En réfléchissant, il y a quelques jours, aux facteurs capables de rendre compte du plaisir que l’on peut prendre à l’écoute musicale, j’avais essayé d’analyser les facteurs en jeu dans l’attitude d’écoute et par conséquent de formaliser les paramètres qui en déterminent la qualité, qui se manifeste par une sensation de plus ou moins grand plaisir.
-Samedi 27 janvier. « Si l’on essaie maintenant de dresser la liste des facteurs en interactions dans l’attitude d’écoute, il me semble que l’analyse conduit donc à dégager les éléments suivants :
- E : qualité de l’écoute
- f : fonction de…
- Su : le sujet –auditeur
- O : l’objet – œuvre
- C : le compositeur
- I : l’interprète ou les interprètes
- P : le projet d’écoute de l’auditeur
- M : la chaine matérielle de l’enregistrement à la restitution
- Si : situation, c’est-à-dire conditions spatiales et temporelles de l’écoute
- A : climat affectif
Si maintenant on essaie de formaliser cette attitude, je pense qu’en première approximation et sous réserve du travail critique, qui reste à faire, on peut écrire la formule suivante :
E = f [(Su, P),(O,C,I),(M,Si)].A
Cette formule a, me semble-t-il, un double intérêt : d’un point de vue théorique, elle met en évidence la complexité de l’attitude d’écoute, le jeu de relations nécessaires à sa (bonne) réalisation ; d’un point de vue pratique, elle nous alerte sur les éléments que nous devons nous efforcer de contrôler si l’on veut que cette attitude nous permette d’atteindre le plaisir que l’on recherche. On n’écoute pas n’importe quoi, n’importe comment, n’importe où, dans n’importe quel état d’esprit, etc… si l’on a des visées esthétiques et pas seulement de consommation. Dit d’une autre façon, cela signifie aussi que l’expérience de la beauté ne se réalise pas sans conditions. Conditions qu’il nous appartient d’aménager. Conditions qui sont de notre responsabilité d’auditeur. Ce qui suffit à monter à quel point l’écoute est une véritable action créatrice et pas seulement un comportement de pure et simple réception ».
Après examen critique de cette formule, je ne vois pas d’autre élément à ajouter. En revanche, il me semble qu’il serait utile d'en approfondir quelques uns. Par exemple, le
sujet pourrait être spécifié quant à son histoire et sa situation sociale, sa culture, sa pratique (ou non) musicale ;
l’œuvre pourrait être spécifiée quant à ses qualités formelles, son type, son style, son histoire ; de même
le compositeur et
l’interprète (singulier ou collectif) devraient sans doute eux aussi être caractérisés…
Tout cela exige encore beaucoup d’approfondissements. Néanmoins, en l’état, cette formule me semble avoir pour intérêt de relativiser les conditions du plaisir lié à l’écoute musicale. Elle montre en effet que celui-ci dépend des interactions entre les différents facteurs en jeu et de la cohérence de ces interactions, non d’une seule catégorie de facteurs qui seraient déterminants en tant que tels. Il en découle donc une définition relativiste du plaisir de l’écoute musicale. Ainsi l’analyse esthétique formelle fonde une attitude relativiste et donc tolérante au plan moral. Elle interdit en effet par exemple de décréter que telles œuvres ou tels styles ou telles interprétations doivent être en soi et
a priori sources de plaisir ou non. Ce résultat n’est pas insignifiant, car j’ai pu observer assez souvent des attitudes contraires, c’est-à-dire capables de décréter
a priori que ceci est beau et cela non, que ceci est source d’un plaisir légitime et de bon aloi, et que cela ne peut être source que d’un plaisir frelaté, voire vulgaire. Tout cela n’est pas sans rapport avec la reconnaissance à laquelle peut prétendre l’accordéon dans le monde musical ; ce n’est pas sans rapport non plus, à l’intérieur du monde de l’accordéon, avec la question de la coexistence et de la reconnaissance réciproque des différents styles qui le constituent.
A suivre…
……Retour sur trois faits notables de mercredi après-midi :
1. chaque jour, depuis quelques semaines, je cherche à savoir si le festival de
Trentels a ouvert son site pour mai 2007… Cet après-midi, vers 14h30, heureuse surprise, le site est ouvert et même si le prix des places n’est pas fixé, le formulaire de réservation est prêt à fonctionner. Ce site est tout à fait agréable à consulter et je le trouve fort bien fait, particulièrement riche d’informations sur les artistes. Il en émane quelque chose de très sympathique, en quelque sorte l’impression d’avoir affaire à un bénévolat professionnel. Le programme est tout à fait excitant. Tous les concerts ont lieu en soirée (ouverture à 19 heures) :
-
Karin Küstner dans une église le 17 mai
- René Sopa puis Motion Trio le 18 mai
- Trio PSP puis René Lacaille le 19 mai
- Concert de clôture le 20 mai.
Rappel de l’adresse du site :
http://accordeon.catfamilie.com/index.html2. ce même jour, vers 17h45, je tombe littéralement sur une interview de Richard Galliano dans le
« journal de la culture » sur
I-Télé. Egal à lui-même ; toujours aussi passionné / passionnant. Il présente
« Luz Negra » et explique comment lui est venu le désir de faire ce disque, ce désir procédant de forces profondes et de circonstances favorables. Il raconte comment l’écoute de Bach a pu l’inspirer et comment la formation a trouvé son équilibre quand le piano, qui ne s’accordait pas avec les percussions, a été remplacé par la contrebasse de Philippe Aerts. A cette occasion, on voit un extrait du concert de Marciac. Peut-être est-il tiré du DVD à venir,
« Live in Marciac », dont la sortie est annoncée pour le 5 mars ? L’interviewer est en sympathie avec Galliano, mais il ne me semble pas bien connaître son sujet et, à en juger par l’enthousiasme de celui-ci, il me semble qu’il y aurait eu matière à bien d’autres réflexions sur l’accordéon et sur la composition. Mais ne boudons pas notre plaisir.
3. à l’occasion de cette présentation de
« Luz Negra », le journaliste annonce la sortie d’un autre album de Richard Galliano,
« Solo » et, associé à ce disque, j’entends le nom de Dreyfus. Perplexité ! La couverture, noire et verte, ne ressemble en rien à celle du disque édité par Milan sous le même nom, disque qui est en fait une réédition de
« Ballet Tango ». Alors quoi ?
« Solo » est le nouveau nom de
« Ballet Tango » et ce nouveau
« Solo », c’est quoi ? En fait, renseignement pris sur Alapage, je découvre que ce disque est la réédition du concert d’Orvieto, enregistré le 31 décembre 1998. Il existait déjà comme l’un des trois albums constituant le coffret des
« Concerts inédits », qui se déclinait en
« Solo », « Duo » et
« Trio ». Il devrait être disponible dans quelques jours. Je dois dire que, nonobstant mon admiration pour Richard Galliano, tout ça fait un peu désordre. Je récapitule : un disque,
« Solo », qui est une réédition presque à l’identique d’un disque qui existait sous un autre nom ; ce disque est édité chez Milan, comme l’original. Un autre disque,
« Solo », qui est la réédition à part d’un album d’abord publié avec deux autres sous le titre
« Concerts inédits ». Ce solo-là est édité par Dreyfus. Il faut s’y retrouver…
Je n’ai aucun goût pour les problèmes commerciaux, mais, voyez-vous, mon cher Watson, j’ai le sentiment qu’il y a ici des intérêts financiers en jeu, des conflits de droits et de contrats, et peut-être même quelques règlements de comptes.
« Solo » contre
« Solo », ce n’est pas le fait du hasard, ça sent la préméditation et les arrières pensées… A suivre.