Juan-José Mosalini… voila un compositeur, arrangeur, chef d’orchestre, interprète qui m’impressionne et me fascine. Il m’impressionne par la rigueur et par l’ampleur de sa musique ; il me fascine parce que je trouve cette musique difficile, exigeante, parfois aride, mais en même temps je sens bien qu’en la comprenant mieux je m’ouvrirais des horizons qui me sont encore étrangers.
J’ai un souvenir très précis du moment et du lieu où je l’ai rencontré. Un jour, à la Fnac, un disque attire mon regard :
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Michel Portal, Musiques de cinémas déjouées avec des amis jazzmen », Label bleu, 1995.
Le concept, comme on dit aujourd’hui, m’intéresse. A l’intérieur, un titre m’attire :
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Docteur Petiot (4 :45), arrangements Leonardo Sanchez, Juan-José Mosalini et son grand orchestre de tango, Michel Portal, clarinette basse.
Commentaire de Michel Portal : « Sur le tango, il faut absolument cette assurance, cette détermination, ça ne rigole pas. L’orchestre est si fortement constitué que l’on peut se glisser dedans, insérer une impro de clarinette basse ». Tout est dit et j’en reste fortement marqué. Détermination ; rigueur ; grand orchestre ; le tango, ça ne rigole pas.
Après avoir écouté
Docteur Petiot, je veux en savoir un peu plus sur Mosalini… Petit aller-retour jusqu’à Tarbes, boutique «
Harmonia Mundi ». Paradoxalement, alors que je voulais explorer la piste « grand orchestre », après discussion avec le responsable du magasin, mon choix s’arrête sur deux disques où Mosalini joue en duo et en quintet.
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Mosalini-Gieco en concert (aller-retour) », récital du baroque européen à la musique du Rio de la Plata, Label bleu Indigo, 2001. Enregistrement du concert du 26 avril 1994.
Ce disque, flûte et bandonéon, m’intéresse, mais son écoute est difficile pour moi et je sens bien que mon manque de culture musicale m’interdit encore d’en tirer tout le plaisir qu’il recèle.
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Mosalini / Agri Quintet », Label bleu, 1996.
Je sens bien qu’il y a là un style et une virtuosité de haut vol. A l’occasion, je vérifie cette idée que les plus fidèles à une tradition sont les créateurs qui, nourris d’une culture sans failles, prennent le risque d’innover. Mais je reste encore impressionné par cette culture et par cette virtuosité des membres du quintet : Mosalini, bandonéon, Antonio Agri, violon, Osvaldo Calo, piano, Leonardo Sanchez, guitare, Roberto Tormo, contrebasse.
Au gré de mes humeurs, j’y reviens parfois, toujours avec ce même sentiment que quelque chose m’échappe…
Un autre jour, en parcourant les rayons de la Fnac, la couverture d’un disque me fait signe :
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Bordoneo Y 900 », Juan-José Mosalini et son grand orchestre de Tango, Label bleu Indigo, 1994.
Je retrouve, à son écoute, la justesse du commentaire de Michel Portal, et j’entre de mieux en mieux dans le son de l’orchestre, car son architecture me plait maintenant. J’imagine assez bien que la solennité de cet orchestre l’inscrit dans la tradition des grands orchestres typiques de Buenos-Aires.
Mercredi 15 mars, après un détour inutile par Virgin, nous allons voir les ressources de la boutique «
Harmonia Mundi » de Toulouse, à deux pas du Capitole… Je cherche « quelque chose qui soit de l’accordéon ou du bandonéon ». On parle du disque d’Astor Piazzolla, «
Adios Nonino, Hommage à Liège », Le Chant du Monde, 2005. De fil en aiguille, le responsable en vient à nous conseiller le disque suivant :
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Conciertos para Bandoneon Y Guitarra » , Juan-José Mosalini, Leonardo Sanchez, l’ENSEMBLE, orchestre de basse-normandie, direction Dominique Debart, Label bleu Indigo Tango, 1998.
Je ne sais pourquoi, mais d’emblée j’apprécie tout particulièrement trois titres :
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Bordoneo y 900 d’Osvaldo Ruggero
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Milonga del Angel de Piazzolla
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Tango in
Hommage à Liège de Piazzolla
Le vendredi 17, après avoir fait des courses alimentaires à l’hypermarché Leclerc, petit détour par l’espace culturel, « Le Parvis ». Je flâne… Rayon « Argentine »… Comme par hasard - hasard objectif diraient les surréalistes ! - un disque marqué à prix réduit est là, qui m’attend :
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Ciudad Triste », Juan-José Mosalini et son grand orchestre de Tango, Label bleu Indigo, 2001.
Sans savoir pourquoi, à moins de faire l’hypothèse d’un apprentissage inconscient, j’apprécie tout particulièrement plusieurs titres avec l’impression, si je puis dire, de m’y reconnaître… de retrouver immédiatement quelque chose qui m’est devenu familier :
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Seleccion de Tangos de Julio de Caro-
Ciudad Triste
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Balada para mi Muerte
- Seleccion de Milongas
- Patio moi
- Romance de Barrio
- Tres Minutos con la RealidadIl reste à laisser décanter ces impressions pendant quelque temps et à reprendre la dégustation à son origine. A propos de dégustation, je vois en effet une analogie entre cet apprentissage et celui du vin. Au début, il est fréquent d’être désorienté par une première écoute ou un premier contact avec un vin inconnu, mais avec du temps et de la constance on finit par découvrir des mondes de plaisirs insoupçonnés par une sorte d’apprentissage culturel par imprégnation. Quelque chose a changé dans notre perception du monde. Quand ? Comment ? On n’en sait rien. Reste cette évidence esthétique : on a changé et donc appris quelque chose…
Bon ! C’est pas tout ça… On a une petite faim, il faut penser à casser une croûte. Direction : «
Au petit bouchon », un coin sympathique et assez goûteux tenu par des Lyonnais immigrés dans le Sud-Ouest. Tables de bistrot, marbre blanc veiné de gris, pieds contournés peints en noir, chaises recouvertes de cuir rouge, miroirs dans des cadres bordeaux, murs granités blancs, couvert impeccable ; la nappe et les serviettes sentent le linge fraîchement repassé…
- neuf fines de claires avec un verre de Jurançon sec,
- une entrecôte (250 gr) marchand de vin avec son accompagnement de légumes du marché,
- une assiette de fromages du pays,
- une glace cardamome,
- un café du Costa-Rica,
- un verre de Madiran, domaine Berthoumieu (on ne sort pas des références à l’accordéon)…
Sans être au régime, il faut savoir rester sobre et frugal, tendance
Slow Food ! L’accordéon sera épicurien ou ne sera pas !