly Campo. Dont acte. Les lecteurs éventuels jugeront. En revanche, je regrette qu'on ait pu penser que je voulais en quelque façon dégoûter qui que ce soit du jazz et cela pour deux raisons, d'abord parce que mon blog est délibérément personnel et subjectif et que je ne cherche à avoir aucune influence, d'autre part parce que mon blog est confidentiel et que je suis assez réaliste pour savoir que je n'aurais aucune influence, même si j'en avais le projet. L'impression que j'ai ressentie lors de certains concerts de jazz ne prétend être ni vraie ni fausse, au sens d'une vérité objective et vérifiable. C'est mon impression et elle n'est vraie qu'en tant quelle est authentique, ni plus ni moins. Pas question de chercher à l'imposer, pas question d'y renoncer. Elle est ce qu'elle est.
Cela dit, je continuerai évidemment à chercher sur internet si Christin Toucas se produit dans la région du sud-ouest et si tel est le cas je m'y précipiterai sans aucune hésitation.

En tout cas, j'observe que les intérêts de Christian Toucas sont défendus avec vigilance et pugnacité.

lundi 11 juin

« Hervé » a déposé le jeudi 7 juin un commentaire, qui me semble ouvrir des pistes de réflexion intéressantes, et qui en tout cas me donne envie de les explorer.

« Oui, oui, oui !!! Très juste !En tant que joueur de diato, je suis persuadé que le chroma souffre aujourd'hui de cette logorrhée de notes que certains interprètes ont trop mis en avant et qui a contribué au "repoussoir" chromatique qui existe encore aujourd'hui.J'ai récemment recueilli l'avis d'une collègue de travail qui n'osait pas dire qu'elle jouait du chroma !!!Bon, cela n'explique pas tout, bien entendu, mais le "sur-jeu" a surement contribué à faire déserter les jeunes générations de l'instrument, en le rendant trop technique, trop impersonnel…Parallèlement, je suis convaincu qu'une approche sociologique (ma formation de base !!!) permet de mieux comprendre ce mouvement, cet attrait pour une approche de la musique qui se rapproche des "musiques savantes" ... Bon, je pourrais passer des heures à débattre de ce sujet !!! »

Comme je n’ai aucune pratique de l’accordéon, je n’ai aucune expérience de cette distinction, au sens sociologique de Bourdieu, entre les deux modalités de l’instrument, chromatique et diatonique. Je devrais dire chromatique versus diatonique. Mais il est clair qu’elle fonctionne comme principe de clivage entre les amateurs de l’un et les amateurs de l’autre. C’est ainsi que j’ai souvent été frappé, dans des interviewes de Marc Perrone, de voir qu’il présente son accordéon diatonique comme un instrument modeste, mais dont il est fier de savoir tirer de profondes émotions. J’ai cru comprendre même, à plusieurs reprises, qu’il n’était pas loin de considérer les limites du diatonique comme une force expressive. C'est l'histoire du petit qui n'a pas peur des gros...
A propos de l’exemple de la collègue de travail, qui n’osait pas dire qu’elle jouait du chromatique, on est bien au cœur de cette distinction que j’évoquais ci-dessus. Tout fonctionne comme s’il s’agissait d’abord de se situer par différences. Quand on joue de l’accordéon, il ne suffit pas de se distinguer par rapport au piano, au violon ou à je ne sais quel autre instrument, il s’agit de se définir comme jouant du chromatique ou du diatonique ou autre… et ainsi de suite, car ce jeu n’a aucune limite assignable. C’est ainsi que les tribus se subdivisent en clans de plus en plus différenciés.
Le dernier paragraphe, qui fait allusion à des « musiques savantes » m’échappe un peu, mais je pense en effet a priori, avec Hervé, qu’une approche sociologique des pratiques de l’accordéon serait d’un très grand intérêt, en attendant une approche psychosociologique, puis psychologique. Un champ d’étude à explorer pour quelques générations d’universitaires. Encore faudrait-il qu’ils sachent que l’accordéon existe, et qu’il existe tout près de chez eux, en France, des gens qui en jouent et qui l’écoutent… Sociologie ou ethnologie ? Justement, qu’en est-il de l’écoute et de la pratique de l’accordéon en milieu universitaire ? Imagine-t-on un professeur de faculté avouant, au cours d’une pause café ou au moment du déjeuner à la cafétéria, lors d’un colloque de chercheurs internationaux, qu’il a une passion pour l’accordéon ? Oui, si c’est un provocateur ou s’il n’a plus de soucis de respectabilité ni de reconnaissance par ses pairs. Comportement rarissime en milieu universitaire. Cette question n’est pas anodine, car elle signifie que pour être étudié un objet doit être perçu comme un objet d’étude légitime, or tout porte à croire que ce n’est pas encore le cas de l’accordéon. Sociologues, encore un effort.

dimanche, juin 10, 2007

dimanche 10 juin

Souvent, la lecture de critiques de disques d’accordéon me laisse insatisfait. Je n’y trouve pas mon compte. Ces critiques en effet sont généralement constituées d’éléments objectifs, comme certains titres présentés comme significatifs ou comme les noms des musiciens et les instruments, et d’éléments subjectifs, comme des adjectifs acides ou dithyrambiques, énoncés sans réelle argumentation. Mais tout cela manque de précision et de justification. Je ne parle évidemment pas des pseudo-critiques, qui se présentent comme indépendantes et impartiales alors même qu’elles ne font qu’accompagner une page publicitaire achetée par tel artiste ou telle maison de disques dans la même revue. Ce sont les critiques en forme de renvoi d’ascenseur. C’est assez facile à démasquer.

C’est ainsi que, prenant conscience de mon insatisfaction, je me suis demandé ce que devrait être, selon moi, la méthode d’une critique de disques d’accordéon digne d’intérêt et de confiance, d’une critique capable de m’informer et d’éclairer mes choix sans les orienter plus ou moins implicitement.

En fait, j’en attendrais une démarche en quatre phases :

- une phase descriptive me donnant les caractéristiques objectives du disque, comme la photographie de la couverture, le nombre de titres, les durées, la composition de la formation, l’année de production, le type d’enregistrement, etc…
- une phase explicative me donnant des éléments d’analyse, par exemple sur le style, sur l’évolution ou la permanence de l’accordéoniste, sur l’homogénéité ou la variété des différents morceaux, sur les influences ou les parentés éventuelles, etc…
- une phase compréhensive où le critique s’efforcerait de saisir de l’intérieur, par une démarche empathique, le projet et la démarche des artistes, compositeurs et interprètes
- une phase d’explicitation où le critique donnerait clairement son opinion et même son jugement sur la qualité du disque, mais en donnant, cartes sur table, ses a priori esthétiques, c’est-à-dire en permettant au lecteur de le situer, au lieu de se présenter sous l’apparence de la neutralité.

En résumé, j’attendrais un texte me permettant d’abord de me représenter l’objet de la critique, puis une analyse objective le décomposant en ses différents éléments, puis un travail de compréhension pour saisir ce qui est en jeu pour les artistes eux-mêmes, disons pour approcher leur subjectivité, et enfin une prise de position personnelle explicite de la part de l'auteur de la critique.

Bon, maintenant que je me suis muni de ces critères, je vais regarder d’un peu plus près ce que me proposent les critiques patentés…

samedi, juin 09, 2007

samedi 9 juin

Ayant fini de ranger mes cds par ordre alphabétique, je constate qu’ils sont retombés dans une sorte d’anonymat. Serrés les uns contre les autres, ils ne présentent qu’une face minimale, la tranche sur laquelle on peut lire leur nom. J’ai déjà envie de mettre en œuvre quelque comparaison et de mettre un peu de désordre dans ce classement sans saveur comme tout ce qui est trop rationnel et systématique.

Mais auparavant, si je devais ne retenir qu’un seul album ou même seulement quelques titres d’un album, quel est celui que je choisirais spontanément, par réflexe, si je puis dire ? Sans aucune hésitation, un disque que je considère comme l’un des plus beaux qui soient :

- « IF », Enja Records, 2002.

Tous les titres sont des compositions de Myriam Alter. Dino Saluzzi est au bandonéon, John Ruocco à la clarinette, Kenny Werner au piano, Greg Cohen à la contrebasse et Joey Baron à la batterie.

Ce disque est admirable, qu’il s’agisse des compositions en tant que telles, du jeu de Saluzzi, beaucoup plus délié et dynamique que dans la plupart de ses autres interprétations, souvent retenues et comme contraintes, ou encore du travail de tissage opéré par les différents instruments.

Je me rappelle avoir entendu ce disque fortuitement dans la boutique Harmonia Mundi de Toulouse, alors que je cherchais un disque d’accordéon. Quand je l’ai entendu, c’est comme si le temps s’était arrêté, comme si la succession des instants présents se réduisaient à cette seule musique, comme si rien d’autre ne pouvait exister. Depuis, j’ai écouté ce disque maintes et maintes fois ; c’est chaque fois le même enchantement : un équilibre tellement fragile et tellement solide, comme un fil d’araignée dans le vent.

On peut vivre certes sans avoir jamais écouté ce disque et je trouve un peu ridicules ces gens qui vous expliquent, injonction à l’appui, que telle ou telle œuvre est indispensable, mais en l’occurrence je suis persuadé que l’on est plus heureux si l’on a eu cette chance.

vendredi, juin 08, 2007

vendredi 8 juin

Saint-John-Perse a intitulé un de ses recueils de poèmes « Amers », au sens de repères fixes par rapport auxquels on peut orienter une navigation. Je viens de classer mes cds d’accordéon par ordre alphabétique et à l’instant où j’ai terminé ce rangement commode, mais qui les place tous sur un même plan, je me demande quels sont pour moi les amers par rapport auxquels je construis mon parcours d’écoute et qui balisent la culture que j’essaie de me donner.

Il y aurait d’abord, deux pôles opposés : d’une part, Aimable, le petit vin blanc, l’accordéon paillettes et Email Diamant, la fiesta, les danses populaires. Limite audible. D’autre part, Pascal Contet, l’accordéon expérimental, l’improvisation contrôlée. L’accordéon comme forme d’art conceptuel. Limite audible.

Et puis il y aurait Jean Pacalet, l’accordéon de concert contemporain, une musique strictement écrite, chargée de culture. L’instrument, unique, est inséparable du compositeur. Il y aurait aussi Bruno Maurice, l’accordéon de concert classique, les transpositions. Encore une musique strictement écrite. La partition est au cœur du concert. Une musique de haute tradition. L’instrument, unique, est inséparable de l’interprète.

Enfin, évidemment Richard Galliano. Maîtrise technique, créativité, énergie et métissage. Une sorte de référence absolue. Le même sous l’infinie multiplicité de ses expériences et l’infinie variété de ses compagnonnages. L’instrument, pour lui aussi, est inséparable de son art. Si l’on ne peut l’assimiler à une personne, on peut cependant dire qu’il a une vraie personnalité. Comme Aimable, Richard Galliano joue de l’accordéon debout… mais, à part ça, quoi de commun entre les deux ?

lundi, juin 04, 2007

jeudi 7 juin

… lu, dans le dernier numéro de la revue « Accordéon & accordéonistes », le numéro 65 de juin 2007, plusieurs articles fort intéressants, dont j’ai retenu quelques passages qui se font écho et qui en quelque sorte répondaient à des questions que je me posais implicitement.

- page 22, Jean Corti dit ceci : « L’accordéon est un instrument qui se prête à la virtuosité, mais ce n’est pas toujours heureux. Bien sûr, ce que je préfère, c’est une jolie note plutôt qu’un trait de virtuosité ».

Ces propos m’intéressent, d’une part parce que j’y adhère totalement, d’autre part parce qu’on tient là un principe de clivage entre les accordéonistes : ceux qui cherchent la virtuosité en tant que telle vs ceux qui cherchent « la » belle note.

- page 26, Riccardo Tesi dit ceci : « J’aime le côté rythmique de mon instrument [diatonique], mais les années passant j’y découvre de plus en plus de mélancolie... Bien sûr, c’est un instrument qui a des limites. Mais au lieu de me concentrer sur ce qui est impossible, je préfère aller vers tout ce qui est possible et que je ne connais pas encore. Les limites peuvent devenir des défis à relever et stimuler la créativité. Je suis toujours à la recherche de nouvelles possibilités d’expression. Le but ultime pour moi, c’est l’émotion. Et bien souvent il suffit juste de quelques notes, les bonnes ».

Ces propos m’intéressent bien entendu par leur correspondance avec ceux de Jean Corti, mais aussi pour deux autres raisons. D’une part, l’idée que la créativité repose sur la volonté d’aller au-delà des limites actuelles ; c’est d’abord une attitude volontariste, donc morale ou, comme on dit aujourd’hui, éthique. D’autre part, l’idée d’un clivage entre les accordéonistes productivistes, pour qui le but ultime, c’est de produire le plus de notes possibles dans un temps donné vs ceux qui cherchent à provoquer l’émotion avec la plus grande économie de moyens possible ; et là on retrouve l’idée de « la » belle note.

- page 31, à la question de savoir comment associer les qualités de l’accordéon et de l’orgue Hammond, René Sopa répond ceci : «Il s’agit de laisser la place à l’autre, sans jamais trop se chevaucher dans les harmonies. Il faut être à l’écoute. Stefan ne joue pas sur la virtuosité. Il cherche d’abord la note juste et à faire ressortir le son de l’instrument… ».

Ici encore, l’idée de l’opposition entre la recherche de la virtuosité et la recherche de « la » note juste ; idée qui vient compléter une autre considération, morale celle-ci, sur l’écoute réciproque vs « tirer la couverture à soi ». On sent bien qu’il y a là un clivage entre la virtuosité et la justesse, une visée quantitative vs une visée qualitative.

- dans cette même page, René Sopa ajoute : « Il [Stefan] joue sur les différentes sonorités, les changements de registres. C’est la sonorité que j’aime [..] Trouver le son, c’est la seule chose qui me préoccupe sans cesse. Je tiens à remercier la fabrique Fistalia qui a conçu pour moi un bel instrument ».

Le beau son, la belle sonorité, le bel instrument, la belle note…

- page 41, Christian Toucas dit ceci : « Mon plaisir, c’est de jouer avec des musiciens. Ensemble, chacun a quelque chose à dire. Après, libre à ceux qui vous entendent d’apprécier ou pas votre musique ».

Ces paroles m’intéressent à deux titres au moins. D’abord, parce que Toucas exprime sans détours ce que j’ai assez souvent éprouvé au cours de concerts de jazz. Les musiciens sont ensemble pour se faire plaisir, pour expérimenter, pour chercher à dépasser des limites, pour dialoguer, quelquefois pour... monologuer. Le public n’est qu’accessoire, sauf pour leur apporter son écot et leur permettre ainsi d'assurer leur existence matérielle. De manière significative, Toucas parle d’ailleurs du public comme de « ceux qui vous entendent », alors que pour ma part, lorsque j’assiste à un concert, je mobilise toute mon attention pour « écouter »… En écoutant en effet, j’ai le sentiment de participer à la réussite du moment musical que je vis avec tous les présents, de part et d’autre de la scène. Cette écoute se prépare. Cette écoute implique une attention particulière tout au long du concert et durant chaque morceau. Je ne me déplacerais certainement pas pour aller simplement entendre de la musique.



Entendre n'implique aucune attention particulière. Je suis dans un certain environnement et des sons me parviennent ; écouter implique une attitude volontariste, une focalisation active sur les sons qui me parviennent, focalisation qui distingue radicalement écouter et entendre. En ne faisant pas cette distinction ou peut-être en considérant qu'elle n'a pas lieu d'être Toucas a en tout cas le mérite d'exprimer clairement la manière dont il "voit" les gens qui viennent assister à ses concerts.

dimanche, juin 03, 2007

mercredi 6 juin

Le sens n’est jamais sûr.

Françoise a pris connaissance de mon blog, lundi 4, « notes pour servir à l’analyse de l’écoute d’un disque » et dimanche 3, « petite réflexion politique ». Elle a le sens de la concision et des formules lapidaires. Elle m’a dit : « C’est rigolo ! ». Moi qui me prenais déjà pour un théoricien de l’écoute, je crus bon de préciser que les « notes », c’était sérieux et que justement avec l’application de ma formule au disque du Quatuor Caliente j’avais essayé de valider mon analyse. J’ajoutais que cette question me préoccupait depuis un certain temps, comme en témoignaient plusieurs pages de mon blog, et même que ma formalisation me paraissait pas mal fonctionner. Elle me dit : « Oui, d’accord, mais la formule, cet aspect mathématique… ». Manifestement, elle était persuadée que je plaisantais et que je rajoutais une couche dans le canular. Est-ce la rencontre, sur une page de blog, de l’accordéon (ici du bandonéon) et d’une approche théorique du plaisir de l’écoute qui lui paraissait incongru ? La question reste en suspens…

… d’autant plus que notre conversation nous a conduits à discuter un peu de ma critique, théorique pour le coup, de la notion de développement durable pour nos élites politiques et de ma proposition d’ouvrir une option « l’accordéon, sa vie, son œuvre » dans le cursus de l’E.N.A.(école nationale d’administration et non école nationale d’accordéon). Françoise me dit : "Avec ton histoire de créativité en lieu et place de la productivité, tu t’en prends finalement à la logique capitaliste… ». Elle a tout compris, malgré la forme rigolote. Mais en continuant notre conversation, je me rends compte que mon idée d’option « accordéon » est un peu naïve, car il y a fort à parier qu’en moins d’une année cette option, inscrite dans cette école, aurait pour objectif non pas de faire comprendre aux énarques les avantages de la convivialité, de l’échange et du partage autour de l’accordéon, mais de préparer des bêtes à concours, formatées pour rafler tous les premiers prix… Concurrence et compétition !

C’est sûr, le sens n’est jamais sûr. Mais l’utopie n’en continue pas moins son bonhomme de chemin.

mardi 5 juin

Dans le dernier « Grand Dossier n° 7», juin-août 2007, de la revue « Sciences Humaines », consacré à la psychologie, on trouve un article fort intéressant intitulé « Le goût du vin », page 30. Je cite l’en-tête : « Les tests à l’aveugle nous offrent des surprises quant à l’expertise des œnologues. Mais ils nous en apprennent aussi beaucoup sur la façon dont se construit le goût, en mélangeant les données sensorielles et les représentations mentales ».

On comprend bien que cet article, bien au-delà du domaine de la seule œnologie, pose la question du goût esthétique en général et des déterminants de tout jugement esthétique. Le dernier paragraphe en particulier propose des considérations qui font écho à mon propre questionnement, par exemple le lundi 4 juin, sur ce qui serait de nature à expliquer pour quelles raisons tel morceau, tel album, tel interprète, tel compositeur, telle œuvre me procure plus ou moins de plaisir. Comment se forme cette impression, cette sensation, ce jugement spontané ?

Je cite quelques lignes de ce paragraphe : « La perception du vin constitue… un processus complexe où les différentes modalités sensorielles jouent un rôle lui-même déterminé ou orienté par les informations de diverses natures qui le précèdent ou s’associent à lui. Les informations relevant de l’étiquette – l’histoire, l’imaginaire, la poétique du lieu et des « auteurs » du vin, son identité, son ancienneté, ses connotations prestigieuses, socialement valorisantes – participent à cette expérience et l’orientent elles aussi ».

Ce texte apporte, si j’ose dire, de l’eau à mon moulin, et à mes propres analyses. Tout jugement esthétique immédiat, par exemple la conscience du plaisir que j’éprouve à l’écoute de tel morceau, est déjà un mixte de données sensorielles auditives et de représentations mentales, de notions et d’images. La sensation est déjà, en tant que telle, un phénomène culturel, si bien que la qualité de nos sensations est directement fonction de notre culture, même si elles ne s’y réduisent pas. Bien entendu, je parle de culture en acte et je n’identifie pas la culture avec un ensemble de connaissances plus ou moins académiques, apprises, répertoriées et mémorisées.

samedi, juin 02, 2007

lundi 4 juin

Notes pour servir à l’analyse de l’écoute d’un disque

- « Astor Piazzolla / Quatuor Caliente / Débora Russ ». 2007. Aeon / Harmonia Mundi. Enregistrement public, 28-29 juin 2006.

J’écoute donc le dernier opus du Quatuor Caliente, dont j’ai fait l’acquisition hier et que j’ai déjà écouté trois fois pour le découvrir. C’est un vrai plaisir. J’entends par vrai plaisir, un plaisir évident, immédiat, antérieur à toute réflexion. Je ne me demande pas si cette écoute me fait plaisir. Elle me fait plaisir. J’en suis conscient, d’une pensée ni réfléchie ni discursive. Cela me suffit. Mais, à partir de cette évidence expérientielle, et justement parce qu’elle n’implique aucune réflexion, aucun raisonnement, je voudrais essayer de faire fonctionner la formule d’analyse de l’écoute que j’ai commencé à mettre au point, en vue de mieux comprendre « ce qui se passe » dans une telle expérience vécue. Pour l’instant, je m’en tiens à des notes. Soit la formule de référence, qui essaie de formaliser les facteurs déterminant la qualité d'une écoute, c'est-à-dire le plaisir qu'on y prend :

E = f [(Su, P),(O,C,I),(M,Si)].A


- E : qualité de l’écoute [mon plaisir est mixte : retrouver le Quatuor Caliente, à la fois le même et autre. Le même parce que je reconnais le Quatuor, en particulier sur les instrumentaux. Le même parce que le répertoire est encore constitué d’œuvres emblématiques de Piazzolla. Autre parce que la présence de Débora Russ décentre l’album vers la voix, même si quatre titres restent instrumentaux. Autre par l’absence du vibraphoniste V. Maillard, qui donnait une couleur particulière au premier disque du Quatuor.]
- f : est fonction de…
- Su : le sujet-auditeur [cette écoute s’inscrit dans mon projet à long terme de me donner une culture de l’accordéon et du bandonéon, non pas par une démarche systématique, mais par un cheminement, en partie livré aux hasards, qui vise à inscrire toute nouvelle écoute dans un réseau de références personnelles, je veux dire non académiques. Mon écoute est double, voire triple : laisser advenir la musique dans sa présence immédiate, inscrire mes impressions dans un réseau d’autres disques par une sorte de jeu de comparaisons de moins en moins spontanées et de plus conceptuelles, focaliser mon attention sur le bandonéon]
- O : l’objet-œuvre [le disque se présente d’abord sous la forme d’un objet de très bonne facture, avec un livret donnant le texte des chansons et des informations sur les membres du Quatuor et sur Débora Russ. Ce disque fait série avec le premier et donc j’ai un a priori favorable qui découle de ces éléments visuels et informatifs]
- C : le compositeur [Piazzolla et, comme pour le premier disque, des œuvres emblématiques]
- I : l’interprète ou les interprètes [je les connais puisque les membres du Quatuor sont les mêmes. La présentation les situe comme des musiciens de formation classique, issus des grands conservatoires nationaux et lauréats de nombreux prix internationaux, et en particulier premier prix en 2004 du « Piazzolla Music Award » à Milan. Connaissant leur premier album, je sais ce que ces informations signifient quant à leur qualité. C’est un élément fondamental dans la construction de mes attentes]
- P : le projet d’écoute de l’auditeur [mon projet, que j’ai déjà évoqué ci-dessus chemin faisant, est double : à court terme, découvrir une interprétation, une lecture de Piazzolla, à la fois fidèle à l’esprit du Tango Nuevo et originale. A long terme situer ce disque dans un réseau culturel, disons le réseau du bandonéon et du tango]
- M : la chaine matérielle de l’enregistrement à la restitution. [la qualité de l’enregistrement est excellente ; ma chaine est une Denon de qualité moyenne, mais qui suffit à me satisfaire, même si parfois j’aurais envie d’augmenter le son et si je rêve d’enceintes haut de gamme… et d’une pièce dédiée à l’écoute de la musique]
- Si : situation, c’est-à-dire conditions spatiales et temporelles de l’écoute, son environnement [vautré sur un canapé confortable, les pieds sur le rebord d’une table basse dans un séjour assez vaste ou dans mon bureau, les pieds posés sur ma table de travail ; des tapis au sol ; une villa, ce qui permet une écoute à un niveau sonore élevé et à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit sans risque de gêner les voisins]
- A : climat affectif [la situation de retraité me laisse tout le loisir d’écouter ce que j’ai envie quand je veux, sans avoir à me soucier d’assurer mon existence matérielle et sans contraintes professionnelles. C’est ce que j’appellerais une tranquillité d’esprit. En revanche, mes parents sont âgés de 87 et 85 ans ; ma mère ne s’habitue pas à la maison de retraite où sa dépendance nous a contraints à la faire entrer et mon père, seul dans sa villa, somatise sa solitude. Suivant le terme technique utilisé par les maisons de retraite, cela constitue un fardeau qui, si j’ose dire, donne à la vie une tonalité particulière, plutôt sombre… C’est pourquoi l’écoute est comme une parenthèse, une bulle, un moment où le quotidien et ses impedimenta sont comme suspendus. L’écoute du Quatuor Caliente, ici et maintenant, c’est aussi la possibilité de vivre 54 :26 minutes ailleurs, dans un autre monde. Ce n’est certainement pas indifférent dans le plaisir que je prends à les écouter]

Cette « mise à plat » ne permet ni de provoquer l’impression de plaisir, ni de l’annuler, ce n’est d’ailleurs pas le but, mais elle me permet, me semble-t-il, de mieux en comprendre l’origine et, je le pense, dans le cas d’un échange avec un interlocuteur à propos d’un disque, d’un morceau ou d’un concert, de mieux situer les raisons des prises de positions et des jugements esthétiques. C'est un outil intellectuel de compréhension de soi et de communication.

dimanche 3 juin

Petite réflexion politique

Il est question d’un macro-ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables. Il est question que ce ministère soit organisé autour de quatre pôles opérationnels : transports et déplacements ; habitat, aménagement urbain et aménagement du territoire ; politiques énergétiques ; écologie dans ses problématiques traditionnelles : biodiversité, eau, pollution… Dont acte. Mais, à mon sens, il manque un pôle : l’éducation artistique et en particulier la formation à la pratique de l’accordéon. Pourquoi ? Pour une raison simple : lorsqu’on joue de l’accordéon, pour soi solo ou pour et avec des amis, on prend du plaisir et l’on passe beaucoup de temps sans consommer des marchandises, sauf peut-être une bière de temps en temps. En ce sens, on voit bien qu’une société est possible où l’on peut être heureux sans consommer, c’est-à-dire finalement détruire ce qui a été produit à grands coûts de matières premières, d’énergies non renouvelables et de travail contraint. Mais, il y a plus, pour pouvoir jouer de l’accordéon, il faut s’entrainer beaucoup et assidûment, ce qui représente encore beaucoup de temps qui échappe à la consommation de marchandises. Beaucoup de temps de travail, mais un travail librement consenti et non contraint, un travail en vue de son développement personnel et non de la production de dividendes pour des actionnaires lointains et anonymes. Bref, on pourrait peaufiner l’argumentation, mais en l’état elle me parait suffisante pour dire qu’un ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables, qui n’inclut pas la formation à l’accordéon, est un ministère incomplet. Et ce défaut me donne à penser que c’est le concept même de développement durable, avec sa nécessaire dimension artistique et esthétique, qui n’a pas été suffisamment analysé. Nos hommes politiques continuent à concevoir le bonheur en termes de produits consommés et de production, non en termes de création et de créativité partagée… Sans doute parce qu’eux-mêmes n’ont pas l’expérience de l’accordéon. Sans doute parce qu’ils sont formés pour gloser et disserter sur la liberté et l’égalité, mais qu’ils n’ont pas l’expérience de la fraternité, qui est l’apanage des joueurs d’accordéons et autres binious. Mais on peut toujours rêver d’une option « l’accordéon, sa vie, son œuvre » dans le cursus de l’école nationale d’administration.

vendredi, juin 01, 2007

samedi 2 juin

Trois "choses" sans rapport direct entre elles, dont je veux garder trace :

Il y a quelques jours, j’avais fait quelques commentaires sur les deux disques de Bruno Maurice, « Appassionata » et « Appassionata II ». Pour ne pas accumuler des renseignements avant de les écouter, je n’avais volontairement pas visionné la vidéo qui se trouve incluse dans le deuxième album. Je viens de le faire aujourd’hui. C’est un film de 14 minutes, une interview entre les deux disques, où Bruno Maurice esquisse son parcours de formation, où il explicite ses intentions à propos de « Appassionata » et ses projets à propos de « Appassionata II », où on le voit jouer sur le lieu de l’enregistrement et où il parle techniquement et passionnément de son instrument. C’est un document très intéressant au plan informatif. On y apprend beaucoup sur la personnalité et sur le projet artistique de Bruno Maurice. Son site : http://appassionata.free.fr/

D’autre part, sur le site de Sylvie Jamet, on trouve, à la date du 31 mai, un véritable feu d’artifice de vidéos d’accordéonistes. Je n’en connaissais aucun. Souvent, c’est d’un très bon niveau. Pourquoi parler de feu d’artifice ? Parce que chaque vidéo ouvre par le biais des tags associés sur d’autres vidéos qui, à leur tour, etc… C’est comme une arborescence où chaque vidéo serait comme une branche d’où partent plusieurs rameaux, chaque rameau étant lui-même à l’origine de plusieurs autres, etc… C’est vivant, d’où l’idée d’arborescence ; c’est explosif, d’où l’idée de feu d’artifice.

http://sylviejamet.over-blog.com/0-archive-05-31-2007.html

Enfin, en soirée, nous sommes allés faire quelques achats à l’espace culturel de l’hypermarché Leclerc. Françoise voulait renouveler son stock de polars ; pour ma part, je n’avais pas de désir précis. En furetant dans les rayons, je parcours un peu distraitement les disques de Piazzolla, quand mon regard est attiré par un cd que je n’attendais pas vraiment, mais que j’espérais, le nouvel album du Quatuor Caliente :

- « Astor Piazzolla / Quatuor Caliente / Débora Russ », 2007, Aeon / Harmonia Mundi.

J’avais beaucoup apprécié le premier :

- « Astor Piazzolla / Libertango / Quatuor Caliente »,
2004, Aeon / Harmonia Mundi

Depuis déjà avant sa sortie, ils n’ont pas arrêté d’accumuler des prix et autres signes de reconnaissance. Le Quatuor Caliente est composé de quatre musiciens : G. Hodeau, bandonéon, C. Lorel, piano, M. Berrier, violon et N. Marty, contrebasse. Pour le premier, le vibraphoniste V. Maillard se joignait à eux. Pour celui-ci, la chanteuse argentine Débora Russ intervient sur sept des onze titres. L’enregistrement a été réalisé en direct les 28 et 29 juin 2006.

Dès notre arrivée à la maison, la galette dans le lecteur. Notre première impression correspond à nos attentes. Rigueur, fidélité à l’esprit du Nuevo Tango, « lisibilité », cette dernière qualité n’étant pas toujours présente dans les prestations des orchestres de tango. Bref, une bonne surprise et la promesse de plaisirs à venir. J’ajoute que les titres sont tous des classiques de Piazzolla, ce qui permet d’autant mieux de comparer les interprétations du Quatuor Caliente à d’autres du maître lui-même. Par exemple, « Balada para un loco », « Vuelvo al sur », « Balada para mi muerte », « Che… Tango Che ! » (en français argotique), entre autres.

vendredi 1er juin

A la suite de l’échange avec Sylvie Jamet auquel je faisais allusion hier, il m’a semblé utile de revenir à une réflexion que j’avais entamée le 27 janvier et reprise pour l’approfondir le 16 février, où j’écrivais ceci :

« En réfléchissant, il y a quelques jours, aux facteurs capables de rendre compte du plaisir que l’on peut prendre à l’écoute musicale, j’avais essayé d’analyser les facteurs en jeu dans l’attitude d’écoute et par conséquent de formaliser les paramètres qui en déterminent la qualité, qui se manifeste par une sensation de plus ou moins grand plaisir ».

En l’occurrence et malgré les apparences, ce travail de formalisation n’a pas une visée théorique ou conceptuelle ; je ne l’ai pas fait pour le plaisir un peu vain de mettre une expérience esthétique en formule abstraite. Je n’avais pas assez explicité mon intention sur ce point. Ce travail a tout au contraire une double visée pratique : d’une part, permettre à chacun de pouvoir réfléchir à sa propre expérience de plaisir (ou non) en disposant d’un cadre pour en prendre conscience, pour mieux comprendre les raisons des sensations qu’il éprouve. Ce retour, cette mise à distance, n’est pas indispensable, mais c’est un outil intellectuel pour mieux se comprendre. Une manière de répondre à l’injonction socratique : « Connais-toi toi-même ». D’autre part, en cas de divergences de vue ou de désaccords sur la qualité du plaisir ressenti, le recours à la formule peut être un moyen d’analyser celles-ci et de mieux se comprendre : soi-même et entre soi. En ce sens, c’est un outil de communication, au sens de mise en commun et non au sens galvaudé que véhiculent les medias, la publicité ou la politique, c’est-à-dire une technique de manipulation et d’influence.

Continuons… Et pour cela, j’ai repris chacun des facteurs de la formalisation ci-dessous pour essayer, entre crochets, d’en donner le contenu, les éléments dégagés par l’analyse… Evidemment, la formule devient plus complexe, mais c’est inévitable pour être au plus près de l’expérience personnelle, si l’on veut la penser sans la simplifier.

« Si l’on essaie de dresser la liste des facteurs en interactions dans l’attitude d’écoute, il me semble que l’analyse conduit à dégager les éléments suivants :

- E : qualité de l’écoute [en termes de degré de plaisir éprouvé]
- f : est fonction de…
- Su : le sujet-auditeur [son histoire personnelle, sa position sociologique, son caractère, ses intérêts, sa culture, sa pratique instrumentale]
- O : l’objet-œuvre [ses caractéristiques formelles, son style, son type, ses caractéristiques spatio-temporelles]
- C : le compositeur [ses caractéristiques biographiques, sa notoriété, ses références]
- I : l’interprète ou les interprètes [caractéristiques biographiques, notoriété, références, style]
- P : le projet d’écoute de l’auditeur [ce que l’on peut traduire par la double question : «quels sont ses apriori ? quelles sont ses attentes ?»]
- M : la chaine matérielle de l’enregistrement à la restitution
- Si : situation, c’est-à-dire conditions spatiales et temporelles de l’écoute, son environnement
- A : climat affectif [suivant une expression ancienne : «l’état d’âme ». Ce facteur, qui correspond en fait à notre relation au monde et à notre propre existence à un moment donné, au moment de l’écoute, est certainement déterminant, alors même qu'il est peut-être le moins conscient. C’est pourquoi il apparaît en facteur commun dans la formule]

Si maintenant on essaie de formaliser cette attitude, je pense qu’en première approximation et sous réserve du travail critique, qui reste à faire, on peut écrire la formule suivante :

E = f [(Su, P),(O,C,I),(M,Si)].A

A suivre…